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PROGRAMME #1 - Les Subsistances

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21<br />

INTERVIEW<br />

Où en êtes-vous depuis janvier 2007 et la présentation d’une première<br />

forme aux <strong>Subsistances</strong> ? Comment imaginez-vous continuer votre<br />

travail pour créer une forme longue ?<br />

Pour continuer ce travail, j’essaie maintenant de rentrer un peu dans la peau des<br />

femmes de la famille, pour tenter de me retrouver moi. Pour commencer, j’ai dû<br />

passer à travers les mots du père, du frère. Maintenant, je vais passer par les<br />

mots de la mère. Je l’ai filmée dernièrement au Québec, elle parle de<br />

l’enfantement, de tout ce que je n’ai pas vécu, de ce que je rejette, moi qui n’ai<br />

pas voulu avoir d’enfant. J’ai besoin de les entendre beaucoup, tous, pour essayer<br />

de comprendre où j’ai été dans cette histoire, c’est comme si j’avais été<br />

spectatrice de tout ça.<br />

Ce spectacle c’est un moyen d’entrer. Il fallait que je reprenne un rapport avec<br />

mon père, là où j’en étais, ou je l’assassinais ou j’essayais de le comprendre. Et<br />

je voulais reprendre un autre rapport avec mon frère schizophrène.<br />

La place aux femmes alors ?<br />

J’ai choisi de parler dans les premières quarante minutes du rapport père-fils, du<br />

conflit, des médicaments. <strong>Les</strong> paroles de la mère vont s’ajouter, et puis d’autres<br />

images de notre voyage dans l’ouest canadien, où il a y eu des moments<br />

d’émerveillement. Après plusieurs jours sur la route à traverser le Canada d’est<br />

en ouest, nous nous sommes retrouvés sur notre lieu de naissance. Je n’y étais<br />

pas retournée depuis trente-sept ans, c’était très émouvant d’entendre parler de<br />

mon père, comment il était lorsqu’il était jeune, lui qui avait choisi d’aller faire<br />

sa vie dans les bois, d’aller défricher, creuser des puits, faire venir l’électricité<br />

sur des terres où il n’y avait rien et où des petites communautés s’entraidaient<br />

au début des années 50. Moi j’y suis restée jusqu’à 5 ans, mon frère Dominique<br />

jusqu’à 9 ans.<br />

C’est un retour aux origines ?<br />

J’ai réalisé que je faisais ce spectacle pour trouver ma place… sans doute parce<br />

que je n’ai pas créé ma propre famille… et puis pour trouver ma parole, parce que<br />

eux, tous, ils parlent beaucoup, beaucoup. Ils sont très bavards et moi je suis<br />

celle qui ne parle pas. Je commence à sortir de cette obsession confuse. Après<br />

ça, je crois que je vais passer à autre chose. Ça fait plus de dix ans que je veux<br />

arrêter mais j’avais besoin de donner un sens à ma contorsion. J’espère qu’après<br />

ça, j’arriverai à aller vers quelque chose de moins extrême parce que<br />

l’entraînement est toujours aussi violent même après plus de vingt-cinq ans de<br />

travail. Mais avec ce projet j’ai retrouvé du plaisir à m’entraîner et le plaisir de<br />

jouer.<br />

Bourdieu dit qu’il a passé sa vie à vouloir “rendre justice à l’enfant<br />

qu’il a été”. Je pense souvent à cette phrase à propos de votre travail,<br />

qu’en pensez-vous ?<br />

J’ai envie plutôt qu’on nous rende justice à tous, à tous les frères et sœurs, à<br />

toute la fratrie. On se soutenait beaucoup, mon père était très dur. Et au fond de<br />

moi je me souviens que je me disais, “même s’il est le plus fort, il ne me<br />

changera pas”. Mon père, c’était la terreur, mais il a travaillé toute sa vie pour<br />

que nous, les neuf enfants, vivions. Souvent il nous disait “faire des enfants c’est<br />

perpétuer la misère”. Et cette violence ordinaire, elle a fait notre vie. Il disait<br />

aussi que j’étais sa préférée, parce que je réussissais. A quatorze ans je gagnais<br />

ma vie, j’étais déjà artiste, je chantais. Mais j’ai toujours refusé cette place, eu<br />

