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[Nom de la socit]

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Les analyses <strong>de</strong> discours dans le livre XIII <strong>de</strong>s Eloquentiae sacrae et humanae paralle<strong>la</strong><br />

[Paru dans Nico<strong>la</strong>s Caussin : rhétorique et spiritualité à l’époque <strong>de</strong> Louis XIII, éd. Sophie Conte, Marburg, LIT<br />

Ver<strong>la</strong>g (collection Ars rhetorica), 2006, p. 1-48 (Actes du colloque Caussin, Troyes, 2004).]<br />

Le livre XIII <strong>de</strong>s Paralle<strong>la</strong> consiste en trente-huit discours tirés <strong>de</strong>s historiens <strong>de</strong><br />

l’Antiquité, grecs ou <strong>la</strong>tins. Caussin en donne le texte, qu’il fait précé<strong>de</strong>r d’une brève<br />

introduction et suivre d’une analyse rhétorique pas à pas. Par rapport à <strong>la</strong> production<br />

éditoriale <strong>de</strong> l’époque, cette présentation combine à <strong>la</strong> fois un petit Conciones et un livre<br />

d’Exercitationes rhetoricae. Un conciones est en effet un corpus <strong>de</strong> discours extraits <strong>de</strong>s<br />

historiens, lesquels ne sont pas nécessairement suivis d’une analyse détaillée, sur le modèle<br />

fondateur du Conciones publié par Henri Estienne en 1570.<br />

Ce livre XIII n’a pas beaucoup retenu l’attention <strong>de</strong> <strong>la</strong> critique. Marc Fumaroli n’en<br />

dit qu’un mot, mais bien senti, dans le chapitre <strong>de</strong> l’Âge <strong>de</strong> l’éloquence qu’il consacre aux<br />

Paralle<strong>la</strong> :<br />

…le P. Caussin confond en un même mouvement <strong>la</strong> culture « adulte », tant sacrée que<br />

profane, et <strong>la</strong> pédagogie qui y prépare. Ce livre érudit est aussi un cours, qui amplifie et<br />

reflète, dans ses digressions, répétitions, ses effets parfois faciles, mais aussi ses<br />

« explications <strong>de</strong> textes » soignées, l’enseignement du régent <strong>de</strong> rhétorique que l’auteur<br />

fut à Rouen et à La Flèche. N’y voyons pas une facilité, un remploi. C’est une façon<br />

délibérée, quoique plus naïve que chez les auteurs romains [= les jésuites Strada et<br />

Reggio], <strong>de</strong> relier comme ceux-ci l’avaient fait l’enseignement et les plus hautes formes<br />

<strong>de</strong> <strong>la</strong> culture, <strong>de</strong> faire percevoir d’un seul regard tous les étages du Logos, tous ses<br />

compartiments, en même temps que son unité profon<strong>de</strong> 1 .<br />

Ce bref passage est intéressant. Car c’est entre autres dans les Paralle<strong>la</strong> que Fumaroli trouve<br />

explicitement l’opposition entre rhétorique « adulte » et sco<strong>la</strong>ire, opposition qu’il fait sienne,<br />

en considérant tout comme Caussin que Longin et le sublime sont du côté <strong>de</strong> <strong>la</strong> rhétorique<br />

adulte, ce qui permet <strong>de</strong> <strong>la</strong>isser Cicéron au mon<strong>de</strong> sco<strong>la</strong>ire. Du coup, <strong>la</strong> présence <strong>de</strong> ces<br />

« explications <strong>de</strong> textes » semble contredire <strong>la</strong> présentation d’ensemble <strong>de</strong> l’Âge <strong>de</strong><br />

l’éloquence. Elles ramènent un peu trop le sublime Caussin à son passé <strong>de</strong> professeur, et<br />

l’adulte à l’enfant. Dans cette perspective, c’est une sorte <strong>de</strong> régression. Fumaroli s’en<br />

débrouille comme il peut, en faisant pour ainsi dire une sortie par le haut. Mais par là il<br />

menace <strong>de</strong> ruine toute sa perspective. La mention du livre XIII le conduit en effet à affirmer<br />

pour une fois qu’il y a continuité entre rhétorique « adulte » et rhétorique sco<strong>la</strong>ire, alors que<br />

partout ailleurs il les oppose très fortement.<br />

Pour ma part, je serais plutôt, et résolument, du côté <strong>de</strong> <strong>la</strong> continuité. Je ne vois et n’ai<br />

jamais vu aucune opposition entre ces <strong>de</strong>ux rhétoriques, dont le distinguo même m’échappe et<br />

me paraît du reste, sous <strong>la</strong> plume <strong>de</strong> Caussin, plus un jugement <strong>de</strong> valeur qu’une <strong>de</strong>scription<br />

<strong>de</strong> ce qui est – en d’autres termes, une facilité polémique. L’idée que ces analyses soient <strong>de</strong>s<br />

remplois ne me gêne donc nullement. Ce qui me gêne n’est pas là. En renvoyant ces analyses<br />

au mon<strong>de</strong> sco<strong>la</strong>ire, on traite celui-ci comme un tout homogène, et qui <strong>de</strong> plus serait si bien<br />

connu <strong>de</strong> tout un chacun, aujourd’hui comme hier, qu’il n’est nul besoin <strong>de</strong> l’explorer. Le<br />

concept <strong>de</strong> rhétorique « adulte » a contribué à ne pas orienter les recherches vers les<br />

productions <strong>de</strong>s régents. Il y a pourtant là, très <strong>la</strong>rgement inexploitées, <strong>de</strong>s ressources<br />

1 L’Âge <strong>de</strong> l’éloquence, Genève, Droz, 1980, p. 286.<br />

1


considérables, qui nous mèneraient plus loin dans notre compréhension <strong>de</strong> <strong>la</strong> rhétorique<br />

ancienne.<br />

Pour exploiter ce filon, il faut au minimum, et tout simplement, prendre le temps <strong>de</strong><br />

regar<strong>de</strong>r <strong>de</strong>s analyses <strong>de</strong> discours. C’est ce que nous faisons régulièrement dans l’équipe<br />

« Rhétorique et Ancien Régime » 1 , et que je vais faire ici. Mon premier point regar<strong>de</strong>ra<br />

l’analyse par Caussin d’un discours précis, le Pro lege Oppia <strong>de</strong> Caton chez Tite-Live ; nous<br />

pourrons alors <strong>la</strong> comparer avec celle <strong>de</strong> son prédécesseur Melchior Junius ; et je conclurai<br />

par un coup d’œil à l’ensemble <strong>de</strong> ses trente-huit analyses. Le but est <strong>de</strong> tenter <strong>de</strong> caractériser<br />

en quoi les analyses <strong>de</strong>s Paralle<strong>la</strong> se distinguent <strong>de</strong> celles alors disponibles. Caussin<br />

professeur, certes : mais <strong>de</strong> quelle sorte ?<br />

Caussin : analyse du Pro lege Oppia <strong>de</strong> Caton (Tite-Live, XXXIV, II-IV)<br />

Si je m’arrête sur l’analyse <strong>de</strong> ce discours précis, le huitième chez Caussin, c’est<br />

qu’on peut aisément <strong>la</strong> comparer à nombre d’autres, tant Tite-Live est présent dans les divers<br />

conciones, du XVI e au XIX e siècle. Pour l’instant, commençons par le seul Caussin, en priant<br />

le lecteur <strong>de</strong> se reporter au tableau en annexe, où il trouvera aussi <strong>la</strong> liste <strong>de</strong>s conciones<br />

utilisés ici.<br />

Le dispositif est le suivant, et il est à peu près le même tout au long du livre XIII.<br />

Caussin donne d’abord un titre au discours. Ce titre est suivi d’un Argumentum, lequel donne<br />

d’une part un résumé <strong>de</strong> <strong>la</strong> situation historique immédiate, et d’autre part un premier<br />

<strong>de</strong>scriptif rhétorique, à grands traits : l’inventio argumentorum, <strong>la</strong> dispositio en <strong>de</strong>ux parties<br />

principales, enfin l’elocutio, qualifiée par trois adjectifs, « grandis, austera, sententiosa »,<br />

bref, « sentant partout son Caton, Catonem ubique spirans ». Ensuite, est donné le texte <strong>la</strong>tin<br />

du discours chez Tite-Live, d’un bloc, sans retour au paragraphe ni intertitres, ni même <strong>de</strong><br />

guillemets pour signaler les sermocinationes et prosopopées. Pour baliser ce long texte, le<br />

lecteur n’est aidé que par neuf manchettes marginales, qui pour l’essentiel reprennent <strong>de</strong><br />

façon quasi-tautologique <strong>de</strong>s mots du texte livien. La seule autre ai<strong>de</strong> ou marque, ce sont les<br />

italiques qui soulignent trois phrases ou plutôt bouts <strong>de</strong> phrase, en face <strong>de</strong>s manchettes que je<br />

numérote 4, 5 et 8. Ces italiques font d’ailleurs redondance avec les manchettes, puisque dans<br />

les trois cas le texte en italiques est aussi, à peu <strong>de</strong> chose près, le texte <strong>de</strong> <strong>la</strong> manchette. Enfin,<br />

le texte <strong>la</strong>tin est suivi <strong>de</strong> l’Œconomia orationis, elle-même f<strong>la</strong>nquée <strong>de</strong> quatre manchettes<br />

marginales. En dix paragraphes numérotés par Caussin lui-même <strong>de</strong> I à X, l’Œconomia va <strong>de</strong><br />

l’exor<strong>de</strong> à <strong>la</strong> péroraison <strong>de</strong> façon linéaire, dans un commentaire qui mêle remarques<br />

rhétoriques et générales.<br />

Deux traits me paraissent sail<strong>la</strong>nts : l’absence <strong>de</strong> paragraphage et <strong>la</strong> présence<br />

constante du pathos.<br />

L’absence <strong>de</strong> paragraphage fait d’abord que, d’un point <strong>de</strong> vue purement<br />

typographique, l’ensemble n’est pas extrêmement maniable. On aurait pu imaginer que<br />

Caussin, ou son éditeur, se donne au moins <strong>la</strong> peine <strong>de</strong> reporter les chiffres <strong>la</strong>tins <strong>de</strong><br />

l’Œconomia dans <strong>la</strong> marge du texte <strong>de</strong> Tite-Live, comme je l’ai fait moi-même. Mais il me<br />

semble que cette décision typographique est moins un oubli ou une paresse qu’un choix<br />

intellectuel. Il s’agit d’obliger le lecteur à ne pas aller trop vite, à entrer progressivement dans<br />

le discours. Pour pouvoir reporter les chiffres <strong>la</strong>tins dans <strong>la</strong> marge, au moins mentalement, il<br />

faut comprendre l’Œconomia, <strong>la</strong> « suivre » pas à pas. Il faut donc prendre son temps. Le<br />

1 En abrégé, RARE : www.u-grenoble3.fr/rare/. Voir sur notre site les comptes rendus du séminaire mensuel et, bientôt,<br />

toute une série d’ouvrages numérisés (y compris les Paralle<strong>la</strong>, dont <strong>la</strong> Bibliothèque <strong>de</strong> Troyes nous a fait <strong>la</strong> reproduction).<br />

2


lecteur répète alors le geste du commentateur, qui est <strong>de</strong> découper le texte livien en tranches.<br />

Ce geste est fondamental, car il renvoie au sens propre du grec analysis, ou <strong>de</strong> son équivalent<br />

<strong>la</strong>tin chez les humanistes, resolutio 1 . Ana-luein, c’est disjoindre ce qui est joint ou « lié » par<br />

<strong>de</strong>s liens : luein signifie à soi tout seul « délier », et <strong>la</strong> lusis est au théâtre le dé-nouement. Il<br />

s’agit donc <strong>de</strong> décomposer un composé, <strong>de</strong> défaire <strong>la</strong> trame textuelle qui liait les parties et en<br />

faisait un tout, selon le sens donné par le préfixe ana- comme par son équivalent re- :<br />

remonter, revenir en arrière, avec aussi une valeur distributive, « en parcourant » tous les<br />

éléments 2 . Le problème est alors le distinguo c<strong>la</strong>ssique posé par P<strong>la</strong>ton entre le mauvais et le<br />

bon boucher. Le mauvais coupe l’animal « à <strong>la</strong> hache », <strong>de</strong> façon arbitraire, quand le bon fait<br />

passer le couteau là où sont les articu<strong>la</strong>tions originelles. L’ana-lyse est une ana-tomie.<br />

Pour en rester à l’analyse textuelle, le geste <strong>de</strong> faire passer le couteau ou les ciseaux<br />

sur un texte implique plusieurs choses. D’une part, c’est présupposer que le texte est un<br />

composé, et même un composé vivant, comme l’animal que le boucher découpe : on sait<br />

l’importance anciennement <strong>de</strong> l’idée <strong>de</strong> compositio, ce que Du Bel<strong>la</strong>y appelle précisément <strong>la</strong><br />

« liaison » 3 ; on se rappelle aussi que le mot même <strong>de</strong> « composition » est resté longtemps un<br />

terme sco<strong>la</strong>ire – faire une composition française, c’était construire un discours, et, plus tard,<br />

une dissertation. D’autre part, l’analyse linéaire n’est pas du saucissonnage, c’est-à-dire un<br />

découpage arbitraire : l’analyste prétend au contraire retrouver et faire retrouver les<br />

articu<strong>la</strong>tions originelles, les jointures réelles du texte. En somme, d’un côté l’absence <strong>de</strong><br />

paragraphage donne à voir le texte <strong>la</strong>tin comme un composé vivant, comme une trame, tissu<br />

ou textus ; <strong>de</strong> l’autre côté, pour reporter au texte le découpage proposé par l’Œconomia, le<br />

lecteur doit faire tout un travail <strong>de</strong> compréhension, ce qui lui permet d’apprécier in situ <strong>la</strong><br />

pertinence <strong>de</strong> ce découpage.<br />

Ce long discours donné d’abord d’un bloc, ce n’est donc que progressivement qu’on<br />

se l’approprie en y voyant <strong>de</strong> plus petites unités : d’abord l’exor<strong>de</strong>, bien sûr, puis ce premier<br />

argument qu’est le danger que les femmes font courir à l’État, etc. Si le texte livien était déjà<br />

paragraphé, ce serait du travail pré-mâché, sans enjeu <strong>de</strong> lecture. Il nous paraîtrait alors<br />

évi<strong>de</strong>nt que l’exor<strong>de</strong>, par exemple, s’arrête là où Caussin le fait s’arrêter – or <strong>la</strong> comparaison<br />

avec le seul Junius montre aussitôt que ce<strong>la</strong> n’a en fait rien d’évi<strong>de</strong>nt, puisque Caussin arrête<br />

l’exor<strong>de</strong> bien avant celui-ci, à <strong>la</strong> fin <strong>de</strong> I (ou bien après, à <strong>la</strong> fin <strong>de</strong> II, si l’on se rappelle que <strong>la</strong><br />

1 e partie pour Caussin commence à III). Avec <strong>de</strong>s paragraphes déjà faits, le lecteur ancien<br />

serait dans <strong>la</strong> situation du lecteur mo<strong>de</strong>rne <strong>de</strong> Montaigne. On sait que les éditions actuelles<br />

<strong>de</strong>s Essais mettent <strong>de</strong>s paragraphes là où les éditions du vivant <strong>de</strong> Montaigne ne le faisaient<br />

pas. Du coup, ce paragraphage mo<strong>de</strong>rne donne pour acquis et « naturel » un découpage qui<br />

aurait dû être une conquête, d’ailleurs fragile, due à <strong>la</strong> diligentia <strong>de</strong> ce « diligent lecteur » que<br />

les Essais appellent <strong>de</strong> leurs vœux. De même ici, Caussin en appelle à <strong>la</strong> participation active<br />

du lecteur – <strong>de</strong> l’élève. Il le <strong>la</strong>isse pour ainsi dire faire <strong>la</strong> moitié du chemin. Et pourtant il<br />

l’ai<strong>de</strong> à se repérer, avec les manchettes. Une fois qu’on a reporté au texte son paragraphage <strong>de</strong><br />

I à X, on s’aperçoit en effet qu’il y a pratiquement une manchette par paragraphe. Comme j’ai<br />

1 Le <strong>la</strong>tin c<strong>la</strong>ssique ne semble pas avoir ce sens précis, ni pour resolutio ni pour resolvere. Mais Junius titre Resolutio un<br />

ouvrage qui est une analyse <strong>de</strong>s discours <strong>de</strong> Cicéron, et en cherchant par ce mot au titre, on trouve nombre d’autres<br />

ouvrages du même type. Voir aussi Daniel Georg Morhoff, Polyhistor literarius, Lubeck, Bockmann, 1708, sur les<br />

Rhetoricarum exercitationum… <strong>de</strong> Tesmar : leurs cinq premiers livres « sunt analytici, resolventes oratiuncu<strong>la</strong>s<br />

historicorum, poëtarum, &c. secundum genera causarum » (I, 6, 1, § 25 ; cf. § 16 sur Thilo dont le Curtius orator « tum<br />

resolvit Orationes Curtianas, tum, quomodo amplificari possint, ostendit »).<br />

2 Par exemple, gr. ana-gignôskein (tout comme <strong>la</strong>t. re-cognoscere) c’est ou bien « re-connaître », retrouver <strong>de</strong> nouveau, ou<br />

bien « connaître d’un bout à l’autre », inspecter complètement, cf. fr. « reconnaître les positions ennemies ».<br />

3 Je me permets <strong>de</strong> renvoyer là-<strong>de</strong>ssus à mon commentaire <strong>de</strong> <strong>la</strong> Deffence et illustration… (= Du Bel<strong>la</strong>y, Œuvres<br />

complètes, I, Paris, Champion, 2003).<br />

3


numéroté les manchettes, c’est d’autant plus frappant : <strong>la</strong> manchette 1 correspond à I, 2 à II, 3<br />

à III, 4 à IV, 5 à V. Ensuite, ce<strong>la</strong> se décale un peu : 6 correspond à VII, 7 et 8 à VIII, enfin 9 à<br />

X. Mais enfin, peu ou prou, les manchettes permettent <strong>de</strong> baliser à grands traits le discours, <strong>de</strong><br />

le « saisir » visuellement et donc intellectuellement, en permettant à l’esprit <strong>de</strong> se poser <strong>de</strong><br />

p<strong>la</strong>ce en p<strong>la</strong>ce.<br />

Les manchettes apparemment si tautologiques ne sont donc pas inutiles. Si l’on veut<br />

poursuivre l’image <strong>de</strong> <strong>la</strong> « saisie », on pourrait dire qu’elles sont comme <strong>de</strong>s poignées qui<br />

permettent d’attraper et <strong>de</strong> tenir toute une unité du texte, comme on tient une valise. Mais en<br />

fait d’image, est sans doute plus pertinente l’image ancienne <strong>de</strong>s « lieux » <strong>de</strong> mémoire. Les<br />

manchettes sont comme une série <strong>de</strong> points d’accroche à parcourir et méditer, et à partir<br />

duquel le lecteur va se remémorer le texte, tel le moine s’arrêtant aux diverses « stations »<br />

dans l’église puis le cloître. Car le but ultime du dispositif typographique me paraît être <strong>la</strong><br />

mémorisation <strong>de</strong> tout le discours. Si Caussin n’a pas voulu trop ai<strong>de</strong>r le lecteur, c’est pour<br />

mieux l’ai<strong>de</strong>r, dans et par le lent processus <strong>de</strong> va-et-vient entre son analyse et Tite-Live, à<br />

s’assimiler le texte lui-même, à le savoir <strong>de</strong> proche en proche tout entier par cœur, c’est-à-dire<br />

à le possé<strong>de</strong>r dans sa plénitu<strong>de</strong>. On apprend par blocs, lieux ou valises, et on apprend aussi<br />

l’ordre <strong>de</strong> succession <strong>de</strong>s blocs ; et si les blocs sont arbitraires, on retiendra et on récitera bien<br />

moins facilement. Ainsi les manchettes marginales ne sont-elles qu’en apparence anodines.<br />

Terminons là-<strong>de</strong>ssus en soulignant qu’elles nous renvoient au sens propre du grec<br />

paragraphè. Un para-graphe, c’est ce qu’on écrit (graphein) à côté (para), c’est-à-dire,<br />

justement, dans <strong>la</strong> marge ; d’où selon le Bailly le sens à <strong>la</strong> fois d’« annotation marginale »<br />

(Isocrate), <strong>de</strong> « signe <strong>de</strong> ponctuation annonçant <strong>la</strong> fin d’un développement » 1 , ou encore <strong>de</strong><br />

« signe graphique pour annoncer <strong>la</strong> réplique dans un dialogue <strong>de</strong> théâtre ».<br />

L’absence <strong>de</strong> paragraphage n’est donc pas, on le voit, une question purement formelle<br />

ou typographique ; ou plus exactement, les questions <strong>de</strong> typographie impliquent toujours <strong>de</strong>s<br />

décisions sur le fond. J’en viens ainsi à l’autre point annoncé, qui porte encore plus<br />

c<strong>la</strong>irement sur le fond, à savoir <strong>la</strong> présence constante du pathos, ou plus exactement d’un<br />

certain pathos.<br />

Le nom même <strong>de</strong> Caton est emblématique d’une éloquence tout entière pathétique ou<br />

si l’on préfère véhémente : « grandis, austera, sententiosa », comme le dit Caussin à <strong>la</strong> fin <strong>de</strong><br />

son Argumentum. La situation même du discours est elle aussi assez typiquement catonienne.<br />

Les femmes ont envahi le Forum en foule pour obtenir l’abrogation <strong>de</strong> <strong>la</strong> loi Oppia, qui leur a<br />

interdit toute espèce <strong>de</strong> luxe ostentatoire. Le consul Caton s’oppose à cette foule déchaînée,<br />

dans un jeu d’oppositions tranchées où il défend une certaine idée <strong>de</strong> Rome : les maris contre<br />

les femmes, <strong>la</strong> sévérité contre le luxe, <strong>la</strong> retenue d’autrefois contre <strong>la</strong> déca<strong>de</strong>nce<br />

d’aujourd’hui, etc. Bref, il est seul contre tous, ou plutôt contre toutes, telle <strong>la</strong> rai<strong>de</strong>ur contre<br />

<strong>la</strong> mollesse ou encore, pour reprendre l’image virgilienne, tel le rocher stoïque contre les flots<br />

démontés.<br />

Que Caussin voie <strong>de</strong> <strong>la</strong> véhémence partout n’est donc pas a priori pour surprendre. En<br />

voici l’énumération exhaustive (je souligne) :<br />

1 Aristote, Rhétorique, III, 8 sub fine, 1409a21, première attestation : voir <strong>la</strong> note ad loc. <strong>de</strong> l’édition Dufour et Wartelle,<br />

Paris, Belles Lettres, 1980. La réflexion d’Aristote ici est précisément informée par le distinguo entre découpage arbitraire<br />

ou selon les articu<strong>la</strong>tions naturelles : « il faut que ce soit le rythme et non le scribe ou le signe <strong>de</strong> ponctuation<br />

(paragraphè) qui marque <strong>la</strong> fin » d’une unité, autrement dit qui signale <strong>la</strong> c<strong>la</strong>usule qui clôture un développement. Ce n’est<br />

pas un hasard si ce chapitre embraye aussitôt sur <strong>la</strong> discussion <strong>de</strong> <strong>la</strong> pério<strong>de</strong> oratoire, <strong>la</strong>quelle se définit elle aussi comme<br />

ayant « un commencement et une fin par elle-même » (III, 9, fin <strong>de</strong> 1409a), et non arbitraire. Ce n’est pas non plus un<br />

hasard si toute cette discussion est reprise dans l’Orator <strong>de</strong> Cicéron, vibrant p<strong>la</strong>idoyer en faveur <strong>de</strong> <strong>la</strong> compositio.<br />

4


I. Exordium graue nimiam virorum indulgentiam perstringit, Un exor<strong>de</strong> grave attaque <strong>la</strong><br />

trop gran<strong>de</strong> indulgence <strong>de</strong>s maris envers leurs femmes.<br />

II. Ex eo statuit in primis periculosa mulierum conciliabu<strong>la</strong>e, et hujus authores licentiae<br />

sugil<strong>la</strong>t, D’abord il expose les dangers que représente cette assemblée <strong>de</strong> femmes, et il<br />

flétrit les responsables à l’origine <strong>de</strong> pareille licence.<br />

IV. [= manchette 4] Mulier indomitum animal, La femme est un animal indomptable.<br />

VI. Etiamsi nul<strong>la</strong> lex esset opposita, tamen f<strong>la</strong>gitiosa est haec mulierum importunitas :<br />

quod praec<strong>la</strong>re exaggerat, osten<strong>de</strong>ns a rei natura et turpitudine petitionis indignitatem.<br />

Même si aucune loi ne s’y opposait, cette requête importune <strong>de</strong>s femmes serait pourtant<br />

scandaleuse : ce qu’il « exagère » <strong>de</strong> façon bril<strong>la</strong>nte, en soulignant l’indignité <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />

requête à partir <strong>de</strong> <strong>la</strong> nature même <strong>de</strong> <strong>la</strong> chose et <strong>de</strong> sa turpitu<strong>de</strong>.<br />

VII. [= manchette 6] Luxus Romanus perstringitur, Il attaque le luxe romain.<br />

Vu par Caussin, le ton catonien est monocor<strong>de</strong> : il attaque, flétrit, « exagère » l’indignité (au<br />

sens rhétorique d’exagérer). Le mot même d’indignitas à VI est révé<strong>la</strong>teur, comme est très<br />

révé<strong>la</strong>teur le fait que l’Œconomia isole en un seul paragraphe VI ce petit passage <strong>de</strong> Tite-<br />

