1942, des rafles à la déportation - Mémorial de la Shoah

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PRÉFACE PAR ÉRIC DE ROTHSCHILD, PRÉSIDENT DU MÉMORIAL DE LA SHOAH Tout au long de l’année 2012, l’Europe et notamment la France commémore le 70 e anniversaire de l’année 1942, une année qui fut déterminante dans l’histoire de l’assassinat des Juifs d’Europe par les nazis et leurs alliés. Après les massacres massifs par fusillades commencés en Ukraine dans le courant de l’été 1941, les nazis décident la mise à mort des Juifs de toute l’Europe. En 1942, la déportation des Juifs s’organise avec la complicité, voire le soutien d’un certain nombre d’administrations et de gouvernements, notamment celui du maréchal Pétain en France. En France, au terme des négociations conclues entre l’administration française et l’occupant nazi, les rafles de l’été 1942 sont réalisées par la police et la gendarmerie sur l’ensemble du territoire, y compris là où l’occupant n’était pas. Ces arrestations massives qui se soldent par la remise de dizaines de milliers de Juifs aux autorités allemandes en vue de leur déportation, marquent un tournant. 1942, c’est le temps de la collaboration d’État. Pour la première fois, en plus des hommes, des femmes et des enfants sont arrêtés en plein jour. Ces derniers, les 4 000 enfants que les nazis ne réclamaient pas, seront finalement déportés. Relisons les pages terribles consacrées par Georges Wellers, à «l’épouvantable drame des enfants» pour tenter de prendre la mesure de cette tragédie. Le sort des enfants en constitue un symbole. C’est le marqueur du génocide. Un témoin des rafles de l’été 1942 fut Isaac Schneersohn. Refugié en Dordogne, il assiste impuissant à l’arrestation de dizaines de familles juives à Périgueux. C’est en grande partie à la suite de cet événement qu’il décide de fonder à Grenoble, dans la clandestinité, le Centre de documentation juive contemporaine (CDJC) afin de recueillir la trace des crimes et pouvoir en demander justice. Ce centre est aujourd’hui une composante essentielle du Mémorial de la Shoah, héritier du Mémorial du Martyr Juif inconnu érigé en 1956 par le même Schneersohn et rénové en 2005. Le tournant de l’année 1942, c’est aussi celui d’une partie de l’opinion. Force est de constater que l’indifférence dominait quand les premières mesures antisémites de 1940 et 1941 frappèrent les Juifs, en particulier lors de la promulgation du premier statut des Juifs en octobre 1940, sans pression allemande, par le maréchal Pétain et son gouvernement. Une partie des Français témoigna de sa désapprobation, notamment après le marquage par l’étoile jaune en juin 1942, puis lors des arrestations massives de l’été 1942. Ils se manifestèrent alors au nom de leur conscience, au nom aussi des valeurs humanistes de la France, fondement des valeurs de la République que Vichy n’avait pas réussi à extirper du cœur de tous. Il est aujourd’hui difficile de le concevoir pour un jeune adulte, mais pendant des décennies, la persécution des Juifs de France durant la Seconde Guerre mondiale fut occultée dans la mémoire collective, au mieux noyée parmi la cohorte des victimes de l’occupant nazi. Les arrestations, l’internement, les rafles et la déportation de 76 000 Juifs ••• _07

PRÉFACE<br />

PAR ÉRIC DE ROTHSCHILD,<br />

PRÉSIDENT DU MÉMORIAL DE LA SHOAH<br />

Tout au long <strong>de</strong> l’année 2012, l’Europe et notamment <strong>la</strong> France<br />

commémore le 70 e anniversaire <strong>de</strong> l’année <strong>1942</strong>, une année qui fut<br />

déterminante dans l’histoire <strong>de</strong> l’assassinat <strong><strong>de</strong>s</strong> Juifs d’Europe par<br />

les nazis et leurs alliés.<br />

Après les massacres massifs par fusil<strong>la</strong><strong><strong>de</strong>s</strong> commencés en Ukraine<br />

dans le courant <strong>de</strong> l’été 1941, les nazis déci<strong>de</strong>nt <strong>la</strong> mise <strong>à</strong> mort <strong><strong>de</strong>s</strong><br />

