les ingenieurs en syrie modernisation, technobureaucratie et identite

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III-3-2-A. Malek BENNABI : Ce penseur algérien (mort en 1973) a reçue une formation d'ingénieur électricien 351 . Il est très connu en Syrie grâce, d'une part, à ses livres diffusés largement et, d'autre part, à la vulgarisation de sa pensée par certains regroupements islamistes, ce qui justifie son évocation dans ce chapitre. Considéré comme islamiste réformiste, il abordait avec rigueur, réalisme et autocritique les problèmes culturels, religieux et sociaux concernant le monde dit musulman. Dans les années cinquante et soixante, marqué par l'historien Arnold Toynbee, les orientalistes comme H. Gibb ainsi que Mahatma Gandhi, il s'affirmait comme penseur original digne d'attention en travaillant surtout trois thèmes : la renaissance, la civilisation et la "colonisabilité". Pour lui, le projet de renaissance 352 devrait réunir trois composants : Homme, temps et terre ("terre" pour ne pas dire "matière", mot utilisé, selon lui, par le vocabulaire marxiste), une religion (n'importe laquelle) serait nécessaire pour catalyser ces composants. Concernant le phénomène de la civilisation, il examinait les conditions de l'essor et le déclin d'une civilisation soulignant, comme une exception, l'aspect "éternel" de la civilisation occidentale et critiquant l'idée répandue selon laquelle on distingue entre deux concepts : celui de 351 - Malek Bennabi, est né en 1905 à Constantine dans une famille rurale attachée aux traditions musulmanes. Il a fait ses études à l'école coranique, à la médersa en Algérie et à l'Ecole Centrale à Paris, avant l'indépendance de l'Algérie. Il s'opposa au Mouvement des oulémas et à sa stratégie, le considérant trop politisé. Il a été nommé ministre de l'Enseignement supérieur à l'époque du président Benbella. Il reste peu connu en Algérie (nous avons seulement trouvé en 1983 deux titres sur le marché algérien) jusqu'au milieu des années quatre-vingts où le Parti politique de "La Réforme" le considère comme son père spirituel, tandis qu'il est très influent ailleurs et tout particulièrement en Syrie et au Liban. Il a visité la Syrie plusieurs fois et donné des conférences attirant ainsi une foule considérable. Collaborateur de La République algérienne (1950) et de "Jeune musulman" (1952-1953). Il a écrit également dans "Révolution africaine" (1954-1962), il a publié une trentaine de livres dont les titres sont révélateurs de la nature des sujets traités. Parmi ces livres en français (la plupart a été traduite en arabe) : Le Phénomène coranique. Essai d'une théorie sur le Coran, Alger, En-Nadha, 1947, 179 p. Préface de cheikh Draz. Discours sur la condition de la renaissance algérienne. Le Problème d'une civilisation, Alger, En- Nadha, 1949, 101 p. Préface de Khaldi. Vocation de l'Islam, Paris, Le Seuil, 1954, 167 p. L'Afro-Asiatisme, Le Caire, Imp. Misr, coll. "Etudes sélectionnées",1956, 346 p. Perspectives algériennes (de la civilisation, de la culture, de l'idéologie), Alger, En-Nahdha, sd (1965), 80 p. Préface de Khaldi. Mémoires d'un témoin du siècle, Alger, Ed. nationales, sd (1965), 239p. Islam et démocratie, Alger, "Révolution africaine", sd (1967), 36 p. L'Oeuvre des Orientalistes, son influence sur la pensée islamique moderne, Alger, 1970. Plusieurs ouvrages sont présentés comme ayant été écrits directement en arabe par l'auteur et publiés, d'une part, au Caire : Le Problème de la culture (1957), SOS Algérie (1957, également en français), La lutte idéologique en pays colonisés (1957), Idée d'un commonwelth islamique (1958, également en français), Réflexions (1960), Le problème des idées dans le monde musulman (1960), Naissance d'une société (1960), Dans le souffle de la bataille (1961) ; d'autre part, à Beyrouth, La nouvelle édification sociale (1958), Le rôle du musulman dans le dernier quart du XXe siècle (1973). Cf. Dictionnaire des auteurs maghrébins de langue française, Karthala, 1984, Paris. 352 - Cf. Malek Bennabi, churut al-nahda, (Conditions de la renaissance), Damas, Dar al-Fikr, 1ere éd. 1947. 5ème éd. 1985.

