25.11.2014 Views

No 134, février-mars - Ministère de l'Éducation, du Loisir et du Sport ...

No 134, février-mars - Ministère de l'Éducation, du Loisir et du Sport ...

No 134, février-mars - Ministère de l'Éducation, du Loisir et du Sport ...

SHOW MORE
SHOW LESS

Create successful ePaper yourself

Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.

À la rencontre <strong>de</strong> Jean Piag<strong>et</strong><br />

C<br />

’<br />

au début <strong>de</strong> la vingtaine<br />

’est que j’ai découvert les travaux<br />

<strong>de</strong> Piag<strong>et</strong> <strong>et</strong> que je me<br />

suis engagée dans une démarche<br />

d’approfondissement <strong>de</strong> sa théorie<br />

qui m’a permis d’en explorer les<br />

multiples fac<strong>et</strong>tes. Depuis, je n’ai<br />

cessé <strong>de</strong> me référer à sa vision constructiviste<br />

<strong>de</strong> la connaissance, qui<br />

con<strong>du</strong>it à envisager les multiples<br />

interactions <strong>de</strong> l’être humain avec<br />

l’environnement comme une source<br />

inépuisable <strong>de</strong> construction <strong>de</strong> nouveaux<br />

savoirs. Dans La naissance<br />

<strong>de</strong> l’intelligence chez l’enfant,<br />

ouvrage fondamental dans lequel<br />

Piag<strong>et</strong> r<strong>et</strong>race l’émergence <strong>de</strong> la<br />

pensée dans les actions les plus élémentaires<br />

<strong>du</strong> jeune enfant à l’ai<strong>de</strong><br />

<strong>de</strong>squelles il s’efforce <strong>de</strong> donner <strong>du</strong><br />

sens au mon<strong>de</strong>, il résume ainsi l’une<br />

<strong>de</strong>s idées maîtresses <strong>de</strong> sa théorie :<br />

« C’est en s’adaptant aux choses que<br />

la pensée s’organise <strong>et</strong> c’est en s’organisant<br />

elle-même qu’elle structure<br />

les choses 1 .» En d’autres termes,<br />

c’est dans son constant effort pour<br />

comprendre le mon<strong>de</strong> que l’être<br />

humain développe les outils <strong>de</strong> son<br />

action <strong>et</strong> <strong>de</strong> sa pensée. Réciproquement,<br />

c’est parce qu’il parvient à<br />

élaborer <strong>de</strong>s outils <strong>de</strong> pensée <strong>de</strong><br />

plus en plus sophistiqués qu’il en<br />

arrive à se construire une représentation<br />

toujours plus riche <strong>et</strong> complexe<br />

<strong>du</strong> mon<strong>de</strong>. Piag<strong>et</strong> propose<br />

Du mouvement à l’action!<br />

par Donald Guertin<br />

Pour la revue Vie pédagogique,<br />

au début <strong>de</strong> l’été 2004, j’ai<br />

visité <strong>de</strong>ux enseignantes <strong>de</strong><br />

français au secondaire, soit Nadine<br />

Cédras <strong>et</strong> Sylvie <strong>No</strong>rmand. La première<br />

enseignait tout récemment<br />

à l’école Monseigneur-Eucli<strong>de</strong>-<br />

Théberge, <strong>de</strong> la Commission scolaire<br />

<strong>de</strong>s Hautes-Rivières, au second cycle<br />

<strong>du</strong> secondaire; <strong>de</strong>puis septembre,<br />

elle enseigne à l’école Félix-Gabriel-<br />

Marchand, en <strong>de</strong>uxième secondaire,<br />

à la même commission scolaire.<br />

Quant à la secon<strong>de</strong>, Sylvie <strong>No</strong>rmand,<br />

elle enseigne en troisième secondaire<br />

à l’école Gérard-Filion, <strong>de</strong> la Commission<br />

scolaire Marie-Victorin.<br />

Toutes <strong>de</strong>ux affirment avoir parcouru,<br />

<strong>de</strong>puis quelques années, un bon<br />

bout <strong>de</strong> chemin. Un contact répété<br />

avec <strong>de</strong> nouvelles approches pédagogiques<br />

<strong>et</strong> l’accompagnement suivi<br />

<strong>de</strong> conseillères <strong>et</strong> conseillers pédagogiques<br />

