Télécharger le tome 2 - IUFM

le philosophe américain Ronald Dworkin (1995). Pour ce dernier, le droit est avant tout une
affaire de principes. Ainsi, le travail du juge consiste à interpréter une situation de conflits,
à trancher entre des valeurs en tension, et à justifier une décision à l’aide d’un ensemble
cohérent de principes de justice. Une éducation à la citoyenneté référée au droit (Audigier,
1999) traite non pas des procédures et des formes du droit (par exemple, les aspects formels
des dispositifs électifs des délégués, les conditions détaillées d’accès à la nationalité, etc.)
mais s’intéresse aux principes qui constituent l’ossature des droits de l’homme tels que le
principe du tiers non impliqué, la contradiction dans les débats, la séparation des pouvoirs,
etc. Sur un plan didactique, il s’agit entre autres d’identifier les valeurs derrière les règles et
les discours, de comprendre celles de la société et du droit, de raisonner à partir de celles-ci
(Robert, 1999).
Nous voyons bien comment dans l’approche herméneutique du droit, les activités de
négociation et, plus généralement, de communication, occupent une place importante. Le
rôle de la communication dans la construction des normes est développé par différents
théoriciens de la philosophie morale et politique. J-M. Ferry parle de l’éthique de la
reconstruction qui intègre deux perspectives éthiques, celle du bien et celle du juste autour
d’une philosophie de la communication dont l’aboutissement permet la reconnaissance
réciproque des personnes. Celle-ci intègre les registres de la narration, de l’interprétation
et de l’argumentation et recouvre à la fois une démarche créative et une démarche
réflexive (Ferry, 1996).
Dans une perspective plus attachée au droit, François Ost remarque dans son ouvrage
Raconter la loi (2004) que « c’est du récit que sort le droit ». En reprenant aussi Ricoeur,
l’auteur souligne que le récit se situe entre la description et la prescription, entre le fait neutre,
encore insignifiant ou indifférent et la norme ou le devoir-être surdéterminé de certitude et
surchargé d’impérativité. Le récit donne du sens au terrain infini de la praxis, traversé de
toutes sortes de visées éthiques, d’aspirations à des valeurs, de prétentions au droit.
Nous considérons donc ici que les interactions qui se développent au sein des conseils
portent les traces de la construction des normes utilisées pour évaluer et/ou prescrire
l’activité et le comportement des élèves. Le nombre abondant de récits et de témoignages
existant dans les conseils, est révélateur de ce processus.
1.3. Une approche interactionniste du langage : vers la construction d’un outil
méthodologique
L’analyse des interactions au sein des conseils d’élèves se situe dans une approche
interactionniste du langage (Halté, 1993 ; François, 1990 ; Bautier, 1995/2004 ) selon
laquelle celui-ci est, entre autres, un outil de construction du sens. Dans cette optique,
la communication langagière constitue une activité et, en tant que telle, elle est à la fois
orientée vers le monde qui constitue l’objet de référence du discours (fonction référentielle),
vers soi-même (fonction cognitive), et vers les autres (fonction de communication). Elle
constitue donc un véritable acte social qui s’appuie sur des savoirs et des normes partagées
par la communauté culturelle. L’étude des savoirs et normes partagées qui sous-tendent la
communication présente un double intérêt :
– du point de vue didactique, il s’agit d’observer certains « événements » conceptuels
qui s’opèrent dans l’interaction, pendant lesquels les savoirs et les normes implicites
deviennent des objets de réflexion et de formalisation en se situant ainsi, dans un
138
IUFM Nord-Pas de Calais