"civilisation", liée seulement à l'histoire islamique où la finalité est l'Homme, et celui de "progrès matériel" occidental qui caractérise l'histoire de l'Occident 353 . "Colonisabilité" est un concept Bennabien très controversé chez les intellectuels arabes. Il s'agit d'un auto-critique de la situation pré-coloniale de sous- développement culturel qui, selon lui, a favorisé, entre autres, le colonialisme. Ses apports : une vision "matérialiste" de l'histoire, une certaine vision universelle de la modernité ainsi que la désignation de Mahatma Gandhi comme une figure emblématique à suivre pour les musulmans sont constamment repris et analysés dans les cercles d'intellectuels islamiques. En particulier, Bennabi marque certaines tendances islamistes des générations syriennes. Il importe peu ici de savoir jusqu'à quel point les idées de Malek Bennabi sont inspirées, d'une part, par l'ingénierie : discipline-mère où son esprit a fait son apprentissage, et d'autre part, par son expérience professionnelle. Néanmoins, ce qui nous intéresse ici, c'est la perception qu'ont les lecteurs de sa pensée. Cette perception devrait expliquer l'ampleur de l'efficacité symbolique des ingénieurs 354 , qui facilite leur influence sur le public. La plupart des personnes interrogées signalent le modernisme dans la pensée de Bennabi par rapport aux oulémas traditionnels. Modernisme qui s'inspire selon elles de son contact avec l'Occident et de sa formation : " Je dois beaucoup à Malek Bennabi. (...) Avant de lire certains de ses livres, j'étais dans la sphère des penseurs des Frères musulmans comme Sayed qutb, Mohammed qutb, Saïd Hawa. Ces derniers ont sensibilisé mes sentiments plutôt que ma tête. (...) J'ai appris de lui à ne pas citer les versets de Coran comme preuve mais comme support qui confirme la démarche scientifique..." 355 . "L'Histoire a donné raison à Malek Bennabi dans tout ce qu'il avait écrit : il a critiqué la sécession du Pakistan de l'Inde au nom de l'islam, le résultat a été désastreux : un espace géographique stratégique, qui aurait pu être une force aussi importante que l'Europe, a été scindé en plusieurs morceaux : Inde, Pakistan, Bangladesh et Kashmir. Il a préparé intellectuellement la rencontre des Non-alignés (afro-asiatiques) de Bandung, au-delà de différentes religions. Si ce dispositif était puissant, nous aurions été beaucoup mieux politiquement. (..) Je pense que par sa formation scientifique, il a pu saisir le présent avec un regard sur le futur...." 356 . "Le modernisme dans la pensée de Malek Bennabi est dû au fait qu'il est ingénieur ayant résidé en France. Il a compris la modernité dans ses deux volets, matériel et intellectuel ..." 357 . Si la formation d'ingénieur de Bennabi constitue un atout, ceci ne fait pas, toutefois, l'unanimité de nos interlocuteurs : 353 - Sur cette distinction, voir, par exemple, Mohammed Saïd Ramadan al-Bouti, al-hadara alislamiyya bayna al-islam wa al-gharb, (La civilisation humaine entre l'islam et l'Occident), Damas, Ed. Dar al-fikr, 1989. 354 - voir I-3-2. 355 - Entretien avec K. A., ingénieur civil islamiste. 356 - Entretien avec S. D., médecin. 357 - Entretien avec S. B., femme ingénieur.

III-3-2-A. Malek BENNABI :<br />

Ce p<strong>en</strong>seur algéri<strong>en</strong> (mort <strong>en</strong> 1973) a reçue une formation d'ingénieur électrici<strong>en</strong> 351 . Il est<br />

très connu <strong>en</strong> Syrie grâce, d'une part, à ses livres diffusés largem<strong>en</strong>t <strong>et</strong>, d'autre part, à la<br />

vulgarisation de sa p<strong>en</strong>sée par certains regroupem<strong>en</strong>ts islamistes, ce qui justifie son évocation dans<br />

ce chapitre. Considéré comme islamiste réformiste, il abordait avec rigueur, réalisme <strong>et</strong> autocritique<br />

<strong>les</strong> problèmes culturels, religieux <strong>et</strong> sociaux concernant le monde dit musulman. Dans <strong>les</strong><br />

années cinquante <strong>et</strong> soixante, marqué par l'histori<strong>en</strong> Arnold Toynbee, <strong>les</strong> ori<strong>en</strong>talistes comme H.<br />

Gibb ainsi que Mahatma Gandhi, il s'affirmait comme p<strong>en</strong>seur original digne d'att<strong>en</strong>tion <strong>en</strong><br />

travaillant surtout trois thèmes : la r<strong>en</strong>aissance, la civilisation <strong>et</strong> la "colonisabilité".<br />

Pour lui, le proj<strong>et</strong> de r<strong>en</strong>aissance 352 devrait réunir trois composants : Homme, temps <strong>et</strong><br />

terre ("terre" pour ne pas dire "matière", mot utilisé, selon lui, par le vocabulaire marxiste), une<br />

religion (n'importe laquelle) serait nécessaire pour catalyser ces composants.<br />

