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Hommage Jean Biès<br />
L’Inde au miroir de l’œuvre<br />
de Jean Biès<br />
Essayiste, poète, Jean Biès nous a quittés le 11 janvier dernier et nous<br />
avons souhaité lui rendre un hommage particulier dans ce numéro<br />
avec des extraits d’un article de François Chenet de l’Université de<br />
Paris-Sorbonne (Paris-IV).<br />
Il existe une chaîne de “ passeurs “ ou<br />
d’” intercesseurs “ ayant fait office<br />
de médiateurs dans la réception<br />
de l’Inde en Europe lors même que<br />
l’Inde offrait aux Occidentaux l’image<br />
d’une civilisation complexe, faite<br />
d’apports linguistiques, religieux et<br />
intellectuels multiples. À cette chaîne<br />
qui vibre dans le cercle du temps,<br />
nous devons désormais rattacher,<br />
dernier maillon de la chaîne, Jean Biès,<br />
universitaire, écrivain et essayiste, que<br />
son étude magistrale de la réception<br />
même de l’Inde dans la littérature<br />
française, Littérature française et<br />
Pensée hindoue, des origines à 1950,<br />
qualifiait précisément, mieux que nul<br />
autre, pour tenter à son tour de cerner<br />
et de mettre en perspective le génie<br />
de l’Inde.<br />
Jean Biès publia sa Thèse de<br />
doctorat d’État, Littérature française<br />
et pensée hindoue, des origines à<br />
1950, ouvrage magistral (couronné<br />
du Prix de l’Asie par l’Académie des<br />
Sciences d’Outre-mer) consacré à la<br />
réception de l’Inde dans la littérature<br />
française et plus généralement aux<br />
apports de l’Inde à la France et à<br />
l’Occident. Portant sur tous les genres<br />
- récits de voyage, essais, romans,<br />
théâtre et poésie -, l’enquête suit<br />
la réception de l’Inde et les apports<br />
de l’Inde à la France et à l’Occident,<br />
des fables de La Fontaine à la<br />
sympathie militante d’un Voltaire, à<br />
l’enthousiasme d’un Michelet et d’un<br />
Lamartine, de Leconte de Lisle à ces<br />
grands « pèlerins du monde occidental<br />
» — intercesseurs ou “passeurs” — que<br />
furent en leur temps Romain Rolland,<br />
René Guénon, Lanza del Vasto et René<br />
Daumal.<br />
Par la suite, l’occasion de<br />
mieux cerner le génie de l’Inde fut<br />
précisément son propre voyage en<br />
Inde au début des années 1970,<br />
lequel lui permit, en dépassant<br />
la surface et en crevant l’écran,<br />
d’enrichir d’harmoniques nouvelles<br />
l’image qu’offre aux Occidentaux<br />
l’Inde. De ce voyage dont on sent qu’il<br />
fut plutôt une quête, est née L’Inde<br />
ici et maintenant. Lettres du Pays de<br />
l’Être, ouvrage réédité sous le titre Les<br />
Chemins de la ferveur. Voyage en Inde.<br />
C’est au genre « journal de route<br />
géographique et spirituel » que<br />
ressortissent L’Inde ici et maintenant.<br />
Lettres du Pays de l’Être / Les Chemins<br />
de la ferveur. Voyage en Inde. Le rapport<br />
de Jean Biès à l’Inde est placé sous le<br />
signe de deux sources d’inspiration<br />
majeures : la pensée de René Guénon<br />
et celle de Carl Gustav Jung. Ces deux<br />
sources d’inspiration se croisant,<br />
Jean Biès était dès lors en mesure de<br />
porter un regard tout à fait original et<br />
singulièrement éclairant sur l’Inde, ce<br />
qui lui permit de développer en regard<br />
une analyse spectrale de la civilisation<br />
occidentale et une généalogie de<br />
l’Occident d’une rare acuité et<br />
justesse. Certaines de ses réflexions<br />
seront par ailleurs développées par<br />
Jean Biès dans deux essais non<br />
moins remarquables Passeports<br />
pour des temps nouveaux et Retour<br />
à l’Essentiel. Quelle spiritualité pour<br />
l’homme d’aujourd’hui ?, ainsi que<br />
dans d’autres de ses ouvrages. En fait,<br />
c’est l’œuvre tout entière de Jean Biès<br />
qui se nourrit non seulement d’une<br />
constante référence à l’Inde, mais bien<br />
plus « d’une fraternité avec le génie de<br />
l’Inde » .<br />
L’Inde au sein du parcours biobibliographique<br />
Jean Biès a passé sa jeunesse en<br />
Algérie et c’est à Alger qu’il rencontra<br />
à vingt-ans celle qui allait devenir<br />
son épouse, Rolande-Hélène qui<br />
connaissait déjà Jean Herbert et était<br />
disciple du Swâmi Siddhesvarânanda<br />
(du Centre védântique de Gretz)<br />
et de Brahmânanda, le disciple de<br />
Ramakrishna. C’est ainsi que la<br />
rencontre de Jean Biès avec l’Inde<br />
fut médiée par celle qui avait reçu<br />
pour nom religieux l’auguste nom de<br />
Tarini. À la suite de cette rencontre<br />
providentielle, Jean Biès allait se<br />
familiariser toujours davantage<br />
et entrer en communion avec les<br />
grandes figures de l’Hindouisme et du<br />
Néo-Hindouisme. Parmi ces figures,<br />
il a une dilection particulière pour<br />
celle de Râmakrishna et celle de Shrî<br />
Aurobindo, ainsi que pour celle du<br />
Swâmi Râmdâs.<br />
À travers Râmakrishna, je puis<br />
dire que c’est à l’Inde que j’ai dû<br />
de découvrir dans le christianisme<br />
quelque chose de beaucoup plus<br />
important que ne le soupçonnaient<br />
la plupart des chrétiens eux-mêmes,<br />
et de commencer à m’intéresser à la<br />
religion où j’étais né avec l’attention et<br />
la révérence qu’elle requiert.<br />
Shrî Aurobindo est l’autre<br />
référence élective de Jean Biès. Au<br />
génie visionnaire et à l’immense<br />
penseur qui au XXe siècle réinvestit<br />
et réinterprète à sa manière les<br />
grandes thématiques des religions et<br />
philosophies de l’Inde, il consacre des<br />
pages brillantes et bien informées.<br />
Dans L’Inde ici et maintenant. Lettres<br />
du Pays de l’Être / Les Chemins de<br />
la Ferveur, deux chapitres, intitulés<br />
« Autour du Samadhî » et « Dans<br />
10<br />
juillet-août 2014<br />
Nouvelles De L’Inde