Live, pour en faire <strong>la</strong> conclusion et donc <strong>la</strong> péroraison pathétique <strong>de</strong> <strong>la</strong> « première partie »<br />

commencée à III. Ce<strong>la</strong> est d’autant plus étonnant quand on compare avec l’analyse <strong>de</strong> Junius :<br />

c’est le point précis où leurs <strong>de</strong>ux découpages diffèrent radicalement, ils ne sont pas d’accord<br />

sur <strong>la</strong> jointure même du discours. Indignitas et mini-péroraison (ou, dit Quintilien,<br />

peroratiuncu<strong>la</strong>) : ces <strong>de</strong>ux éléments permettent <strong>de</strong> caractériser <strong>la</strong> sorte <strong>de</strong> pathos à <strong>la</strong>quelle<br />

songe Caussin. Ce qui l’intéresse est l’indignatio, <strong>la</strong>quelle renvoie à l’attitu<strong>de</strong> du procureur.<br />

La véhémence est celle <strong>de</strong> l’invective dans le réquisitoire, qui se déploie précisément <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />

façon <strong>la</strong> plus éc<strong>la</strong>tante dans <strong>la</strong> péroraison. Nous cherchions à caractériser Caussin : nous y<br />

sommes. Le recours constant aux catégories <strong>de</strong> <strong>la</strong> véhémence indignée est l’un <strong>de</strong>s traits les<br />

plus caractéristiques <strong>de</strong> sa lecture. C’est aussi l’un <strong>de</strong>s plus discutables, et l’un <strong>de</strong> ceux que <strong>la</strong><br />

comparaison avec Junius va dégager <strong>de</strong> façon particulièrement éc<strong>la</strong>irante. Pour en rester ici à<br />

Caussin, plusieurs éléments vont dans ce sens : le vocabu<strong>la</strong>ire employé, le re<strong>la</strong>tif oubli du<br />

p<strong>la</strong>n proposé, enfin l’intérêt que les Paralle<strong>la</strong> portent au « lieu commun » selon Aphthonius.<br />

Tout d’abord, le vocabu<strong>la</strong>ire <strong>de</strong> Caussin se distingue ici par sa préciosité. Perstringere<br />

(I, VII) et sugil<strong>la</strong>re (II) sont du <strong>la</strong>tin c<strong>la</strong>ssique et même livien, mais ce sont <strong>de</strong>s termes peu<br />

usuels pour une <strong>de</strong>scription rhétorique 1 . Très peu techniques, ils ne sentent pas l’école, et<br />

c’est donc du vocabu<strong>la</strong>ire pour rhétorique « adulte ». Suggil<strong>la</strong>re ou sugil<strong>la</strong>re signifie « se<br />

moquer <strong>de</strong>, insulter, outrager », et dans ce sens <strong>de</strong> « flétrir » il est bien attesté tardivement : il<br />

permet <strong>de</strong> dire, à propos <strong>de</strong>s tribuns, ce que Junius désigne plus techniquement à son 1 par<br />

pudor, le déshonneur 2 . Perstringere est plus intéressant, et il n’est pas dans les traités. Le mot<br />

ne saurait avoir ici son sens c<strong>la</strong>ssique d’« effleurer (un sujet), toucher légèrement » 3 . Caton ne<br />

mentionne pas comme au passage l’indulgence <strong>de</strong>s maris ou le luxe romain ; bien au<br />

1 Sug(g)il<strong>la</strong>re est absent tant <strong>de</strong>s traités cicéroniens <strong>de</strong> rhétorique que <strong>de</strong> l’Institution oratoire <strong>de</strong> Quintilien. Pour<br />

perstringere ou sa variante praestringere, les <strong>de</strong>ux occurrences cicéroniennes ne sont pas rhétoriques, pas plus que <strong>de</strong>ux<br />

<strong>de</strong>s trois occurrences <strong>de</strong> Quintilien (De Oratore, II, 201 ; Brutus 323 : Kenneth Abbott, In<strong>de</strong>x verborum in Ciceronis<br />

Rhetorica, Urbana, Univ. of Illinois Press, 1964 ; I. O. X, 1, 92 et XI, 1, 4).<br />

2 Du Cange, s. v. Suggi<strong>la</strong>tio, rend le mot par « infamia, <strong>de</strong><strong>de</strong>cus ». Tite-Live, IV, XXXV, 10 : « Petisse viros domi<br />

militiaeque spectatos; primis annis suggil<strong>la</strong>tos, repulsos, risui patribus fuisse; <strong>de</strong>sisse postremo praebere ad contumeliam<br />

os, Des hommes qui s’étaient distingués dans l’administration et dans les armes avaient recherché cet honneur [le<br />

consu<strong>la</strong>t] ; dès les premières années, tournés en dérision, repoussés, ils avaient servi <strong>de</strong> jouet aux patriciens ; enfin ils<br />

s’étaient découragés d’affronter ces hontes publiques » (trad. Nisard ; je souligne).<br />

3 Cicéron, Verr. 4, 105 : « Rei magnitudo me breuiter praestringere atrocitatem criminis non sinit, L’importance du sujet<br />

ne me permet pas <strong>de</strong> passer légèrement sur un chef d’accusation odieux » ; cf. Phil. 2, 47, « celeriter perstringam », De<br />

Oratore II, 201, « breuiter perstrinxi ».<br />

5


contraire, il les attaque fortement. Perstringere a ici son autre sens, qui est également du <strong>la</strong>tin<br />

c<strong>la</strong>ssique. Tite-Live (I, XXV, 4) : « Au premier choc <strong>de</strong> ces guerriers [les Horace et les<br />

Curiace], au premier cliquetis <strong>de</strong> leurs armes, dès qu’on vit étinceler leurs épées, horror<br />

spectantes perstringit, une horreur profon<strong>de</strong> saisit les spectateurs » (trad. Nisard) ou « un<br />

frisson crispe les spectateurs, leur serre le cœur » (trad. du nouveau Gaffiot) 1 . Stringere :<br />

étreindre ; per-stringere : étreindre totalement. Qu’on effleure ou qu’on serre fermement,<br />

dans les <strong>de</strong>ux cas il s’agit du même geste : saisir <strong>la</strong> surface (pincer, raser) ou au contraire <strong>la</strong><br />

profon<strong>de</strong>ur (étreindre, empoigner). Dans le second cas, le même verbe est souvent f<strong>la</strong>nqué<br />

d’un adverbe, qui précise si on est dans le pathétique le plus grand, comme ici chez Tite-Live<br />

ou encore chez Virgile 2 , ou un ton plus bas 3 . Chez Caussin, le retour du verbe dit c<strong>la</strong>irement<br />

<strong>la</strong> présence constante <strong>de</strong> <strong>la</strong> véhémence <strong>la</strong> plus gran<strong>de</strong>, celle d’un Caton qui « saisit » son<br />

public par ses remontrances, le prend d’emblée ou plutôt l’empoigne pour ne plus le lâcher,<br />

tout comme l’angoisse poignante étreint les spectateurs au début du combat <strong>de</strong>s Horace et <strong>de</strong>s<br />

Curiace, pour ne plus les quitter. Et ce<strong>la</strong> nous ramène précisément à <strong>la</strong> présence constante du<br />

pathos. Le per- annonce d’emblée que le poignant ou « stringent » va dominer <strong>la</strong> totalité du<br />

discours.<br />

Le <strong>de</strong>uxième élément qui va dans le même sens est le re<strong>la</strong>tif oubli du p<strong>la</strong>n proposé. Il<br />

est en effet assez étonnant <strong>de</strong> voir que l’Œconomia orationis ne mentionne même pas le<br />

découpage en <strong>de</strong>ux parties signalé auparavant dans l’Argumentum : « première partie, <strong>la</strong> loi ;<br />

secon<strong>de</strong> partie, <strong>la</strong> censure <strong>de</strong>s femmes ». Dans l’Œconomia, <strong>la</strong> censure <strong>de</strong>s femmes, qui va <strong>de</strong><br />

VII à IX, est tout entière vue comme une invective : pathos du réquisitoire contre le luxe<br />

actuel, et contraste typiquement catonien avec l’absence <strong>de</strong> luxe <strong>de</strong>s ancêtres. En revanche,<br />

les considérations sur <strong>la</strong> première partie, <strong>la</strong> loi, <strong>de</strong> III à VI, sont introduites dans l’Œconomia<br />

par « disputat ». Ce verbe en principe introduit plutôt l’idée <strong>de</strong> contentio ou confirmatio :<br />

c’est là que commence l’exposé <strong>de</strong>s arguments, <strong>la</strong> discussion. Donc cette première partie<br />

<strong>de</strong>vrait être vue a priori comme un ton plus bas que <strong>la</strong> véhémence, et relever du docere. Mais<br />

<strong>de</strong>rechef, on voit bien ce que Caussin en retient là aussi, à savoir l’effet <strong>de</strong> contraste violent et<br />

« catonien » : entre le présent où les femmes font ce qu’elles veulent et le passé glorieux <strong>de</strong>s<br />

ancêtres qui ne leur <strong>la</strong>issaient rien faire (III), entre le <strong>la</strong>xisme où chacun se débarrasse <strong>de</strong>s lois<br />

qui le gênent et l’autorité <strong>de</strong> <strong>la</strong> loi (V), avec mini-péroraison à VI sur l’indignité <strong>de</strong> leur<br />

1 Cf. <strong>la</strong> seule occurrence <strong>de</strong> Quintilien que l’on puisse à <strong>la</strong> rigueur qualifier <strong>de</strong> rhétorique : nous orateurs ne <strong>de</strong>vons pas<br />

imiter les poètes, car nous sommes <strong>de</strong>s soldats sur le front <strong>de</strong> bataille, et nos armes doivent avoir « un éc<strong>la</strong>t qui effraie, tel<br />

celui du fer, qui saisit à <strong>la</strong> fois l’esprit et le regard, quo mens simul uisusque praestringitur » (X, 1, 30, je souligne).<br />

2 Énéi<strong>de</strong>, IX, v. 294 : « Le cœur ému, Percussa mente, les Dardani<strong>de</strong>s pleurèrent et plus que tous le bel Iule : l’image <strong>de</strong><br />

son père si aimant lui étreignit l’âme, animum patriae strinxit pietatis imago. »<br />

3 Les Exercitationes (…) T. Livii <strong>de</strong> 1740 ont <strong>de</strong>ux emplois rhétoriques du verbe, l’un très fort et l’autre plus retenu. Fort,<br />

et précisé par « acerbissima », à <strong>la</strong> fin <strong>de</strong> leur discours 25 : « Desertus sit) Haec est acerbissima omnium Interrogatio, qua<br />

perstringit Sempronium, quasi ipse fortissimos milites, et optime <strong>de</strong> Rep. meritos hostibus prodi<strong>de</strong>rit, nullo misso<br />

praesidio » (Tite-Live, IV, XLV, « C. Julii Tribuni ad S. Tempanium », je souligne). Emploi plus retenu, et précisé par<br />

mo<strong>de</strong>ste, au début du discours 153, où Manlius accuse <strong>de</strong> malignitas et ses adversaires et les sénateurs : « Nullius) Leniter<br />

<strong>de</strong>in<strong>de</strong>, et mo<strong>de</strong>ste Patres ipsos perstringit » (Tite-Live, XXXVIII, XLVII, « Cn. Manlii pro triumpho in Senatu », je<br />

souligne). Manlius accuse les sénateurs avec plus <strong>de</strong> retenue ou <strong>de</strong> mesure que ses adversaires directs : il les ménage, tout<br />

en leur faisant sentir le poids <strong>de</strong> son accusation. Même emploi chez Tacite, Annales, II, 59 (« lenibus uerbis perstricto »<br />

opposé à « acerrime increpuit ») et IV, 17 : « ils reçurent un blâme modéré, modice perstricti, car <strong>la</strong> plupart étaient <strong>de</strong>s<br />

proches [<strong>de</strong> Tibère] ou les premiers <strong>de</strong> <strong>la</strong> cité ». Les Exercitationes (…) P. Virgilii… <strong>de</strong> 1735 ont un seul emploi, fort et<br />

précisé par acerbe, au discours 69 : « Si les Troyens ont gagné l’Italie sans ton assentiment et malgré ton vouloir » y est<br />

commenté par « A causis rei indignitatem ostendit (…). Junonem hic acerbe perstringit » (Énéi<strong>de</strong>, X, v. 31, Vénus à<br />

Jupiter au conseil <strong>de</strong>s Dieux) ; à noter <strong>la</strong> proximité avec <strong>la</strong> formule <strong>de</strong> Caussin à VI : « osten<strong>de</strong>ns a rei natura et<br />

turpitudine petitionis indignitatem ». Ces <strong>de</strong>ux Exercitationes appliquent exactement <strong>la</strong> même grille <strong>de</strong> lecture rhétorique<br />

à Tite-Live ou à Virgile, parce qu’elles sont issues <strong>de</strong> <strong>la</strong> même « boutique », le séminaire <strong>de</strong> Padoue, sous l’impulsion du<br />

cardinal Gregorio Barbarigo, né en 1625, mort en 1697.<br />

6


<strong>de</strong>man<strong>de</strong>. Ce contraste est un ressort <strong>de</strong> <strong>la</strong> véhémence, il est même le ressort catonien par<br />

excellence, le célèbre recours au mos Maiorum 1 .<br />

Il est aussi, si je puis dire, le ressort caussinien par excellence, et c’est le troisième<br />

élément, le plus probant je crois. Caussin lui-même en a fait <strong>la</strong> théorie plus haut dans les<br />

Paralle<strong>la</strong> (V, 3), lorsqu’il appuie toute sa théorie du lieu commun sur le chapitre<br />

qu’Aphthonius lui consacre. Or, le « lieu commun » selon Aphthonius, c’est l’équivalent<br />

exact <strong>de</strong> ce que le De Inuentione <strong>de</strong> Cicéron nomme une indignatio, et qui a sa p<strong>la</strong>ce dans <strong>la</strong><br />

péroraison. Nous ne sortons pas du réquisitoire, auquel Caussin donne d’un point <strong>de</strong> vue<br />

théorique une p<strong>la</strong>ce exagérée, en faisant par là comme si toute espèce d’amplificatio relevait<br />

<strong>de</strong> l’indignatio. À V, 3, il a une remarque à <strong>la</strong> fois très intéressante et très révé<strong>la</strong>trice. Le<br />

premier lieu ou point d’Aphthonius est ex enantia, tiré <strong>de</strong>s contraires (a contrario dans <strong>la</strong><br />

traduction Lorich). Dans l’exemple d’Aphthonius, qui est contre un tyran – c’est-à-dire contre<br />

une tentative <strong>de</strong> renversement <strong>de</strong> <strong>la</strong> démocratie –, ce premier lieu donne (je souligne) :<br />

Tenez-vous en donc plutôt à l’avis <strong>de</strong> nos ancêtres, qui ont trouvé que le moyen <strong>de</strong><br />

combattre les inégalités et d’assurer <strong>la</strong> concor<strong>de</strong> était une constitution qui excluait toute<br />

forme <strong>de</strong> pouvoir absolu et qui était régie par <strong>de</strong>s lois égales pour tous 2 .<br />

Caussin remarque que « contraire » signifie en somme : opposer <strong>la</strong> situation actuelle aux<br />

« Maiorum p<strong>la</strong>cita », aux décisions <strong>de</strong> nos ancêtres. Il en déduit que ce<strong>la</strong> ressemble sur le<br />

fond au premier lieu <strong>de</strong> l’amplificatio selon l’Ad Herennium (II, 48), c’est-à-dire encore au<br />

premier lieu <strong>de</strong> l’indignatio selon le De Inuentione <strong>de</strong> Cicéron (I, 101), dont <strong>la</strong> formu<strong>la</strong>tion<br />

est à peu <strong>de</strong> choses près <strong>la</strong> même. Ce premier lieu est dit par l’Ad Herennium et par Cicéron<br />

ab auctoritate (je souligne) :<br />

Le premier lieu se tire <strong>de</strong> l’autorité, quand nous rappelons quel intérêt les dieux<br />

immortels, nos ancêtres, les rois, les cités (…) ont pris à <strong>la</strong> chose, et surtout (…) les<br />

lois, Primus locus sumitur ab auctoritate, cum commemoramus quantae curae ea res<br />

fuerit diis immortalibus aut maioribus nostris, regibus, ciuitatibus (…) item maxime<br />

(…) legibus 3 .<br />

« Contraire » chez Aphthonius, « autorité » dans les traités <strong>la</strong>tins : parce qu’il met théorie<br />

grecque et <strong>la</strong>tine en parallèle, Caussin sait dégager le troisième terme qui unit ces <strong>de</strong>ux<br />

premiers, et qui est le mos Maiorum. Comme explication théorique, c’est très intelligent, et<br />

c’est en soi un apport très intéressant à l’histoire <strong>de</strong> <strong>la</strong> rhétorique, que ni Guy Achard ni<br />

Michel Patillon ne me semblent signaler, parce que ni l’un ni l’autre ne pratique le parallèle.<br />

Mais c’est aussi très révé<strong>la</strong>teur <strong>de</strong>s intérêts <strong>de</strong> Caussin. La première partie du discours <strong>de</strong><br />

Caton commence par « Maiores nostri… » (= III), donc pour Caussin par un contraste ou<br />

« contraire » avec les ancêtres. Et <strong>la</strong> fin <strong>de</strong> cette première partie, sur <strong>la</strong> déliquescence <strong>de</strong> <strong>la</strong> loi,<br />

est pour notre jésuite « ab authoritate legis » (= V) : <strong>la</strong> formule est c<strong>la</strong>irement une référence à<br />

<strong>la</strong> formu<strong>la</strong>tion <strong>de</strong>s traités <strong>la</strong>tins. Le rapprochement est ainsi très net entre <strong>la</strong> théorie <strong>de</strong> Caussin<br />

et sa lecture <strong>de</strong> <strong>la</strong> première partie <strong>de</strong> ce discours. Mais on voit aussi <strong>la</strong> conséquence du rappel<br />

1 Sur ce recours au mos Maiorum par Caton, et, à l’imitation <strong>de</strong> celui-ci, par ses successeurs dont Cicéron, voir Jean-Michel<br />

David, Le patronat judiciaire au <strong>de</strong>rnier siècle <strong>de</strong> <strong>la</strong> république romaine, Ecole Française <strong>de</strong> Rome, 1992, passim et en<br />

particulier p. XIX-XX.<br />

2 Je reprends <strong>la</strong> paraphrase donnée par Michel Patillon, Éléments <strong>de</strong> rhétorique c<strong>la</strong>ssique, Paris, Nathan, 1990, p. 146,<br />

lequel donne dans son chapitre 5 un précieux <strong>de</strong>scriptif <strong>de</strong> l’ensemble <strong>de</strong>s Progymnasmata d’Aphthonius.<br />

3 Rhétorique à Herennius, éd. et trad. Guy Achard, Paris, Les Belles Lettres, 1989.<br />

7


<strong>de</strong> sa théorie. Ce<strong>la</strong> signifie que pour lui toute cette première partie relève d’une amplificatio<br />

(Ad Her.) ou d’une indignatio (Cicéron) ou encore d’un « lieu commun » au sens<br />

d’Aphthonius. Or ce type d’amplification est en soi tout entier du pathos, <strong>de</strong> <strong>la</strong> véhémence.<br />

Chassez l’invective – le pathos <strong>de</strong> l’indignatio –, elle revient par le mos Maiorum.<br />

On va voir que chez Junius le pathos est plus différencié. Junius signale, comme<br />

Caussin, le petit passage <strong>de</strong> pudor (à son 1 = Caussin, IIb, « sugil<strong>la</strong>t »). Mais surtout, et que<br />

ne fait pas Caussin, d’un côté il limite l’indignatio à <strong>de</strong>ux passages circonscrits, ses 2 et 9 (=<br />

IIc et milieu <strong>de</strong> X) et <strong>de</strong> l’autre il introduit <strong>de</strong>ux autres « passions », ira et metus, et elles aussi<br />

à <strong>de</strong>s moments circonscrits. Concluons notre lecture interne <strong>de</strong> Caussin en soulignant ce que<br />

pèse cette idée <strong>de</strong> moment circonscrit.<br />

Le problème crucial pour Junius est en effet celui <strong>de</strong> <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ce dans le discours. De son<br />

point <strong>de</strong> vue, le recours constant <strong>de</strong> Caton-Caussin à <strong>la</strong> seule indignatio et au seul « lieu<br />

commun » modèle Aphthonius est hautement problématique. Car ce type <strong>de</strong> « lieu commun »<br />

n’a pas sa p<strong>la</strong>ce dans un début <strong>de</strong> contentio, et il peut encore moins représenter <strong>la</strong> moitié <strong>de</strong><br />

celle-ci – Quintilien dit seulement qu’on peut p<strong>la</strong>cer par-ci par-là <strong>de</strong> petits « lieux communs »<br />

dans <strong>la</strong> contentio, pour souligner que le pathos n’est pas tout à fait exclu <strong>de</strong> celle-ci, bien<br />

qu’elle soit dédiée en principe au seul docere. Comme j’ai jadis tenté <strong>de</strong> l’expliquer, <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ce<br />

par excellence du lieu commun est <strong>la</strong> péroraison, qui est ce que j’appe<strong>la</strong>is « le grand moment<br />

<strong>de</strong>s grands moyens » 1 . Et pour cause : le lieu commun n’intervient que quand <strong>la</strong> discussion a<br />

établi les faits, par une narration puis par une argumentation. Chez Aphthonius lui-même,<br />

c’est un morceau détaché du reste du discours, lequel aura établi par <strong>de</strong>s preuves (par du<br />

docere) qu’il y avait bien tentative <strong>de</strong> renversement <strong>de</strong> <strong>la</strong> tyrannie. Caussin commence par<br />

décrire <strong>la</strong> première partie du discours comme une disputatio, mais en fait il <strong>la</strong> considère toute<br />

comme un réquisitoire, sur le modèle <strong>de</strong> <strong>la</strong> péroraison. Ce <strong>de</strong>vrait être du logos ou docere, et<br />

c’est du pathos ou mouere. Il brûle ainsi les étapes, et son Caton est d’emblée un procureur,<br />

qui pérore avec véhémence contre le temps présent. En termes <strong>de</strong> dispositio, il est significatif<br />

que Junius ne voie même pas les <strong>de</strong>ux « parties » que voit Caussin, parce que précisément<br />

Junius ne voit pas les <strong>de</strong>ux grands « lieux communs » qui sautent aux yeux du jésuite. Chez<br />

l’un comme chez l’autre, le p<strong>la</strong>n est une décision <strong>de</strong> lecture, <strong>de</strong>s sortes <strong>de</strong> lunettes qui nous<br />

renseignent sur <strong>la</strong> vision <strong>de</strong> chacun. Pour Caussin, l’articu<strong>la</strong>tion principale est entre VI et VII,<br />

à un endroit où son prédécesseur ne repère même aucune articu<strong>la</strong>tion d’aucune sorte : les VI<br />

et VII du jésuite sont chez Junius <strong>la</strong> fin d’un long 6. Inversement, pour Junius l’articu<strong>la</strong>tion<br />

principale est entre 4 et 5 : d’abord 1-4 pathétiques, puis 5-8 « éthiques », je vais y revenir. Si<br />

Caussin ici fait bien passer les ciseaux au même endroit que Junius (IV et V = 4 et 5), chez le<br />

jésuite cette séparation n’a rien d’une articu<strong>la</strong>tion fondamentale, puisqu’elle est englobée,<br />

noyée pour ainsi dire dans sa première partie (<strong>de</strong> III à VI).<br />

Une autre façon <strong>de</strong> retrouver le même résultat caractéristique est <strong>de</strong> regar<strong>de</strong>r l’in<strong>de</strong>x.<br />

Dans l’édition tardive que j’ai utilisée, l’in<strong>de</strong>x réfère ce discours sous <strong>la</strong> rubrique Lex, en<br />

donnant pour premiers exemples ce discours même 2 . C’est bien dire que <strong>la</strong> première partie ou<br />

contentio est aux yeux <strong>de</strong> Caussin, et ensuite du faiseur d’in<strong>de</strong>x, une vaste amplificatio ou<br />

locus communis, à ranger <strong>de</strong> façon exemp<strong>la</strong>ire sous <strong>la</strong> rubrique Lex. De même, <strong>la</strong> liste abrégée<br />

<strong>de</strong>s arguments que donne l’Argumentum sonne comme une liste <strong>de</strong> lieux communs, d’ailleurs<br />

repris par les manchettes : « ab authoritate legis, à disciplina maiorum, ab ingenio muliebri<br />

1 Francis Goyet, Le sublime du « lieu commun », Paris, Champion, 1996 ; j’ai donné <strong>de</strong> ce livre un aperçu synthétique, avec<br />

quelques ajouts, dans l’article « Lieu commun » du Vocabu<strong>la</strong>ire européen <strong>de</strong>s philosophies (dir. Barbara Cassin, Paris, Le<br />

Seuil, 2004 ; y voir aussi l’article « Pathos »).<br />

2 Comme apparemment toutes celles après 1619 que nous a montrées <strong>la</strong> Bibliothèque <strong>de</strong> Troyes lors du colloque (mais pas<br />

l’in<strong>de</strong>x <strong>de</strong> <strong>la</strong> princeps <strong>de</strong> 1619). Pour le fait étonnant <strong>de</strong> citer d’abord ce discours, puis <strong>de</strong>s passages antérieurs <strong>de</strong>s<br />

Paralle<strong>la</strong>, voir dans l’annexe le <strong>de</strong>scriptif <strong>de</strong>s 38 discours du livre XIII.<br />

8


cupido et indomito, a <strong>de</strong>trimentis quae ex luxu et auaritia consequentur ». On sort du<br />

discursif pour passer à l’énoncé grandiose et autonome <strong>de</strong> « vérités », sur <strong>la</strong> nature <strong>de</strong> <strong>la</strong> loi<br />

ou sur celle <strong>de</strong>s femmes. Dans sa façon <strong>de</strong> mettre <strong>de</strong>s manchettes, Caussin signale sa quête<br />

permanente d’envolées « sublimes », et on voit d’ici le professeur enf<strong>la</strong>mmé et enf<strong>la</strong>mmant<br />

qu’il <strong>de</strong>vait être. Car l’indignatio a tout pour p<strong>la</strong>ire à <strong>de</strong>s adolescents, avec sa manière<br />

puissamment simplificatrice d’agiter le sentiment <strong>de</strong> révolte face à l’injustice scandaleuse du<br />

mon<strong>de</strong> tel qu’il est. Le sublime, c’est l’irrésistible. Les c<strong>la</strong>sses d’histoire et <strong>de</strong> littérature ont<br />

ainsi tendance, aujourd’hui comme autrefois, à se transformer en cours d’instruction civique.<br />

