les ingenieurs en syrie modernisation, technobureaucratie et identite

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situation. Ce "capitalisme syndical", pour reprendre le terme de Bianchi, a renforcé la place du syndicat dans le système économique, qui oscille entre pur capitalisme de marché et capitalisme d'Etat. C'est un pas très important dans la recherche de l'autonomie par rapport à l'Etat. 1-4-B. Le syndicat en tant qu'institution de la société civile : Nous avons vu comment de ce point de vue, l'Etat syrien a mis fin à partir de 1980 aux efforts du syndicat des ingénieurs (de même que de ceux des avocats et des médecins) à jouer ce rôle par une mesure de dissolution. Au contraire, à la même époque en Egypte on assiste à l'évolution inverse. Alors que le syndicat a du mal à s'affirmer en tant qu'instance consultative de l'Etat, il s'est mis à jouer un rôle de plus en plus effectif en tant que l'une des institutions de la société civile. Or, ce mouvement de renaissance est très largement dominé par les courants se revendiquant de l'islam, et les ingénieurs ne font pas exception. Dans ce cas, le syndicat n'est pas épargné par les débats qui secouent la société égyptienne : les questions du terrorisme, du multipartisme, de la Bosnie, du processus de paix arabo-israëlien, etc. - Dans un colloque organisé par le syndicat sur "Le terrorisme, ses causes et ses solutions", celui-ci se sont démarqués de la manière dont l'Etat traite le terrorisme, la recherche des méthodes policières pour résoudre ce problème. La majorité des intervenants, venant de tous les horizons politique et intellectuels (dont une partie ne peut pas avoir de tribune dans les mass média comme les Frères musulmans), ont dénoncé la répression de l'Etat, l'état de siège en vigueur et le refus de la légalisation des partis islamiques modérés (les Frères musulmans), comme causes majeures du terrorisme. Ils ont préconisé, comme solution le dialogue entre l'Etat et les extrémistes (al-mutatarifin), à savoir les Communautés islamiques (Gamâ'at al-islamyya). - Dans la perspective de propager la vision particulière d'un "islam modéré", la direction du syndicat a édité un livre qui sert cet objectif intitulé "Introduction aux projets de résurrection de la civilisation" dont l'auteur est un docteur ingénieur en aéronautique 422 . Dans le même registre, le syndicat a co-organisé avec l'Institut de la pensée islamique à Washington un colloque sur "La problématique de l'objectivité", dans lequel l'appel à la rénovation (ijtihad) a été très marqué 423 . - Le syndicat a dénoncé, contrairement à la position prise par l'Etat égyptien, "le coup d'Etat algérien" qui a interrompu le processus électoral et a appelé au retour à la démocratie. - Si l'Etat égyptien a fait une utilisation politique de la question de la Bosnie, le syndicat la gère en tant que question religieuse, "le peuple musulman est massacré par les Serbes avec l'indifférence et la lâcheté de l'Occident, parce que ce peuple est musulman" 424 . Le syndicat a organisé une grande campagne d'information et de collection des fonds sur ce thème. Il a demandé au gouvernement de rompre les relations diplomatiques avec la Serbie. 422 - Sayyid Dassoki Hassan, Mukaddimat fi machari' al-ba'th al-hadari (Introduction aux projets de résurrection de la civilisation), Le Caire, Syndicat des ingénieurs, 1992. Le livre a été publié, en partie, comme articles dans différents numéros de la Revue des ingénieurs des années 1989-1990. 423 - Cf. le compte rendu de ce colloque, Muhammad Hijab, "ishkalyyat al-tahayuz, ruya ma'rifiyya wa da'wa lil-ijtihad", Revue des ingénieurs, nø 433, mars 1992. 424 - Cf. la brochure diffusée par le syndicat comme supplément de la revue des ingénieurs, janvier 1992.