ont été l’occasion <strong>de</strong> repenser<br />

leurs pratiques. Ces <strong>de</strong>ux enseignantes<br />

sont convaincues, convaincantes<br />

<strong>et</strong> engagées : j’ai eu le plaisir<br />

<strong>de</strong> les rencontrer en juill<strong>et</strong> <strong>de</strong>rnier.<br />

L’élève acteur est celui qui « est au<br />

centre <strong>de</strong> ses apprentissages, qui<br />

veut apprendre, car ce n’est pas<br />

dangereux pour lui <strong>de</strong> s’engager<br />

dans un travail scolaire », affirme<br />

Nadine Cédras. « L’élève engagé<br />

<strong>de</strong>vient créatif, il va au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong>s<br />

exigences, il invente, il crée »,<br />

ajoute-t-elle. Sylvie <strong>No</strong>rmand le<br />

décrit comme étant celui qui « est<br />

en mouvement, qui bouge, qui<br />

parle, qui a <strong>du</strong> pouvoir, qui a <strong>de</strong> la<br />

liberté, qui est heureux <strong>et</strong> qui a <strong>du</strong><br />

plaisir à faire une tâche ». Selon<br />

c<strong>et</strong>te <strong>de</strong>rnière, il y a <strong>de</strong>s conditions<br />

