No 134, février-mars - Ministère de l'Éducation, du Loisir et du Sport ...

CITOYENNETÉ
faire participer davantage les élèves
à l’élaboration du code de vie.
La coopération et le projet
pour développer le sens de
la démocratie à l’école
Autonomie, initiative, respect et
confiance. Ce sont là les bases
du développement d’une attitude
démocratique, n’est-ce pas? Ces
premières expériences réalisées en
classe ont encouragé les sept enseignantes
à penser à un projet de
plus grande envergure concernant
l’ensemble de l’école. En effet, elles
sont de plus en plus motivées à
instaurer des projets formateurs
pour aider tous les élèves à acquérir
une conscience démocratique et
à les faire participer à la gouvernance
de l’école. Pour cette raison,
après avoir songé à mettre en place
un traditionnel conseil d’école où
siégeraient les représentants des
conseils de classe, ces enseignantes
ont décidé, à la suite de rencontres
avec les universitaires qui les
encadrent, de concevoir un projet
pour inclure les élèves à l’intérieur
d’une structure démocratique originale
basée sur les principes de la
coopération : le groupe-famille.
Ce projet concerne toutes les classes
de l’école. Les démarches entreprises
à ce jour se sont concrétisées
en septembre 2004, alors que
58 groupes-familles de six élèves
ont été constitués. Un groupefamille
est formé d’un élève de
chaque échelon, de la première à la
sixième année. On pense qu’il sera
possible d’ajouter des enfants de
l’éducation préscolaire après les
fêtes. « Nous, la démocratie, c’est ce
que nous voulons instaurer dans
l’école... Pour que tous les élèves se
sentent visés, c’est à partir de ce
regroupement-là que nous allons
travailler les compétences de socialisation,
les compétences d’appartenance
à l’école, de démocratie »,
précise Micheline Sanche.
Lynda Charrette décrit brièvement le
mode de fonctionnement :
Au départ, les activités seront
organisées, structurées par les
enseignantes. Cependant, avec le
temps, des activités pourraient
être décidées par des groupesfamilles
que l’on aurait consultés.
On rencontrerait ainsi tous
les groupes-familles pour avoir
leur avis sur des projets. De cette
façon, à la fin de l’année, tous les
groupes-familles auraient été
appelés à se prononcer sur des
projets. Dans ce sens-là, il y a
une dimension politique ou décisionnelle
par rapport à l’école.
Les activités sont construites en tenant
compte d’une structure coopérative,
et chaque groupe-famille est
sous la responsabilité de l’élève de
sixième année. Chaque élève se voit
attribuer une tâche et un rôle.
Quand il y aura une activité groupefamille,
toute l’école sera en décloisonnement
et les enseignants
pourront accompagner les élèves
dans l’exécution des tâches. Sur le
plan pédagogique, les visées sont
claires : « Ce que l’on veut travailler,
c’est l’appartenance, le respect de
l’autre, le rassemblement. Les élèves
plus âgés, les plus jeunes, les garçons
et les filles seront tous réunis
pour travailler dans le même sens...
Ce que l’on veut, c’est que les élèves
se rendent compte que l’école leur
appartient. »
La coopération et la participation
des parents
Les enseignantes ont senti le besoin
d’engager les parents dans leur
démarche. Ainsi, Caroline Lussier a
invité les parents dans la classe
pour leur faire vivre des activités de
coopération. Cette approche permet
au parent de mieux comprendre ce
que fait son enfant en classe et ce
que cela lui apporte : « Cela m’a
permis de parler de compétences
avec les parents, de montrer comment
on les développe. Je leur fais
vivre des activités avec leurs enfants.
Ils ont appris à travailler non seulement
avec leurs enfants, mais aussi
avec d’autres enfants et d’autres
parents. » À telle enseigne que les
parents ont travaillé ensemble à la
fin de l’année pour produire un
journal : « Il existe une belle complicité
entre les parents, ils sont
devenus plus à l’aise entre eux, ils
ont tissé des liens d’amitié et il y a
de beaux échanges entre eux. Un
lien d’appartenance à la classe s’est
créé. »
La coopération et la perception
du rôle d’enseignante
Au cours de l’année qui s’est
écoulée, des enseignantes ont commencé
à voir d’une nouvelle façon
leur rôle et leur rapport à l’élève.
