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cette lutte interne d’un « je » qui a du mal à exister. Cela n’empêche pas la pédagogie de<br />
produire un effet, comme nous <strong>le</strong> verrons à propos de l’enfant en souffrance.<br />
Dans d’autres cas <strong>le</strong> « je » se révè<strong>le</strong> être très prisonnier de problèmes externes qui contraignent<br />
<strong>le</strong> désir de l’enfant. Ces contraintes fortes, et ressenties comme tel<strong>le</strong>s, empêchent l’enfant<br />
de laisser émerger son désir. Le je apparaît trompeur et trompé puisqu’il peut exprimer<br />
ce que d’autres « je » proposent comme moi idéal sans que l’enfant ait la possibilité d’en<br />
prendre conscience : l’enfant aime ce qu’il croit bien d’aimer, ou se réfugie dans l’imaginaire<br />
sous l’effet d’un environnement déstabilisant. L’enfant vit dans la projection, l’imitation, <strong>le</strong><br />
faux-self. Ce qui semb<strong>le</strong> toutefois paradoxal et inhabituel, c’est que la pédagogie ne tente<br />
pas de renforcer ce modè<strong>le</strong> de relation duel<strong>le</strong> dans laquel<strong>le</strong> l’enfant est enfermé (avec<br />
la mère, ou <strong>le</strong> frère) en lui imposant une autre forme de relation duel<strong>le</strong>, pédagogique ou<br />
institutionnel<strong>le</strong>.<br />
Cet état des lieux général si je puis dire va s’éclairer d’une manière toute autre en considérant<br />
<strong>le</strong> cas d’un enfant en souffrance. Deux aspects méritent d’être soulignés :<br />
Les entretiens ont permis de mettre en lumière un positionnement très différent de<br />
l’enseignant face à l’enfant en souffrance. Dans l’autre éco<strong>le</strong> <strong>le</strong>s enseignants apparaissent<br />
fortement engagés dans <strong>le</strong> projet d’intervenir auprès des enfants en souffrance : engagés à<br />
<strong>le</strong>s aider, à <strong>le</strong>s réparer pourrait-on dire, au sens psychanalytique, et parfois déçus, b<strong>le</strong>ssés<br />
de ne pouvoir transformer ces réalités. Ainsi première réf<strong>le</strong>xion : « nous on dédramatise….<br />
la petite el<strong>le</strong> pourra évoluer quand el<strong>le</strong> aura compris… qu’el<strong>le</strong> a sa petite place dans son<br />
monde… dans sa tête el<strong>le</strong> s’en sortira quand el<strong>le</strong> aura compris ça…(la maîtresse continue)<br />
el<strong>le</strong> me par<strong>le</strong>…(mais), d’el<strong>le</strong>-même el<strong>le</strong> ne viendra jamais me par<strong>le</strong>r de sa famil<strong>le</strong> ni de ce<br />
qui peut lui arriver chez el<strong>le</strong> alors que N je peux tout vous raconter de sa vie… » propos qui<br />
semb<strong>le</strong>nt à l’opposé de cette autre réf<strong>le</strong>xion : « I a intégré d’une manière très forte quelque<br />
chose, que je n’ai pas arrivé à casser, et en termes de communication, il y a une coquil<strong>le</strong>… je<br />
n’ai pas réussi à l’ouvrir pour dire ‘regarde comme c’est beau à l’intérieur’, ça, j’ai pas réussi<br />
hein, il veut peut-être pas.. il a onze ans.. onze ans on peut légitimement ne pas avoir envie<br />
qu’on casse une coquil<strong>le</strong> qu’il croit, qu’il pense qui <strong>le</strong> protège selon lui depuis longtemps ».<br />
Comme on avait opposé de façon généra<strong>le</strong> un vocabulaire ordinaire et non ordinaire pour<br />
qualifier <strong>le</strong>s enfants, on pourrait par<strong>le</strong>r ici de position extra-ordinaire de l’éco<strong>le</strong> F, dans cette<br />
mise entre parenthèses d’aider l’autre coûte que coûte.<br />
Le deuxième aspect concerne la façon de décrire la souffrance. Les enseignants avaient<br />
tous évoqué des cas particuliers d’enfants, en reliant <strong>le</strong>ur souffrance familia<strong>le</strong> à <strong>le</strong>ur<br />
comportement relationnel et à <strong>le</strong>ur attitude généra<strong>le</strong> en classe. Les entretiens menés avec<br />
<strong>le</strong>s enfants permettent de relier souffrance vécue à l’éco<strong>le</strong> et ail<strong>le</strong>urs, mais mettent surtout<br />
<strong>le</strong> doigt sur la façon dont l’élève vit cette souffrance.<br />
Là se déclinent plusieurs degrés. Prenons l’exemp<strong>le</strong> d’un élève de CM2, A<strong>le</strong>x.<br />
Le degré <strong>le</strong> plus fort se révè<strong>le</strong> être celui de la non-compréhension : l’enfant ne sait pas,<br />
ne comprend pas. Quelque chose est pour lui interdit de savoir. (je prends des exemp<strong>le</strong>s<br />
dans <strong>le</strong> domaine scolaire) « (ancienne éco<strong>le</strong>) il y avait, il y a des lignes, on n’a pas <strong>le</strong> droit<br />
de par<strong>le</strong>r aux parents en fait il y avait quand même un grillage mais on n’avait pas <strong>le</strong> droit,<br />
il y avait une ligne jaune, on n’avait pas <strong>le</strong> droit de la dépasser, je sais pas pourquoi ». A un<br />
deuxième degré l’enfant peut tenter de poser des questions pour savoir et ne pas obtenir de<br />
réponses. S’il n’obtient pas de réponse et si cela se renouvel<strong>le</strong> du milieu familial au milieu<br />
scolaire, il peut se dégager pour lui <strong>le</strong> sentiment d’être une victime. Il peut aussi penser que<br />
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<strong>IUFM</strong> Nord-Pas de Calais