Tout ce<strong>la</strong> est parfaitement légitime, et même peut-être nécessaire. Mais ce choix <strong>de</strong> lecture, à<br />

l’évi<strong>de</strong>nce, retentit sur <strong>la</strong> façon d’analyser le texte. Le sublime professeur ne s’attache guère à<br />

<strong>la</strong> question <strong>de</strong> <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ce, du moment où apparaissent ces grands moyens qui feront <strong>de</strong> si beaux<br />

morceaux choisis. Or, en termes <strong>de</strong> compositio, cette question <strong>de</strong> <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ce est cruciale. Pour le<br />

dire autrement, et selon <strong>la</strong> formule qui clôt ce même Argumentum, le discours « respire<br />

partout son Caton, Catonem ubique spirans » ; et pourtant l’analyse qui en est donnée ne le<br />

fait pas beaucoup respirer. Son Caton est monocor<strong>de</strong> et pour tout dire monotone, réduit qu’il<br />

est à tonner toujours.<br />

Junius : analyse du même Pro lege Oppia <strong>de</strong> Caton<br />

Nous en savons maintenant assez pour en venir à l’analyse du même discours par<br />

Junius, dans ses ressemb<strong>la</strong>nces et ses différences.<br />

Les ressemb<strong>la</strong>nces sont essentiellement formelles. Le dispositif <strong>de</strong> Junius est en effet<br />

le même que celui <strong>de</strong> Caussin. Lui aussi donne d’abord un titre au discours. Ce titre est<br />

aussitôt suivi <strong>de</strong> l’analyse ou « resolutio », mot dont nous avons vu qu’il rend le grec<br />

analusis. La resolutio <strong>de</strong> Junius combine l’argumentum et l’œconomia orationis <strong>de</strong> Caussin,<br />

en commençant elle aussi par le rappel <strong>de</strong>s circonstances immédiates du discours, et en<br />

continuant par l’analyse proprement dite. La resolutio est elle-même donnée d’un bloc, sans<br />

aucun retour au paragraphe. Je <strong>la</strong> donne ici dans sa continuité, mais en l’aérant un peu (on en<br />

trouvera le texte complet dans l’annexe, réparti en divers endroits). Les chiffres en italiques<br />

sont ceux donnés par Junius ; j’ai ajouté ceux en romain et entre crochets :<br />

D’abord, un rappel <strong>de</strong> <strong>la</strong> situation immédiate.<br />

Ensuite, les arguments :<br />

Quod primo abrogatio…<br />

2. Agendi modus…<br />

3. Maiorum longe…<br />

(…)<br />

10. Semper <strong>de</strong>nique…<br />

Ad èthè, mores et conciliationem pertinent :<br />

[1] cum ostendit Cato, se <strong>de</strong> Republ. solicitus esse…<br />

[2] Dein<strong>de</strong> mo<strong>de</strong>ste…<br />

[3] Tum grauiter et pru<strong>de</strong>nter disputat…<br />

[4] Postremo voto orationem concludit…<br />

Pathè, motus animorum sunt…<br />

[1] Iram excitat Cato contra muliercu<strong>la</strong>s…<br />

9


[2] Mouet metum ac timorem malorum…<br />

[3] Indignatio oritur, quando monstratur…<br />

[4] Pudor tan<strong>de</strong>m inculcitur…<br />

Collocatio et tractatio horum constat.<br />

I. Exordio…<br />

II. Pars confirmatio est ; in qua aliquot argumentis legis Oppianicae abrogatio a<br />

Catone dissua<strong>de</strong>tur.<br />

III. Peroratio pia et mo<strong>de</strong>sta…<br />

Loci communes in hac sunt colligendi :<br />

[1] <strong>de</strong> mulierum officio ;<br />

[2] occultis ac secretis conuentibus in Republ. non ferendis ;<br />

[3] legum abrogatione ;<br />

[4] luxuria muliebri prohibenda et punienda.<br />

Usus erit, cum dissua<strong>de</strong>re earum legum antiquationem volumus, quae utiles Reipub. et<br />

superbiam aliaque vitia coercent ac castigant.<br />

Le texte même du discours livien est, comme chez Caussin, donné d’un bloc, sans<br />

paragraphes. Pour le baliser, Junius ne reporte en marge que les <strong>de</strong>ux <strong>de</strong>rniers éléments <strong>de</strong> son<br />

analyse : d’une part, les I, II et III du p<strong>la</strong>n ou « collocatio » ; d’autre part, les lieux communs,<br />

indiqués par <strong>de</strong>s guillemets dans <strong>la</strong> marge.<br />

Pour le p<strong>la</strong>n, ce repérage au texte va un peu plus loin que celui <strong>de</strong> Caussin avec ses<br />

seules manchettes, mais au fond ce n’est guère plus utile, sauf pour l’exor<strong>de</strong>. Le III <strong>de</strong> Junius<br />

ne recouvre en effet que <strong>la</strong> toute fin du discours ; son II en revanche en couvre <strong>la</strong> quasitotalité,<br />

si bien que le lecteur se retrouve tout <strong>de</strong> même à affronter bien démuni ce très long<br />

paragraphe II. Junius, ou son éditeur, aurait pu reporter également en marge le numéro <strong>de</strong>s dix<br />

arguments que son analyse énumère soigneusement, <strong>de</strong> 1 à 10. Le refus <strong>de</strong> le faire me paraît<br />

relever du même raisonnement pédagogique que chez Caussin. Là aussi, il s’agit d’obliger<br />

l’étudiant à ne pas entrer trop vite dans le discours, et à faire le va-et-vient entre l’analyse et<br />

le texte. Quant aux guillemets dans <strong>la</strong> marge, ils sont ici dans leur rôle c<strong>la</strong>ssique au XVI e<br />

siècle, celui <strong>de</strong> « flèches » ou d’in<strong>de</strong>x signa<strong>la</strong>nt <strong>de</strong>s phrases remarquables, et en général <strong>de</strong>s<br />

maximes, que l’élève pourra reporter dans un cahier <strong>de</strong> lieux communs. Junius va en ce cas<br />

précis un peu plus loin dans <strong>la</strong> marge que dans son analyse. Les guillemets lui servent à<br />

indiquer au lecteur les quatre lieux communs signalés par l’analyse, en face <strong>de</strong> ses I, 3, 5 et 6 ;<br />

mais aussi trois autres passages, à ses 7, 9 et 10. D’un point <strong>de</strong> vue typographique, ces<br />

guillemets marginaux attirent d’ailleurs bien plus l’œil et donc l’esprit que les italiques par<br />

quoi je les ai remp<strong>la</strong>cés, faute <strong>de</strong> meilleure solution.<br />

Une fois qu’on a reporté en marge du texte livien les repères <strong>de</strong> Junius dans son<br />

analyse, et qu’on les compare à ceux <strong>de</strong> Caussin, on s’aperçoit qu’en gros ils sont tous <strong>de</strong>ux<br />

d’accord sur le découpage du texte. Le III <strong>de</strong> Caussin est l’argument 3 <strong>de</strong> Junius ; IV = 4 ; V<br />

= 5 ; VIII = 7 ; IX = 8. Au début, IIb = 1 et IIc = 2. Vers le milieu, Vb = 6. À <strong>la</strong> fin, Xb = 9, et<br />

Xc est <strong>la</strong> secon<strong>de</strong> moitié <strong>de</strong> 10. La différence <strong>la</strong> plus notable est celle que nous avons déjà vue<br />

et à <strong>la</strong>quelle je vais revenir dans un instant : au beau milieu, le 6 <strong>de</strong> Junius ne cadre pas avec<br />

les VI et VII <strong>de</strong> Caussin. Aussi abstrait que paraisse ce résultat d’ensemble, il est très<br />

important. Il signifie que les <strong>de</strong>ux professeurs sont en général d’accord sur l’endroit où faire<br />

passer les ciseaux <strong>de</strong> l’analyse, sur <strong>la</strong> façon d’anatomiser le texte. Ce résultat confirme celui<br />

dont nous nous sommes assez vite rendu compte dans l’équipe RARE, à propos du<br />

10


paragraphage <strong>de</strong> Cicéron. Nous ne savons pas encore <strong>de</strong> quelle édition date précisément ce<br />

découpage en paragraphes (repérés d’emblée, comme aujourd’hui, par <strong>de</strong>s chiffres arabes),<br />

mais il représente un fait acquis au XVII e siècle, en particulier pour les régents jésuites qui<br />

commentent Cicéron, <strong>de</strong> Nico<strong>la</strong>s Caussin et Gérard Pelletier à Martin du Cygne : tous<br />

renvoient uniquement aux paragraphes, et non aux chapitres en chiffres romains. Le fait<br />

évi<strong>de</strong>nt est que ces paragraphes sont dus à un éditeur très informé <strong>de</strong> rhétorique, qui repère<br />

par là <strong>de</strong>s unités signifiantes, par exemple l’étendue d’une figure <strong>de</strong> pensée. Il arrive que,<br />

d’un régent à l’autre, <strong>la</strong> numérotation même <strong>de</strong>s paragraphes change, d’une ou <strong>de</strong>ux unités,<br />

parce que <strong>de</strong> façon très ponctuelle un régent va découper en <strong>de</strong>ux ce qui chez l’autre faisait<br />

une seule unité/paragraphe, ou au contraire fusionner <strong>de</strong>ux unités en une seule – ce qui suffit<br />

évi<strong>de</strong>mment à décaler toute <strong>la</strong> numérotation. Mais le fait essentiel est que tous les<br />

commentateurs sont en gros tout à fait d’accord sur le découpage, donc sur le repérage <strong>de</strong>s<br />

unités, tout comme ici Junius et Caussin. Du reste, on pourrait se poser <strong>la</strong> même question sur<br />

Tite-Live, en se <strong>de</strong>mandant <strong>de</strong> quand date le paragraphage en chiffres arabes, et à quel type <strong>de</strong><br />

lecture correspond ce découpage, plus fin que celui par chapitres 1 . Un rapi<strong>de</strong> coup d’œil aux<br />

tableaux permet <strong>de</strong> voir que les ciseaux <strong>de</strong> Junius et <strong>de</strong> Caussin passent toujours là où passent<br />

ceux du découpeur <strong>de</strong>s paragraphes « actuels » (hormis pour Caussin au début <strong>de</strong> VI, ce qui<br />

confirme le caractère problématique <strong>de</strong> ce VI) 2 .<br />

Ce<strong>la</strong> posé, autant Caussin et Junius sont à peu près d’accord sur <strong>la</strong> façon <strong>de</strong> découper<br />

et donc, au sens propre, d’analyser, autant diverge l’interprétation qu’ils donnent <strong>de</strong> ce<br />

découpage. Après leurs ressemb<strong>la</strong>nces, nous en venons ainsi à leurs différences. Nous avons<br />

vu à l’instant que Junius relève quatre lieux communs et trois autres maximes. Apparemment,<br />

ce<strong>la</strong> pousserait à penser qu’il recourt à <strong>la</strong> véhémence <strong>de</strong> l’invective <strong>de</strong> façon tout aussi<br />

constante que Caussin, d’autant que pour l’essentiel ils repèrent tous <strong>de</strong>ux les mêmes<br />

passages <strong>de</strong> ce genre. Mais ce n’est pas si simple, car chez Junius, comme on vient <strong>de</strong> le voir,<br />

l’analyse fait intervenir un jeu complexe <strong>de</strong> catégories différenciées. Du coup, les mêmes<br />

phénomènes n’ont pas <strong>la</strong> même portée. Le pathos chez lui n’a pas le même sens que chez<br />

Caussin.<br />

La première différence très frappante entre Caussin et Junius est, chez ce <strong>de</strong>rnier,<br />

l’affichage explicite <strong>de</strong>s catégories. Junius a une grille <strong>de</strong> lecture, et il l’applique <strong>de</strong> façon<br />

uniforme à l’ensemble <strong>de</strong>s discours qu’il analyse dans son ouvrage. Sa grille a six entrées :<br />

d’abord le trio aristotélicien logos, ethos, pathos, puis le p<strong>la</strong>n et les lieux communs, enfin<br />

l’usage qu’on pourrait faire du discours dans d’autres occurrences. Ce<strong>la</strong> oblige a priori à<br />

toujours poser au texte un questionnement aristotélicien, ce qui est pour le professeur une<br />

vraie contrainte. Il ne lui suffit pas <strong>de</strong> développer à ses étudiants <strong>la</strong> théorie <strong>de</strong> l’ethos et du<br />

pathos, il lui faut se préparer à leur montrer sur pièces, dans une série <strong>de</strong> discours, où se<br />

retrouvent ces catégories. Le questionnement lui-même amène alors à une lecture différenciée<br />

du texte. Il ne saurait y avoir « partout » <strong>de</strong> l’ethos, ou du pathos, du moins si « partout » veut<br />

dire « <strong>de</strong> façon constante ou récurrente » – pour citer <strong>la</strong> réponse <strong>de</strong> Vadius à Trissotin, « On<br />

voit partout chez vous l’ithos et le pathos » 3 . Du coup, <strong>la</strong> catégorie <strong>de</strong> l’ethos, ou du pathos,<br />

1 « R. S. Conway pense (Praefatio, I, p. IX-X) que <strong>la</strong> distinction en chapitres remonte à 1612 et qu’elle est due à Ianus<br />

Gruter (qui s’en vante dans son édition <strong>de</strong> 1628). C’est sans doute Drakenborch qui, dit-il, a noté <strong>de</strong>s paragraphes (en<br />

1738) : on ne les trouve pas dans l’édition, légèrement antérieure, <strong>de</strong> Crevier. » (Jean Bayet et Gaston Baillet, introd. à<br />

Tite-Live, Histoire romaine, tome I, Paris, Les Belles Lettres, 1965, p. CXXVII). Pour Cicéron, le tome I <strong>de</strong>s Discours aux<br />

Belles Lettres donne une précieuse liste <strong>de</strong>s impressions, <strong>de</strong> 1471 à nos jours, mais ne mentionne pas cette question (éd. H.<br />

<strong>de</strong> La Ville <strong>de</strong> Mirmont, 1960, p. VII-X).<br />

2 Les unités découpées par nos <strong>de</strong>ux professeurs regroupent en général <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux à trois paragraphes actuels, avec <strong>de</strong>s pointes<br />

à quatre et même à cinq (le 9 <strong>de</strong> Junius), et une pointe inverse dans le III <strong>de</strong> Junius, qui correspond au seul petit<br />

paragraphe 20 <strong>de</strong> Tite-Live.<br />

3 Molière, Les Femmes savantes, III, 4, v. 972.<br />

11


est elle-même différenciée : dans tel texte sont convoqués tel ou tel type d’ethos, tel ou tel<br />

type <strong>de</strong> pathos. Ici, pas moins <strong>de</strong> quatre ethè différents, et autant <strong>de</strong> pathè, correspondant euxmêmes<br />

très précisément à autant <strong>de</strong> chapitres <strong>de</strong> <strong>la</strong> Rhétorique d’Aristote sur les « passions » :<br />

ira, metus, indignatio, pudor. Enfin, le trio aristotélicien est lui-même fermement relié au<br />

p<strong>la</strong>n, c’est-à-dire à <strong>la</strong> question cruciale <strong>de</strong> <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ce où apparaissent les divers éléments.<br />

La lecture proposée fait alors « respirer » le pathos, en lui opposant <strong>de</strong>s moments plus<br />

calmes d’ethos.<br />

Il y a du pathos, <strong>de</strong> façon prévisible, dans l’exor<strong>de</strong> : ira, metus, indignatio à I, et <strong>de</strong><br />

plus ces trois catégories sont reprises à 9-10, dans <strong>la</strong> péroraison. L’étudiant peut ainsi vérifier<br />

<strong>la</strong> théorie, à savoir que <strong>la</strong> péroraison « récapitule » les passions centrales du discours. Le<br />

pudor en est bien distingué, et isolé : car ce<strong>la</strong> concerne uniquement le petit passage contre les<br />

tribuns, autrement dit 1. On voit déjà <strong>la</strong> différence d’avec Caussin. Celui-ci ne nomme tout<br />

simplement pas <strong>la</strong> « colère », qui ne saurait pourtant être sur le même p<strong>la</strong>n que<br />

l’« indignation », ni que <strong>la</strong> crainte <strong>de</strong>s dangers à venir. Dire « Caton critique fermement,<br />

perstringit, <strong>la</strong> trop gran<strong>de</strong> indulgence <strong>de</strong>s maris » (Caussin, I), ce n’est pas dire que Caton<br />

cherche à susciter leur colère, c’est-à-dire leur désir <strong>de</strong> se venger, <strong>de</strong> rétablir une supériorité<br />

qui a été bafouée. Le titre même que Junius donne au discours ne dit pas seulement, comme<br />

chez Caussin, que Caton attaque le goût du luxe chez les femmes, « contra mulierum<br />

luxuriam ». Junius ajoute : « contra muliercu<strong>la</strong>rum luxuriam ac superbiam ». Le mot <strong>de</strong><br />

superbia renvoie précisément à son analyse selon <strong>la</strong>quelle Caton suscite <strong>la</strong> colère. Car <strong>la</strong><br />

« superbe » est le sentiment <strong>de</strong> supériorité, le juste orgueil <strong>de</strong> son rang. C’est révéler, dès le<br />

titre, <strong>la</strong> cause profon<strong>de</strong> qui, selon l’orateur, meut les femmes à <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r le retour du luxe. De<br />

<strong>la</strong> même façon, là où chez Caussin le verbe perstringere indique seulement l’effet produit par<br />

l’éloquence, chez Junius le mot ira permet <strong>de</strong> remonter à <strong>la</strong> cause qui suscite cet effet. Exor<strong>de</strong><br />

poignant, « stringent », oui : mais pourquoi ? Caton vu par Junius n’est pas dans l’invective,<br />

<strong>de</strong> façon vague. Au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong> <strong>la</strong> pose « catonienne », il y a un orateur qui comme tous les autres<br />

vise à susciter une réaction précise chez un public précis, en p<strong>la</strong>çant d’emblée <strong>la</strong> question sur<br />

le terrain <strong>de</strong> <strong>la</strong> supériorité – qui, <strong>de</strong> vous ou <strong>de</strong> vos femmes, est le maître ? Par contraste,<br />

quand on lit Caussin, l’attaque contre l’indulgence <strong>de</strong>s maris ou celle contre les tribuns<br />

déchaînant les femmes, indulgentia <strong>de</strong> I ou licentia <strong>de</strong> IIb, c’est un peu tout pareil, toujours <strong>la</strong><br />

même pose catonienne du procureur drapé dans sa dignité et son regret du temps passé.<br />

Vu par Junius, le début du discours (I et 1-4) est saturé par trois pathè, tout comme <strong>la</strong><br />

fin (9-10). Ensuite, ou si l’on préfère au milieu, ce<strong>la</strong> se calme. De 5 à 8, c’est l’ethos qui<br />

domine, l’ethos d’un consul qui parle avec gravité et beaucoup d’intelligence politique,<br />

« grauiter et pru<strong>de</strong>nter ». Il parle donc un ton plus bas. Nous retrouvons ici le problème <strong>de</strong><br />

l’articu<strong>la</strong>tion principale. Le passage au ton plus bas est ce que Caussin nous rend incapable <strong>de</strong><br />

voir : pour lui, nous l’avons vu, on est là encore dans le registre <strong>de</strong> l’invective, d’une part le<br />

vaste lieu commun en faveur du maintien <strong>de</strong> toute loi (V-VI = 5), d’autre part cet autre vaste<br />

lieu commun qu’est <strong>la</strong> « censure <strong>de</strong>s femmes » (VII-Xa = fin <strong>de</strong> 6 jusqu’à 8). Junius repère les<br />

mêmes lieux communs que Caussin, mais <strong>de</strong> façon bien plus circonscrite. Chez lui, <strong>de</strong> même<br />

qu’il y a <strong>de</strong> l’ethos au milieu d’une péroraison dominée par le pathos (par exemple l’ethos<br />

« mo<strong>de</strong>ste » au début <strong>de</strong> son 2), <strong>de</strong> même, il y a <strong>de</strong>s passages <strong>de</strong> lieu commun au milieu <strong>de</strong> ce<br />

long passage dominé par l’ethos <strong>de</strong> 5-8, « grauiter et pru<strong>de</strong>nter ». Mais à chaque fois, les<br />

choses sont hiérarchisées, elles respirent plus, avec <strong>de</strong>s pleins et <strong>de</strong>s déliés. Une chose hors <strong>de</strong><br />

sa p<strong>la</strong>ce n’a pas un sens aussi fort qu’une chose à sa p<strong>la</strong>ce.<br />

D’abord 1-4 pathétiques, puis 5-8 « éthiques » : voilà <strong>la</strong> particu<strong>la</strong>rité essentielle <strong>de</strong><br />

Junius. Ou plutôt, voilà ce en quoi Caussin se distingue fondamentalement. Il ne voit pas ce<br />

changement <strong>de</strong> registre, pourtant bien signalé par ses prédécesseurs et par ses successeurs, en<br />

tout cas par les sept dont je dispose pour l’instant.<br />

12


Par ethos, il faut comprendre ici à <strong>la</strong> fois le sens aristotélicien et le sens chez<br />

Quintilien. Junius à 5 repère un « ethos grauiter et pru<strong>de</strong>nter » : c’est là conforme à Aristote.<br />

Pour le redire en <strong>la</strong>tin, <strong>la</strong> grauitas et <strong>la</strong> pru<strong>de</strong>ntia définissent les mores, les « mœurs<br />

oratoires » <strong>de</strong> l’orateur Caton. Les Exercitationes rhetoricae citées plus haut en note diraient<br />

typiquement ici « Mores Viri grauis et pru<strong>de</strong>ntis ». Caussin lui-même emploie graue et<br />

grauitas pour désigner l’ethos (je souligne) :<br />

I. Exordium graue nimiam virorum indulgentiam perstringit, Un exor<strong>de</strong> grave [= ethos<br />

<strong>de</strong> Caton] attaque [= pathos] <strong>la</strong> trop gran<strong>de</strong> indulgence <strong>de</strong>s maris envers leurs femmes.<br />

X. [c/] Tum grauiter monet, ne luxuriam legis seueritate constrictam…, Ensuite il prédit<br />

[= pathos, <strong>la</strong> crainte ou metus du a futuro : il « prophétise », il joue les Cassandre] avec<br />

gravité [= ethos] que le goût du luxe, une fois affranchi <strong>de</strong> <strong>la</strong> sévérité <strong>de</strong> <strong>la</strong> loi, sera<br />

comme une bête féroce échappée <strong>de</strong> sa cage 1 .<br />

Pour en revenir à Junius, ce qui est ici important est ceci, que ma présentation en tableau<br />

permet <strong>de</strong> visualiser. La formule « ethos grauiter et pru<strong>de</strong>nter » n’est pas seulement en face<br />

<strong>de</strong> 5. Elle est aussi <strong>la</strong> seule formule <strong>de</strong> ce genre jusqu’au ira en face <strong>de</strong> 9. Autrement dit, cet<br />

ethos donne sa couleur à l’ensemble qui va <strong>de</strong> 5 à 8, c’est une indication non pas ponctuelle<br />

mais structurelle. Ce n’est pas un ethos isolé dans un ensemble dominé par les pathè, comme<br />

l’est l’« ethos mo<strong>de</strong>ste » en face <strong>de</strong> 2, cerné par le pudor, l’indignatio et le metus. Ici, c’est<br />

l’inverse. De 5 à 8, les lieux communs contre l’abrogation <strong>de</strong> <strong>la</strong> loi et contre le luxe <strong>de</strong>s<br />

femmes sont circonscrits, isolés dans un ensemble dominé par l’ethos.<br />

Cette vision même <strong>de</strong> pathos ou d’ethos circonscrits est liée à l’inflexion bien connue<br />

que Quintilien, après Cicéron, a fait subir au couple aristotélicien. Dans son fameux chapitre<br />

VI, 2, l’Institution oratoire décrit pathos et ethos comme <strong>de</strong>ux registres différents <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />

passion. L’ethos se définit véritablement par opposition d’avec le pathos, comme un ton plus<br />

bas : plus doux, plus calme, moins tendu. C’est une cor<strong>de</strong> qu’on relâche. Que Junius lise ainsi<br />

l’ensemble 5-8, on en a le témoignage le plus c<strong>la</strong>ir dans l’analyse <strong>de</strong> ce discours par Crousaz<br />

en 1725, qui plus est en français. Ce <strong>de</strong>rnier commence tout d’abord par <strong>la</strong> <strong>de</strong>scription <strong>de</strong>s<br />

quatre mêmes pathè que chez Junius, au point qu’on peut raisonnablement supposer qu’il a<br />

sous les yeux l’analyse <strong>de</strong> celui-ci pour écrire <strong>la</strong> sienne (à 9-10 <strong>de</strong> Junius, Crousaz repère<br />

également les trois mêmes pathè). Ensuite, Crousaz considère que le passage <strong>de</strong> 4 à 5 est le<br />

passage à <strong>la</strong> contentio, à l’exposé <strong>de</strong>s arguments : « il vient (…) à discuter le sujet même <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />

délibération ». On voit que le disputat que Caussin mettait à III (= 3 chez Junius) s’est<br />

dép<strong>la</strong>cé à V (= 5). Le début <strong>de</strong> 5 est pour Crousaz <strong>la</strong> réponse à une objection (je souligne) :<br />

Après avoir ainsi préparé les esprits <strong>de</strong>s Romains à refuser aux femmes leur <strong>de</strong>man<strong>de</strong>,<br />

en les mettant <strong>de</strong> mauvaise humeur contre elles, en les leur rendant tout à <strong>la</strong> fois<br />

méprisables, odieuses, et redoutables [= ira, indignatio, metus, du début à 4]. Il vient<br />

plus sûrement à discuter le sujet même <strong>de</strong> <strong>la</strong> délibération.<br />

