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No 134, février-mars - Ministère de l'Éducation, du Loisir et du Sport ...

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Vie pédagogique <strong>134</strong>, février-<strong>mars</strong><br />

2005<br />

DVivre la différenciation au quotidien<br />

par Camille Deslauriers<br />

Début <strong>de</strong> juin 2004, mardi Et que fait Lucie, pendant c<strong>et</strong>te<br />

avant-midi, la pério<strong>de</strong> <strong>de</strong> <strong>de</strong>mi-heure où tous avancent à leur<br />

lecture commence en douceur,<br />

comme tous les matins <strong>de</strong> la « volume <strong>de</strong>ux, c’est-à-dire tout bas,<br />

rythme <strong>et</strong> s’entrai<strong>de</strong>nt en parlant<br />

semaine. Dans la classe <strong>de</strong> Lucie comme sur le volume <strong>de</strong> la télécomman<strong>de</strong><br />

<strong>de</strong> la télévision, pour<br />

Sarrasin, enseignante d’immersion<br />

française à l’école primaire que tout le mon<strong>de</strong> puisse s’entendre<br />

Edinburgh, à Montréal, ce moment <strong>et</strong> se concentrer »? Elle rencontre<br />

<strong>de</strong> travail silencieux est sacré. indivi<strong>du</strong>ellement quatre ou cinq<br />

Qu’ils soient au premier ou au élèves, en débutant par Sarah, à qui<br />

<strong>de</strong>uxième cycle – car Lucie, pour elle rem<strong>et</strong>tra un certificat <strong>de</strong> mérite<br />

l’année 2003-2004, a une classe pour avoir amélioré sa calligraphie<br />

multiprogramme (<strong>de</strong>uxième <strong>et</strong> troisième<br />

année) –, les élèves choisissent qui sont toutes <strong>de</strong> la même grosseur<br />

<strong>et</strong> avoir réussi à former <strong>de</strong>s l<strong>et</strong>tres<br />

un défi personnel. Pendant que dans son p<strong>et</strong>it texte intitulé : « J’aime<br />

Richard 1 lit Les pantoufles <strong>de</strong> les sport ». En répondant par écrit à<br />

grand-papa, dans le but <strong>de</strong> partager<br />

ce qu’il a appris avec un sports » <strong>et</strong> en réécrivant correcte-<br />

camara<strong>de</strong> dans quelques minutes, ment l’accord fautif, Lucie<br />

l’élève : « Moi aussi, j’aime les<br />

amènera<br />

William se dirige vers le centre<br />

d’écoute. Bientôt, il enfilera les<br />

écouteurs <strong>et</strong> se concentrera sur J’ai<br />

un p<strong>et</strong>it dinosaure, une <strong>de</strong>s chansonn<strong>et</strong>tes<br />

<strong>de</strong> son livre-disque préféré,<br />

100 comptines. Son défi<br />

aujourd’hui consiste à apprendre<br />

quatre mots nouveaux. Quand il<br />

aura terminé, il pourra repro<strong>du</strong>ire<br />

le <strong>de</strong>ssin <strong>du</strong> dinosaure jaune,<br />

orange <strong>et</strong> vert qui « s’appelle<br />

Philidor » <strong>et</strong> que l’on promène « au<br />

bout d’une laisse en or » (Major<br />

1999 : 59). Meghan, quant à elle,<br />

préférera plutôt écrire librement<br />

dans son journal personnel, que<br />

Lucie apprécie particulièrement<br />

lire, car il lui perm<strong>et</strong> d’apprendre à<br />

mieux connaître ses élèves. Pour sa<br />

part, Joey aura enfin la satisfaction<br />

<strong>de</strong> terminer les pages qu’il lui reste<br />

à lire dans son volumineux Tolkien,<br />

La communauté <strong>de</strong> l’anneau. Ensuite,<br />

s’il en a le temps, il inventera<br />

une nouvelle fin au roman puis, lors<br />

<strong>de</strong> l’échange, il écoutera <strong>et</strong> lira le<br />

résumé <strong>de</strong> Richard. Alors, plus <strong>de</strong><br />

frontière d’âge : bien que Joey ne<br />

soit qu’en <strong>de</strong>uxième année, il est<br />

vraiment beaucoup plus avancé que<br />

son partenaire <strong>de</strong> troisième année,<br />

<strong>et</strong> cela le valorise <strong>de</strong> partager ses<br />

connaissances avec lui…<br />

LUCIE SARRASIN<br />

Sarah à prendre conscience <strong>de</strong> son<br />

erreur, à l’ai<strong>de</strong> <strong>de</strong>s co<strong>de</strong>s <strong>de</strong> correction<br />

