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esoins ou de s’organiser de manière efficace<br />
pour exiger de meilleures prestations 10 . Ce qui<br />
est vrai pour les pauvres l’est aussi pour de<br />
nombreuses femmes, bien qu’il y ait, comme<br />
nous le verrons, des modalités sexospécifiques<br />
particulières qui font que les femmes, et<br />
en particulier les femmes pauvres, ne peuvent<br />
pas bénéficier des services publics.<br />
Limitations de l’accès aux services<br />
L’éloignement physique est un facteur clé<br />
dont dépend l’accessibilité des services pour<br />
les femmes. C’est ainsi, par exemple, qu’à<br />
Mpwapwa, dans l’est de la Tanzanie, pour les<br />
femmes qui accouchent, l’hôpital le plus proche<br />
est à 58 kilomètres de distance et qu’il n’y<br />
a pas de soins obstétricaux d’urgence disponibles<br />
localement. Si elles vivent à proximité<br />
d’une grande route, elles peuvent prendre un<br />
autocar ou louer une bicyclette pour 200 shillings<br />
(0,20 dollars EU), mais toutes n’ont pas<br />
les moyens de le faire. Certaines femmes font<br />
tout le trajet sur une civière. Selon un agent<br />
sanitaire, « Beaucoup ne peuvent pas payer<br />
les frais de transport, alors elles vendent leurs<br />
aliments, empruntent, se servent d’herbes ou<br />
attendent tout simplement la mort » 11 . Dans<br />
de nombreuses localités rurales telles que<br />
Mpwapwa, il n’y a pas de soins d’obstétrique<br />
d’urgence, faute d’argent pour acheter le matériel,<br />
d’électricité pour l’alimenter et de médecins<br />
pour l’utiliser 12 .<br />
On invoque couramment les « valeurs culturelles<br />
» pour expliquer pour les femmes et les<br />
filles ne se rendent pas dans les écoles ou les<br />
dispensaires éloignés de leur domicile 13 . La<br />
réalité est souvent plus banale : les frais de<br />
transport, le temps nécessaire, et la peur et<br />
l’insécurité associées aux déplacements pèsent<br />
souvent plus lourd dans la balance que les<br />
avantages que procurent les services. Une étude<br />
réalisé dans la ville de Zomba (Malawi), par<br />
exemple, a constaté que les filles étaient prises<br />
en chasse par des chiens, des hommes et des<br />
garçons et craignaient d’être violées sur le chemin<br />
de l’école, distante de quatre kilomètres 14 .<br />
Certains des succès enregistrés dans l’amélioration<br />
de l’accès à l’éducation et à la santé<br />
dans les années 1990 sont attribuable à la reconnaissance<br />
de la part des organismes d’aide<br />
et des administrations du fait que les femmes<br />
et les filles peuvent généralement recourir plus<br />
pleinement aux services lorsque ceux-ci sont<br />
dispensés près de leur domicile 15 .<br />
L’accès limité des femmes à la terre et l’insécurité<br />
de leurs droits de propriété opposent<br />
des obstacles significatifs à l’accès aux services<br />
agricoles, notamment au crédit, qui exige<br />
que des bénéficiaires la présentation de titres<br />
de propriété en bonne et due forme 16 . En Amérique<br />
latine, une enquête portant sur cinq pays<br />
a révélé que les femmes ne représentaient que<br />
de 11 à 27 % des propriétaires terriens 17 . En<br />
Ouganda, les femmes produisent la majorité<br />
des denrées agricoles mais ne possèdent que<br />
5 % cent des terres, et leurs droits de propriété<br />
sont très précaires 18 . La faiblesse des droits de<br />
propriété est également l’une des raisons qui<br />
font que les agricultrices du Ghana pratiquent<br />
généralement l’agriculture de subsistance plutôt<br />
que des cultures commerciales rapportant<br />
davantage, telle que la culture des ananas,<br />
comme le font leurs homologues masculins 19 .<br />
Dans les pays qui ouvrent leurs marchés, où les<br />
agriculteurs sont encouragés à faire reconnaître<br />
officiellement leurs droits de propriété afin<br />
de permettre des investissements productifs à<br />
long terme, les femmes propriétaires terriennes,<br />
déjà bien moins nombreuses que les hommes,<br />
éprouvent de grandes difficultés à obtenir les<br />
titres de propriété des terres qu’elles travaillent<br />
selon le régime foncier traditionnel.<br />
Les personnels administratifs peuvent aussi<br />
attendre de leurs clients et clientes qu’ils sachent<br />
lire et écrire, qu’ils connaissent la langue<br />
nationale officielle (plutôt que la langue vernaculaire<br />
ou les dialectes locaux) et qu’ils se<br />
comportent selon les règles et l’étiquette officielles<br />
dans leurs rapports avec l’administration<br />
20 . Les conditions fondamentales d’accès<br />
aux services peuvent reposer sur l’hypothèse<br />
que le demandeur est de sexe masculin,<br />
alphabétisé, a un emploi ou est propriétaire<br />
terrien. Les préjugés sexistes au niveau de<br />
la conception des services et des prestations<br />
se doublent souvent de préjugés fondés sur<br />
la classe sociale et sur l’âge, comme il est<br />
exposé dans l’encadré 3B.<br />
Ignorance des sexospécificités dans<br />
les services et discrimination dans les<br />
dépenses publiques<br />
Les services sont souvent conçus et fournis<br />
dans une optique masculine, ce qui renforce la<br />
sujétion des femmes aux hommes et limite les<br />
possibilités que ces services devraient offrir<br />
aux femmes. Ces partis pris et préjugés sexistes<br />
ne sont pas toujours évidents. On connaît<br />
l’exemple des services de vulgarisation agricoles,<br />
conçus pour éduquer et appuyer les<br />
agriculteurs, qui ciblent presque exclusivement<br />
les hommes en dépit du pourcentage<br />
élevé d’agricultrices dans de nombreuses<br />
régions du globe. Des recherches menées au<br />
Chapitre 3 : Services 41