Télécharger le tome 2 - IUFM

Le terrain semble donc favorable pour se poser la question de choix didactiques adaptés
à un public en grande difficulté, caractérisé en général par des problèmes relationnels
et de comportement, des formes d’inhibition face à l’apprentissage, expressions visibles
de situations familiales et/ou sociales souvent difficiles qui marquent l’enfant dans sa
construction et son développement personnel. Certes les enseignants se référant à Freinet
ne justifient pas, la plupart du temps, leurs choix par une réflexion didactique mais plus par
rapport à un mode pédagogique. Ce n’est pas pour autant que le chercheur ne peut lire et
analyser, à travers les propos et les attitudes, des questions, des choix, des orientations
didactiques.
L’objectif de l’étude sera triple. En premier lieu il s’agira de se donner les moyens de faire
apparaître concrètement comment se présentent ces difficultés. On notera un intérêt
spécifique à construire une telle observation à propos des mathématiques, qui aux yeux
de certains, présenterait un savoir « plus neutre » et n’exigerait donc pas un même
investissement personnel qu’une autre discipline. A partir de là sera posée la question
des interprétations des conduites de l’enfant ; selon que l’on se réfère à une méthode
testologique, à la théorie de Vygotski, à un ancrage clinique d’inspiration psychanalytique
ou si l’on tente d’allier une perspective centrée sur le développement de l’enfant et une
perspective didactique. L’objectif sera en définitive de confronter ces analyses avec ce que
donne à voir l’équipe pédagogique dans les « recherches mathématiques », où selon les
termes d’un enseignant, les enfants, à travers les « défis » qu’ils se posent et cherchent à
résoudre alternativement seuls et avec le groupe, « construisent leurs mathématiques ».
Révisant les liens entre travail individuel et travail collectif, je tenterai alors de définir ce
que cette méthode pédagogique contient de choix didactiques de nature à faire évoluer ces
enfants particuliers dans leur rapport au savoir.
2. Présentation de la tâche
L’étude qui a été menée, associant une approche en didactique des mathématiques, menée
par Dominique Lahanier Reuter, et une approche psychologique par moi-même, a démarré à
partir de passations individuelles construites autour de deux tâches mettant en jeu la symétrie
orthogonale mais ne se présentant pas comme des tâches scolaires telles qu’on en trouve
dans les manuels scolaires ou qu’on peut en observer dans les classes habituellement.
Une de ces deux tâches consiste à montrer à l’élève qu’avec deux hexagones collés l’un à
l’autre on peut former une figure symétrique et matérialiser l’axe vertical ou horizontal par
une baguette, en lui indiquant simplement que « si on mettait la baguette, ce qui est d’un
côté viendrait se coller exactement sur ce qui est de l’autre côté de la baguette », puis à lui
demander avec deux carrés et deux triangles rectangles isocèles, de faire « le plus de figures
possible, sur lesquelles on pourrait de la même façon mettre la baguette ». En présentant
la tâche le mot de symétrie orthogonale n’est pas prononcé. L’élève est face à une tâche
ouverte, qui lui suggère de fabriquer un certain nombre d’objets, qui répondent à une certaine
loi que l’élève peut découvrir, ou reconnaître, qu’il doit appliquer au moins implicitement et
qu’il peut énoncer explicitement. L’intervention de l’adulte qui tient lieu d’enseignant dans la
passation de la tâche a pour but d’encourager ( « peux-tu en faire d’autres ? »), de demander
de vérifier ou de suggérer de le faire (« et si tu mettais la baguette ? »), de signaler une
erreur (« je ne suis pas sûre que tout se replierait exactement »), de demander à l’élève de
prendre position par rapport à une construction (« et celui-là que tu viens de faire, qu’estce
que tu en penses ? »), de lui suggérer verbalement d’en faire d’autres (« et si tu prenais
48
IUFM Nord-Pas de Calais