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– Cel<strong>le</strong> que j’appel<strong>le</strong>rai discours ordinaire / non ordinaire des enseignants,<br />
c’est-à-dire la façon dont est nommé ce qui fait la caractéristique d’un élève. Ainsi a-ton<br />
pu remarquer dans la façon de par<strong>le</strong>r du comportement ou des résultats de l’élève,<br />
l’emploi de termes non ordinaires comme « disponibilité » pour désigner la possibilité<br />
d’entrer dans <strong>le</strong>s apprentissages sans être encombré, de « fragilité » ou de « capacité de<br />
prise de risque » pour désigner l’appui que constitue la confiance en soi, de « domaines »<br />
ou « pô<strong>le</strong>s d’excel<strong>le</strong>nce », ou encore d’« œuvre » ou « patrimoine », pour définir une<br />
réussite qui appartient à l’enfant, s’opposeraient à d’autres qualifiés ici d’ordinaire dans <strong>le</strong><br />
discours d’enseignants, comme : « ouvert », « consciencieux », « concentré », « timide »,<br />
« renfermé », ou encore « fainéant » voire « dangereux », qui insistent davantage sur la<br />
réponse de l’élève par rapport à ce qui est attendu d’un élève en général.<br />
– Une deuxième dimension est construite autour de la place accordée au « je »<br />
de l’enseignant. Quatre positions sont repérées : « je » présent, « je » dissimulé, « je »<br />
contrôlé, ou « je » qui argumente sur l’effet de la pédagogie. Il s’agit ici de s’interroger<br />
sur ce qui peut permettre ou interdire de se positionner en tant que « je, enseignant » en<br />
rapport à la place accordée au « je » de l’élève. Ainsi peut-on opposer « je suis contente<br />
de », « ça m’a fait une drô<strong>le</strong> d’impression », « pour moi c’est dur de gérer ça » exprimant<br />
des manières d’être qui s’opposent à des formes de dépersonnalisation de l’élève : « c’est<br />
quelqu’un qui », « <strong>le</strong> prototype de l’élève modè<strong>le</strong> » ou encore – plus subtil – à des façons<br />
d’interpréter <strong>le</strong>s sentiments de l’élève « au début, el<strong>le</strong> était un peu méfiante, l’air de dire<br />
‘maîtresse éga<strong>le</strong> méchante’ … »<br />
– Et enfin la troisième dimension consiste à se demander si <strong>le</strong> discours sur<br />
l’élève, <strong>le</strong> fait de prononcer son nom est immédiatement associé à un aspect soit de son<br />
milieu familial, soit de la pédagogie. Dans ce type de lien, plusieurs cas de figure sont à<br />
évoquer. Il peut s’agir de l’association spontanée faite dans <strong>le</strong> discours entre l’élève et son<br />
milieu familial : quand l’enseignant par<strong>le</strong> d’un élève, il évoque dans la même phrase son<br />
milieu familial. Avec <strong>le</strong> même type de lien, l’enseignant peut par<strong>le</strong>r d’un groupe d’élèves ou<br />
même généraliser aux élèves désignés comme « élève ici » ou « élèves en REP ». Ces<br />
liens apparaissent aussi fréquents dans <strong>le</strong>s deux éco<strong>le</strong>s.<br />
Si on considère l’autre type de lien, entre l’élève et la pédagogie, on peut retrouver <strong>le</strong>s<br />
mêmes degrés allant de l’individu à la généralisation, mais on a pu classer ces types de<br />
liens selon <strong>le</strong>ur orientation : soit l’élève X entraîne une action de l’enseignant « on ne peut<br />
<strong>le</strong> laisser sans surveillance », et dans ce cas on dénombre 8 fois ce type de lien dans l’éco<strong>le</strong><br />
F contre 32 dans l’autre éco<strong>le</strong> ; soit la pédagogie mise en place a un effet sur cet élève : « Il<br />
s’est bien emparé du texte libre », et <strong>le</strong> rapport devient très différent : 75 fois dans l’éco<strong>le</strong> F<br />
et 18 dans l’autre éco<strong>le</strong>. La différence s’impose alors entre <strong>le</strong>s deux modes pédagogiques.<br />
Il s’agit de voir à travers ces associations l’explication que peut donner l’enseignant du<br />
comportement ou des résultats des élèves, mais aussi la place qu’il accorde à son action<br />
pédagogique et en définitive la place qu’il accorde à l’élève.<br />
En résumé, je peux à partir de ces analyses fines des contenus mais surtout des modes de<br />
discours des enseignants avancer l’idée que l’enseignant de l’éco<strong>le</strong> en pédagogie Freinet<br />
existe et s’autorise à exister, à travers la manière singulière dont il par<strong>le</strong> de l’élève, dont il<br />
met la pédagogie au centre du discours sur l’élève, dont il se révè<strong>le</strong> lui-même face à d’autres<br />
« je » élèves, parents, collègues ou ensemb<strong>le</strong> social de l’Éducation nationa<strong>le</strong>. Ce faisant, il<br />
autorise d’autres « je » à exister mais reçoit aussi son « je » de la relation à d’autres « je ».<br />
Dans d’autres éco<strong>le</strong>s comparab<strong>le</strong>s par la population d’élèves accueillis, <strong>le</strong> « je » enseignant<br />
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<strong>IUFM</strong> Nord-Pas de Calais