Les partisans <strong>de</strong>s femmes débutaient par dire qu’elles ne <strong>de</strong>mandaient rien <strong>de</strong><br />

nouveau, mais seulement d’être rétablies dans leurs anciens droits, ce fait était<br />

exactement vrai et <strong>la</strong> raison qu’on en tirait était très forte, elle était connue. Il ne<br />

s’agissait pas <strong>de</strong> <strong>la</strong> dissimuler ; aussi Caton prend-il le parti <strong>de</strong> ne rien dissimuler et d’y<br />

répondre avec une parfaite confiance et pour preuve <strong>de</strong> cette confiance il l’allègue dans<br />

les termes les plus forts.<br />

1 Pour monere = « prédire », et même « prophétiser », cf. <strong>la</strong> formule ici du Conciones <strong>de</strong> Botidoux : « Prédiction <strong>de</strong>s<br />

désordres et <strong>de</strong>s vices qui doivent naître <strong>de</strong> l’abrogation <strong>de</strong> <strong>la</strong> loi Oppia ».<br />

13


Il n’y répond pourtant pas directement mais il l’élu<strong>de</strong> avec beaucoup d’adresse ; Il<br />

pose différemment l’état <strong>de</strong> <strong>la</strong> question et ce qu’il pose en fait est encore vrai et c’est<br />

même <strong>de</strong> quoi il s’agit <strong>de</strong> délibérer dans cette assemblée, quoi que ce n’en soit pas<br />

directement le premier sujet. Il s’agit, dit Caton, <strong>de</strong> savoir si nous <strong>de</strong>vons casser nos<br />

Lois ; Mais quelle Loi ? Il y a encore ici une gradation, vous l’avez agréée, vous l’avez<br />

approuvée, vous l’avez ordonnée. L’expérience vous en a fait voir l’utilité pendant<br />

plusieurs années vous ne sauriez <strong>la</strong> révoquer sans donner atteinte à toutes les autres.<br />

Pour donner du poids à son raisonnement il le soutient par <strong>de</strong>ux sentences politiques<br />

[= le lieu commun selon Junius, en italiques à 5] ; La gravité <strong>de</strong> ces sentences fait voir<br />

que s’il s’exprime avec véhémence c’est l’importance du sujet qui le <strong>de</strong>man<strong>de</strong> ainsi, ce<br />

n’est point <strong>la</strong> Colère qui lui arrache ces expressions si fortes, son esprit se possè<strong>de</strong>, en<br />

état <strong>de</strong> faire les raisonnements les plus sérieux, il ne perd point <strong>de</strong> vue les maximes du<br />

gouvernement 1 .<br />

La fin <strong>de</strong> ce passage dit fort bien qu’en dépit <strong>de</strong> <strong>la</strong> véhémence, indéniable, on est pourtant un<br />

ton plus bas, donc on reste dans le ton propre à <strong>la</strong> contentio : « son esprit se possè<strong>de</strong> », il est<br />

« en état <strong>de</strong> faire les raisonnements les plus sérieux ». Dire que son esprit « se possè<strong>de</strong> », c’est<br />

bien dire que Caton n’est pas hors <strong>de</strong> lui, dans ce furor qui caractérise l’invective déchaînée et<br />

en général le pathos. Dans <strong>la</strong> contentio, on fait <strong>de</strong>s « raisonnements », et on reste « sérieux » :<br />

c’est bien là décrire le docere. Crousaz un peu plus loin recourt au même couple <strong>de</strong> termes<br />

pour décrire le même passage du pathos à l’ethos (je souligne) :<br />

Caton après avoir mis dans ses intérêts le cœur <strong>de</strong> ceux qu’il veut se rendre favorables<br />

par les agitations [= les pathè] qu’il y a fait naître, continue à parler comme un homme<br />

qui ne veut <strong>de</strong>voir ce qu’il prétend qu’à <strong>la</strong> force <strong>de</strong> ses raisons. Un tumulte honteux aux<br />

femmes qui le causent, honteux aux hommes qui le souffrent, honteux à l’État où on le<br />

voit, avait excité son indignation, mais après avoir satisfait à ses justes mouvements [=<br />

les pathè, du début à 4], il détourne son attention <strong>de</strong> ces objets méprisables pour <strong>la</strong><br />

donner toute entière à <strong>la</strong> République sur les intérêts et les dangers <strong>de</strong> <strong>la</strong>quelle il<br />

raisonne très sérieusement. L’inclination <strong>de</strong>s femmes pour le luxe lui donne lieu <strong>de</strong><br />

réfléchir sur le luxe qui règne à Rome, sur l’avidité pour le bien si nécessaire pour<br />

entretenir le luxe, et sur les dangers <strong>de</strong> ces <strong>de</strong>ux Vices, toujours funestes aux États et<br />

contre lesquels il n’y a point <strong>de</strong> gran<strong>de</strong>ur qui tienne (ibid., p. 146-147)<br />

On voit combien le son est distinct par rapport à Caussin. L’attaque contre l’auaritia et le<br />

luxe qui règne à Rome (VII) <strong>de</strong>vient chez Crousaz l’objet d’un raisonnement très sérieux.<br />

Moins « censure <strong>de</strong>s femmes », invective <strong>de</strong> procureur, que « réflexion » d’homme d’État, ce<br />

qui met en avant, exactement comme chez Junius, <strong>la</strong> pru<strong>de</strong>ntia <strong>de</strong> Caton. Non plus le censeur<br />

<strong>de</strong>s mœurs, mais le consul. Celui-ci doit par excellence montrer un ethos d’homme d’État,<br />

« pru<strong>de</strong>nter », en montrant que <strong>la</strong> passion <strong>de</strong> l’invective ne lui fait pas « perd(re) <strong>de</strong> vue les<br />

maximes du gouvernement » (fin <strong>de</strong> <strong>la</strong> citation précé<strong>de</strong>nte). Raisonnement, sérieux, visée <strong>de</strong><br />

l’État : voilà le ton dominant <strong>de</strong> l’ensemble qui va <strong>de</strong> 5 à 8. C’est un ton fondamentalement<br />

« éthique », au double sens du terme : <strong>de</strong> Quintilien, puisqu’il est un cran plus bas que le<br />

pathos, mais aussi au sens d’Aristote, puisqu’il est c<strong>la</strong>irement lié aux mœurs oratoires du<br />

consul Caton. L’un comme l’autre sont absents <strong>de</strong> Caussin, lequel renvoie tout l’ethos <strong>de</strong><br />

1 Essai <strong>de</strong> rhétorique…, p. 143-144 – je mo<strong>de</strong>rnise <strong>la</strong> graphie mais respecte <strong>la</strong> ponctuation d’origine. Jean-Pierre <strong>de</strong><br />

Crousaz (Lausanne 1663-1750) est professeur <strong>de</strong> mathématique à l’Université <strong>de</strong> Groningue à partir <strong>de</strong> 1724 et<br />

gouverneur du jeune prince Frédéric <strong>de</strong> Hesse-Cassel ; l’ouvrage le plus important <strong>de</strong> cet auteur très prolixe est l’Examen<br />

du pyrrhonisme ancien et mo<strong>de</strong>rne, 1733.<br />

14


Caton à <strong>la</strong> seule catégorie <strong>de</strong> <strong>la</strong> grauitas, tout aussi indifférenciée chez lui que <strong>la</strong> catégorie <strong>de</strong><br />

l’indignatio 1 .<br />

Tous les autres commentateurs vont dans le même sens que Crousaz. Joachim Perion<br />

en 1545 voit dans le début <strong>de</strong> 5 une praesumptio, ce qui veut dire, comme chez Crousaz, <strong>la</strong><br />

réponse à une objection : <strong>la</strong> praesumptio en effet « est dite prolepsis » (Quintilien, I. O., IX,<br />

2, 16) ou encore praeoccupatio. Tesmar, mort en 1637, fait démarrer <strong>la</strong> contentio comme<br />

Junius, au 1 <strong>de</strong> celui-ci : première partie <strong>de</strong> 1 à 4, secon<strong>de</strong> partie <strong>de</strong> 5 à 8. Le début <strong>de</strong> 5 est<br />

pour lui comme pour Perion et Crousaz <strong>la</strong> réponse à une objection, au point <strong>de</strong> considérer que<br />

tout l’ensemble 5-8 est <strong>la</strong> refutatio. Les Exercitationes rhetoricae <strong>de</strong> 1740 voient aussi en 5 le<br />

début <strong>de</strong> <strong>la</strong> « secon<strong>de</strong> partie <strong>de</strong> <strong>la</strong> contentio », c’est-à-dire là encore <strong>la</strong> réfutation : « At<br />

hercule) In secundo Contentionis membro legem Oppiam <strong>de</strong>fendit, et incusantibus Mulieribus<br />

legis iniquitatem multipliciter respon<strong>de</strong>t. » Le Conciones <strong>de</strong> 1823 va encore plus loin. Il<br />

considère que tout l’ensemble qui va jusqu’à <strong>la</strong> fin <strong>de</strong> 4 est un « exor<strong>de</strong> véhément », et que 5-<br />

7 est à proprement parler <strong>la</strong> discussion : c’est qu’il est sensible à <strong>la</strong> véhémence qui court<br />

jusqu’à 4, et à <strong>la</strong> rupture <strong>de</strong> ton à partir du At hercule <strong>de</strong> 5. Cette vision audacieuse du p<strong>la</strong>n est<br />

aussi celle du Conciones <strong>de</strong> 1898, qui voit le même « exor<strong>de</strong> véhément » du début jusqu’à 4,<br />

puis <strong>la</strong> « confirmation » <strong>de</strong> 5 à 10 : confirmation qui est en fait une réfutation, puisqu’elle se<br />

subdivise en « examen <strong>de</strong> leur <strong>de</strong>man<strong>de</strong> » (les V et VI <strong>de</strong> Caussin) et « raisons <strong>de</strong> refuser »<br />

(<strong>de</strong> VII à X). Comme chez Crousaz, <strong>la</strong> « véhémence » s’oppose au sérieux et <strong>de</strong> l’examen et<br />

<strong>de</strong>s « raisons », dans une rupture nette du ton.<br />

Ce consensus omnium <strong>de</strong>s commentateurs nous permet <strong>de</strong> conclure notre tour<br />

d’horizon <strong>de</strong>s différences entre Junius et Caussin. Ce n’est pas Junius qui se distingue du<br />

jésuite, mais bien celui-ci qui est différent <strong>de</strong> tous les autres, et vraiment à part. Tel son<br />

Caton, Caussin est seul contre tous. Les autres sont sensibles à <strong>la</strong> valeur <strong>de</strong> charnière du At<br />

hercule <strong>de</strong> 5, et à juste titre. Après <strong>la</strong> confirmatio, ils atten<strong>de</strong>nt, très c<strong>la</strong>ssiquement, <strong>la</strong><br />

refutatio. Car c’est une règle <strong>de</strong> l’art bien connue que d’introduire tardivement <strong>la</strong> réponse aux<br />

objections. Il faut que l’orateur ait d’abord avancé son point le plus fortement du mon<strong>de</strong>, qu’il<br />

l’ait « confirmé » ou rendu ferme par <strong>la</strong> confirmatio. C’est alors, et alors seulement, qu’il peut<br />

s’aventurer à citer <strong>la</strong> voix <strong>de</strong> <strong>la</strong> partie adverse : en <strong>la</strong> citant trop tôt, il fragiliserait sa propre<br />

position. Mais il n’est pas non plus question <strong>de</strong> ne pas mentionner dans son propre discours <strong>la</strong><br />

position adverse. Le temps opportun pour le faire relève aussi, du reste, <strong>de</strong> <strong>la</strong> pru<strong>de</strong>ntia, celle<br />

<strong>de</strong> l’orateur et non du consul. Toutes ces considérations sont souverainement ignorées par<br />

Caussin. L’opposition est frontale avec les autres commentateurs. La voix du procureur <strong>la</strong>ncé<br />

dans l’invective est fondamentalement monologique : il est installé dans <strong>la</strong> « vérité », et ses<br />

adversaires dans l’erreur. Le procureur ne cite pas les objections, et n’y répond pas. La voix<br />

du raisonnement sérieux, elle, est un peu plus dialogique, elle <strong>la</strong>isse entendre <strong>la</strong> voix <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />

partie adverse, même si, bien entendu, elle <strong>la</strong> déforme pour servir à ses fins propres. Ce n’est<br />

pas pleinement dialogique ou plutôt polyphonique au sens où l’est Dostoïevski selon<br />

Bakhtine. Mais à tout le moins, raisonner sérieusement revient à intégrer <strong>la</strong> contradiction dans<br />

son dispositif, à prendre acte avec réalisme <strong>de</strong> <strong>la</strong> situation <strong>de</strong> pro et <strong>de</strong> contra. On est dans le<br />

re<strong>la</strong>tif, quoique re<strong>la</strong>tivement, quand le furor <strong>de</strong> l’invective est dans l’absolu absolument, et<br />

voit déjà <strong>la</strong> communauté qui l’entoure revenir, enfin, au mo<strong>de</strong> sublime du fusionnel. Le<br />

raisonner est donc une attitu<strong>de</strong> plus « éthique » au sens <strong>de</strong> Quintilien, plus proche <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />

caritas, alors que le pathos, lui, est du côté <strong>de</strong> l’amor ou amour-passion, ou encore <strong>de</strong> l’odium<br />

1 Comme je cherchais l’ethos chez Caussin, j’avais d’abord cru que son « character orationis ual<strong>de</strong> moratus » (à Xa)<br />

portait sur l’ensemble du discours, lequel, moratus c’est-à-dire « éthique », décrivait le character <strong>de</strong> Caton : voir dans<br />

l’annexe le discours 18, où « morata oratione » signifie « rendant bien <strong>la</strong> façon <strong>de</strong> parler <strong>de</strong> l’orateur, Agrico<strong>la</strong> ». Crousaz<br />

m’a aidé à me détromper : Caussin renvoie ici uniquement à l’éthopée limitée qui imite les paroles que tiendrait une<br />

femme riche (pour éthopée = oratio morata : Cicéron, Top. 97 ; Horace, Ars poetica, v. 319).<br />

15


(I. O., VI, 2, 14). Caussin est en quête <strong>de</strong> vérité absolue, « sublime », « adulte ». C’est dire<br />

que ce professeur sent décidément son prédicateur, passionné et passionnant. Crousaz en est<br />

aux antipo<strong>de</strong>s, qui veut raison gar<strong>de</strong>r. En homme fin du XVIII e siècle, il prend d’ailleurs un<br />

malin p<strong>la</strong>isir à montrer ensuite, à propos du discours contra <strong>de</strong> Valère, que Caton, tout <strong>de</strong><br />

même, s’est enf<strong>la</strong>mmé pour <strong>de</strong>s bagatelles.<br />

En conclusion, on voit que tout oppose Junius et Caussin. Un coup d’œil à l’ensemble<br />

<strong>de</strong> leurs analyses <strong>de</strong> discours ne fera que confirmer ce sentiment.<br />

Junius est au lycée <strong>de</strong> Strasbourg, où il a succédé pour l’enseignement <strong>de</strong> <strong>la</strong> rhétorique<br />

au célèbre Sturm. Dans son Polyhistor, Morhoff fait <strong>de</strong> Junius un grand éloge, en l’opposant<br />

précisément à Sturm, qui n’a pas été assez sco<strong>la</strong>ire : Junius « ad minutias se <strong>de</strong>mittat, ad quas<br />

se Sturmius non <strong>de</strong>mittit, il est <strong>de</strong>scendu dans les détails, ce que Sturm n’a pas fait » 1 .<br />

Morhoff cite alors <strong>la</strong> Resolutio brevis… et l’Animorum… <strong>de</strong> Junius, et non le recueil <strong>de</strong><br />

discours <strong>de</strong> 1598 où se trouve son analyse du Pro lege Oppia. Mais le recueil <strong>de</strong> 1598<br />

complète et couronne les <strong>de</strong>ux précé<strong>de</strong>nts. La Resolutio brevis orationum Ciceronis <strong>de</strong> 1594<br />

analyse en 896 pages l’ensemble <strong>de</strong>s discours cicéroniens 2 ; elle est suivie du Ex M. Tul.<br />

Ciceronis orationibus loci aliquot communes, qui indique comment construire <strong>de</strong>s lieux<br />

communs : Junius donne <strong>la</strong> phrase « nuda » <strong>de</strong> Cicéron pour l’exor<strong>de</strong> etc., puis <strong>la</strong> façon <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />

« di<strong>la</strong>ter » et enfin une indication sur l’« usus », sur ce qu’on pourrait en faire. De même,<br />

l’Animorum conciliandorum et movendorum ratio <strong>de</strong> 1596 est analytique 3 : l’ouvrage donne<br />

<strong>de</strong>s exemples in extenso <strong>de</strong> Démosthène, Cicéron et Tite-Live pour chaque pathos et chaque<br />

ethos. Ces éléments épars sont repris <strong>de</strong> façon synthétique dans le recueil <strong>de</strong> 1598 d’où nous<br />

avons tiré son analyse, l’Orationum ex historicis…, qui ne se limite pas comme Caussin à <strong>de</strong>s<br />

discours <strong>de</strong> l’Antiquité, mais y mêle <strong>de</strong>s analyses <strong>de</strong> dicours contemporains, forcément moins<br />

ancrés dans <strong>la</strong> « vérité » absolue que les discours antiques. L’étudiant dispose ainsi d’un cours<br />

complet <strong>de</strong> rhétorique, avec <strong>la</strong> théorie d’un côté et l’application pratique <strong>de</strong> l’autre, dans un<br />

système où les renvois entre théorie et pratique sont soigneusement pensés. La <strong>de</strong>scription<br />

précise <strong>de</strong>s lieux communs, <strong>de</strong>s pathè et <strong>de</strong>s ethè est ainsi ce que Morhoff désigne par le<br />

terme <strong>de</strong> minutiae. Voilà à ses yeux un enseignant sérieux, qui ne se contente pas <strong>de</strong><br />

grandioses théorisations, mais se donne <strong>la</strong> peine d’entrer dans les détails et <strong>de</strong> fournir aux<br />

étudiants <strong>de</strong>s corrigés, pas à pas. Terminons cette présentation <strong>de</strong> Junius en soulignant le<br />

point <strong>de</strong> départ <strong>de</strong> son travail. Celui-ci a publié en 1586 <strong>de</strong>s Orationes aliquot ex Herodoti,<br />

Thucydidis, Xenophontis : Livii iti<strong>de</strong>m Caesaris, et Salustij historiis 4 . Ce conciones regroupe<br />

soixante-cinq discours, et <strong>la</strong> préface dit qu’il les a travaillés « cet hiver » avec ses étudiants, et<br />

qu’il donnera prochainement un recueil semb<strong>la</strong>ble mais <strong>de</strong> discours d’auteurs mo<strong>de</strong>rnes. Le<br />

conciones <strong>de</strong> 1598 achève le travail ainsi commencé. En 1586, Junius donne le texte brut,<br />

sans aucune annotation ; douze ans plus tard, en 1598, il ajoute non seulement les auteurs<br />

mo<strong>de</strong>rnes annoncés, mais surtout il accompagne chaque discours d’une analyse complète, qui<br />

exemplifie les catégories décrites dans les ouvrages <strong>de</strong> 1594 et 1596. Au début comme à <strong>la</strong><br />

fin, tout ce<strong>la</strong> est pensé avec et pour les étudiants.<br />

En comparaison, chez Caussin les analyses du livre XIII correspon<strong>de</strong>nt à un projet<br />

bien différent. Il faut d’abord les resituer dans leur contexte d’ensemble, à savoir les<br />

1 Polyhistor, I, 6, 1, « De scriptoribus rhetoricis », § 14.<br />

2 Strasbourg, Lazare Zetzner.<br />

3 Montbéliard, Lazare Zetzner.<br />

4 Strasbourg, Bernard Iobin (Hab, cote Alv : Bb 309).<br />

16


Paralle<strong>la</strong>, qui forment à eux seuls l’équivalent du cursus <strong>de</strong>s publications <strong>de</strong> Junius. Là aussi,<br />

tous les choix fondamentaux <strong>de</strong> Caussin confirment notre analyse ponctuelle sur le seul<br />

discours <strong>de</strong> Caton. J’ai signalé <strong>la</strong> mise en ve<strong>de</strong>tte du « lieu commun » selon Aphthonius. À<br />

ce<strong>la</strong> s’ajoute <strong>la</strong> manière très différentielle <strong>de</strong> commencer <strong>la</strong> liste canonique <strong>de</strong>s passions non<br />

par <strong>la</strong> colère, comme chez Aristote, mais par l’amour. Ce<strong>la</strong> permet <strong>de</strong> traiter l’ira comme une<br />

passion méprisable (VIII, chap. 29 sq.), <strong>de</strong> façon typiquement sénéquienne, sauf lorsqu’elle<br />

est, par exception, pour le bien public, c’est-à-dire sauf lorsqu’elle se mue en indignatio (VIII,<br />

chap. 33 et 37, « Existit et generosa quaedam iracundiae species, quam indignationem<br />

appel<strong>la</strong>mus »). Cette présentation théorique permet <strong>de</strong> supposer que Caussin non seulement<br />

ne voit pas mais ne veut pas voir que l’exor<strong>de</strong> <strong>de</strong> Caton suscite <strong>la</strong> colère. Est tout aussi<br />

différentiel le choix <strong>de</strong> traiter l’épidictique avant les genres délibératif et judiciaire, ainsi que<br />

<strong>de</strong> regrouper ces <strong>de</strong>ux <strong>de</strong>rniers dans une seule et même catégorie, l’éloquence civile. L’ordre<br />

<strong>de</strong>s <strong>de</strong>rniers livres <strong>de</strong>s Paralle<strong>la</strong> est à lui seul très par<strong>la</strong>nt. Le livre X fait <strong>la</strong> théorie <strong>de</strong><br />

l’épidictique, et le livre XI <strong>la</strong> pratique, par <strong>de</strong>s exemples ; <strong>de</strong> même, le livre XII donne <strong>la</strong><br />

théorie <strong>de</strong> l’« éloquence civile », et notre livre XIII <strong>la</strong> pratique ; enfin, les livres XIV puis XV<br />

sont <strong>la</strong> théorie puis <strong>la</strong> pratique <strong>de</strong> l’éloquence sacrée – avec <strong>la</strong> fin grandiose, au livre XVI, sur<br />

saint Jean Chrysostome, clef <strong>de</strong> voûte <strong>de</strong> l’ouvrage. Tout ce<strong>la</strong> revient à traiter l’éloquence<br />

civile comme un produit dérivé <strong>de</strong> <strong>la</strong> seule vraie gran<strong>de</strong> éloquence, celle qui traite <strong>de</strong> l’absolu.<br />

Ce<strong>la</strong> se tient parfaitement, et est même une vision <strong>de</strong> l’histoire <strong>de</strong> <strong>la</strong> rhétorique tout à fait<br />

crédible. L’homonoia, les valeurs fondamentales <strong>de</strong> <strong>la</strong> communauté seraient, justement, <strong>la</strong><br />

fondation <strong>de</strong> tout le reste. C’est un peu <strong>la</strong> thèse <strong>de</strong> Nicole Loraux dans L’invention<br />

d’Athènes : le délibératif et le judiciaire suivraient et non pas précè<strong>de</strong>raient l’éloquence<br />

épidictique, y compris historiquement, et celle-ci aurait pour origine, par exemple, l’oraison<br />

funèbre <strong>de</strong>s soldats grecs morts contre les Perses à Sa<strong>la</strong>mine. De façon très cohérente, ce<strong>la</strong><br />

revient à donner <strong>la</strong> priorité au monologique sur le dialogique, à l’absolu sur le re<strong>la</strong>tif, au<br />

religieux sur le civil. Pour cette perspective, le Dieu <strong>de</strong> <strong>la</strong> rhétorique ne saurait être dans les<br />

détails ou minutiae, mais dans le sublime et dans Longin 1 . Et du reste, comme notre colloque<br />

l’a montré, le jésuite Caussin est, sans surprise, fort peu « jésuite » au sens familier qu’a pris<br />

ce terme, il est tout à fait dépourvu d’habileté quand on le plonge dans <strong>la</strong> politique réelle.<br />

Pour en venir précisément aux trente-huit analyses du livre XIII, je ne saurais<br />

prétendre ici en avoir fait le tour. Marquons simplement à quel point tout ce<strong>la</strong> est bien peu<br />

systématique par rapport aux critères du temps, comme le dit assez nettement au début <strong>de</strong> ce<br />

livre XIII le <strong>de</strong>ssein ou « Libri institutum ». Là où d’autres ont analysé <strong>la</strong> totalité <strong>de</strong>s discours<br />

chez Tite-Live, tel Perion, Tesmar ou les Exercitationes <strong>de</strong> 1740, Caussin ne donne qu’un<br />

« fasciculum » ou polycopié, piochant d’ailleurs sans vergogne dans les Conciones<br />

d’Estienne, et <strong>de</strong> plus ne regroupant que <strong>de</strong>s discours brefs. Trente-huit, ce<strong>la</strong> nous paraît<br />

beaucoup, mais c’est peu pour un conciones. De même, Caussin ne s’astreint pas à suivre un<br />

ordre bien précis ni bien systématique pour les diverses catégories <strong>de</strong> discours, judiciaires ou<br />

délibératifs, avec leurs sous-catégories, monitio, petitio, commendatio, reconciliatio, etc., etc.<br />

De même encore, il n’applique pas <strong>de</strong> grille <strong>de</strong> lecture uniforme. De même enfin, il ne se<br />

soucie pas <strong>de</strong> faire <strong>de</strong>s renvois explicites qui relieraient ses parties pratiques à ses parties<br />

théoriques, ici le livre XIII au livre XII ou, plus généralement, aux livres IV-IX qui décrivent<br />

les cinq parties <strong>de</strong> <strong>la</strong> rhétorique. Un contre-exemple f<strong>la</strong>grant est <strong>la</strong> mention du motto<br />

aristotélicien que « les chiens ne mor<strong>de</strong>nt pas ceux qui restent assis » 2 . Caussin le cite dans<br />

son livre VIII sur les passions, à propos <strong>de</strong> <strong>la</strong> façon d’apaiser <strong>la</strong> colère, et aussi, mais <strong>de</strong> façon<br />

