25.11.2014 Views

No 134, février-mars - Ministère de l'Éducation, du Loisir et du Sport ...

No 134, février-mars - Ministère de l'Éducation, du Loisir et du Sport ...

No 134, février-mars - Ministère de l'Éducation, du Loisir et du Sport ...

SHOW MORE
SHOW LESS

Create successful ePaper yourself

Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.

DOSSIER<br />

Il ne faut pas, selon lui, passer sa<br />

jeunesse à apprendre les mots <strong>et</strong> les<br />

figures <strong>de</strong> rhétorique ou à écrire<br />

<strong>de</strong>s vers bien tournés. Faire cela,<br />

c’est perdre son temps. Il faut plutôt<br />

développer dans chaque indivi<strong>du</strong><br />

les facultés qui font <strong>de</strong> lui un être<br />

profondément humain, avant <strong>de</strong> lui<br />

apprendre le métier qui en fera un<br />

spécialiste. Autrement dit, avant d’être<br />

<strong>de</strong>s commerçants, <strong>de</strong>s enseignants<br />

ou <strong>de</strong>s mé<strong>de</strong>cins, les personnes<br />

doivent être <strong>de</strong>s intelligences ouvertes,<br />

<strong>de</strong>s cœurs sensibles, <strong>de</strong>s<br />

consciences droites <strong>et</strong> <strong>de</strong>s caractères<br />

fermes 2 . L’é<strong>du</strong>cation doit être<br />

générale <strong>et</strong> pratique.<br />

De son côté, John Dewey reproche<br />

à l’é<strong>du</strong>cation traditionnelle sa prétention<br />

<strong>de</strong> préparer l’enfant pour la<br />

vie future, sans égard pour sa vie<br />

actuelle. D’après lui, une bonne<br />

é<strong>du</strong>cation perm<strong>et</strong> <strong>de</strong> répondre aux<br />

divers besoins <strong>et</strong> centres d’intérêt<br />

<strong>de</strong> l’élève. L’obj<strong>et</strong> d’une telle é<strong>du</strong>cation<br />

est d’ai<strong>de</strong>r ce <strong>de</strong>rnier à<br />

apprendre comment résoudre les<br />

problèmes qu’il éprouve dans ses<br />

milieux physique <strong>et</strong> social. Le programme<br />

d’une telle é<strong>du</strong>cation,<br />

selon Dewey, doit être lié directement<br />

aux soucis issus <strong>de</strong> l’expérience<br />

personnelle <strong>de</strong> l’apprenant.<br />

Par conséquent, les matières ne<br />

doivent pas être considérées comme<br />

<strong>de</strong>s fins en soi qu’il faut savoir pour<br />

savoir, mais comme <strong>de</strong>s moyens à<br />

utiliser pour trouver <strong>de</strong>s solutions<br />

aux problèmes. L’apprenant doit<br />

être conscient <strong>de</strong> la valeur pratique,<br />

<strong>de</strong> l’utilité <strong>de</strong> ce qu’il apprend 3 .<br />

Alain a une vision différente <strong>du</strong> but<br />

<strong>de</strong> l’é<strong>du</strong>cation. À son avis, elle doit<br />

libérer l’élève <strong>de</strong> l’état d’enfance où<br />

il se trouve enfermé. Elle a donc<br />

pour obj<strong>et</strong> <strong>de</strong> le faire passer <strong>de</strong><br />

l’état d’enfance à l’état d’a<strong>du</strong>lte.<br />

Alain voit ainsi une opposition entre<br />

<strong>de</strong>ux modèles <strong>de</strong> comportements,<br />

celui <strong>de</strong> l’enfant <strong>et</strong> celui <strong>de</strong> l’a<strong>du</strong>lte :<br />

le premier comme le modèle originaire<br />

<strong>et</strong> le second comme le modèle<br />

idéal. Un vrai homme, un homme<br />

compl<strong>et</strong>, selon Alain, est un homme<br />

cultivé. La culture qui vaut la peine<br />

d’être apprise dans ce cas est la<br />

culture gréco-romaine. Pour Alain,<br />

l’enfant <strong>de</strong>viendra a<strong>du</strong>lte, humain,<br />

par l’étu<strong>de</strong> <strong>de</strong>s humanités, soit<br />

l’étu<strong>de</strong> <strong>de</strong> la culture grecque <strong>et</strong>,<br />

plus particulièrement, celle <strong>de</strong> la<br />

culture latine 4 .<br />

L’utilité <strong>de</strong> l’é<strong>du</strong>cation<br />

Il est donc bien question <strong>de</strong> l’utilité<br />

<strong>de</strong> l’é<strong>du</strong>cation pour ces auteurs.<br />

Cependant, parler <strong>de</strong> l’utilité <strong>de</strong><br />

l’é<strong>du</strong>cation peut sembler saugrenu<br />

<strong>de</strong> nos jours, tant l’importance <strong>de</strong><br />

l’école <strong>et</strong> <strong>de</strong> l’instruction paraît évi<strong>de</strong>nte<br />

