No 134, février-mars - Ministère de l'Ãducation, du Loisir et du Sport ...
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l’abandon, celui <strong>de</strong> la gran<strong>de</strong> proportion<br />
<strong>de</strong> jeunes qui n’obtiennent<br />
pas leur diplôme d’étu<strong>de</strong>s secondaires.<br />
La réforme actuelle, englobant<br />
le primaire, ose toucher la<br />
structure même <strong>de</strong> la progression.<br />
Depuis les années 60, nous nous<br />
étions laissé fasciner par une sorte<br />
<strong>de</strong> fétichisme <strong>du</strong> niveau <strong>de</strong> progression.<br />
Il s’est trouvé <strong>de</strong>s élèves <strong>de</strong><br />
première année dont, dès après<br />
<strong>de</strong>ux mois <strong>de</strong> contact, le professeur<br />
déclarait : « Celui-là, il est qualifiable,<br />
aux fins d’orthopédagogie,<br />
<strong>de</strong> <strong>de</strong>ux ans <strong>de</strong> r<strong>et</strong>ard. » Il est<br />
<strong>de</strong>venu évi<strong>de</strong>nt que le traitement<br />
<strong>de</strong>s difficultés scolaires, que ce soit<br />
par le ralentissement, le redoublement<br />
ou la séparation d’un an <strong>et</strong><br />
souvent <strong>de</strong>ux d’un élève d’avec sa<br />
classe d’âge, con<strong>du</strong>it presque<br />
fatalement à l’abandon à l’âge où<br />
les autres quittent le secondaire<br />
parce qu’ils y ont terminé leurs<br />
étu<strong>de</strong>s. La majorité <strong>de</strong>s pays<br />
européens nordiques (l’Angl<strong>et</strong>erre<br />
<strong>et</strong> les pays scandinaves en particulier)<br />
font à l’inverse le pari suivant :<br />
ce sera plus profitable pour un<br />
élève, même faible, <strong>de</strong> suivre en<br />
progression son groupe d’âge<br />
jusqu’à la neuvième, ou dixième,<br />
parfois la onzième année incluse<br />
(c’est le cas en Angl<strong>et</strong>erre), que <strong>de</strong><br />
lui faire faire <strong>du</strong> surplace en répétant<br />
une année une fois ou <strong>de</strong>ux…<br />
Il y a aussi quelque chose <strong>de</strong> ce pari<br />
dans la restructuration actuelle <strong>du</strong><br />
curriculum <strong>et</strong>, dans ce contexte<br />
précis, on entend un appel pédagogique,<br />
l’appel à une pédagogie<br />
moins uniforme, plus différenciée.<br />
Des racines <strong>et</strong> <strong>de</strong>s ailes…<br />
Pour le primaire comme pour le<br />
secondaire, la réforme a <strong>de</strong> fortes<br />
racines. Elle fait converger <strong>de</strong>s continuités<br />
: sens évolué <strong>de</strong> la profession<br />
enseignante; reconnaissance<br />
<strong>de</strong>s dynamiques locales; dédouanement<br />
d’une é<strong>du</strong>cation politique<br />
libre d’endoctrinement; mûrissement<br />
<strong>de</strong> didactiques relevant d’une<br />
pédagogie active accordée au travail<br />
intellectuel <strong>de</strong>s enfants puis <strong>de</strong>s<br />
adolescents <strong>et</strong> adolescentes à la<br />
hauteur <strong>de</strong> leur potentiel. Cependant,<br />
c<strong>et</strong>te réforme a aussi <strong>de</strong>s ailes.<br />
La métaphore végétale <strong>de</strong>s racines<br />
ne tra<strong>du</strong>it qu’une part <strong>du</strong> sens <strong>de</strong> la<br />
réforme. En écoutant Saint-John<br />
Perse, l’autre part se laisse <strong>de</strong>viner :<br />
«L’oiseau, <strong>de</strong> tous nos consanguins<br />
le plus ar<strong>de</strong>nt à vivre […] Oiseaux,<br />
lances levées à toutes frontières <strong>de</strong><br />
l’homme! […] Ils passent, nous<br />
laissant, nous ne sommes plus les<br />
mêmes. Ils sont l’espace traversé<br />
d’une seule pensée […] Ils gar<strong>de</strong>nt<br />
parmi nous quelque chose <strong>du</strong><br />
songe <strong>de</strong> la création. » Si elle a <strong>de</strong>s<br />
racines, la réforme a également<br />
<strong>de</strong>s ailes, en ce qu’elle ose <strong>de</strong>s<br />
coups <strong>de</strong> barre : elle rapatrie d’anciennes<br />
composantes <strong>de</strong> formation<br />
personnelle <strong>et</strong> <strong>de</strong> formation sociale<br />
jusqu’ici placées en parallèle; elle<br />
restaure une contribution plus réaliste<br />
à l’exploration <strong>et</strong> à l’orientation;<br />
elle adm<strong>et</strong> une diversité dans<br />
les progressions à ne pas traiter<br />
suivant un rêve d’uniformité <strong>et</strong><br />
d’homogénéité. Enfin, elle confine<br />
moins la valeur même <strong>de</strong>s étu<strong>de</strong>s<br />
secondaires dans l’utilitaire <strong>et</strong> l’instrumental<br />
<strong>et</strong> elle affirme mieux le<br />
sens d’une médiation culturelle<br />
portée par la pal<strong>et</strong>te <strong>de</strong>s disciplines<br />
<strong>du</strong> curriculum. Peut-on lui souhaiter<br />
autre chose que longue vie <strong>et</strong><br />
vaste fécondité?<br />
M. Arthur Marsolais est membre<br />
<strong>du</strong> comité <strong>de</strong> rédaction.<br />
impressions<br />
L<br />
Le syndrome <strong>de</strong> la réponse<br />