1 L’orateur sans visage, <strong>de</strong> Florence Dupont, est très instructif sur cette « lignée A<strong>la</strong>in Michel », dans sa façon même d’en<br />

forcer outrancièrement tous les traits (Paris, PUF, 2000).<br />

2 Rhétorique, II, 3, Loeb et Livre <strong>de</strong> Poche § VI (Paris, Le Livre <strong>de</strong> Poche, 1991, p. 193 = 1380a).<br />

17


déconnectée, dans une manchette à son Œconomia du discours 38. Or l’in<strong>de</strong>x reprend <strong>la</strong><br />

manchette, mais ne renvoie pas au passage théorique : son souci n’est pas le va-et-vient entre<br />

théorie et pratique.<br />

Au total, les trente-huit discours sont, à lire l’in<strong>de</strong>x, <strong>de</strong>s emblèmes <strong>de</strong> tel ou tel grand<br />

lieu commun plutôt que lus pour eux-mêmes, dans leur complexité argumentative. Le<br />

discours <strong>de</strong> Caton restera dans <strong>la</strong> mémoire comme illustrant l’autorité <strong>de</strong> <strong>la</strong> Loi, tout comme<br />

<strong>la</strong> pompéienne ou Pro lege Manilia <strong>de</strong> Cicéron reste dans l’esprit <strong>de</strong> Caussin le discours<br />

exemp<strong>la</strong>ire <strong>de</strong> l’enumeratio, concept dont il parle si bien, <strong>de</strong> façon presque mystique, dans sa<br />

partie théorique (IV, chap. 27-29). L’étudiant cherchera donc au livre XIII <strong>de</strong>s exemples <strong>de</strong><br />

discours qui aient <strong>de</strong> belles « sentences », qui soient « nobiles » et qui soient les plus<br />

remarquables ou « illustres ». Bref, c’est une anthologie <strong>de</strong> belles pages, <strong>de</strong> discours choisis,<br />

qui sont, lors <strong>de</strong> <strong>la</strong> c<strong>la</strong>sse, <strong>de</strong>s moments d’exaltation. Marc Fumaroli a bien entendu raison. Ce<br />

refus du systématique est, et <strong>de</strong> propos délibéré, un refus du « sco<strong>la</strong>ire », parce que le<br />

sco<strong>la</strong>ire, rebaptisé « pédantesque », choquerait par trop les préjugés nobiliaires du public <strong>de</strong><br />

La Flèche. Caussin s’inscrit par là dans une généalogie bien française <strong>de</strong> l’explication <strong>de</strong> texte<br />

– on en retrouverait <strong>de</strong>s traces dans <strong>la</strong> façon dont Rollin propose l’analyse, très intelligente,<br />

d’une seule harangue <strong>de</strong> Tite-Live, dans son Traité <strong>de</strong>s étu<strong>de</strong>s. Pour autant, au terme <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />

comparaison, faut-il préférer Caussin aux autres ? Je m’en gar<strong>de</strong>rai bien. Caussin et Junius<br />

incarnent chacun <strong>de</strong>ux gran<strong>de</strong>s tendances, et il me semble qu’il faut plutôt prendre conscience<br />

<strong>de</strong> leur présence respective à toutes <strong>de</strong>ux, dans <strong>la</strong> longue durée. Il n’y a pas d’un côté <strong>la</strong><br />

rhétorique « adulte » et <strong>de</strong> l’autre <strong>la</strong> sco<strong>la</strong>ire, ce qui risquerait d’être aussi insultant pour l’une<br />

que prétentieux pour l’autre. Il y a <strong>de</strong>ux pôles opposés, entre lesquels est tiraillée toute<br />

rhétorique, avec pour chacune un type d’institution sco<strong>la</strong>ire qui aboutit à <strong>de</strong>s réussites<br />

« adultes ». Le pôle Caussin est une vision religieuse et absolue du Logos, là où le pôle Junius<br />

en a une vision plus politique et plus « civile », à tous les sens <strong>de</strong> ce <strong>de</strong>rnier terme. Les <strong>de</strong>ux<br />

visions ont <strong>de</strong> très gran<strong>de</strong>s beautés, et chacune ne manque d’ailleurs pas d’emprunter à sa<br />

rivale, comme dans tous les pro et contra, surtout ceux qui s’éternisent. Quoi qu’il en soit, le<br />

point essentiel est que les <strong>de</strong>ux font le tout <strong>de</strong> <strong>la</strong> rhétorique. Non pas Caussin ou Junius, mais<br />

Caussin et Junius : voilà à mon sens l’horizon vers lequel il faudrait aller.<br />

Francis GOYET<br />

Université Stendhal (Grenoble-III)<br />

18


ANNEXE<br />

Liste <strong>de</strong>s divers conciones cités 1<br />

I. Le Pro lege Oppia<br />

Texte <strong>la</strong>tin et trad. fr. du Pro lege Oppia 2-7<br />

Caussin, texte <strong>de</strong> son Œconomia orationis 8<br />

Junius, texte <strong>de</strong> sa Resolutio 9<br />

Perion, 1545, texte abrégé <strong>de</strong> son analyse 10<br />

Tesmar, 1657 : son p<strong>la</strong>n 10<br />

Conciones du XIX e siècle : leur p<strong>la</strong>n 11<br />

II. Le livre XIII <strong>de</strong>s Paralle<strong>la</strong><br />

Divers c<strong>la</strong>ssements <strong>de</strong>s types <strong>de</strong> discours, <strong>de</strong><br />

Perion 1545 à Caussin 1619 12<br />

Livre XIII : présentation et texte du<br />

« Libri institutum, le <strong>de</strong>ssein <strong>de</strong> ce livre » 13<br />

Les trente-huit discours dans l’ordre 13-16<br />

Liste <strong>de</strong>s divers conciones cités,<br />

outre Caussin et Junius<br />

1545 : Joachim Perion, In omnes T. Liuii Conciones, ut breuiuscu<strong>la</strong>e, ita cum primis eruditae<br />

Annotationes. Vna cum ipsis T. Liuij Concionibus per genera causarum distinctis, ut uix quicquam<br />

Rethorices (sic) ac Latinitatis studiosis proponi accommodatius possit, Bâle, Rob. Winter ; 193<br />

discours au total.<br />

1570 : Henri Estienne, Conciones sive orationes ex graecae <strong>la</strong>tinisque historicis excerptae.<br />

(…) Argumenta singulis praefixa sunt, lectori adiumenta magno futura. Additus est in<strong>de</strong>x<br />

artificiosissimus, et utilissimus, quo in rhetorica causarum genera, velut in communes locos, singu<strong>la</strong>e<br />

conciones rediguntur, Paris, H. Estienne. Les discours grecs sont suivis d’une trad. <strong>la</strong>tine. Dans une<br />

très belle table, ils sont c<strong>la</strong>ssés par genres, délibératif, judiciaire, démonstratif, puis sous-genre.<br />

L’in<strong>de</strong>x qui suit reprend les mêmes catégories, par ordre alphabétique. Il y a un in<strong>de</strong>x par genre<br />

(délibératif, etc.) : les discours sont rangés comme « adhortatio, commendatio », etc. Catégories<br />

ajoutées à <strong>la</strong> liste infra : pour le délibératif, commonitio, consilium, consultatio (très nombreuses),<br />

expositio, mo<strong>de</strong>ratio mandatorum, etc. Il y a beaucoup plus <strong>de</strong> discours délibératifs (6 p. d’in<strong>de</strong>x) que<br />

<strong>de</strong> judiciaires (2 p.) et <strong>de</strong> démonstratifs (une <strong>de</strong>mi-page). Auteurs grecs : Hérodote, Thucydi<strong>de</strong>,<br />

Xénophon, Polybe, Arrien, Hérodien. Latins : Salluste, Tite-Live, Tacite, Quinte-Curce, Iulius<br />

Capitolinus, Ælius Lampridius, Trebellius Pollion, Ammien Marcellin. Les arguments sont <strong>de</strong>s notices<br />

sur <strong>la</strong> situation du discours, avec assez souvent <strong>de</strong>s indications rhétoriques (ethos <strong>de</strong> l’orateur,<br />

quelques arguments).<br />

1657 : Johannes Tesmar, professeur <strong>de</strong> rhétorique à Brême <strong>de</strong> 1600 à sa mort en 1637,<br />

Rhetoricarum exercitationum libri VIII, Amsterdam, Elzévir ; édités par Daniel <strong>de</strong> Stephani. Tite-Live<br />

occupe tout le livre IV (p. 269-506) : 205 discours au total.<br />

1725 : Jean-Pierre <strong>de</strong> Crousaz, Essai <strong>de</strong> rhétorique dans <strong>la</strong> traduction <strong>de</strong> quatre harangues <strong>de</strong><br />

Tite Live, Groningue, Jacques Sipkes ; l’équipe RARE en prépare l’édition.<br />

1740 : anonyme, Exercitationes rhetoricae in orationes T. Livii, Padoue, Presses du<br />

Séminaire/Jean Manfrè, 180 discours au total. Cf., attribuées à Charles La Rue, sj, les Exercitationes<br />

rhetoricae in praecipuas P. Virgilii Maronis orationes, Münich et Ingolstadt, Crätz, 1760 (1 e éd. que<br />

nous connaissions : 1735 ; 88 discours). L’équipe RARE prépare l’édition <strong>de</strong> ces <strong>de</strong>ux ouvrages.


1823 : Jean Le Deist <strong>de</strong> Botidoux, Conciones et discours choisis dans Salluste, Tite-Live,<br />

Tacite et Quinte-Curce, Paris, Libr. c<strong>la</strong>ssique et d’éducation (Vve Maire-Noyon ; A. Pigoreau,<br />

successeur). – Je remercie Anne Vibert pour cet achat.<br />

1898 : l’abbé Antoine-Arthur Vauchelle, dit au titre « supérieur du petit séminaire <strong>de</strong><br />

Noyon », Conciones <strong>la</strong>tinae e sacris necnon e profanis scriptoribus excerptae. Nouveau recueil,<br />

publié avec exposés historiques, p<strong>la</strong>ns et notes en français, Paris, Librairie Ch. Poussielgue (3 e éd.). Je<br />

remercie François Bérier pour l’achat <strong>de</strong> cet ouvrage, dont l’ex-libris porte « Louis Bouchet, C<strong>la</strong>sse <strong>de</strong><br />

Rhétorique, 1920-1921 ».<br />

2


LE PRO LEGE OPPIA<br />

Caussin, Œconomia orationis<br />

(Je mets en gras le vocabu<strong>la</strong>ire rhétorique.)<br />

I. Exordium graue nimiam virorum indulgentiam perstringit : quod autem affert <strong>de</strong> hac mulierum audacia<br />

exemplum, in Lemno insu<strong>la</strong> contigit, et narratur ab Apollonio in Argonauticis, Statio in Thebai<strong>de</strong>, Ouid. etc.<br />

Grauitatis fuit Insu<strong>la</strong>m non nominare, ne ista enucleatius disquisiisse vi<strong>de</strong>retur.<br />

II. Ex eo statuit in primis periculosa mulierum conciliabu<strong>la</strong>e, et hujus authores licentiae sugil<strong>la</strong>t, addita<br />

praec<strong>la</strong>ra, et illustri aduersus absentes mulieres sermocinatione.<br />

III. Contra istam mulierum prehensationem, verecundiae, et pudori sexus inimicam, disputat primum a lege<br />

maiorum, qui mulieres intra priuatos parietes sine ullo rerum administrandarum iure incluserat. Hoc ipsum [en<br />

manchette : Mulier expers auctoritatis.] Cicer. pro L. Muraena. D. Ambros. in quaest. noui, et veter. test.<br />

Mulierem constat subiectam viri dominio esse, et nul<strong>la</strong>m authoritatem habere. Nec docere potest, nec testis esse,<br />

nec fi<strong>de</strong>m dare, nec iudicare. At Tullius in republ. non gunaikonomon requirit Graecor. sed censorem, qui doceat<br />

viros mo<strong>de</strong>rari uxoribus.<br />

IV. Argumentatur a natura mulierum. Mulier indomitum animal, et licentiae appetens, i<strong>de</strong>o fraeno<br />

mo<strong>de</strong>rationis coercendum, kratousa men gar oukh homilèton thrasos, inquit Æschylus in Persis [en fait, Sept<br />

contre Thèbes, v. 189 : « quand <strong>la</strong> femme est en position <strong>de</strong> force, elle n’est plus qu’insolence insociable].<br />

V. Ab authoritate legis, quam minime <strong>de</strong>cet abrogare pro mulierum arbitrio ; quibus si id semel<br />

conce<strong>de</strong>retur, <strong>la</strong>tius in dies manaret improbitas. Rem autem tractat salsis et acribus ironiis Stoico ingenio<br />

dignissimis, maxime ubi per sustentationem, et hunc mulierum coetum et petitionem exagitat. Quod autem ait <strong>de</strong><br />

matre Idaea, Cybeles simu<strong>la</strong>chrum Pessinunte aduectum intelligit, quod C<strong>la</strong>udia celebris il<strong>la</strong> Vestalis pertraxit, ut<br />

habet Plin. libro 7, cap. 35.<br />

VI. Etiamsi nul<strong>la</strong> lex esset opposita, tamen f<strong>la</strong>gitiosa est haec mulierum importunitas : quod praec<strong>la</strong>re<br />

exaggerat, osten<strong>de</strong>ns a rei natura et turpitudine petitionis indignitatem. Porro contra huiusmodi luxum [en<br />

manchette : Mulierum luxus] mulierum praec<strong>la</strong>ra scripserunt Tertullianus et Cyprianus, libro <strong>de</strong> disciplina, et<br />

habitu Virginum, ubi haec inter caetera : Ornamenta, ac vestium insignia, et lenocinia formarum, non nisi<br />

prostitutis et impudicis foeminis congruunt ; et nul<strong>la</strong>rum fere pretiosior cultus est, quam quarum pudor vilis est.<br />

VII. Iam p<strong>la</strong>ne agit Philosophum Stoicum, contra luxum ciuitatis grauis inuectus. Duo morbi reipubl.<br />

curandi sunt (inquit) Auaritia, et Luxuria : qui in hac mulierum petitione se produnt, sed praecipue,<br />

saeuior armis<br />

Luxuria incubuit, victumque ulciscitur orbem.<br />

Et is luxus etiam in statuis auro, argento ; quo fit ut antefixa fictilia Deorum Romanorum ri<strong>de</strong>antur : erant<br />

autem antefixa, quae ex opere figlino tectis affigebantur sub stillicidio.<br />

VIII. Huic luxus intemperantiae remedium opponit mo<strong>de</strong>rationem antiquarum matronarum, in respuendis<br />

donis, quibus nul<strong>la</strong> lex fuit, cum nul<strong>la</strong> esset cupiditas. [en manchette : Lex nul<strong>la</strong>, ubi nul<strong>la</strong> cupiditas.] Varr. l. 11<br />

<strong>de</strong>vita P. R. <strong>de</strong> quo mulierum Romanarum veterum victu et moribus, ex Catone, Gell. noct. Attic. lib. X. c. 23.<br />

Postquam obtrita hac mo<strong>de</strong>ratione natae sunt cupiditates, tum condi leges coeperunt, ut lex Licinia <strong>de</strong><br />

mo<strong>de</strong>ratione agrorum, Cincia <strong>de</strong> muneribus : illius meminit Liu. l. 6 et 7, huius Cornel. Tacit. lib. 13. Patres<br />

legem Cinciam f<strong>la</strong>gitant, qua cauetur antiquitus, ne quis ob caussam orandam pecuniam donumve accipiat. [en<br />

manchette : Lex Cincia. Aduocati prohibentur pecuniam capere.]<br />

IX. Cupiditatem istam non modo ambitiosam ostendit, sed et rationis expertem. Neque enim caussam habet<br />

ul<strong>la</strong>m indignationis aut pudoris haec petitio, cum lex aequa sit omnibus. Hinc solertissime cupiditatis istius<br />

fontem indagat, dolent scilicet diuites, quod paupertas aliarum sub hac lege <strong>la</strong>teat ; Atqui hoc vanitatis est non<br />

ferendae.<br />

X. Perorat charactere orationis val<strong>de</strong> morato [oratio morata = qui peint les mores], et ad formam alèthinou<br />

logou ubi ostendit, Malum consequens ex ornamentorum concessione viris et mulieribus importunum. Tum<br />

grauiter monet, ne luxuriam legis seueritate constrictam, solutis <strong>de</strong>mum vinculis, quasi bestiam e cauea in funus<br />

ciuitatis emittant. Ean<strong>de</strong>m comparationem habet Cicero. 4. ad Herenn. sed <strong>la</strong>xiorem.<br />

3


Melchior Junius, Resolutio<br />

(Les éléments ici omis sont donnés à <strong>la</strong> fin du tableau.)<br />

[D’abord un rappel <strong>de</strong> <strong>la</strong> situation. Puis les argumenta, que voici – le tout est donné sans paragraphes,<br />

que j’ajoute pour <strong>de</strong>s raisons <strong>de</strong> c<strong>la</strong>rté.]<br />

[1.] Quod primo abrogatio huius partim Consulibus, partim Tribunis plebis turpitudinis sit macu<strong>la</strong>m<br />

haud exiguam inustura : cum turpe sit, muliercu<strong>la</strong>s aut a Tribunis plebis adhiberi ad seditiones<br />

concitandas, aut has consules cogere, ut leges nouas accipiant, vel tol<strong>la</strong>nt veteres.<br />

2. Agendi modus parum honestus : muliercu<strong>la</strong>e contra verecundiam ac pudorem in publicum<br />

procurrant : occupent vias : alienos maritos appellent : cupiant cogere, ut Oppiam legem tol<strong>la</strong>nt.<br />

3. Maiorum longe alia fuerit ratio : qui ne qui<strong>de</strong>m priuatim rem ul<strong>la</strong>m gerere foeminam voluerint sine<br />

authore, et parentum, fratrum aut maritorum consensu.<br />

4. Nequaquam consultum vi<strong>de</strong>atur, ut abrogata lege Oppia, muliercu<strong>la</strong>rum libertas, seu potius licentia<br />

confirmetur : cum a natura hae impotentes, et indomitae : vix pluribus legibus constrictae contineri in<br />

officio queant : neque tum iniquo animo Oppiam legem ferant, quam rerum omnium libertatem<br />

<strong>de</strong>si<strong>de</strong>rent : iugo excusso, non solum pares, verum etiam superiores maritis suis esse velint.<br />

5. Lex Oppia semel <strong>la</strong>ta et approbata a populo, i<strong>de</strong>oque non temere inque muliercu<strong>la</strong>rum gratiam<br />

abroganda : quando qui<strong>de</strong>m nul<strong>la</strong> lex satis omnibus est commoda, il<strong>la</strong> probatur, quae maiori parti et in<br />

summa pro<strong>de</strong>st.<br />

6. Huius antiquitatis et abrogatio postuletur, non aliqua graui ac iusta <strong>de</strong> causa, sed meram ob<br />

superbiam ac petu<strong>la</strong>ntiam muliercu<strong>la</strong>rum.<br />

7. Legem ante <strong>la</strong>tam non fuisse propterea, quod maiorum tempore non esset luxuria, qua talem<br />

aliquam requireret.<br />

8. Oppia in lege par constituatur et aequalis omnium foeminarum conditio, ac propterea huius gratia,<br />

neque pudor neque indignatio in his oriri <strong>de</strong>beat.<br />

9. Certamina in luxu muliercu<strong>la</strong>rum et aemu<strong>la</strong>tione multa magnaque in Republ. incommoda<br />

sequantur : pauperes, ut ditioribus esse pares possint, non ab his contemnantur, supra vires et facultates<br />

suas sese ornent, parent omnia <strong>de</strong> suo, quae parari possint : sint molestae maritis suis, ut nummos<br />

habeant : si exorare nequeant maritos suos, petant ab alijs, atque ita ad adulteria aliaque f<strong>la</strong>gitia<br />

veniant : non modum quisquam faciat sumptibus uxorum, si semel lex il<strong>la</strong> sub<strong>la</strong>ta fuerit, quae<br />

earum<strong>de</strong>m so<strong>la</strong> coercere superbiam potest.<br />

10. Semper <strong>de</strong>nique maiori cum damno semel <strong>la</strong>ta lex abrogetur, quam non feratur : quemadmodum<br />

tutius est, non accusari hominem improbum, quam accusatum semel absolui : et ferae bestiae e<br />

vinculis emissae magis nocere solent, quam quae nunquam <strong>de</strong>tentae in vinculis fuerunt.<br />

Atque haec <strong>de</strong>cem argumenta sunt, quibus probare Cato conatur, legem Oppiam <strong>de</strong><br />

muliercu<strong>la</strong>rum luxu, abrogandam minime esse.<br />

Ad èthè, (…) patiantur.<br />

Collocatio et tractatio horum constat. I. Exordio : cuius finis prosokhè attentio, quam excitat<br />

Cato instituta quere<strong>la</strong> <strong>de</strong> corrupto moribus ac superbiae mulierum : <strong>de</strong>in<strong>de</strong> rei magnitudine et<br />

difficultate proposita. II. Pars confirmatio est ; in qua aliquot argumentis legis Oppianicae abrogatio a<br />

Catone dissua<strong>de</strong>tur. III. Peroratio pia et mo<strong>de</strong>sta est facta sententiae expositione.<br />

Loci communes (…).<br />

4


Perion, 1545, p. 405-406<br />

(Je ne donne que les notes purement rhétoriques,<br />

et j’ajoute les renvois aux I, II… <strong>de</strong> l’Œconomia <strong>de</strong> Caussin.)<br />

I. Si in sua quisque) (…). Exorditur a corrupti moribus seu priuatis seu publicis. (…) Ius et<br />

maiestatem) Retinet ius et maiestatem id significat, quod uulgo dicimus seruare suam potestatem et<br />

autoritatem. Cuius contrarium est soluere ius et maiestatem, pro quo dicimus sinere perdi autoritatem,<br />

seu facere perdi autoritatem, famam, et quod uulgo dicimus, suum audiuit. Hoc Budaeo nostro<br />

<strong>de</strong>bemus. (…)<br />

II, b. Haec consternatio) Narratiuncu<strong>la</strong> ui<strong>de</strong>tur. (…)<br />

III. Maiores qui<strong>de</strong>m) Ab hoc maxime loco aduersus luxuriam mulierum dicere incipit. Exemplum est a<br />

minori. Nisi uos faciatis) (…).<br />

IV. [C’est ici <strong>la</strong> moindre <strong>de</strong>s choses…] Minimum hoc) A malis consecuturis. (…)<br />

V. At hercule) Praesumptio [« quae prolepsis dicitur », Quintilien 9.2.16 ; équivalent <strong>de</strong><br />

praeoccupatio]. (…)<br />

V, 2 e phrase. Imo ut quam accepistis) Paradoxum per amplificationem. (…)<br />

VII. Saepe me) Excursio. (…)<br />

VIII. Patrum nostrorum) Exemplo a contrario docet quaenam fuerit causa huius legis ferendae,<br />

caeterarumque.<br />

IX, 2 e phrase. Nam ut quod) Ab utili. (…)<br />

Tesmar, 1657, p. 440-441 : p<strong>la</strong>n du Pro lege Oppia<br />

I <strong>de</strong> Caussin = I <strong>de</strong> Tesmar.<br />

IIa = II.<br />

IIa, fin, Nam utrum, C’est à vous en effet = III <strong>de</strong> Tesmar, pour qui c’est là <strong>la</strong> première partie <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />

contentio, « contentio <strong>de</strong> exemplo », avec ici son 1 e argument.<br />

IIc, fin, Quamquam ne, Et même, si vous vous = pour Tesmar, 2 e argument.<br />

IV = 3 e argument.<br />

V = début <strong>de</strong> <strong>la</strong> secon<strong>de</strong> partie <strong>de</strong> <strong>la</strong> contentio (ou réfutation), « contentio <strong>de</strong> re seu lege », subdivisée<br />

en quatre arguments : « Contentio <strong>de</strong> re seu lege refutat objectionem mulierum ».<br />

Vb = 3 e argument <strong>de</strong> cette secon<strong>de</strong> partie, elle même subdivisée en antithesis (= VI <strong>de</strong> Caussin), et un<br />

syllogisme argumentatif qui va <strong>de</strong> VII à VIIIb chez Caussin.<br />

IX = 4 e argument, auquel est raccrochée <strong>la</strong> réponse à l’objection <strong>de</strong> <strong>la</strong> femme riche (= Xa <strong>de</strong> Caussin).<br />

5


Xb = IV <strong>de</strong> Tesmar (<strong>la</strong> péroraison, dite ici « epilogus »).<br />

6


Botidoux, Conciones, 1823, p. 518-529 : p<strong>la</strong>n du Pro lege Oppia<br />

I-IV <strong>de</strong> Caussin = « I. Exor<strong>de</strong> véhément, tiré du sujet »<br />

V-VI = « II. Les lois établies pour l’universalité <strong>de</strong>s citoyens, ne doivent pas être abrogées par le<br />

caprice <strong>de</strong>s particuliers qui en souffrent. Explication ironique du motif <strong>de</strong>s réc<strong>la</strong>mations faites par les<br />

femmes. »<br />

VII-VIII = « III. Avis sur les dangers du luxe ; application <strong>de</strong> ces maximes à <strong>la</strong> question <strong>de</strong> loi<br />

Oppia. »<br />

IX = « IV. Censure <strong>de</strong> <strong>la</strong> ridicule vanité qui porte les femmes à <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r l’abolition <strong>de</strong> <strong>la</strong> loi Oppia. »<br />

X = « V. Prédiction <strong>de</strong>s désordres et <strong>de</strong>s vices qui doivent naître <strong>de</strong> l’abrogation <strong>de</strong> <strong>la</strong> loi Oppia. »<br />

