les ingenieurs en syrie modernisation, technobureaucratie et identite

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dominé le conseil de direction, car ils avaient acquis la confiance de Nasser. L'allégeance constituait, en effet, le principal critère de sélection de l'élite politique par Nasser). Jusqu'en 1956, le syndicat est constitué d'un nombre relativement faible d'ingénieurs (11.998) souvent issus de familles urbaines riches. A partir de cette date, le pouvoir militaire a entrepris un contrôle progressif du syndicat des ingénieurs, en contraignant les candidats aux élections du conseil de direction à être membres de "l'Union socialiste" 397 . Ceci explique l'allégeance de ce même conseil envers la politique économique socialiste de Nasser ainsi qu' envers sa politique extérieure. Les lettres envoyées par la direction au pouvoir politique témoignent de cette allégeance 398 . Des ingénieurs interrogés ont justifié le profil bas pour éviter, d'après eux, le pire, soit la dissolution d'un syndicat considéré comme "issu d'une organisation capitaliste" ou bien son absorption pure et simple dans l'Union générale des travailleurs. Dans cette période, le syndicat a joué un rôle dans la prise de décisions en matière de la politique de développement, mais pas en tant qu'expression de la société civile du fait que les membres de son conseil ont souvent fait partie du pouvoir politique. Il y avait ainsi très peu des critiques émises par rapport aux projets de développement élaborés par l'Etat. I-3. 1974-1981 : Si la confiance en son pouvoir a constitué le principal critère de sélection de l'élite technique de Nasser, l'expérience professionnelle de celle-ci est secondaire. Le Président Sadate, au contraire, a favorisé le dernier critère par apport au premier. Ceci a certes impliqué un changement, mais limité. Quant au syndicat, il est resté l'ombre de l'Etat. Le mouvement de Rectification de Sadate, qui a débarrassé celui-ci de ses ennemis en prétendant mettre fin aux "Centres des forces du pouvoir", a dissous le syndicat en 1975 pour imposer une direction proche de lui. Le soutien offert par le syndicat aux politiques du développement a été la caractéristique principale de cette période, même après 1974, date à laquelle on passait de l'idéologie officielle du socialisme à un autre type appelé par Sadate "socialisme démocratique" puis ultérieurement "Infitah" (ouverture). Il faut noter que le syndicat des ingénieurs a été le premier syndicat à soutenir cette politique contrairement aux autres grands syndicats qui sont restés sceptiques, surtout celui des avocats dénonçant le projet qualifié de "Mont des Pyramides" et considéré comme le symbole de l'infitah capitaliste 399 Cependant, la politique d'ouverture a été accompagnée par une certaine démocratisation (multipartisme contrôlé et restreint). On a abrogé le règlement selon lequel le candidat pour l'élection du conseil du syndicat devait appartenir au Parti unique (Union socialiste). Du côté des syndicats, des critiques des projets du développement ont commencé à apparaître par la voie de la Revue des ingénieurs. L'exemple du projet du pipeline pétrolier de Suez à la Méditerranée (SUMED) peut être cité en exemple. Le conseil du syndicat a envoyé une lettre au parlement expliquant le danger politique de ce projet 400 . L'Etat, mécontent de ces critiques, n'a pas hésité à empêcher la parution de 397 - "C'était très naturel d'être membre de l'Union socialiste, (...) tout passait par elle, sans elle je ne pourrais rien réaliser" déclarait Mohammed al-Sayyid al-Gharouri, membre du conseil de direction du syndicat. Cf. Ali Abdel-Aziz Suleiman, Rwad al-sina'a (Les pionniers de l'industrie), éd. 'alam al-kutub, Le Caire, 1991, p. 103. 398 - Revue des ingénieurs, janvier 1960. 399 - Pour plus de détails sur ce projet, cf. Ahmad Fares Abdel mu'in, op. cit., P 463. 400 - Ce qui est intéressant, c'est que ces critiques adressées relèvent de l'ordre politique et non pas technique. Elles sont les suivantes : cette ligne de pipeline 1) pourrait été au profit des U.S.A. qui soutiennent Israël ; 2) aurait favorisé la position commerciale de l'Iran au détriment de la Libye et l'Algérie ; 3) aurait pu être une cible facile à détruire par Israël ;