Concernant le phénomène de la civilisation, il examinait <strong>les</strong> conditions de l'essor <strong>et</strong> le<br />

déclin d'une civilisation soulignant, comme une exception, l'aspect "éternel" de la civilisation<br />

occid<strong>en</strong>tale <strong>et</strong> critiquant l'idée répandue selon laquelle on distingue <strong>en</strong>tre deux concepts : celui de<br />

351 - Malek B<strong>en</strong>nabi, est né <strong>en</strong> 1905 à Constantine dans une famille rurale attachée aux traditions<br />

musulmanes. Il a fait ses études à l'école coranique, à la médersa <strong>en</strong> Algérie <strong>et</strong> à l'Ecole C<strong>en</strong>trale à<br />

Paris, avant l'indép<strong>en</strong>dance de l'Algérie.<br />

Il s'opposa au Mouvem<strong>en</strong>t des oulémas <strong>et</strong> à sa stratégie, le considérant trop politisé. Il a été nommé<br />

ministre de l'Enseignem<strong>en</strong>t supérieur à l'époque du présid<strong>en</strong>t B<strong>en</strong>bella. Il reste peu connu <strong>en</strong><br />

Algérie (nous avons seulem<strong>en</strong>t trouvé <strong>en</strong> 1983 deux titres sur le marché algéri<strong>en</strong>) jusqu'au milieu<br />

des années quatre-vingts où le Parti politique de "La Réforme" le considère comme son père<br />

spirituel, tandis qu'il est très influ<strong>en</strong>t ailleurs <strong>et</strong> tout particulièrem<strong>en</strong>t <strong>en</strong> Syrie <strong>et</strong> au Liban. Il a visité<br />

la Syrie plusieurs fois <strong>et</strong> donné des confér<strong>en</strong>ces attirant ainsi une foule considérable.<br />

Collaborateur de La République algéri<strong>en</strong>ne (1950) <strong>et</strong> de "Jeune musulman" (1952-1953). Il a écrit<br />

égalem<strong>en</strong>t dans "Révolution africaine" (1954-1962), il a publié une tr<strong>en</strong>taine de livres dont <strong>les</strong><br />

titres sont révélateurs de la nature des suj<strong>et</strong>s traités. Parmi ces livres <strong>en</strong> français (la plupart a été<br />

traduite <strong>en</strong> arabe) :<br />

Le Phénomène coranique. Essai d'une théorie sur le Coran, Alger, En-Nadha, 1947, 179 p. Préface<br />

de cheikh Draz.<br />

Discours sur la condition de la r<strong>en</strong>aissance algéri<strong>en</strong>ne. Le Problème d'une civilisation, Alger, En-<br />

Nadha, 1949, 101 p. Préface de Khaldi.<br />

Vocation de l'Islam, Paris, Le Seuil, 1954, 167 p.<br />

L'Afro-Asiatisme, Le Caire, Imp. Misr, coll. "Etudes sélectionnées",1956, 346 p.<br />

Perspectives algéri<strong>en</strong>nes (de la civilisation, de la culture, de l'idéologie), Alger, En-Nahdha, sd<br />

(1965), 80 p. Préface de Khaldi.<br />

Mémoires d'un témoin du siècle, Alger, Ed. nationa<strong>les</strong>, sd (1965), 239p.<br />

Islam <strong>et</strong> démocratie, Alger, "Révolution africaine", sd (1967), 36 p.<br />

L'Oeuvre des Ori<strong>en</strong>talistes, son influ<strong>en</strong>ce sur la p<strong>en</strong>sée islamique moderne, Alger, 1970.<br />

Plusieurs ouvrages sont prés<strong>en</strong>tés comme ayant été écrits directem<strong>en</strong>t <strong>en</strong> arabe par l'auteur <strong>et</strong><br />

publiés, d'une part, au Caire : Le Problème de la culture (1957), SOS Algérie (1957, égalem<strong>en</strong>t <strong>en</strong><br />

français), La lutte idéologique <strong>en</strong> pays colonisés (1957), Idée d'un commonwelth islamique (1958,<br />

égalem<strong>en</strong>t <strong>en</strong> français), Réflexions (1960), Le problème des idées dans le monde musulman (1960),<br />

Naissance d'une société (1960), Dans le souffle de la bataille (1961) ; d'autre part, à Beyrouth, La<br />

nouvelle édification sociale (1958), Le rôle du musulman dans le dernier quart du XXe siècle<br />

(1973). Cf. Dictionnaire des auteurs maghrébins de langue française, Karthala, 1984, Paris.<br />

352 - Cf. Malek B<strong>en</strong>nabi, churut al-nahda, (Conditions de la r<strong>en</strong>aissance), Damas, Dar al-Fikr, 1ere<br />

éd. 1947. 5ème éd. 1985.

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