Fin <strong>de</strong> X (= III <strong>de</strong> Junius) = « VI. Conclusion. »<br />

Abbé Vauchelle, Conciones <strong>la</strong>tinae, 1898, p. 180 : p<strong>la</strong>n du Pro lege Oppia<br />

(Les italiques sont <strong>de</strong> l’auteur.)<br />

A. Exor<strong>de</strong> véhément [= I-IV <strong>de</strong> Caussin] :<br />

a. Faiblesse <strong>de</strong>s époux. [= I <strong>de</strong> Caussin]<br />

b. Audacieuse conduite <strong>de</strong>s femmes. [= II <strong>de</strong> Caussin, à partir <strong>de</strong> sa 2 e phrase, Atque ego…]<br />

c. Sagesse <strong>de</strong>s lois passées – Dangers pour l’avenir. [= III <strong>de</strong> Caussin]<br />

B. Confirmation [=V-X <strong>de</strong> Caussin] :<br />

I. Examen <strong>de</strong> leur <strong>de</strong>man<strong>de</strong> :<br />

a. Respect dû à <strong>la</strong> loi. [= V]<br />

b. Futilité <strong>de</strong> leurs réc<strong>la</strong>mations. [= Vb]<br />

II. Raisons <strong>de</strong> refuser :<br />

a. Dangers croissants du luxe. [= VII]<br />

b. Contraste avec <strong>la</strong> simplicité antique. [= VIII, en incluant <strong>la</strong> phrase d’avant, Ego hos…]<br />

c. Égalité qu’entraîne pour toutes <strong>la</strong> loi. [= IX]<br />

d. Dangers <strong>de</strong> l’ému<strong>la</strong>tion pour <strong>la</strong> parure. [= X]<br />

C. Péroraison simple et ferme. Maintien <strong>de</strong> <strong>la</strong> loi. [= III <strong>de</strong> Junius]<br />

[Le texte <strong>la</strong>tin seul est donné ensuite, sans traduction française. Il est paragraphé en fonction <strong>de</strong> ce<br />

découpage, avec les seuls A, B et I, II indiqués en tête <strong>de</strong>s paragraphes correspondants.]<br />

7


C<strong>la</strong>ssement <strong>de</strong>s types <strong>de</strong> discours, <strong>de</strong> 1545 à 1619<br />

Perion 1545 H. Estienne 1570 Junius 1598 Caussin 1619<br />

délibératif : 105 disc., 322 p. (dans le seul livre XIII)<br />

suasio, dissuasio suasio, dissuasio suasiones suasio, dissuasio<br />

adhortatio, <strong>de</strong>hortatio exhortatio, <strong>de</strong>hortatio dissuasiones adhortatio, <strong>de</strong>hortatio<br />

monitio monitio adhortationes<br />

petitio, cum responsione petitio <strong>de</strong>hortationes<br />

gratiarum actio precatio commendationes<br />

commendatio conciliatio petitiones<br />

reconciliatio <strong>de</strong>nuntiatio conso<strong>la</strong>tiones<br />

conso<strong>la</strong>tio (et, au tout consultatio (n° 23-30)<br />

commendatio [aussi à <strong>la</strong> fin début, commendatio (n° 31)<br />

du démonstratif] <strong>de</strong>liberationes) conciliatio (n° 32)<br />

[son in<strong>de</strong>x en ajoute,<br />

dont consultatio]<br />

judiciaire : 29 disc., 136 p.<br />

accusatio, <strong>de</strong>fensio accusatio, <strong>de</strong>fensio accusationes accusatio (n° 34, 36)<br />

exprobratio excusatio <strong>de</strong>fensiones <strong>de</strong>fensio (n° 35, 37, et,<br />

inuectiua concitatio, mitigatio quere<strong>la</strong>s après le disc. 38,<br />

expostu<strong>la</strong>tio expostu<strong>la</strong>tio, siue querimonia expostu<strong>la</strong>tiones l’apologia Hermenegildi)<br />

purgatio inuectiua <strong>de</strong>precationes<br />

quere<strong>la</strong><br />

exprobratio<br />

obiurgatio<br />

obiurgatio<br />

<strong>de</strong>precatio<br />

purgatio<br />

comminatio<br />

<strong>de</strong>precatio<br />

démonstratif : 33 disc., 282 p.<br />

<strong>la</strong>us personae <strong>la</strong>udatio, vituperatio funebres <strong>la</strong>udationes<br />

<strong>la</strong>us rei gratiarum actio commendationes rerum<br />

vituperium personae expositio historica vituperationes<br />

Est coniuncta cum gratu<strong>la</strong>tio reprehensiones<br />

caeteris, ut <strong>de</strong>scribitur <strong>la</strong>mentatio<br />

gratu<strong>la</strong>tiones<br />

Carthago noua, commemoratio beneficiorum gratiarum actiones<br />

8


concio CXXVI<br />

commendatio [aussi à <strong>la</strong> fin<br />

[= Liv., XXVI, XLIII] du délibératif]<br />

9


LE LIVRE XIII DES PARALLELA<br />

Présentation générale et texte du Libri institutum<br />

Le titre du livre XIII est exactement : « Characteres civilis eloquentiae. Liber <strong>de</strong>cimus-tertius.<br />

In quo generis Deliberatiui et Iudicialis exemp<strong>la</strong>. Ex antiquis auctoribus Graecis, et Latinis : Cum<br />

notis. »<br />

voici :<br />

Juste après ce titre, on a, intitulé « Libri institutum » ou <strong>de</strong>ssein <strong>de</strong> ce livre, le paragraphe que<br />

« Instituti hoc libro characterem illius ciuilis Eloquentiae, non qui<strong>de</strong>m ambitioso tractu fluentis, sed<br />

pon<strong>de</strong>rosi sententiis collectae, uno aspectu oculis subjicere. Congessi igitur in fasciculum breves<br />

aliquot, ex Herodoto, Thucydi<strong>de</strong>, Xenophonte, Herodiano, Sallusto, Livio, Curtio, Tacito, et caeteris,<br />

nobiles orationes quarum œconomia et artificium paucis digessi ; quo nostra discentibus opera gratia<br />

atque utilior foret. (…) non mei fuit instituti omnia colligere, quod et a plerisque factum vi<strong>de</strong>o ; sed<br />

quae illustriora dumtaxat vi<strong>de</strong>rentur, interpretari atque ad confirmationem eloquentiae proponere. »<br />

Suivent alors trente-huit discours introduits et analysés comme le Pro lege Oppia. Nous<br />

donnons aux pages suivantes, dans l’ordre, une brève fiche sur chacun d’entre eux, fiche qui est<br />

simplement un relevé cursif, au fil d’une première lecture rapi<strong>de</strong>. Nos relevés <strong>de</strong> l’in<strong>de</strong>x s’enten<strong>de</strong>nt<br />

sur l’édition tardive utilisée : l’in<strong>de</strong>x <strong>de</strong> <strong>la</strong> princeps paraît, là aussi en lecture rapi<strong>de</strong>, sensiblement<br />

différent.<br />

Dans l’édition <strong>de</strong> <strong>la</strong> BM <strong>de</strong> Grenoble, les titres intermédiaires (suasio, etc.) sont donnés tantôt<br />

en majuscules et tantôt non : j’ai tout transcrit en minuscules. En revanche, j’ai conservé <strong>la</strong><br />

présentation « majuscules en italiques, centrées », qui signale <strong>de</strong>s gran<strong>de</strong>s catégories, SUASIO,<br />

DISSUASIO, etc.<br />

Les discours ne sont pas numérotés, ni au texte, ni au sommaire général, d’ailleurs très détaillé<br />

pour chacun.<br />

Les discours grecs sont donnés en grec, avec une trad. <strong>la</strong>tine qui est celle <strong>de</strong>s Conciones<br />

d’Estienne, 1570 – lequel reprend lui-même parfois celle <strong>de</strong> Val<strong>la</strong>. Pour les disc. 28-30, Caussin<br />

reprend même à Estienne ses arguments en tête <strong>de</strong> discours. Le disc. 38, qui vient <strong>de</strong> Philon, ne se<br />

trouve pas chez Estienne, qui ne donne pas d’extraits <strong>de</strong> Philon. L’œconomia par Caussin <strong>de</strong>s six<br />

discours tirés d’Hérodote a été reprise telle quelle à <strong>la</strong> fin <strong>de</strong> Herodoti… orationes, conciones… L.<br />

Joannis Olearii… qui… nobilium aliquot orationum artificium rhetoricum ex Nicol. Caussini…<br />

adjecit, 1675, Lipsiae, Fuhrmann et Breuer (grec et <strong>la</strong>tin en regard par page, en colonnes), p. 591-598<br />

(BnF : X.16944 ; Hab : Lg 1000).<br />

À noter qu’il y a six autres analyses <strong>de</strong> discours dans les Paralle<strong>la</strong>. Au livre X : ch. 23, disc.<br />

chez Thucydi<strong>de</strong>, oraison funèbre tirée d’Aristi<strong>de</strong> ; ch. 24, éloge <strong>de</strong> Smyrne par Aristi<strong>de</strong> ; ch. 25 et ult.,<br />

du même, in <strong>la</strong>u<strong>de</strong> Putei. Au livre XII : ch. 36, disc. <strong>de</strong> Germanicus à ses soldats rebelles (Tacite,<br />

Annales, I) ; ch. 37, exprobratio <strong>de</strong> Didon à Énée (Virgile), comparée à celle d’Ariane à Thésée<br />

(Catulle). Cf. aussi livre V, ch. 3 (analyse d’une longue amplification <strong>de</strong>s Verrines) et ch. 24-41<br />

(quelques manchettes en guise d’analyse d’amplificationes).<br />

Pour <strong>la</strong> c<strong>la</strong>rté du repérage <strong>de</strong>s discours, nous avons évité d’écarteler <strong>la</strong> fiche <strong>de</strong> tel ou tel sur<br />

<strong>de</strong>ux pages.<br />

10


[1.] Oratio Xerxis <strong>de</strong> bello Graecis inferendo. (p. 815 ; ces disc. 1-3 chez Junius, p. 167-172)<br />

Inuentio tota continetur duobus argumentis, <strong>de</strong> vindicanda iniuria, et gloria amplificanda. Dispositio<br />

nonnihil fluctuat intercisa repetitionibus. Elocutio simplex, et candida, non tamen sine verbis byssinis.<br />

Œconomia orationis.<br />

I. Exorditur ab exemplo et instituto superiorum Regum, qui cum toti animum ad curas bellicas<br />

adiecerint ; non <strong>de</strong>cet Xerxem otium et vitate mollitiem sectari. (…)<br />

II. Ab utili argumentatur, quod magna illecebra cupiditatis sit, Atticae regionis fertilitas. Haec fuit ars<br />

Narsetis, cum Longobardos ad Italicum bellum inuitans, ex ea<strong>de</strong>m regione illis eximiae magnitudinis<br />

pompam praemisit : <strong>de</strong> quo stratagemate dico in symbolis. [Narses =]<br />

III. Magno argumento est Darii patris exemplum (…)<br />

IV. Vltio iniuriarum proponitur, ingens stimulus generositati, cui probrum concoquere difficillimum<br />

est : Iniuriae autem erant c<strong>la</strong>rissimis ducibus il<strong>la</strong>tae. Nam Datis et Artapharnes (non seulement battus<br />

militairement, mais moqués comme « datismus barbarismus »).<br />

V. Spes amp<strong>la</strong>e et generosae illustri oratione exaggerantur : Siqui<strong>de</strong>m Attica <strong>de</strong>uicta, Persis coelo<br />

proxima futura est. Quem locum est imitatus Graecus Poëta, Anthologiae lib. primo, ubi Roma<br />

appel<strong>la</strong>tur patrè phroimion ouraniès.<br />

VI. Illectat pretiis generosos animos.<br />

[L’in<strong>de</strong>x référence ce disc. à B, « Barbarismos Datidis melos ». « Ira : eam sequitur misericordia,<br />

883.2 (= disc. 38). Vltio quomodo excitetur 507.1.2 » ; spes : néant, vindicand. : néant, gloria : néant.<br />

L’in<strong>de</strong>x a, pour Majorum, seulement : « Maiorum gloria calcar virtutis », qui est <strong>la</strong> manchette au début<br />

du texte <strong>de</strong> ce discours = oeconomia, I.]<br />

[2.] Oratio Mardonii suasoria. (p. 818)<br />

Inuentio tota pen<strong>de</strong>t ab adiunctis personarum. Dispositio naturalis, Elocutio b<strong>la</strong>nda, adu<strong>la</strong>toria, e<strong>la</strong>ta.<br />

manchette au texte : Adu<strong>la</strong>toria oratio. Xerxis <strong>la</strong>us.<br />

Œconomia :<br />

I. Orditur a <strong>la</strong>u<strong>de</strong> Regis (avec longues remarques sur les titres « Auguste », etc.)<br />

II. Primum argumentatur a maiore ad minus, non <strong>de</strong>cere eos qui Sacas, Assyrios, Æthiopas domuerint,<br />

Graecos timere. (…)<br />

III. Ex superiore sequitur tenuitas Graecorum, et temeritas<br />

[l’in<strong>de</strong>x a pour Adu<strong>la</strong>t- 3 § :<br />

« Adu<strong>la</strong>tio castigata 614.1<br />

Adu<strong>la</strong>tor insignis 224.2 eius <strong>de</strong>scriptio 853.1 et seq. (= livre XI, 28 e <strong>de</strong>scription) adu<strong>la</strong>tores dicti<br />

muscae 230.<br />

Adu<strong>la</strong>toria oratio 818.1.2 (= manchette <strong>de</strong> ce discours 2). »]<br />

11


[3.] Artabani oratio dissuasoria. (p. 820)<br />

Inuentio est ab argumentis remotis, a recentibus vi<strong>de</strong>licet exemplis infelicium expeditionum.<br />

Dispositio pru<strong>de</strong>ns, et artificiosa : a necessariis excurrit in locos communes, graues, et sententiosos :<br />

dissua<strong>de</strong>t, docet, inuehitur. Elocutio neruosa, grandis, excelsis sententiis exaggerata.<br />

[à l’in<strong>de</strong>x : référencé à D, Dei « majestas 821.2 Deus superbos frangit ibid. » (= <strong>de</strong>ux manchettes du<br />

texte). Cf. l’oeconomia, V. : « Temerarium nec ipsa qui<strong>de</strong>m felicitas excusat. Hanc sententiam excipit<br />

statim locus communis, <strong>de</strong> Dei potestate, et illustrium fortunarum casibus, grauiter pertextus : qui<br />

multos habuit imitatores. »]<br />

[4.] Oratio Sandanidis, dissua<strong>de</strong>ntis Croeso bellum aduersus Cappadoces. (p. 823 ; <strong>la</strong> 1 e <strong>de</strong>s conciones<br />

grecques d’Estienne 1570 ; dans Junius, p. 175-176))<br />

Ex Herodoto lib. I<br />

Character orationis miti candore et simplicitate ornatus.<br />

[à l’in<strong>de</strong>x :<br />

« candor signum foelicitatis 855.2 » = disc. 20<br />

simplicitas : nix]<br />

[5.] Oratio Philippi in Senatu. (p. 823)<br />

Continet suasionem belli aduersus M. Æmilium, et Lepidum, in quos atroci stylo inuehitur.<br />

Character est Philippicis Demosthenis simillimus.<br />

Œconomia : tout ou presque est rapproché <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>de</strong>inotès <strong>de</strong> Démosth. (voir notes mss.).<br />

SUASIO BELLI CONTRA<br />

Romanos grauissima.<br />

[6.] Oratio Galgaci. (p. 826)<br />

Inuentio argumentorum est a necessario, facili, adiunctis Personarum. Dispositio (…). Elocutio grauis,<br />

neruosa, torrens, incensa [comme <strong>la</strong> précé<strong>de</strong>nte, à VI. « Incensa oratione »], sublimis, sententiosa.<br />

Haec oratio inter optimas et grauissimas censeri potest. [cf. disc. 10, même formule finale.]<br />

Ex Cornelio Tacito in vita Agrico<strong>la</strong>e.<br />

Œconomia :<br />

I. Exordium a spe, et fiducias : potentissimum argumentum necessitas (cite Eschyle) (manchette :<br />

Necessitas inuicta)<br />

IV. Omnis spes so<strong>la</strong>tij in tantis miseriis exclusa vehementer urget et incendit, spem ex ipasa<br />

<strong>de</strong>speratione eliciens. Senec. l. I ad Neronem. Acerrima virtus est, quam extrema necessitas extundit.<br />

(manchette : Necessitas fortes facit.)<br />

V. Argumentum est a minori ad maius : Nempe stimu<strong>la</strong>ntur exemplo inferiorum : iis apposite narratis<br />

affertus quid Brigantium oppidum Rhetiae, duce foemina, pro libertate fecerit.<br />

[L’in<strong>de</strong>x a pour Necessitas seulement ceci : « Necessitas 403.404 necessitas fortes facit. 827 inuicta<br />

ib. » Or tout ce discours roule sur necessitas.]<br />

DISSUASIO.<br />

[7.] Oratio Marci Valerij Coruini Dictatoris, ad coniuratos et seditiosos milites, qua <strong>de</strong>hortatur a pugna<br />

contra patriam. (p. 828)<br />

Inuentio argumentorum est ab adiunctis rerum et personarum. Disposito sensim graditur ad maiora.<br />

Elocutio est grauis et splendida, et ut in re subita fieri oportuit, concisa.<br />

Ex Liuio l. 7.<br />

Œconomia :<br />

I. Exordium a religione, ad cuius memoriam feri etiam plerumque animi mollescunt. Habuit in mente<br />

Liuius Ciceronis orationem post reditum ad P. R. et pro L. Muraena.<br />

II. Adiuncta proponuntur grauissimarum et sanctissimarum rerum per enumerationem.<br />

[à l’in<strong>de</strong>x :<br />

Religio : seulement ceci « a Religione filium (…) 916.2. Religionis vis 842.1 » (= discours 12).<br />

12


Ici, est reprise à Mo<strong>de</strong>ratio <strong>la</strong> manchette <strong>de</strong> V « Mo<strong>de</strong>ratio in illustri fortuna amabilis ». Tout ce<br />

discours = I. mollescere animos, III. molliori articulo, ut facile irritabiles, V. suam caritatem in milites<br />

(…) mo<strong>de</strong>stiam commemorat ; quae res non paruam habet commendationem, VI. Concessio grauis et<br />

mollis ad milites leniendos peropportuna.]<br />

13


[8.] Oratio Marci Catonis Consulis, pro lege Oppia, contra mulierum luxuriam. (p. 829 ; dans Junius,<br />

p. 97-106, avec <strong>la</strong> réponse <strong>de</strong> Valère)<br />

[Voir supra l’ensemble Argumentum/Inuentio.]<br />

[L’in<strong>de</strong>x ne réfère pas ce discours pour Authoritas, Auaritia, Luxus. Noter surtout qu’il commence son<br />

§ Lex par ce discours 8 : « Lex nul<strong>la</strong> satis commoda omnibus 830.2 (= manchette) lex nul<strong>la</strong> ubi nul<strong>la</strong><br />

cupiditas 831.1 (= manchette au texte), 832.2 (= manchette <strong>de</strong> l’oeconomia, VII), lex Cincia 832.2 (=<br />

manchette <strong>de</strong> l’oeconomia, VIII), leges pro tempore mutabiles 834.2 (= manchette du texte) oppia<br />

834.2 Licinia 832.2 leges <strong>de</strong> purpura 836 ((= manchette <strong>de</strong> l’oeconomia du discours 9, VI) leges in<br />

ciuitate cum mente in corporibus hominum comparatae 194.1. » (Suivent quatre autres items, dans cet<br />

ordre : 195, 194, 195, 134.)<br />

L’in<strong>de</strong>x reprend <strong>la</strong> manchette « Aduocati prohibendum pecuniam capere ». Il a, pour Audacia,<br />

seulement « Audacia mulierum 831.1 » = début du I <strong>de</strong> l’oeconomia. Il a, pour Ironia, quatre items<br />

dont le <strong>de</strong>rnier est « ironia Catonis atrox 833 et seq. ».]<br />

[9.] Oratio Lucii Valerij Tribuni plebis, pro Mulieribus, contra legem Oppiam. (p. 833)<br />

(…) Elocutio diserta, elegans, urbana, quae felicis ingenij lumen satis indicat.<br />

Œconomia :<br />

II. (…) urbano risu diluit<br />

[L’in<strong>de</strong>x commence son entrée Character comme ceci : « Character Vrbanus 833.1 et seq. [= ce<br />

discours] agrestis 979 » (suivent 2 autres items, 958, 964).]<br />

GENUS DELIBERAtiuum.<br />

Dissuasiones.<br />

[10.] Scythae legati Oratio (p. 837)<br />

Dissua<strong>de</strong>t Alexandro Imperij propagandi cupiditatem. Haec oratio, parua mole, magna sensibus, plena<br />

sententiarum gemmis, inter eximias censeri potest. [cf. disc. 6, même formule finale.]<br />

Œconomia :<br />

I. Exordium est ab ambitionis natura (…).<br />

[L’in<strong>de</strong>x a pour Ambitio seulement ceci : « Ambitio 837.1.2 [= discours 10] cru<strong>de</strong>lis 875 et seq. (lire<br />

873 : reprise <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux manchettes du discours 34, Ambitio cru<strong>de</strong>lis, Ambitio <strong>de</strong>testanda) <strong>de</strong>testanda<br />

ibid. Ambitio et auaritia Rulli exaggeratae ex Cicerone 279-280 ambitiosi <strong>de</strong>scriptio 417.2. »]<br />

[11.] Nabarzanis Oratio ad Darium. (p. 839)<br />

De proelio differendo, et abdicatione Imperij : Vafra, et callida.<br />

[à l’in<strong>de</strong>x :<br />

Calliditas : seulement « Calliditas b<strong>la</strong>nda » = l’unique manchette qu’on a ici dans l’oeconomia. Toute<br />

l’oeconomia répète « I. insinuatio, Vulpes, IV. Quod vafrae artis est ».]<br />

[12.] Oratio Marci Furij Camilli ad Pop. Rom. <strong>de</strong> non transmigrando Veios. (p. 840)<br />

Haec oratio una est ex T. Liuij grauissimis concionibus. Inuentio argumentorum tota pene ab<br />

authoritate Religionis, et urbis, Populi Romani gloria, et situs commodis. Dispositio a sacris transit ad<br />

humana. Elocutio grandis est, et paludata.<br />

Ex Liuio l. 5.<br />

Œconomia.<br />

III. A religione Deorum, quod est potentissimum argumentum. Nam ut ait Aristoteles, septimo<br />

Politicorum, capito octauo, prôtè hè theôn epimeleia : et Nicephorus Gregorius (…).<br />

IV. Colligit praesentiam Deorum ab enumeratione effectorum (…).<br />

V. Praemunitis terrore Deorum animis transit ad urbis auspicia, et sacra : in qua nullus locus qui non<br />

religionum Deorumque sit plenus.<br />

[à l’in<strong>de</strong>x :<br />

Religio : seulement ceci, en <strong>de</strong>ux paragraphes :<br />

« a Religione filium (…) 916.2.<br />

Religionis vis 842.1 » (= ce discours).<br />

14


Cf. discours 7.]<br />

[13.] Oratio Marii ad Quirites, <strong>de</strong> se, et <strong>de</strong> ea quam parabat in Africam expeditione. (p. 845)<br />

Ex Sallustio.<br />

Mirifice composita est ad C. Marij ingenium haec oratio. Est enim Laconica, grandis, stricta, neruosa,<br />

sublimis, sine arte artificiosissima.<br />

15


[14.] Oratio P. Valerii Publico<strong>la</strong>e Consulis ad Tribunos, omnemque plebem. (p. 848)<br />

Argumentum. Exules seruique (…).<br />

Ex T. Liuio.<br />

[= pas précédé par annonce d’Inuentio etc., mais par un Argumentum : un § résumant <strong>la</strong> situation.]<br />

Œconomia :<br />

I. Propositio periculi (…).<br />

II. Argumenta petuntur a sacris, quae in istis adhortationibus primum locum obtinent. Vi<strong>de</strong> orationem<br />

Camilli <strong>de</strong> migratione, in qua hunc locum fusius pertextum inuenies.<br />

Manchette : Argumenta a religione petita valenda.<br />

III. Concluditur per Apostrophen ad Romulum ; similiter Germanicus apus Tacitum libro primo (…)<br />

Tua diue Auguste coelo recepta mens (…).<br />

[15.] Xerxis oratio. (p. 849)<br />

Oratio antiquum candorem minime e<strong>la</strong>borati sermonis sapit.<br />

Ex Herodoto.<br />

Manchette : Hortatio ad fortitudinem.<br />

[16.] Oratio Archidami. (p. 849)<br />

Argumentum. Comparato bello (…).<br />

Ex Thucydi<strong>de</strong>.<br />

Manchette au début du texte (grec et <strong>la</strong>t.) : Item Hortatio militaris ex Thucydi<strong>de</strong>.<br />

Œconomia :<br />

I. Exordium est a gloria maiorum, quod est in istis adhortationibus frequentissimum.<br />

II. (…) fiduciam.<br />

III. (…) nimia idcirco fiducia militibus perniciosa.<br />

[à l’in<strong>de</strong>x :<br />

Fiducia : seulement <strong>la</strong> manchette qui est ici en face du texte du discours, « Fiducia nimia nocet ».]<br />

[17.] Xenophontis oratio. (p. 851)<br />

Argumentum (avec, en manchette : Hortatio militaris ex Xenophonte)<br />

Discours <strong>de</strong> neuf lignes seulement, sans oeconomia.<br />

[18.] Agrico<strong>la</strong>e oratio. (p. 852)<br />

Oratio diserta est imprimis, elimata, acuta, pulchra temperie ornamentum.<br />

(en manchette : Hortatio militaris, puis Ex Tacito)<br />

Œconomia :<br />

II. Artificiosa et elegans oratio, qua se propositionis insinuat. Fingit enim leui, et morata oratione,<br />

militum vota, et conflictus <strong>de</strong>si<strong>de</strong>ria, ut eos voti sui compotes factos esse pronuntiet.<br />

