15.11.2014 Views

Sahel Dimanche - Nigerdiaspora

Sahel Dimanche - Nigerdiaspora

Sahel Dimanche - Nigerdiaspora

SHOW MORE
SHOW LESS

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

Société<br />

Carnet d’un voyage au Nord Dakoro ( Maradi)<br />

Les multiples facettes de la<br />

L’exode, les abandons scolaires et la malnutrition<br />

Al’instar des autres régions du Niger,<br />

la région de Maradi est frappée<br />

depuis quelques mois par une grave<br />

crise alimentaire due à une campagne<br />

agricole déficitaire, aussi bien sur le plan<br />

des récoltes que sur le plan fourrager.<br />

Qu’entend-on par crise alimentaire? Une<br />

crise alimentaire signifie une rupture<br />

d’aliments de consommation, notamment<br />

des céréales qui constituent l’essentiel de<br />

l’alimentation de base dans nos pays. Dans<br />

nos pays du <strong>Sahel</strong>, les crises alimentaires<br />

sont surtout engendrées par une mauvaise<br />

campagne agricole, situation qui ne fait que<br />

s’accentuer d’année en année à cause des<br />

changements climatiques dus au<br />

réchauffement de la planète. Ainsi, après<br />

les famines des années 70, 84 et 2005, le<br />

Niger se retrouve une fois de plus pris dans<br />

ce cycle infernal et répétitif des crises<br />

alimentaires qui indisposent durement les<br />

populations et les rendent de plus en plus<br />

vulnérables. Rappelons que la campagne<br />

agricole précédente avait été mauvaise,<br />

avec pour conséquences, des producteurs<br />

de plusieurs dizaines des villages agricoles<br />

de la région qui n’ont rien récolté et se sont<br />

retrouvés complètement démunis.<br />

Aujourd’hui, les céréales se faisant rares<br />

sur les marchés, elles connaissent une<br />

grande flambée de prix. Les paysans ayant<br />

investi toutes leurs économies dans les<br />

activités agricoles et n’ayant rien récolté, ne<br />

possèdent donc en fin de comptes aucun<br />

copeck pour acheter les vivres sur le<br />

marché. Aussi, le gouvernement et les<br />

autorités au plus haut niveau, au rang<br />

desquelles le Chef de l’Etat, le Général de<br />

Corps d’Armées Djibo Salou, ont initié<br />

l’opération de vente de céréales à prix<br />

modéré et surtout la distribution gratuite<br />

ciblée de vivres au profit des populations<br />

vulnérables, sans oublier la création d’une<br />

haute autorité chargée de la sécurité<br />

alimentaire.<br />

C’est dans ce cadre que ces autorités, dès<br />

leur arrivée au pouvoir, ont sollicité l’aide de<br />

la Communauté Internationale et des<br />

Partenaires Techniques et Financiers. Le<br />

Gouverneur de la région de Maradi, le<br />

Colonel Garba Maïkido, en compagnie des<br />

Partenaires au développement intervenant<br />

dans ladite région, ont effectué il y a de cela<br />

quelques semaines, une mission de travail<br />

pour s’enquérir des conditions de vie des<br />

populations de la zone nord Dakoro où la<br />

situation est des plus critiques et pour la<br />

population et pour le bétail. Les autorités<br />

régionales ont mené, auprès des plus<br />

hautes autorités de l’Etat et des Partenaires<br />

Techniques et Financiers, un plaidoyer en<br />

faveur des populations combien démunies<br />

et affectées du triangle Gadabédji, Bakoba<br />

et Amouless. Cette stratégie a porté car,<br />

juste une semaine après, une importante<br />

délégation composée de hautes<br />

personnalités civiles et militaires de l’Etat,<br />

de la Coordinatrice du Système des Nations<br />

Unies, de ses collaborateurs et des acteurs<br />

du développement, a effectué une mission<br />

à Dakoro même pour constater et confirmer<br />

l’exactitude et l’exhaustivité de l’analyse de<br />

la situation. Et c’est ainsi que le Fonds des<br />

Nations Unis pour l’Enfance (UNICEF), de<br />

par sa politique d’assistance aux enfants et<br />

aux femmes qui sont les plus vulnérables<br />

pendant ce genre de situation, s’est<br />

manifesté le mercredi 23 juin 2010 en<br />

remettant officiellement aux autorités<br />

administratives de la région un lot de<br />

matériels composé de moustiquaires<br />

imprégnées, de savons, de médicaments,<br />

de plusieurs réservoirs d’eau d’une<br />

capacité de 10.000 litres chacun, d’aliments<br />

thérapeutiques tels que le Plumpy Nut<br />

(PPN), de chaises, tables et divers autres<br />

objets, le tout estimé à 32 millions 176 mille<br />

89 FCFA. Cet important lot de matériels,<br />

destiné à la zone nord de Dakoro, a été<br />

réparti sur huit (8) sites comprenant des<br />

villages, groupements nomades et<br />

hameaux perdus dans les grands espaces<br />

et vallées de la zone de Gadabédji. Il s’agit<br />

de Gadabédji, Afagay, Bakoba, Tafassawa,<br />