<strong>et</strong> d’autocorrection que tous<br />

les élèves <strong>de</strong> l’école connaissent (le<br />

5 pour une erreur <strong>de</strong> singulier ou<br />

<strong>de</strong> pluriel, le 6 pour une erreur <strong>de</strong><br />

genre, <strong>et</strong>c.) <strong>et</strong>, au besoin, elle lui<br />

expliquera <strong>de</strong> nouveau la règle.<br />

Prochain défi <strong>de</strong> Sarah : laisser<br />

davantage d’espace entre les l<strong>et</strong>tres,<br />

défi gentiment suggéré par Lucie<br />

dans un commentaire d’encouragement<br />

qu’elle rédige sur le vif, <strong>de</strong>vant<br />

l’élève, pour mo<strong>de</strong>ler, en prenant<br />

soin d’insister autant sur la réussite<br />

<strong>de</strong> Sarah que sur les améliorations<br />

souhaitables, qui <strong>de</strong>viennent, dès<br />

lors, <strong>de</strong>s défis potentiels. C’est cela,<br />

vivre la différenciation au quotidien :<br />

« C’est se perm<strong>et</strong>tre d’enseigner <strong>de</strong>s<br />

notions à <strong>de</strong>s élèves soit <strong>de</strong> façon<br />

indivi<strong>du</strong>elle, soit en p<strong>et</strong>its groupes,<br />

pour répondre à <strong>de</strong>s besoins immédiats<br />

ou à <strong>de</strong>s besoins particuliers.<br />

C’est perm<strong>et</strong>tre à l’élève, aussi, <strong>de</strong><br />

partir d’où il est. »<br />

En eff<strong>et</strong>, qu’arriverait-il si Joey<br />

<strong>de</strong>vait se contenter <strong>de</strong> lire un livre<br />

imposé à toute la classe ou <strong>de</strong> noircir<br />

quelques pages d’un manuel qui<br />

lui ferait pratiquer <strong>de</strong>s règles qu’il<br />

connaît sur le bout <strong>de</strong>s doigts? Il<br />

s’ennuierait <strong>et</strong> risquerait <strong>de</strong> déranger<br />

les autres. Et si Richard, qui<br />

éprouve encore <strong>de</strong>s difficultés <strong>de</strong><br />

décodage, <strong>de</strong>vait lire le même livre<br />

que Joey? Il se découragerait forcément.<br />

Alors, pendant que ses élèves<br />

font une leçon <strong>de</strong> français « sur<br />

mesure », chaque matin, Lucie en<br />

rencontre quelques-uns d’entre<br />

eux. À l’ai<strong>de</strong> d’un outil <strong>de</strong> différenciation<br />

qui perm<strong>et</strong> <strong>de</strong> cibler les<br />

besoins personnels <strong>de</strong> chacun – ce<br />

document maison facilitant la prise<br />

<strong>de</strong> notes a été créé en collaboration<br />

avec Pierr<strong>et</strong>te Moriss<strong>et</strong>te, conseillère<br />

pédagogique officieusement à<br />

la r<strong>et</strong>raite mais encore très engagée<br />

dans le milieu –, Lucie consigne en<br />

quelques mots les réussites, les<br />

défis à poursuivre <strong>et</strong> les notions<br />

révisées avec l’élève, puis elle<br />

prévoit un prochain « ren<strong>de</strong>z-vous »<br />

sur le calendrier. En un peu plus<br />

d’une semaine, elle aura supervisé<br />

<strong>et</strong> encouragé tout son p<strong>et</strong>it mon<strong>de</strong>.<br />