dans les faits. Les efforts <strong>et</strong> les<br />

ressources consacrés au système<br />

é<strong>du</strong>catif en témoignent. Rappelons<br />

que la fréquentation <strong>de</strong> l’école est<br />

obligatoire dans presque tous les<br />

pays au mon<strong>de</strong>. En outre, une<br />

bonne part <strong>du</strong> budg<strong>et</strong> <strong>de</strong>s pays est<br />

consacrée à l’é<strong>du</strong>cation.<br />

L’é<strong>du</strong>cation contribue indéniablement<br />

à l’amélioration <strong>de</strong> la qualité<br />

<strong>de</strong> vie <strong>et</strong> favorise la croissance<br />

économique <strong>de</strong>s sociétés. Le revenu<br />

par habitant, le pro<strong>du</strong>it national<br />

brut, l’espérance <strong>de</strong> vie <strong>et</strong> la mortalité<br />

infantile sont liés à l’é<strong>du</strong>cation.<br />

Les nations développées sont celles<br />

dont le niveau d’é<strong>du</strong>cation est le<br />

plus élevé. Les pays où le taux d’alphabétisation<br />

est le moins élevé<br />

sont également les pays les plus<br />

pauvres.<br />

L’importance <strong>de</strong> l’é<strong>du</strong>cation est aussi<br />

manifeste sur le marché <strong>du</strong> travail.<br />

Les diplômés sont moins nombreux<br />

sur la liste <strong>de</strong>s chômeurs. La probabilité<br />

d’obtenir un emploi augmente<br />

avec le nombre d’années <strong>de</strong> scolarité.<br />

À l’inverse, les personnes moins<br />

scolarisées sont davantage victimes<br />

<strong>du</strong> chômage. Ces observations<br />

d’ordre économique <strong>et</strong> social ne<br />

ren<strong>de</strong>nt pas inutile la nécessité <strong>de</strong><br />

réfléchir sur le problème posé par<br />

l’utilité <strong>de</strong> l’é<strong>du</strong>cation. L’existence<br />

<strong>de</strong> <strong>de</strong>ux gran<strong>de</strong>s écoles, l’é<strong>du</strong>cation<br />

Photo : Denis Garon<br />

traditionnelle <strong>et</strong> l’é<strong>du</strong>cation nouvelle,<br />

illustre bien ce problème.<br />

La position <strong>de</strong> l’é<strong>du</strong>cation<br />

traditionnelle<br />

L’é<strong>du</strong>cation traditionnelle s’est donné<br />

pour but <strong>de</strong> m<strong>et</strong>tre l’élève en contact<br />

avec les gran<strong>de</strong>s réalisations<br />

<strong>de</strong> l’humanité. Par c<strong>et</strong>te expression,<br />

on entend les chefs-d’œuvre <strong>de</strong> la<br />

littérature <strong>et</strong> <strong>de</strong> l’art, les démonstrations<br />

pleinement élaborées, les<br />

acquisitions scientifiques, les mo<strong>de</strong>s<br />

<strong>de</strong> raisonnement systématiques. Ces<br />

gran<strong>de</strong>s réalisations sont considérées<br />

comme <strong>de</strong>s modèles que l’élève<br />

doit connaître. C<strong>et</strong>te connaissance<br />

lui perm<strong>et</strong>tra <strong>de</strong> s’arracher à la<br />

banalité <strong>de</strong>s lieux communs <strong>et</strong> <strong>de</strong> se<br />

préparer au rôle qu’il aura à jouer<br />

dans la société. Car les tenants <strong>de</strong><br />

c<strong>et</strong>te école pensent que, livré à son<br />

propre mouvement, l’enfant se laissera<br />

mener par l’engouement <strong>du</strong><br />

social <strong>et</strong> les stéréotypes à la mo<strong>de</strong>.<br />

Selon eux, c’est grâce à la fréquentation<br />

<strong>de</strong>s modèles que l’élève<br />

accé<strong>de</strong>ra progressivement à une<br />

compétence, à un style appréciable<br />

qui lui sera propre. Toutefois, pour<br />

que l’élève parvienne au contact<br />

avec les modèles, il faut l’intervention<br />

<strong>de</strong> l’enseignant. En eff<strong>et</strong>, la distance<br />

entre l’élève <strong>et</strong> les modèles est<br />

si gran<strong>de</strong>, selon c<strong>et</strong>te tendance,<br />

qu’il faut un médiateur. Le maître<br />

est l’intermédiaire entre l’élève <strong>et</strong><br />

les modèles. Le premier simplifie,<br />

aménage <strong>et</strong> ordonne les contenus<br />

d’apprentissage, <strong>de</strong> manière à perm<strong>et</strong>tre<br />

au second <strong>de</strong> n’éprouver<br />

que <strong>de</strong>s difficultés gra<strong>du</strong>ées, adaptées<br />

à ses forces <strong>et</strong> à ses connaissances,<br />

dans un enchaînement qui<br />

justifie le passage d’un point à un<br />

autre 5 .<br />

La position <strong>de</strong> l’é<strong>du</strong>cation<br />

nouvelle<br />

Les visées <strong>de</strong> l’é<strong>du</strong>cation nouvelle<br />

sont différentes <strong>de</strong> celles <strong>de</strong> l’é<strong>du</strong>cation<br />

