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Télécharger le tome 2 - IUFM

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s’il ne sait pas ou si on ne lui répond pas c’est que cette chose est marquée par la honte.<br />

« (décamètre, hectomètre) je savais pas que ça existait , enfin une fois on avait fait ça avec<br />

ma maîtresse de CE2 mais el<strong>le</strong> nous avait jamais dit c’était quoi, on avait demandé, on avait<br />

demandé mais j’avais jamais su en fait ». A ses questions – troisième degré – l’enfant peut<br />

avoir des réponses qui <strong>le</strong> contraignent, c’est à dire qui s’imposent à lui sans discussion,<br />

sans que soit prise en compte cette zone de questionnement. Pourquoi suivre un régime<br />

et être l’objet de la moquerie des autres ? Là je prendrai l’exemp<strong>le</strong> de R qui commente <strong>le</strong>s<br />

dires de sa mère : « <strong>le</strong> corps il faut qu’il prend sans sel sans sucre… parce que je suis pas<br />

comme eux, je mange pas sans sel et sans sucre, alors ils se moquent de moi… mais moi je<br />

me sens bien dans mon corps et c’est bien de se sentir bien à notre corps ». La réponse est<br />

tel<strong>le</strong>ment imposée et non intériorisée que <strong>le</strong> lapsus rend flagrant que <strong>le</strong> bien pour <strong>le</strong> corps<br />

n’a rien à voir avec <strong>le</strong> corps de l’enfant.<br />

Pour A<strong>le</strong>x la contrainte est tel<strong>le</strong>ment intériorisée que <strong>le</strong> consensus n’a rien d’étonnant :<br />

« la maîtresse a dit ‘solitaire c’est quelqu’un qui reste tout <strong>le</strong> temps seul’ et après el<strong>le</strong> nous<br />

a demandé c’est qui dans la classe qui est solitaire, ben moi j’ai <strong>le</strong>vé <strong>le</strong> doigt comme ça,<br />

parce que je savais que personne ne voulait me par<strong>le</strong>r et puis après la maîtresse el<strong>le</strong> m’a dit<br />

c’est parce que ne, tu ne par<strong>le</strong>s pas aux gens, tu ne cherches pas à voir <strong>le</strong>s gens, et toute<br />

la classe a dit oui ».<br />

Mais un autre degré qualitativement très différent apparaît dans <strong>le</strong>s entretiens : l’enfant peut<br />

avoir des réponses à ses pourquoi. Plus exactement il peut <strong>le</strong>s chercher et <strong>le</strong>s obtenir. A<br />

partir de là il peut faire des choix. Le même A<strong>le</strong>x ayant changé d’éco<strong>le</strong> peut alors dire : « si<br />

on n’a pas envie d’exp, s’il y a un texte qu’on aime bien mais qu’on ne veut pas exposer<br />

parce que c’est trop personnel, on ne <strong>le</strong> montre pas aux enfants ; on <strong>le</strong> présente pas, on <strong>le</strong><br />

met sur notre, dans notre cahier si on veut, il faut s’arranger avec <strong>le</strong> maître quand même<br />

avec <strong>le</strong> maître, si on veut pas <strong>le</strong> mettre dans notre cahier faut s’arranger et on <strong>le</strong> mettra pas<br />

dans <strong>le</strong> cahier … sinon comme L el<strong>le</strong> était pas obligée de présenter hein c’est à el<strong>le</strong> sinon<br />

ben… on a toujours <strong>le</strong> choix parce qu’avant à mon éco<strong>le</strong>… ». A partir de là l’élève peut faire<br />

des liens entre ce qu’il vit – de diffici<strong>le</strong> ou douloureux – à l’éco<strong>le</strong> ou ail<strong>le</strong>urs, et la cause, la<br />

raison, <strong>le</strong> motif.<br />

Le thème du colloque mettait l’accent sur l’enfant/ l’élève. Or sans doute pensez-vous que j’ai<br />

employé indistinctement <strong>le</strong>s termes d’enfant et d’élève sans aucune construction théorique<br />

sous-jacente. Je vais donc ici mettre l’accent sur cette distinction.<br />

Dans la pédagogie Freinet, tel<strong>le</strong> que je l’ai observée, l’élève a des moyens à sa disposition<br />

de savoir pourquoi tel<strong>le</strong> chose peut se faire, tel<strong>le</strong> chose ne peut pas se faire dans l’éco<strong>le</strong> et<br />

dans la classe. Il peut poser des questions ou même en débattre au conseil. Cette attitude à<br />

propos d’objets de savoir ou de règ<strong>le</strong>s de classe, il peut la transposer à d’autres domaines<br />

de sa vie d’enfant et construire progressivement l’idée qu’il est légitime de chercher à<br />

comprendre <strong>le</strong>s raisons d’être des événements, même douloureux, et même quand on est<br />

enfant. La dissociation intérieure caractéristique de l’enfant en souffrance, qu’il pouvait vivre<br />

en tant qu’enfant, ou en tant qu’élève, ou entre <strong>le</strong>s deux rô<strong>le</strong>s (ou places) qu’il occupe, tantôt<br />

enfant, tantôt élève, trouve un terrain où el<strong>le</strong> est traitée.<br />

Cette liberté à disposer de soi-même en s’installant l’invite à revisiter <strong>le</strong>s événements<br />

passés et à <strong>le</strong>s réinscrire dans son passé personnel. En <strong>le</strong>s transformant en souvenir dont<br />

il peut par<strong>le</strong>r, ces événements passés ne sont plus <strong>le</strong>s objets encombrants du refoulé, mais<br />

deviennent une part de lui-même qui lui donne cette sorte de recul réf<strong>le</strong>xif qui engage l’avenir<br />

et n’a rien à voir avec l’attitude de défense rationalisante.<br />

<strong>IUFM</strong> Nord-Pas de Calais<br />

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