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les ingenieurs en syrie modernisation, technobureaucratie et identite

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quatrième groupe. Afin de montrer le changem<strong>en</strong>t important reflétant des t<strong>en</strong>sions socia<strong>les</strong> non<br />

résolues dans l'attitude du public vis-à-vis des oulémas <strong>et</strong> de l'intellig<strong>en</strong>tsia, <strong>et</strong> de repérer le début<br />

d'une recomposition du champ religieux, nous opposerons l'ingénieur Chahrour, au Cheikh el-<br />

Bouti. C'est grâce au dynamisme du champ religieux que le public syri<strong>en</strong> a mieux reçu l'apport de<br />

Chahrour, comme nous essayons de le montrer plus loin (III-3-2-C). Mais auparavant il nous faut<br />

analyser la trajectoire d'el-Bouti avec att<strong>en</strong>tion.<br />

Figure de el-Bouti:<br />

Le cheikh M.S.R. el-Bouti est une figure islamiste très connue à la fois <strong>en</strong> Syrie <strong>et</strong> dans <strong>les</strong><br />

autres pays arabes. Il constitue une autorité intellectuelle importante. Né <strong>en</strong> 1929, fils d'un mulla<br />

(autorité religieuse) kurde, ayant hérité de son père un capital symbolique, docteur <strong>en</strong> charia<br />

("sci<strong>en</strong>ces religieuses") de l'Université de l'Azhar au Caire, professeur à la faculté de charia de<br />

l'université de Damas, auteur de plusieurs livres sur l'islam traitant par des argum<strong>en</strong>ts aussi<br />

sci<strong>en</strong>tifiques que religieux des suj<strong>et</strong>s très différ<strong>en</strong>ts : fikh, doctrine, réfutation du matérialisme,<br />

islam <strong>et</strong> contraception, civilisation islamique, sirat (la vie du Prophète), éducation islamique, <strong>et</strong>c..<br />

Il communique avec le public à travers ses prédications du v<strong>en</strong>dredi dans une mosquée de<br />

Rokn el-Din (quartier populaire de Damas habité surtout par <strong>les</strong> Kurdes) <strong>et</strong> ses cours du lundi <strong>et</strong> du<br />

jeudi soir (<strong>en</strong>viron une heure <strong>et</strong> demie) dans l'une des grandes mosquées de Damas, la mosquée de<br />

"Sanjakdar" ; il donne le lundi un cours de doctrine <strong>et</strong> le jeudi un cours sur le sirat (la vie du<br />

Prophète Mohammed), suivi par des questions qui ne relèv<strong>en</strong>t pas uniquem<strong>en</strong>t du suj<strong>et</strong> traité. Ces<br />

cours sont suivis par des c<strong>en</strong>taines de fidè<strong>les</strong> v<strong>en</strong>us de Damas <strong>et</strong> de ses <strong>en</strong>virons ruraux,<br />

appart<strong>en</strong>ant à toutes <strong>les</strong> catégories socia<strong>les</strong>, surtout des étudiants des facultés sci<strong>en</strong>tifiques <strong>et</strong> des<br />

lycé<strong>en</strong>s.<br />

Grâce à son intellig<strong>en</strong>ce, il a pu survivre p<strong>en</strong>dant la crise politique de 1979-82 où il a<br />

réussi à rester à l'abri du conflit <strong>en</strong>tre le pouvoir <strong>et</strong> <strong>les</strong> Frères musulmans malgré <strong>les</strong> pressions<br />

exercées sur lui des deux côtés ; interrogé, à c<strong>et</strong>te époque par la télévision où il dénonce la<br />

viol<strong>en</strong>ce commise par, selon lui, "des groupes prét<strong>en</strong>dum<strong>en</strong>t religieux", il conseille à l'Etat de bi<strong>en</strong><br />

<strong>les</strong> id<strong>en</strong>tifier <strong>et</strong> ne pas exercer une répression touchant tous <strong>les</strong> croyants. Il continue ses cours à la<br />

mosquée de "Sanjakdar" comme s'il ne se passait ri<strong>en</strong> <strong>en</strong> dehors de ses murs ; lorsqu'on lui pose des<br />

questions, il y répond de façon très subtile <strong>et</strong> générale pour éviter de se mêler à l'actualité politique<br />

<strong>et</strong> sociale.<br />

Autour de lui s'est ainsi constitué, dans <strong>les</strong> années 70 <strong>et</strong> 80, un "groupe" islamiste strict<br />

très fier de son maître le cheikh, professeur <strong>et</strong> prédicateur. Ce groupe dépasse plusieurs c<strong>en</strong>taines<br />

d'assistants sans compter un public plus large constitué par ceux qui écout<strong>en</strong>t ses cours grâce aux<br />

cass<strong>et</strong>tes diffusées <strong>et</strong> v<strong>en</strong>dues partout <strong>et</strong> par ceux qui lis<strong>en</strong>t ses livres édités à grands tirages.<br />

En 1989, lors d'une émission à la télévision sur la sci<strong>en</strong>ce <strong>et</strong> l'islam, interrogé par un<br />

prés<strong>en</strong>tateur sur la place de la sci<strong>en</strong>ce dans l'islam, el-Bouti a répondu : "je comm<strong>en</strong>ce <strong>en</strong> disant<br />

que monsieur le Présid<strong>en</strong>t Hafez el-Assad est le grand parrain de la sci<strong>en</strong>ce, des sci<strong>en</strong>tifiques <strong>et</strong> de<br />

l'islam, c'est grâce à lui que l'islam demeure dans ce pays, bi<strong>en</strong> protégé. ......Je jure ..que sans lui il<br />

n'y a pas de sci<strong>en</strong>ce...". A l'étonnem<strong>en</strong>t du public, il flatte donc avec insistance le pouvoir politique<br />

alors même qu'il n'y est pas forcé.<br />

Afin de compr<strong>en</strong>dre pourquoi ce tournant s'est opéré, on doit souligner qu'el-Bouti,<br />

d'origine kurde, éprouve comme toutes <strong>les</strong> minorités <strong>en</strong> Syrie le besoin de se protéger auprès des<br />

groupes politiques <strong>et</strong> notamm<strong>en</strong>t de l'Etat, contrairem<strong>en</strong>t aux autres oulémas originaires de<br />

Damas 363 , qui regroup<strong>en</strong>t autour d'eux de "vrais" Damascènes <strong>et</strong> qui n'ont jamais été compromis<br />

363 - Nous faisons allusion aux cheikhs Mostafa Bougha, Abedl Karim Rifaï, Saleh Farfour.

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