- A propos de la deuxième guerre du Golfe, le syndicat 425 , dans un communiqué du 20 janvier 1991, après avoir dénoncé l'occupation irakienne du Koweit a demandé aux Etats occidentaux de ne pas intervenir dans le conflit. Dans un autre communiqué (le 3/2/1991), il a critiqué "la guerre destructive contre le peuple irakien" et imputé ce qui s'est passé à "l'absence de liberté et de démocratie dans les pays arabes et musulmans". - Le syndicat a dénoncé la loi martiale et a demandé à plusieurs reprises la liberté pour les ingénieurs prisonniers politiques. - Concernant le processus de paix avec Israël 1992-1994, le syndicat a pris également ses distances avec les choix de l'Etat en refusant, dans un communiqué, ce processus parce que "la paix proposée n'est pas basée sur la justice". Et pour dynamiser le débat, il a organisé deux colloques concernant "Le conflit sur les eaux et la nature de la prochaine guerre" et "Les eaux arabes, vision et devenir pour les négociateurs arabes". Ces deux colloques avaient pour but d'attirer l'attention sur "le vol des eaux arabes par Israël et la légèreté avec laquelle les Arabes voient le problème des eaux" déclare Saleh Abdel Karim, un membre du conseil de la direction du syndicat. - Le syndicat a rappelé son opposition à la "normalisation (al-tatbi') des relations avec Israël" et dénoncé "l'exportation de briques de construction (toub al-tafili) vers Israël" et menaçant de sanctions les ingénieurs qui participent à ces opérations. 426 En regardant l'ensemble de ces prises de position par rapport au processus de développement et à la démocratie, nous constatons que le syndicat constitue une force contestataire s'inspirant des discours islamistes modérés en Egypte. Cependant, son opposition à l'Etat n'est pas systématique : le syndicat évite toute radicalisation de ses positions, et se montre assez conciliant du moins officiellement. Il suffit de savoir que le Président du syndicat, H. al-Kafrawi, ministre de l'Habitat et la Construction et membre du P.N.D., a été élu grâce à au soutien des islamistes. Ces derniers ont favorisé ce candidat, ce qui leur a permis de s'assurer de bonnes relations avec le gouvernement, au détriment d'un candidat de l'opposition (pro-Wafd). Ce comportement pragmatique ou "instrumental" révèle un rapport que nous avons qualifié d' "esthétique" à l'idéologie islamiste égyptienne, comme nous y reviendrons plus loin. Il est vrai que le Président du syndicat (naqib) n'influence guère les décisions prises par son organisation. Celles-ci sont le fait du conseil syndical actuellement dominé par une majorité islamiste. Il en résulte que l'Etat a vu d'un mauvais oeil l'activité du syndicat des ingénieurs comme de plusieurs autres syndicats. Le 17 février 1993, brusquement et sans consulter les syndicats, le parlement a adopté une loi dite "de garantie de l'application des libertés démocratiques". Cette loi prétend encourager les membres des syndicats à aller voter, d'une part, en délocalisant et diversifiant les lieux de vote (certains étant mis en place jusque sur les lieux de travail) et, d'autre part, en doublant la cotisation en cas de non participation au vote. En outre, selon la loi, le quorum de participation au vote pour le conseil de la direction du syndicat doit dépasser 50% des membres ayant le droit de vote, ou 30% au deuxième tour (la semaine suivante). Au cas où le quorum ne serait pas atteint, le résultat de l'élection serait annulé, et le syndicat placé sous contrôle judiciaire, c'est-à-dire que l'on constituerait un conseil provisoire composé de quatre juges et des quatre syndicalistes les plus âgés, avant de procéder à un nouveau vote, dans un délai de trois mois. 425 - Pour une mise en parallèle entre la position prise par le syndicat des ingénieurs et celle des autres syndicats par rapport à la guerre de Golfe, voir Mustafa 'Uloui (sous la dir.), Harb al-khalij wal siyasa al massriyya (La guerre de Golfe et la politique égyptienne), Le Caire, Centre des recherches et des études politiques- université du Caire faculté d'économie et des sciences politiques, 1992. 426 - Le syndicat a gelé en 1987 l'adhésion d'un de ses membres, ingénieur, pour exportation de briques vers Israël.

situation. Ce "capitalisme syndical", pour repr<strong>en</strong>dre le terme de Bianchi, a r<strong>en</strong>forcé la<br />

place du syndicat dans le système économique, qui oscille <strong>en</strong>tre pur capitalisme de<br />

marché <strong>et</strong> capitalisme d'Etat. C'est un pas très important dans la recherche de l'autonomie<br />

par rapport à l'Etat.<br />

1-4-B. Le syndicat <strong>en</strong> tant qu'institution de la société civile :<br />

Nous avons vu comm<strong>en</strong>t de ce point de vue, l'Etat syri<strong>en</strong> a mis fin à partir de 1980<br />

aux efforts du syndicat des ingénieurs (de même que de ceux des avocats <strong>et</strong> des médecins) à<br />

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de la société civile. Or, ce mouvem<strong>en</strong>t de r<strong>en</strong>aissance est très largem<strong>en</strong>t dominé par <strong>les</strong><br />

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- Dans un colloque organisé par le syndicat sur "Le terrorisme, ses causes <strong>et</strong><br />

ses solutions", celui-ci se sont démarqués de la manière dont l'Etat traite le terrorisme, la<br />

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Dans le même registre, le syndicat a co-organisé avec l'Institut de la p<strong>en</strong>sée islamique à<br />

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démocratie.<br />

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Serbes avec l'indiffér<strong>en</strong>ce <strong>et</strong> la lâch<strong>et</strong>é de l'Occid<strong>en</strong>t, parce que ce peuple est<br />

musulman" 424 . Le syndicat a organisé une grande campagne d'information <strong>et</strong> de collection<br />

des fonds sur ce thème. Il a demandé au gouvernem<strong>en</strong>t de rompre <strong>les</strong> relations<br />

diplomatiques avec la Serbie.<br />

422 - Sayyid Dassoki Hassan, Mukaddimat fi machari' al-ba'th al-hadari (Introduction aux proj<strong>et</strong>s<br />

de résurrection de la civilisation), Le Caire, Syndicat des ingénieurs, 1992. Le livre a été publié, <strong>en</strong><br />

partie, comme artic<strong>les</strong> dans différ<strong>en</strong>ts numéros de la Revue des ingénieurs des années 1989-1990.<br />

423 - Cf. le compte r<strong>en</strong>du de ce colloque, Muhammad Hijab, "ishkalyyat al-tahayuz, ruya ma'rifiyya<br />

wa da'wa lil-ijtihad", Revue des ingénieurs, nø 433, mars 1992.<br />

424 - Cf. la brochure diffusée par le syndicat comme supplém<strong>en</strong>t de la revue des ingénieurs, janvier<br />

1992.

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