[19.] Darii oratio ad milites. (p. 853)<br />

Ex Quinto Curtio lib. 3.<br />

Haec inter adhortationes militares grauissima.<br />

[l’in<strong>de</strong>x a pour Adu<strong>la</strong>t- 3 § :<br />

Adu<strong>la</strong>tio castigata 614.1<br />

Adu<strong>la</strong>tor insignis 224.2 eius <strong>de</strong>scriptio 853.1 et seq. (= ce discours 19 ??) adu<strong>la</strong>tores dicti muscae 230.<br />

Adu<strong>la</strong>toria oratio 818.1.2 (= manchette du discours 2).<br />

L’in<strong>de</strong>x reprend aussi <strong>la</strong> manchette du texte, « Affectus suaves et magni ».]<br />

[20.] Alexandri oratio, ad trecentos milites. (p. 855)<br />

Argumentum<br />

Manchette au début du texte : Hortatoria ad rem arduam. Ex Q. Curtio Alexandri <strong>la</strong>bores.<br />

Pas d’oeconomia.<br />

[21.] Germanici oratio. (p. 856)<br />

16


Conquestio, et hortatio ad vindictam sceleris.<br />

Argumentum.<br />

Ex Tacito.<br />

Manchette au texte : Affectus doloris. Querimonia grauis.<br />

Pas d’oeconomia.<br />

17


[22.] Alexandri oratio. (p. 857)<br />

Hortatoria ad expeditionem.<br />

Argumentum.<br />

Ex Quinto Curtio.<br />

CONSULTATIONES.<br />

CONSULTATIO DE<br />

propagando imperio.<br />

[23.] Oratio Alexandri ad Milites. (p. 859)<br />

In hac exhortatione elucet vis b<strong>la</strong>ndae persuasionis, et dominium illius Suadae, fortiter et suauiter in<br />

animos influentis.<br />

Ex Q. Curtio.<br />

[24.] Oratio Poeni ad Alexandrum, priori respon<strong>de</strong>ns. (p. 861)<br />

Ex Curt. li. 9.<br />

L’oeconomia ne comporte qu’un « I. » !<br />

CONSULTATIO DE<br />

Imperatore eligendo.<br />

[25.] Oratio Perdicae ad Milites. (p. 861)<br />

Argumentum.<br />

Ex Curt. lib. 10.<br />

[26.] Oratio Ptolomaei. (p. 862)<br />

Quinze lignes seulement, sans aucun appareil <strong>de</strong> notes etc.<br />

[27.] Oratio Meleagri. (p. 862)<br />

Dura, et aspera, quae truculentum oratorem facile arguat.<br />

Texte très court également, et sans oeconomia.<br />

CONSULTATIO PERSARUM<br />

<strong>de</strong> Statu Monarchiae, Aristocratiae,<br />

et Democratiae.<br />

[28.] Otanis oratio pro imperio popu<strong>la</strong>ri. (p. 863)<br />

Ex Herodoto.<br />

Argumentum [repris verbatim à Estienne 1570 ; i<strong>de</strong>m pour disc. 29 et 30].<br />

[29.] Oratio Megabysi. (p. 864)<br />

Ex eo<strong>de</strong>m Herodoto.<br />

Argumentum.<br />

De aristocratia.<br />

L’oeconomia ne comporte qu’un « I. » !<br />

[30.] Oratio Darii. (p. 865)<br />

Ex eo<strong>de</strong>m, ibi<strong>de</strong>m.<br />

Argumentum.<br />

Pro regno.<br />

[L’in<strong>de</strong>x a, pour Aristocratia, seulement ceci : « Aristocratia 760 eius vitia 886.2 ». Ici, l’oeconomia :<br />

« II. Confirmat, refellendo Oligarchiam, ut dissensionibus obnoxiam, e quibus infinita ma<strong>la</strong> pullu<strong>la</strong>nt.<br />

III. Contrà magna est monarchia utilitas (…). »]<br />

18


[31.] Marci Antonii oratio ad proceres, qua filium Imperatorem renuntiat, et commendat. (p. 867)<br />

Ex Herodiano.<br />

Argumentum. Marcus Antoninus, Imperator, quum ex graui morbo <strong>de</strong>cumberet, nec se procul a vitae<br />

exitu abesse intelligeret, amicos conuocauit : Ad eos, quuum conuenissent, hac oratione est usus,<br />

iisque, quum lubricas adolescentiae vias, et in ea aetate periculi plenam esse potentiam ostendisset,<br />

filium commendauit.<br />

Manchette dans l’oeconomia : Affectus adolescentiae. Vulgus pigrum et loquax.<br />

[l’in<strong>de</strong>x a pour Adolescentia 5 § :<br />

« Adolescentia periculosa 868.2 (= ce discours 31)<br />

Adolescentiae <strong>de</strong>prauati mores (…) 159.3 et 160.1<br />

Adolescentum ingenia (…) 160.1<br />

Adolescentes suo marte (…) 193.2 ver plebis à Dema<strong>de</strong> dicti 120.1<br />

Adolescentia libidinum tempestatem habet 761.1. »<br />

L’in<strong>de</strong>x reprend aussi <strong>la</strong> manchette, s.v. Affectus, et en oubliant « adolescentiae » : « Affectus vulgus<br />

pigrum et loquax. »]<br />

[32.] Commodi oratio in ingressu ad Imperium. (p. 869)<br />

Argumentum.<br />

Ex eo<strong>de</strong>m Herodiano.<br />

ACTIO PARRICIDII<br />

nobilissima.<br />

Ex Tito Liuio.<br />

ARGUMENTUM [très long : presque toute <strong>la</strong> page, double colonne]<br />

[33.] Philippi Macedonis <strong>de</strong> sua liberorumque infoelici conditione pronunciatio. (p. 871 ; prouinciato<br />

dans l’éd. 1619 = prouocatio (?) ; ces disc. 33-35 sont dans Junius, p. 9-18)<br />

Haec oratiuncu<strong>la</strong> est veluti apparatus ad causam.<br />

[34.] Persei accusatoris actio, in Demetrium fratrem, parricidij reum. (p. 872 ; Tite-Live, XL, 9-11)<br />

Status duo complectitur ; crimen parricidij et amicitiam cum Romanis. Inuentio argumentorum tota<br />

pene est ab adiunctis. Dispositio grauiora expedit initio. Character est val<strong>de</strong> probabilis, artificiosissima<br />

oratio.<br />

[L’in<strong>de</strong>x a pour Ambitio seulement ceci : « Ambitio 837.1.2 [= discours 10] cru<strong>de</strong>lis 875 et seq. [lire<br />

873 : reprise <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux manchettes <strong>de</strong> ce discours 34, Ambitio cru<strong>de</strong>lis, Ambitio <strong>de</strong>testanda] <strong>de</strong>testanda<br />

ibid. Ambitio et auaritia Rulli exaggeratae ex Cicerone 279-280 ambitiosi <strong>de</strong>scriptio 417.2. »<br />

Les <strong>de</strong>ux manchettes sont dans <strong>la</strong> première moitié/partie du texte ; partie que l’oeconomia décrit à II-<br />

III : « II. Primum crimen et radix omnium obiicitur Demetrio, dominandi libido. »]<br />

[35.] Demetrii, parricidij rei, <strong>de</strong>fensio. (p. 875)<br />

Relegit duo crimina obiecta, et confutat pene ab iis<strong>de</strong>m locis, maxime autem conatur repugnantibus<br />

implicare aduersarium : quod argumentum ad consultationem potentissimum esse solet. Dictio nobilis<br />

est, miserationes val<strong>de</strong> graues et opportune.<br />

[36.] Crateri oratio, <strong>de</strong> Philotae supplicio. (p. 879)<br />

Ex Curtio.<br />

Haec est val<strong>de</strong> artificiosa, simplex verbis, magna sensibus, et in occultanda inuidia, qua ar<strong>de</strong>bat<br />

aduersus Philotam, callidissima.<br />

[37.] Oratio Philotae ad Milites. (p. 879)<br />

Argumentum. Post Regi orationes habitas quibus falso accusabatur Philotas, iam supremo supplicio<br />

afficiendus, his se purgare conatur, sed frustra (…).<br />

Ex Quinto Curtio.<br />

19


[38.] Oratio Iudaeorum ad Petronium Praesi<strong>de</strong>ns, ne Caligu<strong>la</strong>e statua templo inferretur, <strong>de</strong>precantium.<br />

(p. 882)<br />

Ex Philone, lib. <strong>de</strong> legat. ad Caium.<br />

[Ne donne que les premiers mots du grec, et ajoute : « quae sic Latine se habent » – suit <strong>la</strong> trad. <strong>la</strong>tine.]<br />

[L’in<strong>de</strong>x a, parmi d’autres items s.v. Canis : « non mor<strong>de</strong>nt se<strong>de</strong>ntem, 883.1 ». C’est <strong>la</strong> reprise <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />

manchette en face <strong>de</strong> l’oeconomia, I, <strong>la</strong>quelle dit : « I. Exordium plenum miserationis, et pru<strong>de</strong>ns ad<br />

auertendam suspicionem seditionis, ne forte Petronius existimaret, hanc popu<strong>la</strong>rem turbam, ad res<br />

nouandas concitatam. In hac autem <strong>de</strong>missione longe magis ad inflectendos animos sunt idonei,<br />

quippe Canes se<strong>de</strong>ntem non mor<strong>de</strong>nt. II. Argumentatur a suis obsequiis et morum lenitate ; quod apud<br />

Praesi<strong>de</strong>m erat efficacissimum (…) ». La formule est déjà p. 535 (passage non signalé par l’in<strong>de</strong>x),<br />

dans le chapitre sur <strong>la</strong> façon <strong>de</strong> calmer <strong>la</strong> colère : Caussin vient <strong>de</strong> citer (III) une première façon ou<br />

« lieu » donnée par Aristote, Rh., II, 3 ; il cite ensuite (IV) l’ « optima ratio » qu’est <strong>la</strong> « <strong>de</strong>missio non<br />

ficta. Satis est enim (quod aiunt) leoni corpus prostrasse ; et se<strong>de</strong>ntem canes non mor<strong>de</strong>nt. Hac ratione<br />

generosissimi quique animi p<strong>la</strong>cari solent, qui cum solius honoris cupidi sint, in aduersariorum<br />

<strong>de</strong>missione plene conquiescunt. » Le Canes est une citation d’Aristote, Rh., II, 3, § 6 <strong>de</strong> Loeb.<br />

(p. 884) Subtexam hic apologiam Hermenigildi, qui apud Patrem Leuigildum, Gothorum Regem,<br />

caussam dicit. Si quis rem plenius volet, legat si p<strong>la</strong>cet actionem oratoriam, a me <strong>de</strong> hoc argumento<br />

nuper editam.<br />

Hermenigildi apologia.<br />

Levig. – Age, licet tibi causam dicere, dilue si potes eas sceleris macu<strong>la</strong>s, quae tibi a sole ipso in os<br />

illud tuum importunum regeruntur [sic].<br />

Herm. – Innocentiam meam, pater, <strong>de</strong>c<strong>la</strong>rare facile est ; innocentiae patrocinium inuenire difficile<br />

(…).<br />

[Se poursuit sous forme <strong>de</strong> dialogue, avec à <strong>la</strong> fin <strong>la</strong> longue intervention du Princeps, jusqu’à <strong>la</strong> p. 888<br />

= fin du livre XIII ; dialogue non suivi d’une œconomia.]<br />

* * *<br />

En guise <strong>de</strong> conclusion, citons <strong>la</strong> belle préface d’Antoine Dubreton à son livre Les harangues<br />

heroiques <strong>de</strong>s hommes illustres mo<strong>de</strong>rnes, Paris, Sommaville, 1643. Il <strong>la</strong>isse <strong>la</strong> critique <strong>de</strong>s harangues<br />

dans le genre historique à « Famianus Strada, à Perauius, à Grotius, à Salmasius, à Heinsius », et<br />

ajoute :<br />

« Je te dirais que comme <strong>de</strong> toutes les pieces <strong>de</strong> l’Histoire, il n’y en a point <strong>de</strong> plus difficile que <strong>la</strong><br />

harangue, pource qu’elle est <strong>de</strong> <strong>la</strong> pure invention <strong>de</strong> l’Historien, il n’y en a point aussi <strong>de</strong> plus utile, <strong>de</strong><br />

plus ingenieuse, et <strong>de</strong> plus divertissante. Car elle est comme un extrait, et un elixir <strong>de</strong> tout ce qu’il a<br />

d’esprit, <strong>de</strong> jugement, d’eloquence, <strong>de</strong> conseil, d’experience dans les affaires, et <strong>de</strong> science en <strong>la</strong><br />

Politique. C’est le champ où il a ses coudées franches, où il se promene avec toute liberté entre les<br />

bornes <strong>de</strong> <strong>la</strong> verité et <strong>de</strong> <strong>la</strong> vray-semb<strong>la</strong>nce, et où estant abandonné <strong>de</strong> <strong>la</strong> matiere <strong>de</strong> ses narrations, que<br />

ses Acteurs luy fournissent, il marche tout seul sans baston, et n’est soutenu que <strong>de</strong> ses propres<br />

forces. »<br />

20


Nico<strong>la</strong>s Caussin, sj, De eloquentia sacra et humana libri XVI<br />

Oratio Marci Catonis Consulis, pro lege Oppia, contra mulierum luxuriam (Tite-Live, livre XXXIV, II-IV)<br />

à gauche :<br />

manchettes au texte <strong>la</strong>tin<br />

à droite :<br />

numéros et formules <strong>de</strong> l’Œconomia<br />

I.<br />

[1] Ex Liuio Exordium graue nimiam<br />

virorum indulgentiam perstringit.<br />

[2] Mulierum coetus.<br />

Item prehensatio et<br />

pugna pro mundo.<br />

[3] Mulieres Romanae<br />

non fuerunt<br />

autexousioi.<br />

[4] Mulier indomitum<br />

animal.<br />

[Nous ajoutons au texte <strong>la</strong>tin donné par Caussin : les guillemets et les indications mo<strong>de</strong>rnes <strong>de</strong><br />

chapitres et <strong>de</strong> paragraphes. À IV., V. et VIII. <strong>de</strong> Caussin, les italiques sont <strong>de</strong> celui-ci.]<br />

[II] (1) Si in sua quisque nostrum matre familiae, Quirites, ius et maiestatem uiri retinere instituisset,<br />

minus cum uniuersis feminis negotii haberemus: (2) nunc domi uicta libertas nostra impotentia muliebri<br />

hic quoque in foro obteritur et calcatur, et quia singu<strong>la</strong>s sustinere non potuimus uniuersas horremus. (3)<br />

Equi<strong>de</strong>m fabu<strong>la</strong>m et fictam rem ducebam esse uirorum omne genus in aliqua insu<strong>la</strong> coniuratione<br />

muliebri ab stirpe sub<strong>la</strong>tum esse;<br />

II.<br />

a/ periculosa (4) ab nullo genere non summum periculum est si coetus et concilia et secretas consultationes esse sinas.<br />

atque ego uix statuere apud animum meum possum utrum peior ipsa res an peiore exemplo agatur; (5)<br />

quorum alterum ad nos consules reliquosque magistratus, alterum ad uos, Quirites, magis pertinet. nam<br />

utrum e re publica sit necne id quod ad uos fertur, uestra existimatio est qui in suffragium ituri estis.<br />

b/ huius authores licentiae<br />

[= 1. chez Junius]<br />

c/ sermocinatio<br />

[= 2. chez Junius]<br />

[1 e partie, Lex] III. [= 3. chez Junius]<br />

disputat primum a lege maiorum…<br />

(6) Haec consternatio muliebris, siue sua sponte siue auctoribus uobis, M. Fundani et L. Ualeri, facta<br />

est, haud dubie ad culpam magistratuum pertinens, nescio uobis, tribuni, an consulibus magis sit<br />

<strong>de</strong>formis: (7) uobis, si feminas ad concitandas tribunicias seditiones iam adduxistis; nobis, si ut plebis<br />

quondam sic nunc mulierum secessione leges accipiendae sunt.<br />

(8) Equi<strong>de</strong>m non sine rubore quodam paulo ante per medium agmen mulierum in forum perueni. quod<br />

nisi me uerecundia singu<strong>la</strong>rum magis maiestatis et pudoris quam uniuersarum tenuisset, ne compel<strong>la</strong>tae<br />

a consule ui<strong>de</strong>rentur, dixissem: (9) "qui hic mos est in publicum procurrendi et obsi<strong>de</strong>ndi uias et uiros<br />

alienos appel<strong>la</strong>ndi? istud ipsum suos quaeque domi rogare non potuistis? (10) an b<strong>la</strong>ndiores in publico<br />

quam in priuato et alienis quam uestris estis? quamquam ne domi qui<strong>de</strong>m uos, si sui iuris finibus<br />

matronas contineret pudor, quae leges hic rogarentur abrogarenturue curare <strong>de</strong>cuit."<br />

(11) Maiores nostri nul<strong>la</strong>m, ne priuatam qui<strong>de</strong>m rem agere feminas sine tutore auctore uoluerunt, in<br />

manu esse parentium, fratrum, uirorum: nos, si diis p<strong>la</strong>cet, iam etiam rem publicam capessere eas<br />

patimur et foro prope et contionibus et comitiis immisceri. (12) Quid enim nunc aliud per uias et<br />

compita faciunt quam rogationem tribunorum plebi sua<strong>de</strong>nt, quam legem abrogandam censent?<br />

IV. [= 4. chez Junius]<br />

a natura mulierum (13) Date frenos impotenti naturae et indomito animali et sperate ipsas modum licentiae facturas: nisi<br />

uos facietis, (14) minimum hoc eorum est quae iniquo animo feminae sibi aut moribus aut legibus<br />

iniuncta patiuntur. Omnium rerum libertatem, immo licentiam, si uere dicere uolumus, <strong>de</strong>si<strong>de</strong>rant. quid<br />

enim, si hoc expugnauerint, non temptabunt? [III] (1) Recensete omnia muliebria iura quibus licentiam<br />

earum adligauerint maiores uestri per quaeque subiecerint uiris; quibus omnibus constrictas uix tamen<br />

Lyon, J.-Aimé Candy, 1657 (1 e éd. 1619), p. 829-833 (BM Grenoble : F 4914)


Nico<strong>la</strong>s Caussin, sj, De eloquentia sacra et humana libri XVI<br />

Oratio Marci Catonis Consulis, pro lege Oppia, contra mulierum luxuriam (Tite-Live, livre XXXIV, II-IV)<br />

continere potestis. (2) Quid? si carpere singu<strong>la</strong> et extorquere et exaequari ad extremum uiris patiemini,<br />

tolerabiles uobis eas fore creditis? extemplo simul pares esse coeperint, superiores erunt.<br />

Lyon, J.-Aimé Candy, 1657 (1 e éd. 1619), p. 829-833 (BM Grenoble : F 4914)


Melchior Junius, Orationum ex historicis tam veteribus, quam recentioribus<br />

Oratio M. Catonis consulis pro lege Oppia contra muliercu<strong>la</strong>rum luxuriam ac superbiam in vestitu et ornatu<br />

Numéros, ethè et pathè<br />

selon <strong>la</strong> Resolutio.<br />

ira [<strong>de</strong> 1 à 2]<br />

metus [<strong>de</strong> 3 à 4]<br />

lc secretis conuentibus<br />

[= 4]<br />

ethos [dans tout ce I] :<br />

ostendit Cato se <strong>de</strong><br />

Republ. solicitus esse,<br />

studiosum veteris<br />

disciplinae, amantem<br />

bonitatis ac constantiae.<br />

pudor<br />

[au texte <strong>de</strong> Tite-Live :<br />

« cum turpe sit »]<br />

ethos « mo<strong>de</strong>ste » [au<br />

début <strong>de</strong> 8]<br />

indignatio [cf. au<br />

texte/chez Junius :<br />

« compel<strong>la</strong>tae,<br />

apostrophées »]<br />

lc mulierum officio<br />

metus<br />

[au texte/chez J. :<br />

« frenos, <strong>la</strong> bri<strong>de</strong> »]<br />

[Nous mettons en italiques les lieux communs, que Junius signale par <strong>de</strong>s guillemets dans <strong>la</strong> marge.]<br />

I.<br />

[II] (1) Romains, si chacun <strong>de</strong> nous avait eu soin <strong>de</strong> conserver à l'égard <strong>de</strong> son épouse ses droits et sa dignité <strong>de</strong> mari, nous n'aurions<br />

pas affaire aujourd'hui à toutes les femmes. (2) Mais après avoir, par leur violence, triomphé <strong>de</strong> notre liberté dans l'intérieur <strong>de</strong> nos<br />

maisons, elles viennent jusque dans le forum l'écraser et <strong>la</strong> fouler aux pieds; et, pour n'avoir pas su leur résister à chacune en<br />

particulier, nous les voyons toutes réunies contre nous. (3) Je l'avoue, j'avais toujours regardé comme une fable inventée à p<strong>la</strong>isir cette<br />

conspiration formée par les femmes <strong>de</strong> certaine île contre les hommes dont elles exterminèrent toute <strong>la</strong> race.<br />

(4) Mais il n'est pas une c<strong>la</strong>sse <strong>de</strong> personnes qui ne vous fasse courir les plus grands dangers, lorsqu'on tolère ses réunions, ses<br />

complots et ses cabales secrètes. En vérité, je ne saurais déci<strong>de</strong>r ce qui est le plus dangereux, <strong>de</strong> <strong>la</strong> chose en elle-même ou <strong>de</strong><br />

l'exemple que donnent les femmes. (5) De ces <strong>de</strong>ux points, l'un nous regar<strong>de</strong> nous autres consuls et magistrats; l'autre, Romains, est<br />

plus spécialement <strong>de</strong> votre ressort. C'est à vous en effet à déc<strong>la</strong>rer par le suffrage que vous porterez, si <strong>la</strong> proposition qui vous est<br />

soumise est avantageuse on non à <strong>la</strong> république.<br />

II.<br />

1. (6) Quant à ce rassemblement tumultueux <strong>de</strong> femmes, qu'il ait été spontané ou que vous l'ayez excité, M. Fundanius et L. Valérius, il<br />

est certain qu'on doit en rejeter <strong>la</strong> faute sur les magistrats; mais je ne sais si c'est à vous, tribuns, ou à nous autres, consuls, que <strong>la</strong> honte<br />

en appartient. (7) Elle est pour vous, si vous en êtes venus à prendre les femmes pour instruments <strong>de</strong> vos séditions tribunitiennes; pour<br />

nous, si <strong>la</strong> retraite <strong>de</strong>s femmes nous fait, comme autrefois celle du peuple, adopter <strong>la</strong> loi.<br />

2. (8) Je l'avoue, ce n'est pas sans rougir que j'ai traversé tout à l'heure une légion <strong>de</strong> femmes pour arriver au forum; et si, par égard et par<br />

respect pour chacune d'elles en particulier plutôt que pour toutes en général, je n'eusse voulu leur épargner <strong>la</strong> honte d'être apostrophées<br />

par un consul, je leur aurais dit: (9) "Quelle est cette manière <strong>de</strong> vous montrer ainsi en public, d'assiéger les rues et <strong>de</strong> vous adresser à<br />

<strong>de</strong>s hommes qui vous sont étrangers? Ne pourriez-vous, chacune dans vos maisons, faire cette <strong>de</strong>man<strong>de</strong> à vos maris? (10) Comptezvous<br />

plus sur l'effet <strong>de</strong> vos charmes en public qu'en particulier, sur <strong>de</strong>s étrangers que sur vos époux? Et même, si vous vous renfermiez<br />

dans les bornes <strong>de</strong> <strong>la</strong> mo<strong>de</strong>stie qui convient à votre sexe, <strong>de</strong>vriez-vous dans vos maisons vous occuper <strong>de</strong>s lois qui sont adoptées on<br />

abrogées ici?"<br />

3. (11) Nos aïeux vou<strong>la</strong>ient qu'une femme ne se mêlât d'aucune affaire, même privée, sans une autorisation expresse; elle était sous <strong>la</strong><br />

puissance du père, du frère ou du mari. Et nous, grands dieux!, nous leur permettons <strong>de</strong> prendre en main le gouvernement <strong>de</strong>s affaires,<br />

<strong>de</strong> <strong>de</strong>scendre au forum, <strong>de</strong> se mêler aux discussions et aux comices. (12) Car aujourd'hui, en parcourant les rues et les p<strong>la</strong>ces, que fontelles<br />

autre chose que d'appuyer <strong>la</strong> proposition <strong>de</strong>s tribuns et <strong>de</strong> faire abroger <strong>la</strong> loi?<br />

4. (13) Lâchez <strong>la</strong> bri<strong>de</strong> aux caprices et aux passions <strong>de</strong> ce sexe indomptable, et f<strong>la</strong>ttez-vous ensuite <strong>de</strong> le voir, à défaut <strong>de</strong> vous-mêmes,<br />

mettre <strong>de</strong>s bornes à son emportement. (14) Cette défense est <strong>la</strong> moindre <strong>de</strong> celles auxquelles les femmes souffrent impatiemment d'être<br />

astreintes par les moeurs ou par les lois. Ce qu'elles veulent, c'est <strong>la</strong> liberté <strong>la</strong> plus entière, ou plutôt <strong>la</strong> licence, s'il faut appeler les<br />

choses par leur nom. Qu'elles triomphent aujourd'hui, et leurs prétentions n'auront plus <strong>de</strong> terme!<br />

[III] (1) Rappelez-vous toutes les lois par lesquelles nos aïeux ont enchaîné leur audace et tenté <strong>de</strong> les soumettre à leurs maris: avec<br />

Strasbourg, Lazare Zetzner, 1598, I, p. 97-99 (BM Grenoble : E 29695) ; trad. Nisard, Paris, Firmin-Didot, 1864, II (http://bcs.fltr.ucl.ac.be/LIV/)


