20 JANVIER 2008 CIRQUE- CONTOR- SION 16 5 MAXI LA SOIRÉE MÉNARD / LAURIER À PARTIR DE 12 ANS CRÉA TION ANGELA LAURIER « DÉVERSOIR » Le père parle, puis le frère. Une histoire de famille, de liens follement serrés, filmée plein cadre, lors d'un voyage au nord du Canada. Devant l'image, le corps d'Angela Laurier se contorsionne comme pour vaincre cette parole, enfin lui résister. Après “Filmer”, performance et première étape de travail*, voici “Déversoir” : l'aboutissement de cette longue exploration de l'intimité familiale. Le corps sur le plateau se mêle puis entre en résistance avec les paroles et les images du père et du frère. Elle laisse apparaître l'obligation physique et mentale de résister qui a fait d'Angela Laurier cette grande artiste de cirque. Le corps virtuose est mis au service d'un propos violemment intime, dans l'espoir de le libérer. Un moment d'une exceptionnelle sensibilité, bien au-delà du cirque, qui raconte le poids du roman familial sur le corps et la force d'arrachement qu'il faut parfois exercer pour le redresser. *présentée au Week_End Ça Change ! en janvier 2007. Contorsionniste : Angela Laurier. Musicien vidéaste : Manuel Pasdelou. Scénographe : Florent Pasdelou. Création robe camisole : Goury. Création et régie lumière : Rémy Sabatier. Avec la participation de Dominique Laurier. Coproduction et résidence : <strong>Les</strong> <strong>Subsistances</strong> / Lyon / France. Coproductions : La Verrerie d’Alès, Pôle cirque Languedoc-Roussillon ; Court Toujours Scène-nationale de Poitiers, Centre Régional des Arts du Cirque de Basse-Normandie, Cherbourg, Le Parc de la Villette, Paris ; L’agora, scène conventionnée, Boulazac. Avec le soutien de : Espace périphérique de la Villette, Paris Fondation Beaumarchais, SACD Centre National du Théâtre.
21 INTERVIEW Où en êtes-vous depuis janvier 2007 et la présentation d’une première forme aux <strong>Subsistances</strong> ? Comment imaginez-vous continuer votre travail pour créer une forme longue ? Pour continuer ce travail, j’essaie maintenant de rentrer un peu dans la peau des femmes de la famille, pour tenter de me retrouver moi. Pour commencer, j’ai dû passer à travers les mots du père, du frère. Maintenant, je vais passer par les mots de la mère. Je l’ai filmée dernièrement au Québec, elle parle de l’enfantement, de tout ce que je n’ai pas vécu, de ce que je rejette, moi qui n’ai pas voulu avoir d’enfant. J’ai besoin de les entendre beaucoup, tous, pour essayer de comprendre où j’ai été dans cette histoire, c’est comme si j’avais été spectatrice de tout ça. Ce spectacle c’est un moyen d’entrer. Il fallait que je reprenne un rapport avec mon père, là où j’en étais, ou je l’assassinais ou j’essayais de le comprendre. Et je voulais reprendre un autre rapport avec mon frère schizophrène. La place aux femmes alors ? J’ai choisi de parler dans les premières quarante minutes du rapport père-fils, du conflit, des médicaments. <strong>Les</strong> paroles de la mère vont s’ajouter, et puis d’autres images de notre voyage dans l’ouest canadien, où il a y eu des moments d’émerveillement. Après plusieurs jours sur la route à traverser le Canada d’est en ouest, nous nous sommes retrouvés sur notre lieu de naissance. Je n’y étais pas retournée depuis trente-sept ans, c’était très émouvant d’entendre parler de mon père, comment il était lorsqu’il était jeune, lui qui avait choisi d’aller faire sa vie dans les bois, d’aller défricher, creuser des puits, faire venir l’électricité sur des terres où il n’y avait rien et où des petites communautés s’entraidaient au début des années 50. Moi j’y suis restée jusqu’à 5 ans, mon frère Dominique jusqu’à 9 ans. C’est un retour aux origines ? J’ai réalisé que je faisais ce spectacle pour trouver ma place… sans doute parce que je n’ai pas créé ma propre famille… et puis pour trouver ma parole, parce que eux, tous, ils parlent beaucoup, beaucoup. Ils sont très bavards et moi je suis celle qui ne parle pas. Je commence à sortir de cette obsession confuse. Après ça, je crois que je vais passer à autre chose. Ça fait plus de dix ans que je veux arrêter mais j’avais besoin de donner un sens à ma contorsion. J’espère qu’après ça, j’arriverai à aller vers quelque chose de moins extrême parce que l’entraînement est toujours aussi