No 134, février-mars - Ministère de l'Ãducation, du Loisir et du Sport ...
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L’ÉLÈVE ACTIF<br />
SYLVIE NORMAND<br />
<strong>de</strong>s tâches : « On a constaté que les<br />
élèves ont apprécié jusqu’à la fin<br />
c<strong>et</strong>te pratique <strong>de</strong>s cinq minutes! Je<br />
les sentais heureux; ils avaient hâte<br />
<strong>de</strong> venir en classe <strong>de</strong> français! »<br />
La première activité <strong>de</strong> l’année,<br />
poursuit Sylvie, a été la création<br />
d’un jeu en équipe. Cela <strong>de</strong>vait perm<strong>et</strong>tre<br />
à chacun <strong>et</strong> à chacune <strong>de</strong><br />
se rappeler les notions étudiées<br />
au premier cycle <strong>du</strong> secondaire :<br />
« J’ai vite constaté que les élèves<br />
connaissent pas mal <strong>de</strong> choses <strong>et</strong><br />
ont beaucoup <strong>de</strong> ressources; ils se<br />
sont mis à fouiller dans leur grammaire,<br />
à relire leurs notes. C’est<br />
c<strong>et</strong>te activité qui a donné le ton à<br />
l’année. »<br />
Nadine, <strong>de</strong> son côté, précise qu’au<br />
début <strong>de</strong> l’année elle a fait avec les<br />
élèves le bilan <strong>de</strong>s apprentissages<br />
<strong>de</strong>s années antérieures. Ils ont alors<br />
fouillé dans leurs notes personnelles,<br />
relu <strong>de</strong>s textes <strong>de</strong>s années<br />
antérieures <strong>et</strong> fait le portrait détaillé<br />
<strong>et</strong> organisé <strong>de</strong> leurs apprentissages.<br />
Cela est <strong>de</strong>venu une ressource pour<br />
les élèves <strong>de</strong> la classe. De ce travail,<br />
les éléments importants ont été colligés<br />
sur une feuille synthèse que les<br />
élèves ont reçue : « Au terme d’une<br />
tâche, je considère comme important<br />
<strong>de</strong> <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r aux élèves ce<br />
qu’ils ont appris <strong>et</strong> ce dont ils se<br />
souviennent. »<br />
« Pour qu’ils soient acteurs, j’ai<br />
changé ma relation avec eux.<br />
Maintenant, je prends le temps <strong>de</strong><br />
discuter avec les élèves; je me sens<br />
moins réservée, les contacts sont<br />
plus flui<strong>de</strong>s », affirme Nadine. En<br />
cinquième secondaire, pour travailler<br />
l’argumentation, le recours à<br />
<strong>de</strong>s jeux <strong>de</strong> rôle, soit l’interprétation<br />
<strong>du</strong> rôle d’une autre personne,<br />
a permis d’éliminer la gêne <strong>et</strong> a<br />
favorisé l’expression <strong>de</strong>s élèves :<br />
« Ces stratégies pédagogiques stimulent<br />
l’engagement <strong>de</strong>s élèves »,<br />
reconnaît Nadine, « c’est le passage<br />
<strong>de</strong> la participation à l’engagement<br />
cognitif ». Cela a en outre un impact<br />
sur le travail professionnel :<br />
Je trouve agréable d’aller en<br />
classe avec eux; je sens que je<br />
vais faire équipe avec les élèves;<br />
j’ai la n<strong>et</strong>te impression <strong>de</strong> travailler<br />
avec eux pour arriver à<br />
quelque chose. Avec le temps, j’ai<br />
appris à donner <strong>de</strong> la place à<br />
l’erreur. Je me souviens d’une<br />
élève <strong>de</strong> cinquième secondaire;<br />
elle ne réussissait pas à comprendre<br />
les questions d’un texte.<br />
Je me suis assise avec elle <strong>et</strong> je<br />
suis partie <strong>de</strong> ce qu’elle comprenait.<br />
Je ne laisse pas l’élève dans<br />
l’erreur, mais je le laisse aller<br />
dans le doute. Je constate que j’ai<br />