certains numéros de la revue 401 . Une suspicion mutuelle s'est installée entre l'élite au pouvoir et le syndicat et s'est canalisée dans de constants combats de position et dans de fréquentes négociations à propos des activités du syndicat, mais sans provoquer une rupture. 402 La question de la démocratie n'a pas été la préoccupation du syndicat des ingénieurs contrairement à ceux des avocats et des journalistes. Nous pouvons seulement noter une exception : à l'occasion du soulèvement des étudiants, le 11 février 1972 le syndicat a pris position en faveur des étudiants arrêtés, comme en témoigne ce communiqué : "Les ingénieurs dans leur Assemblée générale, soutiennent le mouvement national des étudiants, leaders et base, et demandent que l'Etat libère immédiatement les étudiants prisonniers sans exception" ; de plus, il a profité de l'occasion pour revendiquer une plus grande liberté de la presse. Concernant la politique extérieure, le syndicat des ingénieurs a été le premier à soutenir Sadate lors de l'annulation du traité d'amitié et de coopération avec l'Union Soviétique (15/4/1976) ; plus encore, lors de la visite de Sadate à Jérusalem le 13/12/1977 le Président du syndicat, Mostafa Khalil, a tenu personnellement à l'accompagner 403 . Force est de constater alors que le syndicat n'a point joué rôle dans la préparation des projets de développement. Il s'est cannoté dans la critique ou d l'appui a posteriori de ceux-ci. En 1979, l'élection d'Othman Ahmad Othman à la présidence du syndicat marque alors l'apogée de l'alliance entre le pouvoir politique et le syndicat. Car le Président Othman est un homme plus qu'influent : il est à la fois ministre de la Construction, beau père de la fille de Sadate, P.D.G. de la plus grande Société publique de construction, "Les entrepreneurs arabes, Othman Ahmad Othman et ses associés", homme d'affaires, et également membre du Parti du pouvoir. Sadate a récompensé cette alliance par un décret du 27/8/1979 selon lequel tous les présidents des syndicats professionnels seront conseillers de compétence du président de la République. Le syndicat est consulté ainsi dans certains projets du développement. A partir de ce moment, on va assister à des débats de fond au sein de la Revue des ingénieurs. La participation au développement s'est effectuée par des voies autres que les projets de l'Etat ; le syndicat des ingénieurs, puissant par ses ressources 404 , a décidé d'investir ses capitaux dans des projets industriels ou financiers. Il crée la Banque de l'ingénieur, l'Assurance de l'ingénieur, et onze autres sociétés principalement agroalimentaires. Cependant, ces sociétés ont subi des pertes considérables suite, d'une part, à la rapidité de leur création négligeant les études de marché et de faisabilité économique et, 4) aurait pu concurrencer le Canal du Suez. 401 - Salah Amer, op. cit.. 402 - Robert Bianchi, Unruly Corporatism. Association life in XX century, Oxford University Press, 1989, p. 91. 403 - Othman Ahmad Othman, Mon expérience (tajrubati), Le Caire, Le bureau égyptien moderne (al maktab ai-arabi al-hadith), 1979. 404 - L'essentiel de ces ressources provient d'un prélèvement sous la forme d'un timbre fiscal obligatoire lors de toute opération de construction ou lors de l'achat du ciment ou de barres de fer.

dominé le conseil de direction, car ils avai<strong>en</strong>t acquis la confiance de Nasser. L'allégeance<br />

constituait, <strong>en</strong> eff<strong>et</strong>, le principal critère de sélection de l'élite politique par Nasser).<br />

Jusqu'<strong>en</strong> 1956, le syndicat est constitué d'un nombre relativem<strong>en</strong>t faible<br />

d'ingénieurs (11.998) souv<strong>en</strong>t issus de famil<strong>les</strong> urbaines riches. A partir de c<strong>et</strong>te date, le<br />

pouvoir militaire a <strong>en</strong>trepris un contrôle progressif du syndicat des ingénieurs, <strong>en</strong><br />

contraignant <strong>les</strong> candidats aux élections du conseil de direction à être membres de "l'Union<br />

socialiste" 397 . Ceci explique l'allégeance de ce même conseil <strong>en</strong>vers la politique<br />

économique socialiste de Nasser ainsi qu' <strong>en</strong>vers sa politique extérieure. Les l<strong>et</strong>tres<br />

<strong>en</strong>voyées par la direction au pouvoir politique témoign<strong>en</strong>t de c<strong>et</strong>te allégeance 398 . Des<br />

ingénieurs interrogés ont justifié le profil bas pour éviter, d'après eux, le pire, soit la<br />

dissolution d'un syndicat considéré comme "issu d'une organisation capitaliste" ou bi<strong>en</strong><br />

son absorption pure <strong>et</strong> simple dans l'Union générale des travailleurs.<br />