traditionnelle. L’é<strong>du</strong>cation<br />

nouvelle cherche à rendre l’école<br />

intéressante <strong>et</strong> active. Elle veut en<br />

faire un lieu où l’élève se développe<br />

naturellement. Pour cela, elle accor<strong>de</strong><br />

la première place à l’intérêt<br />

<strong>de</strong> l’apprenant, à ses désirs, à ses<br />

proj<strong>et</strong>s, aux questions issues <strong>de</strong>s<br />

expériences <strong>de</strong> sa vie. L’é<strong>du</strong>cation<br />

consiste dans le développement <strong>de</strong>s<br />

dons que tout être humain apporte<br />

avec lui en naissant. On <strong>de</strong>man<strong>de</strong><br />

donc à l’a<strong>du</strong>lte d’éviter <strong>de</strong> multiplier<br />

les interventions afin <strong>de</strong> perm<strong>et</strong>tre<br />

à l’enfant <strong>de</strong> se développer<br />

suivant le rythme qui est le sien.<br />

L’élève apprend par <strong>de</strong>s activités<br />

accomplies dans un but précis <strong>et</strong><br />

d’une manière qui lui est propre.<br />

Dans ce courant pédagogique, on<br />

croit que les êtres humains ont en<br />

eux une capacité naturelle <strong>de</strong> se<br />

développer, qu’ils sont curieux <strong>et</strong><br />

veulent apprendre. Les tenants <strong>de</strong><br />

ce type d’é<strong>du</strong>cation visent en premier<br />

lieu le développement <strong>de</strong> la<br />

personne <strong>de</strong> l’apprenant <strong>et</strong> la qualité<br />

<strong>de</strong> sa vie personnelle. L’é<strong>du</strong>cation<br />

nouvelle faisant confiance à l’intelligence<br />

<strong>de</strong> l’apprenant, l’enseignant<br />

joue ainsi le rôle <strong>de</strong> facilitateur.<br />

Sa tâche consiste à accompagner<br />

l’élève dans ses apprentissages en<br />

partant <strong>de</strong>s centres d’intérêt <strong>de</strong><br />

l’apprenant <strong>et</strong> <strong>de</strong> ce qui fait problème<br />

pour lui 6 .<br />

Le problème <strong>de</strong> l’utilité<br />

L’opposition entre ces <strong>de</strong>ux tendances<br />

é<strong>du</strong>catives a le mérite <strong>de</strong><br />

poser d’une façon claire l’un <strong>de</strong>s<br />

aspects <strong>du</strong> problème <strong>de</strong> l’utilité <strong>de</strong><br />

l’é<strong>du</strong>cation. C<strong>et</strong>te <strong>de</strong>rnière doit-elle<br />

se réaliser pour la maîtrise <strong>de</strong>s connaissances<br />

scientifiques, la culture<br />

valorisée par la société ou pour le<br />

développement personnel <strong>et</strong> le bienêtre<br />

<strong>de</strong> l’élève? La réponse à c<strong>et</strong>te<br />

question entraîne <strong>de</strong>s choix différents<br />

dans la pratique en salle <strong>de</strong><br />

classe. L’é<strong>du</strong>cation traditionnelle,<br />

plus centrée sur les exigences <strong>de</strong> la<br />

société, se révèle plus autoritaire.<br />

Elle fait une place importante au<br />

contrôle <strong>de</strong>s connaissances par <strong>de</strong>s<br />

examens. L’é<strong>du</strong>cation nouvelle, plus<br />

orientée vers les besoins <strong>et</strong> les<br />

centres d’intérêt <strong>de</strong>s élèves, est plus<br />

libérale <strong>et</strong> plus axée sur le rythme<br />

<strong>de</strong> chaque élève. Savoir se situer<br />

par rapport aux <strong>de</strong>ux n’est pas toujours<br />

facile.<br />

L’enjeu pédagogique<br />

Pourtant, le problème <strong>du</strong> sens <strong>et</strong> <strong>de</strong><br />

l’utilité constitue un enjeu majeur<br />

dans la pratique <strong>de</strong> l’é<strong>du</strong>cation. Les<br />

VIE 44 Vie pédagogique <strong>134</strong>, février-<strong>mars</strong><br />

2005

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!