Create successful ePaper yourself
Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.
trompettes, flûtes, clarinettes) qui ont évolué du jazzy du premier album, aux plaintes sourdes<br />
transformées par un glissando <strong>en</strong> cri dans Mekanïk. D'une force et d'une prés<strong>en</strong>ce<br />
extraordinaire, les cuivres ont été abandonnés depuis 1974, ce qui a permis de donner aux<br />
claviers un rôle prépondérant (mélodiques dans Köhntarkösz, plus rythmiques dans la face A<br />
de Üdü Wüdü. Dommage dans un s<strong>en</strong>s, car l'ét<strong>en</strong>due du registre des sons <strong>Magma</strong> s'<strong>en</strong> est<br />
trouvé rétrécie… et la musique y a perdu une partie de sa chaleur.<br />
Chaleur ? Oui, ce n'est pas de la musique d'intellectuels ! La preuve, c'est que sans<br />
compr<strong>en</strong>dre le Kobaï<strong>en</strong> (<strong>en</strong>core un mystère) si l'on est secoué, c'est aux tripes. Mekanïk est<br />
brûlant : c'est la plainte d'un peuple (presque de la terre), qui filtre à travers chaque mesure.<br />
C'est une prés<strong>en</strong>ce dans la pièce où vous le faites jouer. En épurant sa musique, Vander veut<br />
agripper ses spectateurs au v<strong>en</strong>tre. La musique de <strong>Magma</strong> taillade et au même mom<strong>en</strong>t reste<br />
aéri<strong>en</strong>ne par ses chœurs, clés de voûtes ou ponts aéri<strong>en</strong>s de l'architecture <strong>Magma</strong>. La musique<br />
de <strong>Magma</strong> est urg<strong>en</strong>te. Votre att<strong>en</strong>tion est tout de suite captée, pour n'être relâchée (une fois<br />
modifiée) qu'à la fin du disque.<br />
Cette impression d'accaparem<strong>en</strong>t est <strong>en</strong>core pire <strong>en</strong> concert. Une première partie très dure<br />
destinée à chasser de la salle les vibrations négatives (traduction : à vous mettre dans le bain,<br />
prêt à écouter la suite), un break de quelques minutes, puis Vander (qu'on a alors vraim<strong>en</strong>t<br />
<strong>en</strong>vie d'appeler Christian) vi<strong>en</strong>t seul, à sa batterie. Ses solos sont au-delà de la technique, c'est<br />
de l'exorcisme. Très ambival<strong>en</strong>t d'ailleurs : " A chaque coup je <strong>fr</strong>appe sur une cymbale, je tue<br />
un spectateur. ". D'un autre côté, on a l'impression que Christian r<strong>en</strong>ie à chaque coup, une de<br />
ses faiblesses, les rejette, se les rappelle, et s'<strong>en</strong> libère <strong>en</strong> <strong>fr</strong>appant inexorablem<strong>en</strong>t, et <strong>en</strong><br />
hurlant dans son micro. Si la musique de <strong>Magma</strong> est un miroir pour chaque spectateur (cf. :<br />
pochette de <strong>Magma</strong> Live), les spectateurs sont aussi un miroir pour chaque musici<strong>en</strong>. Alors,<br />
un à un ils revi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t sur scène pour la seconde partie du concert, consacrée aux longues<br />
pièces de <strong>Magma</strong> et invariablem<strong>en</strong>t à au moins un extrait de Mekanïk… qui n'a pas perdu <strong>en</strong><br />
puissance bi<strong>en</strong> que toujours <strong>en</strong> évolution, suivant la composition du groupe de l'instant. Peu<br />
de mots sont prononcés par le groupe, <strong>en</strong> dehors de longs vocaux <strong>en</strong> Kobaï<strong>en</strong>.<br />
Pourquoi le kobaï<strong>en</strong> d'ailleurs ? La lég<strong>en</strong>de veut qu'il y a 9 ans, Vander et le futur <strong>Magma</strong><br />
jouai<strong>en</strong>t de la musique douce (!) dans un casino : les futurs kobaï<strong>en</strong>s ti<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t le coup, jusqu'à<br />
ce qu'un soir dans un accès de folie furieuse, ils <strong>en</strong>tam<strong>en</strong>t sur des jazz plutôt killers. Et<br />
Christian se met à hurler jusqu'à ce qu'un mot le libère <strong>en</strong>fin : Kobaia. De là naît le kobaï<strong>en</strong>,<br />
langage retrouvé que Christian n'<strong>en</strong>t<strong>en</strong>d dans ses rêves et met de longs mois à compr<strong>en</strong>dre. A<br />
un tel point que les textes de Mekanïk ne sont pas toujours <strong>en</strong>tièrem<strong>en</strong>t déchif<strong>fr</strong>és. Ce qui est<br />
un peu normal puisque le Kobaï<strong>en</strong> est empli de concepts étrangers à notre esprit, un peu<br />
comme si vous allez dire " Télévision " à un indi<strong>en</strong> d'Amazonie (si vous allez lui dire liberté -<br />
égalité - <strong>fr</strong>aternité ça aura d'ailleurs à peu près autant de succès).<br />
Tout ça pour dire que le kobaï<strong>en</strong> a l'avantage d'être un langage qui ne peut-être compris que<br />
par le cœur. Ce qui se retrouve dans un des principes musicaux de <strong>Magma</strong> : on ne crée pas la<br />
musique, on la retrouve ! Tout est là, à portée de la main, il suffit de ne pas s'<strong>en</strong>fuir aux<br />
premières notes…<br />
Et les dernières n'étant pas tombées, nous allons recevoir bi<strong>en</strong>tôt une nouvelle "Attahk"<br />
v<strong>en</strong>ant tout droit de <strong>Magma</strong>.<br />
Jean-François PAPIN<br />
Rock <strong>en</strong> Stock - Août 1978