Par exemple, pour plusieurs des
enseignantes rencontrées, le partage
du pouvoir ou la délégation
d’autorité n’allait pas de soi.
Caroline Lussier avoue ceci : « Au
début, j’ai eu de la difficulté à
déléguer mon pouvoir. J’avais le
goût d’aller mettre mon grain de
sel partout. Ça été difficile pour
moi. J’y suis arrivée, mais pas tout
de suite. » Cela s’inscrit dans une
démarche à long terme. Une autre
enseignante fait la constatation
suivante : « Par rapport au rôle
d’enseignante, quand on fait des
activités coopératives, on a un rôle
qui est intéressant. On observe les
enfants, on leur donne un petit
coup de main... Quand on a fini les
activités coopératives, on redevient
une enseignante ordinaire. » Elle
ajoute : « Je remets en question mon
rôle d’enseignante. L’an prochain,
cela fait partie de mon projet aussi.
Changer mon rôle pour que je sois
bien et pour que je sois l’enseignante
que je veux être. Je veux que
les élèves participent aux décisions...
Je trouve très positif que la
coopération me fasse travailler cela. »
Selon une enseignante, l’approche
coopérative lui permet d’être plus
créative : « Cela m’a stimulée, m’a
motivée. Je n’ai pas vu l’année
passer. On formulait des projets, ça
partait beaucoup de l’intérêt des
élèves. C’était moins redondant que
de faire de l’enseignement traditionnel.
J’ai trouvé qu’il y avait une
belle dynamique dans la classe. J’ai
besoin de cela, des projets, de la
créativité... j’y trouve mon compte. »
Enfin, une enseignante fait ressortir
que l’expérience qu’elles ont vécue
cette année a changé son niveau de
compréhension et leur rapport
mutuel : « Je pense que l’on ne se
perçoit plus de la même façon, on a
des discussions autres que le petit
quotidien, on va plus loin dans les
discussions, on pense plus aux
élèves. Le fait de parler ensemble
des difficultés que nous avons à
déléguer notre pouvoir nous a donné
une ouverture d’esprit certaine. »
Pour répondre aux orientations du
programme de formation concernant
le domaine général de formation
Vivre-ensemble et citoyenneté et
la compétence transversale coopérer,
sept enseignantes ont entrepris
une démarche de formation qui les
aide à mettre en œuvre dans leur
classe des projets qui permettent
aux élèves de développer leur confiance
en soi, leur autonomie et leur
sens des responsabilités. L’objectif
visé par les enseignantes consiste à
proposer des situations d’apprentissage
dans lesquelles l’élève développe
des attitudes et des habiletés
sociales qui l’initient à la vie démocratique.
Cette démarche a supposé
que les enseignantes remettent en
question certaines de leurs propres
perceptions quant à leur rôle et à
leur rapport avec les élèves. Au
cours de la première année d’expérimentation,
la confiance qu’elles
ont mise dans les élèves a été bénéfique.
Cela les encourage maintenant
à mettre en œuvre un projet
qui favorisera le développement
d’une vie démocratique dans toute
l’école. Bien que le changement de
paradigme amorcé par les sept
enseignantes n’ait pas toujours été
facile, l’appui de formateurs universitaires
et la collaboration qui s’est
établie entre elles les ont amenées à
constater que les démarches entreprises
les conduisaient dans la
direction espérée, à savoir le
développement d’une conscience
citoyenne chez leurs élèves.
M. Guy Lusignan est consultant
en éducation.
1. Lynda Charette, psychoéducatrice, Marie-
Louise Demers, Roxane Dubuc, France
Gratton, Caroline Laframboise et Caroline
Lussier, enseignantes au préscolaire et au
primaire et Micheline Sanche, orthopédagogue
au premier cycle.
VIE 34 Vie pédagogique 134, février-mars
2005