<strong>de</strong> plus en plus tendance à engager<br />
les élèves dans la résolution<br />
d’un problème ou d’une question;<br />
ce sont eux qui trouvent<br />
plutôt que moi qui leur donne la<br />
réponse toute crue. J’accepte <strong>de</strong><br />
perdre <strong>du</strong> contrôle. Je fais davantage<br />
confiance aux élèves. En<br />
partant, il faut les aimer chacun<br />
où ils sont <strong>et</strong> je sais que je vais<br />
les amener un peu plus loin.<br />
Chaque élève va se prendre en<br />
main, il va avancer; je veux laisser<br />
à chacun la chance <strong>de</strong> cheminer.<br />
Ce que j’aime, c’est le fait <strong>de</strong> travailler<br />
avec les élèves faibles, car<br />
ils ont souvent peu confiance en<br />
eux, <strong>et</strong> je leur donne la chance<br />
<strong>de</strong> faire quelque chose <strong>et</strong> <strong>de</strong><br />
réussir. Cependant, il leur appartient<br />
<strong>de</strong> s’engager, je ne peux pas<br />
le faire à leur place.<br />
Dans la même optique, Sylvie avoue<br />
ceci :<br />
Les élèves engagés dans une<br />
tâche sont <strong>de</strong>s experts hors pair.<br />
Pour le proj<strong>et</strong> Nintendo, les<br />
élèves <strong>de</strong>vaient créer un personnage<br />
ado inédit; ils ont fouillé,<br />
cherché, investigué, lu, annoté<br />
<strong>de</strong>s textes, organisé l’information,<br />
échangé <strong>de</strong>s données; ils se<br />
sont posé <strong>de</strong>s questions; c’était<br />
merveilleux <strong>de</strong> les voir aller. J’ai<br />
vite réalisé que ce n’était plus<br />
moi, l’experte <strong>de</strong> tout. Au cours<br />
<strong>de</strong> l’année, j’ai fait plusieurs<br />
tâches; ce n’est pas toujours<br />
facile d’être sûre que tous les<br />
apprentissages <strong>du</strong> programme<br />
sont couverts. Cependant, ce que<br />
j’ai réussi à faire, c’est que les<br />
élèves aiment le cours <strong>de</strong> français,<br />
ils aiment lire, ils aiment<br />
apprendre. J’ai changé ma façon<br />
<strong>de</strong> faire; je suis plus à l’aise avec<br />
le fait d’improviser, <strong>de</strong> ne plus<br />
être rigi<strong>de</strong> avec la planification<br />
établie. Selon les circonstances,<br />
je change <strong>de</strong> cap, je modifie ce<br />
qui avait été planifié, je m’adapte<br />
aux élèves.<br />
Sylvie poursuit en racontant<br />
quelques-unes <strong>de</strong>s tâches qu’elle a<br />
accomplies avec ses élèves : le jeu<br />
<strong>de</strong>s notions antérieures en début<br />
d’année, la création d’un personnage<br />
pour un nouveau jeu Nintendo<br />
<strong>et</strong> la rédaction <strong>de</strong> légen<strong>de</strong>s urbaines.<br />
Pour celles-ci, les élèves en équipe<br />
<strong>de</strong>vaient rédiger un récit fantastique<br />
concernant l’école Gérard-Filion :<br />
les élèves avaient le choix <strong>du</strong> lieu,<br />
<strong>de</strong> l’histoire, <strong>du</strong> contexte, <strong>et</strong>c., <strong>et</strong> le<br />
<strong>de</strong>stinataire était un élève <strong>de</strong> première<br />
secondaire. Cela a été l’occasion<br />
d’activer les connaissances<br />
antérieures au suj<strong>et</strong> <strong>du</strong> récit, mais<br />
également <strong>du</strong> récit fantastique.<br />
Ainsi, les élèves ont lu <strong>de</strong>s textes, les<br />
ont comparés, ont dégagé <strong>de</strong>s éléments<br />
essentiels dont il fallait tenir<br />
compte pour la rédaction d’un texte<br />
<strong>de</strong> ce genre <strong>et</strong> ils ont rencontré <strong>de</strong>s<br />
gens <strong>du</strong> milieu : « Je me suis heurtée<br />
au fait que les élèves voulaient<br />