honte. Et puis, après toutes ces années, j’ai besoin de comprendre ce qui nous<br />

est arrivé. En ce moment, lorsque je pense à l’enfance je pense beaucoup au<br />

suicide de ma sœur, que j’ai appris il y a peu. Elle avait coupé les ponts avec la<br />

famille depuis quinze ans, alors qu’elle avait été comme ma jumelle. Elle a un<br />

jumeau, mais nous étions les jumelles toujours dans la même chambre.<br />

Moi j’étais la dure, j’avais le pouvoir sur elle, j’étais très physique, elle était très<br />

fragile, vulnérable et très belle, toujours à la maison à aider maman, à s’occuper<br />

des petits. Moi j’étais la peste, et elle était la douce Fanchon.<br />

Par ce spectacle vous voulez vous battre contre l’ordre qu’imposait<br />

votre père ?<br />

Me battre non, je crois que je tiens beaucoup de lui, j’avais peur de cette violence,<br />

peur de lui ressembler alors que sans cesse on me disait : “toi, t’es papa”.<br />

La contorsion m’a évité de plonger dans la violence. Je me rappelle, j’étais<br />

gymnaste, j’avais dix-huit ans quand tout d’un coup j’ai décidé de faire de la<br />

contorsion. J’avais des dispositions mais j’ai commencé à m’entraîner seule.<br />

Après l’école, j’allais au gymnase, je pleurais, je ne comprenais pas pourquoi je<br />

faisais ça. Je me pliais, je ne savais qu’une chose : je voulais faire quelque chose<br />

que personne ne fait. J’étais folle, je m’entraînais six fois par semaine. Il pouvait<br />

venir n’importe qui dans le gymnase, je ne me levais pas pour dire bonjour,<br />

c’étaient mes moments sacrés. Plus tard mes sœurs me l’ont reproché. A travers<br />

ce spectacle je crois que je règle le problème de ma place, mon problème de ne<br />

pas avoir d’enfant. Je vais filmer mes neveux et nièces. J’en ai invité cinq en<br />

France. Et je vais filmer les cinquante ans de mariage de mes parents. Pour le<br />

spectacle, j’aimerais une belle image de fin avec des enfants, de la vie.<br />

PARCOURS<br />

Gymnaste de formation, Angela Laurier, québécoise, se forme à la danse<br />

classique à l'Académie supérieure des Grands Ballets Canadiens puis au Centre<br />

National des Arts du Cirque à Châlons en contorsion, acrobatie, main à main,<br />

corde aérienne et corde volante. Elle participe au Cirque du Trottoir, Cirque du<br />

Soleil, Cirque du Tonnerre, Cirque Gosh. Depuis deux ans, Angela Laurier travaille<br />

aussi comme interprète avec François Verret. Sa précédente performance “L’Ange<br />

est là, l’or y est” a reçu l’aide de la SACD dans le cadre de l’opération “Numéros<br />

Neufs” à la Villette (Paris).<br />

“(…) Du féroce à la grâce, de l’intime à l’exorcisme, de<br />

la performance à la délivrance, son chemin allait de<br />

l’un vers l’autre, tordant l’espace autant que son corps,<br />

comme s’il fallait user, répéter, user encore, répéter<br />

toujours avant que ne surgisse par-dessus le poids des<br />

choses la minuscule part de l’être. Angela Laurier dit<br />

qu’un jour prochain son destin de contorsionniste tombera<br />

comme une vieille nippe et qu’alors elle parlera<br />

vraiment, pour de bon, sans craindre le spectacle<br />

de la folie. Elle sera devenue tout à fait libre.”<br />

Daniel Conrod, Télérama, Janvier 07<br />

DATES<br />

DU 18 AU 24 JANV 08<br />

À 21H<br />

(RELÂCHE LE 20)<br />

DURÉE / 1H10<br />

TARIFS<br />

101 / 81/ 61<br />

PASS’ 2 SPECTACLES 161 / 131<br />

PASS’ 3 SPECTACLES 211 / 151<br />

RÉSIDENCE / 1 ère étape au Week_End de création avril 07,<br />

du 5 au 17 nov 07, du 2 au 24 janv 08<br />

RENDEZ-VOUS PUBLICS /<br />

Soupe à la Répèt' : 10 jan 08 à 19h30<br />

Babel : 22 jan 08 à l'issue de la représentation

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