Tiguittou, Amouless, Bamo et Akadané. Il<br />

est à noter que ce don, venu à point nommé<br />

et destiné aux populations nomades<br />

nécessiteuses, a été distribué selon la taille<br />

de la population des villages et<br />

groupements ciblés. Au niveau de chaque<br />

entité ciblée, le don a été placé dans le<br />

centre de santé, sous la responsabilité du<br />

chef de village ou de groupement. Un<br />

Comité de distribution a été mis en place<br />

pour procéder à la distribution aux<br />

populations qui n’ont pas manqué<br />

d’exprimer leur joie et de remercier<br />

vivement le généreux donateur qu’est<br />

l’UNICEF qui a pensé à eux dans ces<br />

moments difficiles où ils ont perdu presque<br />

tous leurs troupeaux décimés par la crise<br />

alimentaire. Et comble de malheur, de<br />

fortes précipitations ont provoqué il y a<br />

quelques jours, une grande inondation qui a<br />

fait périr le restant des animaux déjà<br />

affamés et affaiblis. Cette crise alimentaire<br />

qui rend vulnérables les populations et le<br />

bétail, a de multiples conséquences<br />

fâcheuses sur tous les secteurs de la vie<br />

quotidienne des familles, notamment en ce<br />

qui concerne la santé et l’éducation.<br />

L’exode des bras valides<br />

Il s’est avéré de tout temps, quand il y a<br />

crise alimentaire, que les ménages se<br />

disloquent parce que les pères de famille et<br />

les jeunes gens, donc les bras valides,<br />

abandonnent leurs familles et leurs villages<br />

pour aller à la recherche d’horizons<br />

meilleurs où ils peuvent trouver du travail et<br />

gagner de l’argent qu’ils envoient aux<br />

autres membres de ces familles restés au<br />

village. Parfois, ce sont des familles<br />

entières qui désertent les villages pour aller<br />

s’installer généralement dans les grandes<br />

villes, à la quête de leur subsistance.<br />

Le chef de village de Afagay, un des sites<br />

où l’UNICEF a procédé à la remise de dons,<br />

a témoigné en ces termes : ‘’Dans mon<br />

village, quarante (40) ménages sont<br />

concernés par le départ en exode des chefs<br />

de familles, laissant femmes et enfants<br />

dans le besoin, complètement démunis et<br />

n’ayant aucune source de revenus pour<br />

acheter les produits de première nécessité.<br />

Dans le groupement nomade de Bakoba<br />

composé de peulhs et de targuis, un<br />

habitant du nom de Aghali Alhou a indiqué<br />

que des pères de familles, ou dans certains<br />

cas, des familles entières ont déserté le<br />

village suite à cette crise alimentaire. Le<br />

phénomène s’est beaucoup accentué après<br />

les fortes précipitations à la base d’une<br />

grande inondation où ont péri la quasitotalité<br />

de leurs animaux domestiques.<br />

Heureusement, devait ajouter Aghali,<br />

‘’jusqu’à présent la solidarité et l’entraide<br />

sociale existantes dans nos contrées<br />

reculées, ont permis à plusieurs familles<br />

démunies ou aux membres de certaines<br />

familles tels que les femmes et les enfants<br />

laissés au village par les maris et les pères,<br />

d’affronter cette terrible épreuve’’.<br />

Cependant, ‘’comme le lait fait partie de<br />

notre alimentation de base et que nos<br />

animaux ont été décimés par la famine et<br />

l’inondation, notre régime alimentaire se<br />

Par Zeinabou Gaoh, ONEP Maradi.<br />

Groupe de femmes et enfants dans le nord Dakoro<br />

trouvera beaucoup perturbé. Je pense que<br />

nous autres populations nomades, nous<br />

sommes d’ores et déjà appelées à changer<br />

nos habitudes alimentaires, parce que le<br />

temps des vaches grasses est révolu. En<br />

effet, avant, nous produisions beaucoup<br />

plus de lait que nous ne pouvions en<br />

consommer ou écouler sur le marché, l’offre<br />

étant supérieure à la demande’’, devait<br />

ajouter M. Aghali Alhou, avec un brin de<br />

nostalgie et beaucoup d’amertume.<br />

Des écoles désertées par les élèves<br />

La crise alimentaire qui a entraîné le départ<br />

de familles entières vers d’autres horizons<br />

plus cléments a des effets néfastes sur<br />

l’éducation des enfants, car ces derniers<br />

sont obligés d’abandonner l’école et de<br />

suivre leurs parents fuyant cette terrible<br />

épreuve.<br />

Le directeur de l’école primaire du village<br />

d’Afagay, M. Tchana Sana témoigne: ‘’la<br />

crise alimentaire a un impact négatif sur la<br />

situation scolaire, parce qu’elle entraîne la<br />

désertion des élèves qui sont obligés de<br />

suivre leurs parents pour partir à la<br />

recherche de quoi manger. Dans mon<br />

école, au total, une dizaine d’élèves ont<br />

abandonné dont 5 filles ; ici, l’école a 4<br />

niveaux et nous libérons les élèves qui ne<br />