Dans c<strong>et</strong>te période, le syndicat a joué un rôle dans la prise de décisions <strong>en</strong><br />

matière de la politique de développem<strong>en</strong>t, mais pas <strong>en</strong> tant qu'expression de la société<br />

civile du fait que <strong>les</strong> membres de son conseil ont souv<strong>en</strong>t fait partie du pouvoir politique.<br />

Il y avait ainsi très peu des critiques émises par rapport aux proj<strong>et</strong>s de développem<strong>en</strong>t<br />

élaborés par l'Etat.<br />

I-3. 1974-1981 :<br />

Si la confiance <strong>en</strong> son pouvoir a constitué le principal critère de sélection de<br />

l'élite technique de Nasser, l'expéri<strong>en</strong>ce professionnelle de celle-ci est secondaire. Le<br />

Présid<strong>en</strong>t Sadate, au contraire, a favorisé le dernier critère par apport au premier. Ceci a<br />

certes impliqué un changem<strong>en</strong>t, mais limité. Quant au syndicat, il est resté l'ombre de<br />

l'Etat. Le mouvem<strong>en</strong>t de Rectification de Sadate, qui a débarrassé celui-ci de ses <strong>en</strong>nemis<br />

<strong>en</strong> prét<strong>en</strong>dant m<strong>et</strong>tre fin aux "C<strong>en</strong>tres des forces du pouvoir", a dissous le syndicat <strong>en</strong> 1975<br />

pour imposer une direction proche de lui. Le souti<strong>en</strong> offert par le syndicat aux politiques<br />

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date à laquelle on passait de l'idéologie officielle du socialisme à un autre type appelé par<br />

Sadate "socialisme démocratique" puis ultérieurem<strong>en</strong>t "Infitah" (ouverture). Il faut noter<br />

que le syndicat des ingénieurs a été le premier syndicat à sout<strong>en</strong>ir c<strong>et</strong>te politique<br />

contrairem<strong>en</strong>t aux autres grands syndicats qui sont restés sceptiques, surtout celui des<br />

avocats dénonçant le proj<strong>et</strong> qualifié de "Mont des Pyramides" <strong>et</strong> considéré comme le<br />

symbole de l'infitah capitaliste 399<br />

Cep<strong>en</strong>dant, la politique d'ouverture a été accompagnée par une certaine<br />

démocratisation (multipartisme contrôlé <strong>et</strong> restreint). On a abrogé le règlem<strong>en</strong>t selon<br />

lequel le candidat pour l'élection du conseil du syndicat devait appart<strong>en</strong>ir au Parti unique<br />

(Union socialiste). Du côté des syndicats, des critiques des proj<strong>et</strong>s du développem<strong>en</strong>t ont<br />

comm<strong>en</strong>cé à apparaître par la voie de la Revue des ingénieurs. L'exemple du proj<strong>et</strong> du<br />

pipeline pétrolier de Suez à la Méditerranée (SUMED) peut être cité <strong>en</strong> exemple. Le<br />

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proj<strong>et</strong> 400 . L'Etat, mécont<strong>en</strong>t de ces critiques, n'a pas hésité à empêcher la parution de<br />

397 - "C'était très naturel d'être membre de l'Union socialiste, (...) tout passait par elle, sans elle je ne<br />

pourrais ri<strong>en</strong> réaliser" déclarait Mohammed al-Sayyid al-Gharouri, membre du conseil de direction<br />

du syndicat. Cf. Ali Abdel-Aziz Suleiman, Rwad al-sina'a (Les pionniers de l'industrie), éd. 'alam<br />

al-kutub, Le Caire, 1991, p. 103.<br />

398 - Revue des ingénieurs, janvier 1960.<br />

399 - Pour plus de détails sur ce proj<strong>et</strong>, cf. Ahmad Fares Abdel mu'in, op. cit., P 463.<br />

400 - Ce qui est intéressant, c'est que ces critiques adressées relèv<strong>en</strong>t de l'ordre politique <strong>et</strong> non pas<br />

technique. El<strong>les</strong> sont <strong>les</strong> suivantes : c<strong>et</strong>te ligne de pipeline<br />

1) pourrait été au profit des U.S.A. qui souti<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t Israël ;<br />

2) aurait favorisé la position commerciale de l'Iran au détrim<strong>en</strong>t de la Libye <strong>et</strong> l'Algérie ;<br />

3) aurait pu être une cible facile à détruire par Israël ;

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