violent même après plus de vingt-cinq ans de travail. Mais avec ce projet j’ai retrouvé du plaisir à m’entraîner et le plaisir de jouer. Bourdieu dit qu’il a passé sa vie à vouloir “rendre justice à l’enfant qu’il a été”. Je pense souvent à cette phrase à propos de votre travail, qu’en pensez-vous ? J’ai envie plutôt qu’on nous rende justice à tous, à tous les frères et sœurs, à toute la fratrie. On se soutenait beaucoup, mon père était très dur. Et au fond de moi je me souviens que je me disais, “même s’il est le plus fort, il ne me changera pas”. Mon père, c’était la terreur, mais il a travaillé toute sa vie pour que nous, les neuf enfants, vivions. Souvent il nous disait “faire des enfants c’est perpétuer la misère”. Et cette violence ordinaire, elle a fait notre vie. Il disait aussi que j’étais sa préférée, parce que je réussissais. A quatorze ans je gagnais ma vie, j’étais déjà artiste, je chantais. Mais j’ai toujours refusé cette place, eu honte. Et puis, après toutes ces années, j’ai besoin de comprendre ce qui nous est arrivé. En ce moment, lorsque je pense à l’enfance je pense beaucoup au suicide de ma sœur, que j’ai appris il y a peu. Elle avait coupé les ponts avec la famille depuis quinze ans, alors qu’elle avait été comme ma jumelle. Elle a un jumeau, mais nous étions les jumelles toujours dans la même chambre. Moi j’étais la dure, j’avais le pouvoir sur elle, j’étais très physique, elle était très fragile, vulnérable et très belle, toujours à la maison à aider maman, à s’occuper des petits. Moi j’étais la peste, et elle était la douce Fanchon. Par ce spectacle vous voulez vous battre contre l’ordre qu’imposait votre père ? Me battre non, je crois que je tiens beaucoup de lui, j’avais peur de cette violence, peur de lui ressembler alors que sans cesse on me disait : “toi, t’es papa”. La contorsion m’a évité de plonger dans la violence. Je me rappelle, j’étais gymnaste, j’avais dix-huit ans quand tout d’un coup j’ai décidé de faire de la contorsion. J’avais des dispositions mais j’ai commencé à m’entraîner seule. Après l’école, j’allais au gymnase, je pleurais, je ne comprenais pas pourquoi je faisais ça. Je me pliais, je ne savais qu’une chose : je voulais faire quelque chose que personne ne fait. J’étais folle, je m’entraînais six fois par semaine. Il pouvait venir n’importe qui dans le gymnase, je ne me levais pas pour dire bonjour, c’étaient mes moments sacrés. Plus tard mes sœurs me l’ont reproché. A travers ce spectacle je crois que je règle le problème de ma place, mon problème de ne pas avoir d’enfant. Je vais filmer mes neveux et nièces. J’en ai invité cinq en France. Et je vais filmer les cinquante ans de mariage de mes parents. Pour le spectacle, j’aimerais une belle image de fin avec des enfants, de la vie. PARCOURS Gymnaste de formation, Angela Laurier, québécoise, se forme à la danse classique à l'Académie supérieure des Grands Ballets Canadiens puis au Centre National des Arts du Cirque à Châlons en contorsion, acrobatie, main à main, corde aérienne et corde volante. Elle participe au Cirque du Trottoir, Cirque du Soleil, Cirque du Tonnerre, Cirque Gosh. Depuis deux ans, Angela Laurier travaille aussi comme interprète avec François Verret. Sa précédente performance “L’Ange est là, l’or y est” a reçu l’aide de la SACD dans le cadre de l’opération “Numéros Neufs” à la Villette (Paris). “(…) Du féroce à la grâce, de l’intime à l’exorcisme, de la performance à la délivrance, son chemin allait de l’un vers l’autre, tordant l’espace autant que son corps, comme s’il fallait user, répéter, user encore, répéter toujours avant que ne surgisse par-dessus le poids des choses la minuscule part de l’être. Angela Laurier dit qu’un jour prochain son destin de contorsionniste tombera comme une vieille nippe et qu’alors elle parlera vraiment, pour de bon, sans craindre le spectacle de la folie. Elle sera devenue tout à fait libre.” Daniel Conrod, Télérama, Janvier 07 DATES DU 18 AU 24 JANV 08 À 21H (RELÂCHE LE 20) DURÉE / 1H10 TARIFS 101 / 81/ 61 PASS’ 2 SPECTACLES 161 / 131 PASS’ 3 SPECTACLES 211 / 151 RÉSIDENCE / 1 ère étape au Week_End de création avril 07, du 5 au 17 nov 07, du 2 au 24 janv 08 RENDEZ-VOUS PUBLICS / Soupe à la Répèt' : 10 jan 08 à 19h30 Babel : 22 jan 08 à l'issue de la représentation