A-t-on le choix <strong>de</strong> différencier<br />

lorsqu’on enseigne à une classe<br />

multiprogramme? <strong>No</strong>n. Pourtant…<br />

l’année scolaire 2003-2004 est une<br />

exception. Depuis une vingtaine<br />

d’années, à c<strong>et</strong>te même école, Lucie<br />

Sarrasin enseigne à <strong>de</strong>s classes<br />

ordinaires, où tous les élèves sont<br />

théoriquement au même diapason<br />

<strong>et</strong>, <strong>de</strong>puis ses débuts, elle privilégie<br />

un enseignement non traditionnel :<br />

Je me souviens que, dès les premières<br />

années, je faisais <strong>de</strong>s<br />

ateliers où les élèves étaient autonomes.<br />

Je créais ainsi <strong>de</strong>s centres<br />

d’intérêt très organisés : dans<br />

l’un d’entre eux, par exemple, les<br />

élèves pouvaient construire un<br />

bricolage avec <strong>du</strong> recyclage; dans<br />

un autre, ils <strong>de</strong>vaient lire une<br />

rec<strong>et</strong>te <strong>de</strong> cuisine <strong>et</strong>, une fois<br />

qu’ils l’avaient lue <strong>et</strong> comprise,<br />

ils pouvaient faire la minipizza;<br />

dans un autre, ils pouvaient<br />

réaliser une expérience scientifique<br />

très simple ou s’adonner à<br />

<strong>de</strong>s exercices <strong>de</strong> manipulation<br />

avec <strong>de</strong>s blocs, pour apprendre<br />

les dizaines <strong>et</strong> les centaines, en<br />

mathématiques… Déjà, on était<br />

dans la différenciation.<br />

Car, dans les faits, explique Lucie<br />

Sarrasin, il n’existe pas <strong>de</strong> classe<br />

homogène.<br />

Comment Lucie en est-elle arrivée à<br />

opter pour la pratique <strong>de</strong> la différenciation?<br />

Plusieurs expériences<br />

ont été déterminantes. D’abord, à<br />

sa sortie <strong>de</strong> l’Université McGill, elle<br />

est allée ouvrir une maternelle sur<br />

la Côte-<strong>No</strong>rd, dans le p<strong>et</strong>it village<br />

<strong>de</strong> Middle Bay. Durant la journée,<br />

elle <strong>de</strong>vait enseigner le français à<br />

33 élèves anglophones, <strong>de</strong> la maternelle<br />

à la septième année. Ensuite,<br />

dès sa première année d’enseignement<br />

au Québec, elle se questionnait<br />

sur la pertinence <strong>de</strong>s métho<strong>de</strong>s<br />

proposées à l’époque, dont les histoires<br />

étaient inspirées <strong>de</strong> matériel<br />

européen qui n’était pas adapté à la<br />

réalité <strong>de</strong>s élèves d’ici, elle se rappelle,<br />

entre autres, une page <strong>de</strong> lecture<br />

sur les genêts, mot qui ne<br />

correspondait à rien dans l’imaginaire<br />

<strong>de</strong>s jeunes Québécois. C’était<br />

la même problématique dans tous<br />

les domaines : certains élèves étaient<br />

très rapi<strong>de</strong>s <strong>et</strong> finissaient leur page<br />

d’exercices en trois minutes, pendant<br />

que d’autres peinaient sur un<br />

seul problème une <strong>de</strong>mi-heure<br />

<strong>du</strong>rant. « Déjà, souligne-t-elle, je<br />

m’apercevais que ça ne fonctionnait<br />

pas! Chaque enfant a ses forces <strong>et</strong><br />

pour qu’il croie en lui-même, l’important<br />

est <strong>de</strong> croire en l’enfant <strong>et</strong><br />

<strong>de</strong> lui signaler aussi ses forces, pas<br />

APPROCHE DIFFÉRENCIÉE ET ÉVALUATION<br />

PÉDAGOGIQUE 19

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