essentielles pour rendre l’élève<br />

acteur : il faut lui faire <strong>de</strong> la place,<br />

lui perm<strong>et</strong>tre d’exercer sa liberté,<br />

d’être autonome, d’être créatif.<br />

Pour sa part, Nadine précise qu’elle<br />

n’est pas certaine que tous les<br />

élèves se ren<strong>de</strong>nt compte qu’ils sont<br />

acteurs <strong>de</strong> leurs apprentissages :<br />

« Pourtant, je les vois : ils sont<br />

accrochés à la tâche, mais ils ne se<br />

perçoivent pas nécessairement<br />

engagés. Dorénavant, je ferai en<br />

sorte qu’ils se ren<strong>de</strong>nt davantage<br />

compte <strong>du</strong> fait qu’ils sont les<br />

acteurs <strong>de</strong> leurs apprentissages. »<br />

Très vite, c<strong>et</strong>te enseignante déterminée<br />

a constaté que certains élèves<br />

refusent <strong>de</strong> s’engager, quoique ce<br />

soit <strong>de</strong>s cas isolés : « J’oserais dire<br />

une vision originale <strong>de</strong>s processus<br />

<strong>de</strong> construction <strong>de</strong> connaissances<br />

qui nous amène, en tant que pédagogues,<br />

à valoriser l’intelligence <strong>de</strong><br />

l’apprenant <strong>et</strong> à l’encourager à faire<br />

constamment appel aux outils<br />

qu’elle se construit. Il offre également<br />

un langage extrêmement pertinent<br />

pour décrire <strong>et</strong> analyser les<br />

processus en jeu dans la constitution<br />

<strong>de</strong> nouveaux savoirs, quels<br />

qu’en soient l’échelle (celle d’apprentissages<br />

s’effectuant dans un<br />

temps relativement délimité aussi<br />

bien que celle <strong>de</strong> l’indivi<strong>du</strong> au<br />

cours <strong>de</strong> son développement ou<br />

celle <strong>de</strong> la pensée scientifique à travers<br />

l’histoire) ou le contexte<br />

NADINE CÉDRAS<br />

Vie pédagogique <strong>134</strong>, février-<strong>mars</strong><br />

2005<br />

(apprentissage formel, non formel<br />

ou informel). Bref, tout apprentissage<br />

s’inscrit dans une certaine historicité<br />

où interviennent à la fois<br />

une part <strong>de</strong> continuité, assurant<br />

l’intégration <strong>de</strong> ce qui a déjà été<br />

construit dans ce qui est nouveau,<br />

<strong>et</strong> une part <strong>de</strong> rupture, consistant à<br />

enrichir les acquis antérieurs tout<br />

en les conservant, <strong>du</strong> fait même <strong>de</strong><br />

leur intégration dans <strong>de</strong>s totalités<br />

plus larges qui les englobent <strong>et</strong> les<br />

dépassent tout à la fois.<br />

Marie-Françoise Legendre<br />

1. Jean PIAGET, La naissance <strong>de</strong> l’intelligence<br />

chez l’enfant, p. 14.<br />

que plus <strong>de</strong> 60 p. 100 <strong>de</strong>s élèves<br />

vont au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong>s exigences prescrites.<br />

» Elle ajoute qu’en général<br />

les élèves ne résistent pas aux tâches<br />

proposées, bien au contraire, ils<br />

trouvent cela agréable, <strong>et</strong> l’utilité <strong>du</strong><br />

pro<strong>du</strong>it final, la communication,<br />

a un eff<strong>et</strong> direct sur l’engagement :<br />

« Auparavant, j’avais tendance à<br />

enseigner une règle <strong>et</strong> les élèves<br />

s’exerçaient. Maintenant, je les amène<br />

à découvrir la règle. Je réalise que<br />

cela est plus motivant. Aucun élève<br />

n’a tendance à <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r la bonne<br />

réponse; ils cherchent », confirme<br />

Nadine.<br />

Dès le début <strong>de</strong> l’année, Sylvie <strong>et</strong><br />

son collègue Gilbert ont misé sur<br />

l’établissement d’une relation pédagogique<br />

vivante basée sur la satisfaction<br />

<strong>de</strong>s besoins. Ce choix<br />

stratégique a eu un eff<strong>et</strong> immédiat :<br />

«Tout au cours <strong>de</strong> l’année, les élèves<br />

se sont engagés dans les tâches avec<br />

hâte <strong>et</strong> plaisir; je les sentais heureux »,<br />

précise c<strong>et</strong>te enseignante enthousiaste.<br />

Outre le fait d’avoir réfléchi<br />

sur les besoins, elle raconte avoir<br />

pris le temps <strong>de</strong> discuter avec ses<br />

élèves sur les modalités <strong>du</strong> travail<br />

en coopération, l’apprentissage par<br />

<strong>de</strong>s tâches complexes <strong>et</strong> les modalités<br />

d’évaluation : « Ils étaient un peu<br />

inqui<strong>et</strong>s à savoir si toutes les activités<br />

allaient compter. De façon particulière,<br />

les élèves dits scolaires<br />

ont été déstabilisés par c<strong>et</strong>te nouvelle<br />

façon <strong>de</strong> faire; ce n’était pas ce<br />

à quoi ils étaient habitués. » Après<br />

quelques semaines, les élèves ont<br />

pris le rythme : « Je les sentais<br />

acteurs, ils étaient heureux. » Sylvie<br />

<strong>et</strong> son collègue se sont attachés au<br />

fait <strong>de</strong> créer un climat <strong>de</strong> classe<br />

propice à l’apprentissage. Ainsi, au<br />

début <strong>de</strong> chaque cours, les élèves<br />

avaient cinq minutes <strong>de</strong> détente<br />

pendant lesquelles, à qui mieux<br />

mieux, on racontait une blague, une<br />

histoire, un fait cocasse, un souvenir,<br />

<strong>et</strong>c. Cela a permis aux élèves,<br />

jusqu’à la fin <strong>de</strong> l’année, <strong>de</strong> prendre<br />

le temps d’entrer en apprentissage<br />

avant <strong>de</strong> s’engager dans l’exécution<br />

PÉDAGOGIQUE 15<br />

L’ÉLÈVE ACTIF

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!