sont pas en classe d’examens en début juin<br />

de chaque année afin de nous consacrer<br />

aux élèves de CM2 pour les révisions en<br />

vue de bien préparer les examens. A la<br />

question de savoir quelles dispositions ont<br />

été prises pour remédier à la situation, M.<br />

Tchana Sana a répondu qu’ils ont toujours<br />

organisé des réunions afin de trouver des<br />

solutions à cette situation d’abandon de<br />

l’école par les élèves, source de<br />

déperdition scolaire. ‘’Nous avons écrit<br />

même un rapport qui précise d’ailleurs que<br />

notre école est une école à problèmes<br />

parce qu’elle regroupe des enfants de<br />

plusieurs villages et hameaux éloignés de 5<br />

à 6 kilomètres du village d’Afagay où se<br />

trouve l’école qui ne possède même pas de<br />

puits ; à un certain moment, les élèves<br />

étaient obligés de cotiser pour payer l’eau<br />

de boisson ; un autre problème, les classes<br />

en paillotes ne sont construites que près de<br />

trois (3) mois après la rentrée scolaire, ce<br />

qui fait que les élèves sont constamment en<br />

retard; et pourtant, cette école existe depuis<br />

douze (12) ans, mais seule la classe de<br />

CM2 est construite en matériaux définitifs.<br />

D’ailleurs, nous avons toujours suggéré que<br />

l’école soit appuyée pour qu’on puisse au<br />

moins atténuer un peu le problème des<br />

abandons et d’éloignement’’, a indiqué M.<br />

Aghali. Parlant du Comité de Gestion<br />

Scolaire (COGES), le directeur affirme que<br />

cette structure elle-même connaît des<br />

problèmes de fonctionnement. Car indiquet-il,<br />

‘’le plus souvent, quand nous faisons<br />

appel à ses membres, surtout quand il<br />

s’agit d’un problème financier, ils nous font<br />

savoir qu’eux-mêmes cherchent de quoi<br />

subvenir à leurs besoins, ce qui est vrai.<br />

Mais quand il s’agit d’investissement<br />

humain, comme la construction des classes<br />

en paillotes, ils sont plus disponibles.’’<br />

Malnutrition et problèmes de santé chez<br />

les enfants<br />

D’habitude, en cas de disette ou de crise<br />

alimentaire, les premières victimes sont<br />

surtout les personnes vulnérables que sont<br />

les enfants, les femmes enceintes et<br />

allaitantes et aussi les vieillards. Une<br />

femme allaitante, du nom de Mariama,<br />

témoigne en ces mots : ‘’J’ai un nourrisson<br />

que j’allaite ; actuellement mon mari est en<br />

exode, et je n’ai pratiquement rien à<br />

manger ni à donner à mes enfants, car j’en<br />

ai plusieurs à ma charge. Je pars en<br />

brousse avec mes voisines pour chercher<br />

des fruits sauvages et des graines de<br />

‘’anza’’ pour notre consommation ;<br />

malheureusement, cette année, les arbres<br />

n’ont pas produit beaucoup de graines,<br />

donc c’est déjà la pénurie ; les familles plus<br />

nanties qui ont pu acheter du son pour leurs<br />

animaux nous en donnent un peu ; c’est ce<br />

son que nous transformons en bouillie pour<br />

notre consommation ; nos enfants ont<br />

beaucoup dépéri et présentent tous les<br />

caractéristiques des malnutris’’. En effet, on<br />

rencontre fréquemment dans ce village, des<br />

gens, surtout des enfants, à l’allure<br />

famélique. Pour les traiter, il faut aller au<br />

District Sanitaire de Dakoro qui est un<br />

centre de référence pour la lutte contre la<br />

malnutrition qui sévit beaucoup dans la<br />

zone.<br />

En dehors de la malnutrition qui affecte les<br />

nourrissons, d’autres maladies<br />

apparaissent aussi bien chez les personnes<br />

et que chez les animaux, suite à la<br />

décomposition des cadavres d’animaux<br />

dans les vallées et les marres dont l’eau est<br />

utilisée par la population et bue par les<br />

troupeaux. Ces maladies sont les diarrhées<br />

et vomissements, les maux de ventre, les<br />

dermatoses etc. Donc c’est pour prévenir<br />

ces maladies que l’UNICEF a joint aux<br />

matériels offerts, d’importantes quantités de<br />

produits pharmaceutiques constituées entre<br />

autres de mébendazole communément<br />

appelé flagyl, d’antibiotiques pour lutter<br />

contre les infections, de paracétamol pour<br />

lutter contre les douleurs et les maux de<br />

tête, de produits pour lutter contre le<br />

paludisme et la fièvre, etc. Normalement,<br />

pour éviter toute épidémie, les populations,<br />

en collaboration avec les services de santé,<br />

dès les premières heures après l’inondation<br />

qui a fait périr plus de cinq mille têtes de<br />

bétail dans la zone nord de Dakoro,<br />

devraient procéder à l’ensevelissement des<br />

DR<br />

Page 10 2 juillet 2010 <strong>Sahel</strong> <strong>Dimanche</strong>

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!