par Stéphane Côté<br />
Lors <strong>de</strong>s fins d’étape que vivent<br />
nos élèves, il nous arrive parfois,<br />
en tant que pédagogues,<br />
<strong>de</strong> nous questionner sur la valeur<br />
ou l’utilité <strong>de</strong>s évaluations. Certains<br />
diront qu’une évaluation n’est qu’un<br />
portrait temporaire sans conséquence<br />
réelle, alors que <strong>de</strong>s établissements<br />
y accor<strong>de</strong>ront une<br />
importance capitale <strong>et</strong> baseront<br />
même sur c<strong>et</strong> aspect <strong>de</strong>s décisions<br />
qui modifieront, avec certitu<strong>de</strong>, le<br />
cours <strong>de</strong> la vie <strong>de</strong>s jeunes.<br />
Pour sa part, William Glasser, psychologue<br />
américain qui a élaboré la<br />
théorie <strong>de</strong> la réalité, a mis en application<br />
<strong>de</strong>s métho<strong>de</strong>s différentes d’enseignement,<br />
allant même jusqu’à<br />
enlever les évaluations <strong>du</strong> curriculum<br />
<strong>de</strong> certains établissements scolaires.<br />
Des résultats tantôt prodigieux,<br />
tantôt catastrophiques, ont été<br />
observés, ce qui alourdit ainsi les<br />
possibilités <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te approche ou,<br />
au contraire, ne rend pas c<strong>et</strong>te solution<br />
suffisamment soli<strong>de</strong> pour l’intégrer<br />
aux fondations <strong>de</strong>s autres<br />
établissements. Plusieurs préfèrent<br />
la critiquer plutôt que <strong>de</strong> l’essayer.<br />
Personnellement, je serais d’accord<br />
pour l’expérimenter au primaire, à<br />
la condition qu’au secondaire on<br />
emboîte le pas. Ce que je veux avant<br />
tout, c’est outiller mes élèves <strong>du</strong><br />
primaire pour leur perm<strong>et</strong>tre <strong>de</strong><br />
vivre le maximum <strong>de</strong> succès dans<br />
leur présent <strong>et</strong> leur futur, <strong>et</strong> non les<br />
handicaper en créant une « réalité »<br />
exempte <strong>de</strong> continuité.<br />
Il n’en <strong>de</strong>meure pas moins que<br />
j’observe souvent, dans les exercices<br />
<strong>de</strong> mathématiques ou <strong>de</strong> lecture<br />
ou même dans mes proj<strong>et</strong>s,<br />
qu’une majorité d’élèves ne cherchent<br />
pas nécessairement à comprendre :<br />
ils veulent savoir quoi écrire sur<br />
la ligne, un point c’est tout. Quand<br />
un jeune vient à mon pupitre <strong>et</strong> me<br />
pose une question, j’entends sou-<br />
vent une interrogation <strong>de</strong> second<br />
niveau : « Qu’est-ce qui va là? » plutôt<br />
que « J’aimerais comprendre. »<br />
En réalisant ce manque d’engagement<br />
dans les apprentissages <strong>de</strong><br />
mes élèves, je me suis mis à écrire<br />
<strong>de</strong>s proj<strong>et</strong>s, pour donner un sens,<br />
une valeur à « ce qui se trouve sur<br />
ces lignes », pour court-circuiter ce<br />
manque indéniable d’engagement<br />
personnel. Ainsi, je me suis lancé<br />
dans la rédaction <strong>de</strong> nombreux<br />
proj<strong>et</strong>s intégrateurs… pour obtenir<br />
sensiblement le même résultat! La<br />
différence est que, dans un exercice<br />
normal, l’élève veut se débarrasser<br />
<strong>du</strong> remplissage <strong>de</strong> lignes pour ne<br />
rien faire par la suite, alors qu’à<br />
l’intérieur <strong>de</strong> mes proj<strong>et</strong>s stimulants,<br />
il veut s’en débarrasser afin<br />
<strong>de</strong> pouvoir accé<strong>de</strong>r à l’étape suivante!<br />
Belle évolution!<br />
Remarquant ce mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> fonctionnement,<br />
j’ai amélioré les exercices<br />
<strong>de</strong> compréhension (synonyme<br />
d’évaluation sans la connotation<br />
négative) en les rendant un peu<br />
plus poussés, en restreignant le<br />
nombre <strong>de</strong> questions, tout en<br />
faisant réaliser à l’élève l’importance<br />
<strong>de</strong> chacune pour bien évoluer<br />
à travers les proj<strong>et</strong>s. Einstein disait :<br />
« Il faut simplifier, sans <strong>de</strong>venir simpliste<br />
pour autant. » C’est ce à quoi<br />
je travaille <strong>et</strong> voici comment je m’y<br />
prends.<br />
Dans le proj<strong>et</strong> cinématographique<br />
mu<strong>et</strong> soumis à ma classe en janvier<br />
2004, proj<strong>et</strong> toujours en cours, mes<br />
élèves <strong>de</strong> sixième année <strong>de</strong>vaient<br />
lire l’une <strong>de</strong>s cinq légen<strong>de</strong>s québécoises<br />
<strong>de</strong> leur choix; chacune étant<br />
abondamment illustrée avec <strong>de</strong>s<br />
textes complémentaires sur l’époque<br />
<strong>et</strong> la réalité <strong>de</strong>s gens qui vivaient à<br />
ce moment-là. Le but était <strong>de</strong> bien<br />
circonscrire la légen<strong>de</strong> <strong>et</strong> son contexte<br />
historique pour en faire une<br />
version 2004 sous forme <strong>de</strong> films<br />
VIE 54 Vie pédagogique <strong>134</strong>, février-<strong>mars</strong><br />
2005