écrire sans faire <strong>de</strong> recherche ou<br />
sans activer leurs connaissances; ils<br />
étaient déjà prêts! » Sylvie a réussi<br />
à provoquer chez eux un certain<br />
déséquilibre cognitif. Le doute a<br />
ainsi été semé, <strong>et</strong> les élèves se sont<br />
engagés dans la recherche <strong>de</strong>s<br />
composantes <strong>du</strong> récit fantastique :<br />
« Ce qui est difficile, c’est d’être<br />
sûre qu’ils ne passeront pas à côté<br />
<strong>de</strong>s apprentissages essentiels. »<br />
Sylvie ajoute que c<strong>et</strong>te option pédagogique<br />
a culminé dans la tâche<br />
évaluative <strong>de</strong> fin d’année qui s’est<br />
révélée un franc succès; elle a été<br />
réalisée dans la même perspective :<br />
« On leur a annoncé que c<strong>et</strong>te<br />
épreuve valait 70 p. 100 <strong>de</strong> la note<br />
d’écriture <strong>de</strong> l’année. » Les élèves<br />
<strong>de</strong>vaient concevoir un album dans<br />
lequel ils allaient insérer trois textes<br />
d’environ 125 mots chacun. Chaque<br />
pro<strong>du</strong>ction était accompagnée <strong>de</strong><br />
lectures à annoter, d’échanges, en<br />
groupe <strong>et</strong> en équipe, <strong>de</strong> même que<br />
d’activités complémentaires. Pour<br />
la première pro<strong>du</strong>ction, les élèves<br />
<strong>de</strong>vaient raconter un souvenir d’enfance<br />
(le passé); pour soutenir la<br />
réalisation <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te première activité,<br />
chaque élève <strong>et</strong> l’enseignante<br />
<strong>de</strong>vaient apporter un obj<strong>et</strong> <strong>de</strong> leur<br />
enfance. La <strong>de</strong>uxième pro<strong>du</strong>ction<br />
était la rédaction d’une page <strong>de</strong> son<br />
journal personnel (le présent).<br />
Puis, pour la troisième <strong>et</strong> <strong>de</strong>rnière<br />
pro<strong>du</strong>ction, les élèves écrivaient un<br />
texte dans lequel ils se proj<strong>et</strong>aient<br />
en 2014 (l’avenir). Ils <strong>de</strong>vaient se<br />
r<strong>et</strong>rouver à l’école Gérard-Filion<br />
pour son 50 e anniversaire :<br />
Ils ont cherché, ils ont lu, ils se<br />
sont organisés, ils ont traité l’information,<br />
ils ont créé; ils ont<br />
travaillé sur eux <strong>et</strong> sur leurs<br />
besoins essentiels. Je constate<br />
qu’ils ont été en mesure <strong>de</strong> donner<br />
le meilleur d’eux-mêmes en<br />
écriture. Ils ont quitté l’école<br />
avec leur album, fiers <strong>de</strong> leurs<br />
pro<strong>du</strong>ctions. L’an prochain, on<br />
veut m<strong>et</strong>tre davantage l’accent<br />
sur le sens <strong>et</strong> la pertinence <strong>de</strong>s<br />
apprentissages : c’est ce qui<br />
<strong>de</strong>vrait favoriser davantage l’engagement<br />
<strong>de</strong>s élèves, car on<br />
apprend pour vivre.<br />
Nadine raconte que la création<br />
d’une vidéo a été une tâche signifiante<br />
<strong>et</strong> très prisée par les élèves.<br />
D’abord, <strong>de</strong>s élèves <strong>de</strong> première<br />
secondaire avaient formulé <strong>de</strong>s<br />
questions sur <strong>de</strong>s suj<strong>et</strong>s divers,<br />
tandis que les élèves <strong>de</strong> troisième<br />
secondaire, en équipe, <strong>de</strong>vaient y<br />
répondre. Les membres <strong>de</strong> l’équipe<br />
ont r<strong>et</strong>enu une <strong>de</strong>s questions, se<br />
sont réparti le travail <strong>et</strong> ont fait les<br />
VIE 16 Vie pédagogique <strong>134</strong>, février-<strong>mars</strong><br />
2005