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Vander, l'homme des paroxysmes. Sur scène, il <strong>en</strong>tre <strong>en</strong> transes <strong>en</strong> percutant ses batteries. Au<br />
concert comme dans la vie, il ne connaît pas la mesure. Le jour, il compose, répète et joue.<br />
Ses nuits sont peuplées de rêves.<br />
Et quels rêves ! Le songe ne ti<strong>en</strong>t pas lieu d'<strong>en</strong>tracte. C'est la nuit, dans l'assoupissem<strong>en</strong>t de la<br />
consci<strong>en</strong>ce, qu'il retrouve un personnage, ou une <strong>en</strong>tité, dont il reçoit régulièrem<strong>en</strong>t la visite.<br />
Et la "chose" chante, ses chants seront la musique de <strong>Magma</strong>, immédiatem<strong>en</strong>t transposée dans<br />
la fièvre. Elle parle aussi : ses discours cont<strong>en</strong>t l'histoire d'une planète de l'utopie, Kobaïa. Un<br />
anti-monde dont Vander définit l'importance : "L'utopie est née pour moi d'un long sil<strong>en</strong>ce.<br />
P<strong>en</strong>dant toute mon adolesc<strong>en</strong>ce, je n'ai pas dit un mot. J'écoutais les g<strong>en</strong>s, mais je ne parlais<br />
pas, parce que je me s<strong>en</strong>tais complètem<strong>en</strong>t étranger à toutes leurs préoccupations. Je ne savais<br />
pas si j'étais fou ou si c'était le monde qui l'était. Et j'ai décidé de combattre ce que tous ces<br />
g<strong>en</strong>s avai<strong>en</strong>t fait de la terre."<br />
Défier le temps<br />
Voilà bi<strong>en</strong> le seul principe et le seul système que l'on puisse tirer de Vander. Pour dire cette<br />
planète qui hante ses rêves, il a inv<strong>en</strong>té un langage, le kobaï<strong>en</strong>. Plus qu'un simple code<br />
phonétique, c'est un <strong>en</strong>semble de sons ess<strong>en</strong>tiels, accouchés dans la nuit.<br />
Sa musique, Vander la veut "intemporelle", propre à "défier le temps". Sans désavouer ses<br />
origines ni ses modèles : Stravinsky (le piano considéré comme un instrum<strong>en</strong>t rythmique) ;<br />
Bartok (une expression directe, cond<strong>en</strong>sée et incisive) ; Carl Orff (un climat d'inquiétude et<br />
d'étouffem<strong>en</strong>t) ; Wagner (le lyrisme à la fois "méditatif et déchaîné"). Et John Coltrane. "Ce<br />
que joue Coltrane, dit Vander, est au-delà de la musique. C'est la vie même."<br />
Au début des années soixante, Vander suit les cours d'Elvin Jones - le batteur de Coltrane - et<br />
travaille quelques années dans les milieux du jazz, nourri du fol espoir de jouer avec le maître.<br />
Mais la mort de Coltrane, <strong>en</strong> 1967, l'atteint de plein fouet. "Je me suis laisse dépérir,<br />
littéralem<strong>en</strong>t." De cette dépression naît la décision de créer <strong>Magma</strong>, afin d'exprimer par<br />
d'autres moy<strong>en</strong>s que le jazz la folie lyrique de Coltrane. Pour la première incarnation du<br />
groupe, il s'<strong>en</strong>toure de musici<strong>en</strong>s à qui il a communiqué sa <strong>fr</strong>énésie : François Cah<strong>en</strong>, Jeff<br />
Seffer, Francis Moze, Teddy Lasry, Claude Engel, Klaus Blasquiz - le " gratin " de la scène<br />
<strong>fr</strong>ançaise. Le résultat, à une époque où le rock <strong>fr</strong>ançais se cont<strong>en</strong>te de moins que ri<strong>en</strong>, fait<br />
l'effet d'une bombe.<br />
En 1969, le travail à abattre pour un groupe <strong>fr</strong>ançais est colossal, s'il ne se plie pas à la norme<br />
des "variétés". Tout est à faire : créer des circuits de tournées, conquérir un public, répéter<br />
dans de bonnes conditions. II n'est pas un détail qui fonctionne un tant soit peu normalem<strong>en</strong>t.<br />
Ce travail, <strong>Magma</strong> l'accomplit : le groupe ira jouer à des c<strong>en</strong>taines de kilomètres devant dix<br />
personnes, avec autant d'ardeur que s'il se trouvait devant deux mille spectateurs. Giorgio<br />
Gomelsky, producteur du groupe pour un temps (après avoir été, au début des années<br />
soixante, le manager des Rolling Stones !) déblaie un chemin énorme. La musique et la<br />
passion de jouer font le reste. Les disques se suiv<strong>en</strong>t, sans la moindre concession - souv<strong>en</strong>t<br />
deux faces <strong>en</strong>registrées sans interruption. Tant et si bi<strong>en</strong> qu'un public fidèle se crée peu à peu<br />
<strong>en</strong> France, mats aussi <strong>en</strong> Allemagne, <strong>en</strong> Angleterre, <strong>en</strong> Scandinavie, et même aux États-Unis.<br />
La folie kobaï<strong>en</strong>ne<br />
Le groupe, lui, n'a pas cessé de traverser des remous. Vingt fois, Vander est reparti à zéro<br />
avec de nouveaux musici<strong>en</strong>s, ne gardant de la première formation que le chanteur Klaus<br />
Blasquiz. <strong>Magma</strong> vi<strong>en</strong>t <strong>en</strong>core de connaître une nouvelle révolution. II s'embarque <strong>en</strong><br />
septembre pour une tournée <strong>fr</strong>ançaise de quarante-cinq villes avec un spectacle de deux<br />
heures tr<strong>en</strong>te, mis <strong>en</strong> scène comme une cérémonie ou un rituel. Auprès de Vander et Blasquiz,