Melchior Junius, Orationum ex historicis tam veteribus, quam recentioribus<br />

Oratio M. Catonis consulis pro lege Oppia contra muliercu<strong>la</strong>rum luxuriam ac superbiam in vestitu et ornatu<br />

toutes ces entraves à peine pouvez-vous les contenir. (2) Que sera-ce si vous leur permettez d'attaquer ces lois l'une après l'autre, <strong>de</strong><br />

vous arracher tout ce qu'elles veulent, en un mot, <strong>de</strong> s'égaler aux hommes? Pensez-vous que vous pourrez les supporter? Elles ne se<br />

seront pas plutôt élevées jusqu'à vous qu'elles voudront vous dominer.<br />

Strasbourg, Lazare Zetzner, 1598, I, p. 97-99 (BM Grenoble : E 29695) ; trad. Nisard, Paris, Firmin-Didot, 1864, II (http://bcs.fltr.ucl.ac.be/LIV/)


Nico<strong>la</strong>s Caussin, sj, De eloquentia sacra et humana libri XVI<br />

Oratio Marci Catonis Consulis, pro lege Oppia, contra mulierum luxuriam (Tite-Live, livre XXXIV, II-IV)<br />

[5] Lex nul<strong>la</strong> satis<br />

commoda omnibus.<br />

[6] Luxus Romanus<br />

perstringitur.<br />

[7] Mulierum antiquarum<br />

frugalitas.<br />

[8] Lex nul<strong>la</strong>, ubi<br />

nul<strong>la</strong> cupiditas<br />

ab authoritate legis<br />

b/ per sustentationem et hunc<br />

mulierum coetum et petitionem<br />

exagitat.<br />

[= 6. chez Junius]<br />

VI.<br />

a rei natura et turpitudine petitionis<br />

indignitatem (…) exaggerat.<br />

[2 e partie, Censura foeminarum] VII.<br />

Iam p<strong>la</strong>ne contra luxum…<br />

a/ Auaritia, et Luxus<br />

V. [= 5. chez Junius]<br />

(3) At hercule ne quid nouum in eas rogetur recusant, non ius sed iniuriam <strong>de</strong>precantur: (4) immo ut<br />

quam accepistis iussistis suffragiis uestris legem, quam usu tot annorum et experiendo comprobastis,<br />

hanc ut abrogetis, id est, ut unam tollendo legem ceteras infirmetis. (5) Nul<strong>la</strong> lex satis commoda<br />

omnibus est: id modo quaeritur, si maiori parti et in summam pro<strong>de</strong>st. Si quod cuique priuatim officiet<br />

ius, id <strong>de</strong>struet ac <strong>de</strong>molietur, quid attinebit uniuersos rogare leges quas mox abrogare in quos <strong>la</strong>tae sunt<br />

possint?<br />

(6) Uolo tamen audire quid sit propter quod matronae consternatae procucurrerint in publicum ac uix<br />

foro se et contione abstineant? (7) ut captiui ab Hannibale redimantur parentes, uiri, liberi, fratres<br />

earum? procul abest absitque semper talis fortuna rei publicae; sed tamen, cum fuit, negastis hoc piis<br />

precibus earum. (8) At non pietas nec sollicitudo pro suis sed religio congregauit eas: matrem Idaeam a<br />

Pessinunte ex Phrygia uenientem accepturae sunt.<br />

Quid honestum dictu saltem seditioni praetenditur muliebri? (9) "ut auro et purpura fulgamus" inquit,<br />

"ut carpentis festis profestisque diebus, uelut triumphantes <strong>de</strong> lege uicta et abrogata et captis ereptis<br />

suffragiis uestris, per urbem uectemur: ne ullus modus sumptibus, ne luxuriae sit."<br />

[IV] (1) Saepe me querentem <strong>de</strong> feminarum, saepe <strong>de</strong> uirorum nec <strong>de</strong> priuatorum modo sed etiam<br />

magistratuum sumptibus audistis, (2) diuersisque duobus uitiis, auaritia et luxuria, ciuitatem <strong>la</strong>borare,<br />

quae pestes omnia magna imperia euerterunt. (3) Haec ego, quo melior <strong>la</strong>etiorque in dies fortuna rei<br />

publicae est, quo magis imperium crescit – et iam in Graeciam Asiamque transcendimus omnibus<br />

libidinum inlecebris repletas et regias etiam adtrectamus gazas –, eo plus horreo, ne il<strong>la</strong>e magis res nos<br />

ceperint quam nos il<strong>la</strong>s.<br />

b/ luxus etiam in statuis (4) Infesta, mihi credite, signa ab Syracusis in<strong>la</strong>ta sunt huic urbi. Iam nimis multos audio Corinthi et<br />

Athenarum ornamenta <strong>la</strong>udantes mirantesque et antefixa fictilia <strong>de</strong>orum Romanorum ri<strong>de</strong>ntes. (5) Ego<br />

hos malo propitios <strong>de</strong>os et ita spero futuros, si in suis manere sedibus patiemur.<br />

VIII [= 7. chez Junius]<br />

a/ mo<strong>de</strong>ratio antiquarum<br />

matronarum<br />

(6) Patrum nostrorum memoria per legatum Cineam Pyrrhus non uirorum modo sed etiam mulierum<br />

animos donis temptauit. Nondum lex Oppia ad coercendam luxuriam muliebrem <strong>la</strong>ta erat; tamen nul<strong>la</strong><br />

accepit. (7) Quam causam fuisse censetis? ea<strong>de</strong>m fuit quae maioribus nostris nihil <strong>de</strong> hac re lege<br />

sanciundi: nul<strong>la</strong> erat luxuria quae coerceretur. (8) Sicut ante morbos necesse est cognitos esse quam<br />

remedia eorum, sic cupiditates prius natae sunt quam leges quae iis modum facerent.<br />

b/ lex Licinia, lex Cincia (9) Quid legem Liciniam excitauit <strong>de</strong> quingentis iugeribus nisi ingens cupido agros continuandi? quid<br />

legem Cinciam <strong>de</strong> donis et muneribus nisi quia uectigalis iam et stipendiaria plebs esse senatui<br />

Lyon, J.-Aimé Candy, 1657 (1 e éd. 1619), p. 829-833 (BM Grenoble : F 4914)


Nico<strong>la</strong>s Caussin, sj, De eloquentia sacra et humana libri XVI<br />

Oratio Marci Catonis Consulis, pro lege Oppia, contra mulierum luxuriam (Tite-Live, livre XXXIV, II-IV)<br />

coeperat? (10) Itaque minime mirum est nec Oppiam nec aliam ul<strong>la</strong>m tum legem <strong>de</strong>si<strong>de</strong>ratam esse quae<br />

modum sumptibus mulierum faceret, cum aurum et purpuram data et ob<strong>la</strong>ta ultro non accipiebant. (11)<br />

Si nunc cum illis donis Cineas urbem circumiret, stantes in publico inuenisset quae acciperent.<br />

Lyon, J.-Aimé Candy, 1657 (1 e éd. 1619), p. 829-833 (BM Grenoble : F 4914)


Melchior Junius, Orationum ex historicis tam veteribus, quam recentioribus<br />

Oratio M. Catonis consulis pro lege Oppia contra muliercu<strong>la</strong>rum luxuriam ac superbiam in vestitu et ornatu<br />

ethos « grauiter<br />

et pru<strong>de</strong>nter »<br />

[<strong>de</strong> 5 à 8]<br />

lc legum<br />

abrogatio<br />

lc luxuria<br />

muliebri<br />

prohibenda et<br />

punienda<br />

5. (3) Mais, dira-t-on, elles se bornent à <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r qu'on ne porte pas contre elles <strong>de</strong> nouvelles lois: ce n'est pas <strong>la</strong> justice, c'est l'injustice<br />

qu'elles repoussent. (4) Non, Romains, ce qu'elles veulent, c'est que vous abrogiez une loi adoptée par vous, consacrée par vos<br />

suffrages et sanctionnée par une heureuse expérience <strong>de</strong> plusieurs années, c'est-à-dire qu'en détruisant une seule loi vous ébranliez<br />

toutes les autres. (5) Il n'y a pas <strong>de</strong> loi qui ne froisse aucun intérêt; on ne consulte ordinairement pour les faire que l'utilité du plus<br />

grand nombre et le bien <strong>de</strong> l'état. Si chacun détruit et renverse celles qui le gênent personnellement, à quoi bon voter <strong>de</strong>s lois en<br />

assemblée générale, pour les voir bientôt abroger au gré <strong>de</strong> ceux contre qui elles ont été faites?<br />

6. (6) Je voudrais savoir cependant pour quel motif les femmes romaines parcourent ainsi <strong>la</strong> ville tout éperdues, pourquoi elles pénètrent<br />

presque au forum et dans l'assemblée? (7) Viennent-elles <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r le rachat <strong>de</strong> leurs pères, <strong>de</strong> leurs maris, <strong>de</strong> leurs enfants ou <strong>de</strong> leurs<br />

frères faits prisonniers par Hannibal? Ces malheurs sont loin <strong>de</strong> nous, et puissent-ils ne jamais se renouveler! Pourtant, lorsqu'ils nous<br />

accab<strong>la</strong>ient, vous avez refusé cette faveur à leurs pieuses instances. (8) Mais à défaut <strong>de</strong> cette piété filiale, <strong>de</strong> cette tendre sollicitu<strong>de</strong><br />

pour leurs proches, c'est sans doute un motif religieux qui les rassemble? Elles vont sans doute au-<strong>de</strong>vant <strong>de</strong> <strong>la</strong> déesse Mère <strong>de</strong> l'Ida qui<br />

nous arrive <strong>de</strong> Pessinonte, en Phrygie?<br />

Car enfin quel prétexte peut-on faire valoir pour excuser cette émeute <strong>de</strong> femmes? (9) On me répond: "Nous voulons être bril<strong>la</strong>ntes<br />

d'or et <strong>de</strong> pourpre; et nous promener par <strong>la</strong> ville, les jours <strong>de</strong> fêtes et autres, dans <strong>de</strong>s chars <strong>de</strong> triomphe, comme pour étaler <strong>la</strong> victoire<br />

que nous remportons sur <strong>la</strong> loi abrogée, sur vos suffrages surpris et arrachés; nous voulons qu'on ne mette plus <strong>de</strong> bornes à nos<br />

dépenses, à notre luxe."<br />

[IV] (1) Romains, vous m'avez souvent entendu déplorer les dépenses <strong>de</strong>s femmes et <strong>de</strong>s hommes, celles <strong>de</strong>s simples citoyens comme<br />

celles <strong>de</strong>s magistrats; (2) souvent j'ai répété que <strong>de</strong>ux vices contraires, le luxe et l'avarice, minaient <strong>la</strong> république. Ce sont <strong>de</strong>s fléaux<br />

qui ont causé <strong>la</strong> ruine <strong>de</strong> tous les grands empires. (3) Aussi, plus notre situation <strong>de</strong>vient heureuse et florissante, plus notre empire<br />

s'agrandit, et plus je les redoute. Déjà nous avons pénétré dans <strong>la</strong> Grèce et dans l'Asie, où nous avons trouvé tous les attraits du<br />

p<strong>la</strong>isir; déjà même nous tenons dans nos mains les trésors <strong>de</strong>s rois. Ne dois-je pas craindre qu'au lieu d'être les maîtres <strong>de</strong> ces<br />

richesses, nous n'en <strong>de</strong>venions les esc<strong>la</strong>ves? (4) C'est pour le malheur <strong>de</strong> Rome, vous pouvez m'en croire, qu'on a introduit dans ses<br />

murs les statues <strong>de</strong> Syracuse. Je n'entends que trop <strong>de</strong> gens vanter et admirer les chefs-d'œuvre <strong>de</strong> Corinthe et d'Athènes, et se moquer<br />

<strong>de</strong>s dieux d'argile qu'on voit <strong>de</strong>vant nos temples. (5) Pour moi, je préfère ces dieux qui nous ont protégés, et qui nous protégeront<br />

encore, je l'espère, si nous les <strong>la</strong>issons à leur p<strong>la</strong>ce.<br />

7. (6) Du temps <strong>de</strong> nos pères, Cinéas, envoyé à Rome par Pyrrhus, essaya <strong>de</strong> séduire par <strong>de</strong>s présents les hommes et même les femmes. Il<br />

n'y avait pas encore <strong>de</strong> loi Oppia pour réprimer le luxe <strong>de</strong>s femmes; et pourtant aucune n'accepta. (7) Quelle fut, à votre avis, <strong>la</strong> cause<br />

<strong>de</strong> ces refus? La même qui avait engagé nos aïeux à ne point établir <strong>de</strong> loi à ce sujet. Il n'y avait pas <strong>de</strong> luxe à réprimer. (8) De même<br />

que les ma<strong>la</strong>dies sont nécessairement connues avant les remè<strong>de</strong>s qui peuvent les guérir, <strong>de</strong> même les passions naissent avant les lois<br />

<strong>de</strong>stinées à les contenir.<br />

Strasbourg, Lazare Zetzner, 1598, I, p. 97-99 (BM Grenoble : E 29695) ; trad. Nisard, Paris, Firmin-Didot, 1864, II (http://bcs.fltr.ucl.ac.be/LIV/)


Melchior Junius, Orationum ex historicis tam veteribus, quam recentioribus<br />

Oratio M. Catonis consulis pro lege Oppia contra muliercu<strong>la</strong>rum luxuriam ac superbiam in vestitu et ornatu<br />

(9) Pourquoi <strong>la</strong> loi Licinia a-t-elle défendu <strong>de</strong> possé<strong>de</strong>r plus <strong>de</strong> cinq cents arpents? Parce qu'on ne songeait qu'à étendre sans cesse ses<br />

propriétés. Pourquoi <strong>la</strong> loi Cincia a-t-elle prohibé les ca<strong>de</strong>aux et les présents? Parce que le sénat s'habituait à lever <strong>de</strong>s impôts et <strong>de</strong>s<br />

tributs sur les plébéiens. (10) Il ne faut donc pas s'étonner qu'on n'eût besoin ni <strong>de</strong> <strong>la</strong> loi Oppia, ni d'aucune autre pour limiter les<br />

dépenses <strong>de</strong>s femmes, à une époque où elles refusaient et <strong>la</strong> pourpre et l'or qu'on venait leur offrir. (11) Aujourd'hui, que Cinéas<br />

parcoure <strong>la</strong> ville, il les trouvera toutes dans les rues et disposées à recevoir.<br />

Strasbourg, Lazare Zetzner, 1598, I, p. 97-99 (BM Grenoble : E 29695) ; trad. Nisard, Paris, Firmin-Didot, 1864, II (http://bcs.fltr.ucl.ac.be/LIV/)


Nico<strong>la</strong>s Caussin, sj, De eloquentia sacra et humana libri XVI<br />

Oratio Marci Catonis Consulis, pro lege Oppia, contra mulierum luxuriam (Tite-Live, livre XXXIV, II-IV)<br />

[9] Maritorum<br />

vxoriorum servitus.<br />

Cupiditas non modo ambitiosa,<br />

sed et rationis expers.<br />

IX. [= 8. chez Junius]<br />

(12) Atque ego nonnul<strong>la</strong>rum cupiditatium ne causam qui<strong>de</strong>m aut rationem inire possum. nam ut quod<br />

alii liceat tibi non licere aliquid fortasse naturalis aut pudoris aut indignationis habeat, sic aequato<br />

omnium cultu quid unaquaeque uestrum ueretur ne in se conspiciatur?<br />

b/ fons cupiditatis (13) Pessimus qui<strong>de</strong>m pudor est uel parsimoniae uel paupertatis; sed utrumque lex uobis <strong>de</strong>mit cum id<br />

quod habere non licet non habetis.<br />

Peroratio X.<br />

a/ character orationis ual<strong>de</strong> moratus (14) "Hanc" inquit "ipsam exaequationem non fero" il<strong>la</strong> locuples. "Cur non insignis auro et purpura<br />

conspicior? cur paupertas aliarum sub hac legis specie <strong>la</strong>tet, ut quod habere non possunt habiturae, si<br />

liceret, fuisse ui<strong>de</strong>antur?"<br />

b/ malum consequens<br />

[= 9. chez Junius]<br />

(15) Uultis hoc certamen uxoribus uestris inicere, Quirites, ut diuites id habere uelint quod nul<strong>la</strong> alia<br />

possit, pauperes ne ob hoc ipsum contemnantur, supra uires se extendant? (16) Ne simul pu<strong>de</strong>re<br />

quod non oportet coeperit, quod oportet non pu<strong>de</strong>bit. Quae <strong>de</strong> suo poterit, parabit: quae non poterit,<br />

uirum rogabit. (17) Miserum illum uirum, et qui exoratus et qui non exoratus erit, cum quod ipse non<br />

<strong>de</strong><strong>de</strong>rit datum ab alio ui<strong>de</strong>bit. (18) Nunc uolgo alienos uiros rogant et, quod maius est, legem et<br />

suffragia rogant et a quibusdam impetrant. aduersus te et rem tuam et liberos tuos exorabilis es: simul<br />

lex modum sumptibus uxoris tuae facere <strong>de</strong>sierit, tu nunquam facies.<br />

c/ grauiter monet, ne luxuriam (…)<br />

quasi bestiam e cauea (…).<br />

(19) Nolite eo<strong>de</strong>m loco existimare, futuram rem quo fuit antequam lex <strong>de</strong> hoc ferretur. et<br />

hominem improbum non accusari tutius est quam absolui,<br />

et luxuria non mota tolerabilior esset quam erit nunc, ipsis uinculis sicut ferae bestiae inritata, <strong>de</strong>in<strong>de</strong><br />

emissa. (20) Ego nullo modo abrogandam legam Oppiam censeo: uos quod faxitis, <strong>de</strong>os omnes<br />

fortunare uelim.<br />

[Le texte <strong>la</strong>tin est précédé par ce résumé :]<br />

ARGUMENTUM.<br />

Lex Oppia duris belli Punici temporibus <strong>la</strong>ta in mulieres fuerat, quae eas auri et purpurae ornamentis carere volebat.<br />

Rebus iam pacatis, in pleno Reipub. otio & felicitate matronae ius mundi muliebris repetunt, et abrogationem legis Oppiae postu<strong>la</strong>nt ; Cato hac<br />

oratione repugnat.<br />

Inuentio argumentorum est ab authoritate legis, à disciplina maiorum, ab ingenio muliebri cupido, et indomito, a <strong>de</strong>trimentis quae ex luxu et auaritia<br />

consequentur.<br />

Dispositio duas praecipue partes amplectitur, legem et censuram foeminarum.<br />

Lyon, J.-Aimé Candy, 1657 (1 e éd. 1619), p. 829-833 (BM Grenoble : F 4914)


Nico<strong>la</strong>s Caussin, sj, De eloquentia sacra et humana libri XVI<br />

Oratio Marci Catonis Consulis, pro lege Oppia, contra mulierum luxuriam (Tite-Live, livre XXXIV, II-IV)<br />

Elocutio grandis, austera, sententiosa, Catonem ubique spirans.<br />

[Suit le texte <strong>la</strong>tin, puis l’Œconomia orationis.]<br />

Lyon, J.-Aimé Candy, 1657 (1 e éd. 1619), p. 829-833 (BM Grenoble : F 4914)


Melchior Junius, Orationum ex historicis tam veteribus, quam recentioribus<br />

Oratio M. Catonis consulis pro lege Oppia contra muliercu<strong>la</strong>rum luxuriam ac superbiam in vestitu et ornatu<br />

ira [<strong>de</strong> 17 à 18,<br />

« … étrangers »]<br />

indignatio [18, à partir<br />

<strong>de</strong> « et, qui pis est… »]<br />

metus<br />

[cf. les frena <strong>de</strong> 4.]<br />

8. (12) J'avoue qu'il y a <strong>de</strong>s caprices que je ne puis expliquer et dont je cherche en vain <strong>la</strong> raison. Qu'une chose fût permise à l'une et<br />

défendue à l'autre, il y aurait peut-être là <strong>de</strong> quoi éprouver un sentiment naturel <strong>de</strong> honte ou <strong>de</strong> colère. Mais quand l'ajustement est le<br />

même pour toutes, quelle humiliation chacune <strong>de</strong> vous peut-elle redouter?<br />

(13) C'est une faiblesse condamnable que <strong>de</strong> rougir <strong>de</strong> son économie ou <strong>de</strong> sa pauvreté; mais <strong>la</strong> loi vous met également à l'abri <strong>de</strong> ce<br />

double écueil, en vous défendant d'avoir ce que vous n'aurez pas.<br />

(14) Eh bien! dira cette femme riche, c'est cette inégalité même que je ne puis souffrir. Pourquoi ne m'est-il pas permis <strong>de</strong> me vêtir<br />

d'or et <strong>de</strong> pourpre? Pourquoi <strong>la</strong> pauvreté <strong>de</strong>s autres se cache-t-elle si bien à l'ombre <strong>de</strong> cette loi qu'on pourrait les croire en état d'avoir<br />

ce qu'elles n'ont pas, n'était <strong>la</strong> défense qui existe?<br />

9. (15) Romains, répondrais-je, voulez-vous établir entre vos femmes une rivalité <strong>de</strong> luxe, qui pousse les riches à se donner <strong>de</strong>s parures<br />

que nulle autre ne pourra avoir, et les pauvres à dépenser au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong> leurs ressources pour éviter une différence humiliante? (16)<br />

Croyez-moi, si elles se mettent à rougir <strong>de</strong> ce qui n'est pas honteux, elles ne rougiront plus <strong>de</strong> ce qui l'est réellement. Celle qui en<br />

aura le moyen, achètera <strong>de</strong>s parures; celle qui ne le pourra pas, <strong>de</strong>man<strong>de</strong>ra <strong>de</strong> l'argent à son mari. (17) Malheur alors au mari qui<br />

cé<strong>de</strong>ra et à celui qui ne cé<strong>de</strong>ra pas! Ce qu'il aura refusé sera donné par un autre. (18) Ne les voit-on pas déjà s'adresser à <strong>de</strong>s<br />

hommes qui leur sont étrangers, et, qui pis est, solliciter une loi, <strong>de</strong>s suffrages, réussir même auprès <strong>de</strong> quelques-uns, sans s'inquiéter<br />

<strong>de</strong> vos intérêts ni <strong>de</strong> ceux <strong>de</strong> votre patrimoine et <strong>de</strong> vos enfants? Dès que <strong>la</strong> loi cessera <strong>de</strong> limiter leurs dépenses, vous n'y parviendrez<br />

jamais.<br />

10. (19) Romains, n'allez pas croire que les choses en resteront au point où elles étaient avant <strong>la</strong> proposition <strong>de</strong> <strong>la</strong> loi. Il est moins<br />

dangereux <strong>de</strong> ne pas accuser un coupable que <strong>de</strong> l'absoudre; <strong>de</strong> même le luxe serait plus supportable si on ne l'avait jamais attaqué;<br />

mais à présent, il aura toute <strong>la</strong> fureur d'une bête féroce que les liens ont irritée et qu'on a ensuite déchaînée.<br />

III.<br />

ethos « non tenax » (20) Mon avis est donc qu'il ne faut point abroger <strong>la</strong> loi Oppia. Fassent les dieux que votre décision, quelle qu'elle soit, tourne à votre<br />

avantage!<br />

[Le texte <strong>la</strong>tin est précédé par <strong>la</strong> Resolutio, que voici ; j’ôte son <strong>de</strong>scriptif <strong>de</strong>s dix arguments et j’ajoute les paragraphes :]<br />

Ad èthè, mores et conciliationem pertinent : cum ostendit Cato, se <strong>de</strong> Republ. solicitus esse, studiosum veteris disciplinae, amantem bonitatis ac<br />

constantiae. Dein<strong>de</strong> mo<strong>de</strong>ste non voluisse sese compel<strong>la</strong>re in foro muliercu<strong>la</strong>s petu<strong>la</strong>ntes ac superbas affirmat. Tum grauiter et pru<strong>de</strong>nter disputat, <strong>de</strong><br />

praecipuis pestibus Rerumpub. luxu, superbia, auaritia, gunaikokrateia muliebri imperio. Postremo voto orationem concludit : ut Dij scilicet fortunent,<br />

quicquid tan<strong>de</strong>m <strong>de</strong>cretum fuerit : non tenax propositi est.<br />

Pathè, motus animorum sunt : Ira, metus, indignatio, pudor seu verecundia. Iram excitat Cato contra muliercu<strong>la</strong>s : cum instituti harum causam esse<br />

meram insolentiam et maritorum contemptum indicat. Mouet metum ac timorem malorum et incommodorum <strong>de</strong>nunciatione, quae reformidanda, si secretae<br />

consultationes permittantur : mulierculis libera ac soluta voluntas conceditur, vel etiam frena <strong>la</strong>xentur, sua natura superbis. Indignatio oritur, quando<br />

Strasbourg, Lazare Zetzner, 1598, I, p. 97-99 (BM Grenoble : E 29695) ; trad. Nisard, Paris, Firmin-Didot, 1864, II (http://bcs.fltr.ucl.ac.be/LIV/)


Melchior Junius, Orationum ex historicis tam veteribus, quam recentioribus<br />

Oratio M. Catonis consulis pro lege Oppia contra muliercu<strong>la</strong>rum luxuriam ac superbiam in vestitu et ornatu<br />

monstratur, muliercu<strong>la</strong>s consultationibus interesse velle : facere alia, quae non sui muneris atque officii sint. Pudor tan<strong>de</strong>m inculcitur, ostensa turpitudine ac<br />

<strong>de</strong>formitate, quae oritura, si consules et magistratus sibi mulieres imperare ac praescribere patiantur.<br />

(…) Loci communes in hac sunt colligendi : <strong>de</strong> mulierum officio : occultis ac secretis conuentibus in Republ. non ferendis : legum abrogatione,<br />

luxuria muliebri prohibenda et punienda.<br />

Usus erit, cum dissua<strong>de</strong>re earum legum antiquationem volumus, quae utiles Reipub. et superbiam aliaque vitia coercent ac castigant.<br />

Strasbourg, Lazare Zetzner, 1598, I, p. 97-99 (BM Grenoble : E 29695) ; trad. Nisard, Paris, Firmin-Didot, 1864, II (http://bcs.fltr.ucl.ac.be/LIV/)

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