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les ingenieurs en syrie modernisation, technobureaucratie et identite

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faib<strong>les</strong>se de tel<strong>les</strong> visées, <strong>et</strong> la difficulté de mise <strong>en</strong> oeuvre de la <strong>modernisation</strong>, qu'il s'agisse des<br />

obstac<strong>les</strong> au niveau de la structure sociale traditionnelle, du problème des modes de raisonnem<strong>en</strong>t ou du<br />

problème lié à la bureaucratisation du métier des ingénieurs.<br />

II-1. Des visées technocratique <strong>et</strong> techniciste<br />

Dans un système politique autoritaire <strong>et</strong> socialiste d'un pays <strong>en</strong> voie de développem<strong>en</strong>t,<br />

comme la Syrie, <strong>les</strong> concepts de technocratie <strong>et</strong> de technocrates ont pris des connotations qui ne sont pas<br />

forcém<strong>en</strong>t cel<strong>les</strong> des pays industrialisés.<br />

Dans le contexte des pays occid<strong>en</strong>taux, le mot technocratie -technocracy- est "d'origine<br />

américaine : il fut forgé au l<strong>en</strong>demain de la première guerre mondiale par l'ingénieur <strong>et</strong> inv<strong>en</strong>teur<br />

californi<strong>en</strong> W. Smyth (cf. Industrial Managem<strong>en</strong>t, numéros de février à mai 1919). Le terme connut une<br />

certaine vogue vers 1933-1934, lorsqu'un anci<strong>en</strong> directeur d'études des IWW (Industrial Workers of the<br />

World, organisation ouvrière indép<strong>en</strong>dante de t<strong>en</strong>dance anarcho-syndicaliste à sa fondation <strong>en</strong> 1905), H.<br />

Scott prés<strong>en</strong>ta la technocratie à la fois comme un "mouvem<strong>en</strong>t" <strong>et</strong> une panacée contre la crise<br />

économique. C'est ainsi que le terme restera lié au nom de Scott <strong>et</strong> par lui à celui de Vebl<strong>en</strong>" 195 . Ce<br />

dernier voyait dans <strong>les</strong> ingénieurs (production <strong>en</strong>gineers) le groupe dominant des organisations<br />

industriel<strong>les</strong> <strong>et</strong> par conséqu<strong>en</strong>t la classe dirigeante des sociétés occid<strong>en</strong>ta<strong>les</strong>. Ici, l'ingénieur, par son<br />

savoir technique <strong>et</strong> sci<strong>en</strong>tifique, pr<strong>en</strong>d la place des "capitains of industry" ayant dominé par leur capital<br />

matériel, <strong>en</strong> opposant l'"industrie" aux "affaires" (business). C<strong>et</strong>te opposition vebl<strong>en</strong>i<strong>en</strong>ne capital/savoir<br />

est minimisée par <strong>les</strong> travaux de John K<strong>en</strong>n<strong>et</strong>h Galbraith <strong>et</strong> Daniel Bell. Le premier voit dans ce qu'il<br />

appelle la techno-structure l'association d'un savoir technique, d'une expéri<strong>en</strong>ce <strong>et</strong> d'autres tal<strong>en</strong>ts, alors<br />

que Bell constate la force de l'intellig<strong>en</strong>tsia technique, d'une part, dans son accroissem<strong>en</strong>t numérique<br />

(deux ou trois fois plus que la classe ouvrière), <strong>et</strong> d'autre part, par le savoir théorique nécessaire à la<br />

direction de la société moderne 196 .<br />

Burnham a prédit lui aussi l'avènem<strong>en</strong>t de la technocratie dans son livre "Managerial<br />

Revolution" 197 , mais <strong>en</strong> remplaçant le terme de "production <strong>en</strong>gineers" de Vebl<strong>en</strong> par <strong>les</strong> "executive". "Il<br />

n'est pas sans intérêt de signaler que lorsque le mot fut <strong>en</strong>tré, grâce à Scott, dans l'usage courant, son<br />

inv<strong>en</strong>teur Smyth le désavoua" 198<br />

En France, <strong>les</strong> technocrates 199 ont joué leur rôle à la suite de la Deuxième guerre mondiale<br />

dans la mise <strong>en</strong> oeuvre du "Plan". Ceci a suscité des réactions négatives de la part des sociologues,<br />

surtout parmi le courant marxiste : Georges Gurvitch organisa un colloque <strong>en</strong> 1949 pour p<strong>en</strong>ser le<br />

problème de la technocratie, c'est-à-dire la m<strong>en</strong>ace de la prise du pouvoir aussi bi<strong>en</strong> économique que<br />

politique par la classe techno-bureaucratique, <strong>et</strong> pour lui barrer ainsi la route dans sa marche asc<strong>en</strong>dante<br />

vers ce pouvoir 200 . Alain Touraine, quant à lui, se place sur un autre terrain <strong>en</strong> considérant le phénomène<br />

technocratique comme générateur de conflits sociaux : ces technocrates sont ceux qui "dist<strong>en</strong>d<strong>en</strong>t la<br />

195 - Daniel Bell, Vers la société post-industrielle, Paris, Robert Laffont, 1976, P. 348. (L'ouvrage a<br />

paru aux Etat-Unis à New York <strong>en</strong> 1973 sous le titre The coming of post-industrial soci<strong>et</strong>y)<br />

196 - Cf. John K<strong>en</strong>n<strong>et</strong>h Galbraith, Le nouvel Etat industriel- Essai sur le système économique<br />

américain, Gallimard, 1968, pp. 71-82. Et égalem<strong>en</strong>t Alvin W. Gouldner, The Future of intellectuals<br />

... op. cit., p. 95.<br />

197 - 1941. La traduction française (1946) a pour titre : "L'Ere des organisateurs".<br />

198 - Ibid.<br />

199 - G. Friedmann définit <strong>les</strong> technocrates, d'après l'étymologie : "ce sont <strong>les</strong> hommes qui gouvern<strong>en</strong>t<br />

par la technique, ou <strong>en</strong>core ceux qui croi<strong>en</strong>t au gouvernem<strong>en</strong>t par la technique".<br />

Cf. G. Friedmann, "Les technocrates <strong>et</strong> la civilisation technici<strong>en</strong>ne", in G. Gurvitch (sous dir.),<br />

Industrialisation <strong>et</strong> technocratie, Paris, Librairie Armand Colin, 1949, p. 43.<br />

200 - Georges Gurvitch, op. cit.

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