Juifs <strong>de</strong> toute l’Europe. En <strong>1942</strong>, <strong>la</strong> <strong>déportation</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong> Juifs s’organise<br />

avec <strong>la</strong> complicité, voire le soutien d’un certain nombre d’administrations<br />

et <strong>de</strong> gouvernements, notamment celui du maréchal Pétain<br />

en France.<br />

En France, au terme <strong><strong>de</strong>s</strong> négociations conclues entre l’administration<br />

française et l’occupant nazi, les <strong>rafles</strong> <strong>de</strong> l’été <strong>1942</strong> sont réalisées<br />

par <strong>la</strong> police et <strong>la</strong> gendarmerie sur l’ensemble du territoire, y compris<br />

l<strong>à</strong> où l’occupant n’était pas. Ces arrestations massives qui se<br />

sol<strong>de</strong>nt par <strong>la</strong> remise <strong>de</strong> dizaines <strong>de</strong> milliers <strong>de</strong> Juifs aux autorités<br />

alleman<strong><strong>de</strong>s</strong> en vue <strong>de</strong> leur <strong>déportation</strong>, marquent un tournant.<br />

<strong>1942</strong>, c’est le temps <strong>de</strong> <strong>la</strong> col<strong>la</strong>boration d’État. Pour <strong>la</strong> première fois,<br />

en plus <strong><strong>de</strong>s</strong> hommes, <strong><strong>de</strong>s</strong> femmes et <strong><strong>de</strong>s</strong> enfants sont arrêtés en<br />

plein jour. Ces <strong>de</strong>rniers, les 4 000 enfants que les nazis ne réc<strong>la</strong>maient<br />

pas, seront finalement déportés. Relisons les pages terribles consacrées<br />

par Georges Wellers, <strong>à</strong> «l’épouvantable drame <strong><strong>de</strong>s</strong> enfants»<br />

pour tenter <strong>de</strong> prendre <strong>la</strong> mesure <strong>de</strong> cette tragédie. Le sort <strong><strong>de</strong>s</strong><br />

enfants en constitue un symbole. C’est le marqueur du génoci<strong>de</strong>.<br />

Un témoin <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>rafles</strong> <strong>de</strong> l’été <strong>1942</strong> fut Isaac Schneersohn. Refugié<br />

en Dordogne, il assiste impuissant <strong>à</strong> l’arrestation <strong>de</strong> dizaines <strong>de</strong><br />

familles juives <strong>à</strong> Périgueux. C’est en gran<strong>de</strong> partie <strong>à</strong> <strong>la</strong> suite <strong>de</strong> cet<br />

événement qu’il déci<strong>de</strong> <strong>de</strong> fon<strong>de</strong>r <strong>à</strong> Grenoble, dans <strong>la</strong> c<strong>la</strong>n<strong><strong>de</strong>s</strong>tinité,<br />

le Centre <strong>de</strong> documentation juive contemporaine (CDJC) afin <strong>de</strong><br />

recueillir <strong>la</strong> trace <strong><strong>de</strong>s</strong> crimes et pouvoir en <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r justice. Ce<br />

centre est aujourd’hui une composante essentielle du <strong>Mémorial</strong> <strong>de</strong><br />

<strong>la</strong> <strong>Shoah</strong>, héritier du <strong>Mémorial</strong> du Martyr Juif inconnu érigé en 1956<br />

par le même Schneersohn et rénové en 2005.<br />

Le tournant <strong>de</strong> l’année <strong>1942</strong>, c’est aussi celui d’une partie <strong>de</strong><br />

l’opinion. Force est <strong>de</strong> constater que l’indifférence dominait quand<br />

les premières mesures antisémites <strong>de</strong> 1940 et 1941 frappèrent les<br />

Juifs, en particulier lors <strong>de</strong> <strong>la</strong> promulgation du premier statut <strong><strong>de</strong>s</strong><br />

Juifs en octobre 1940, sans pression alleman<strong>de</strong>, par le maréchal<br />

Pétain et son gouvernement. Une partie <strong><strong>de</strong>s</strong> Français témoigna <strong>de</strong><br />

sa désapprobation, notamment après le marquage par l’étoile jaune<br />

en juin <strong>1942</strong>, puis lors <strong><strong>de</strong>s</strong> arrestations massives <strong>de</strong> l’été <strong>1942</strong>. Ils<br />

se manifestèrent alors au nom <strong>de</strong> leur conscience, au nom aussi<br />

<strong><strong>de</strong>s</strong> valeurs humanistes <strong>de</strong> <strong>la</strong> France, fon<strong>de</strong>ment <strong><strong>de</strong>s</strong> valeurs <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />

République que Vichy n’avait pas réussi <strong>à</strong> extirper du cœur <strong>de</strong> tous.<br />

Il est aujourd’hui difficile <strong>de</strong> le concevoir pour un jeune adulte, mais<br />

pendant <strong><strong>de</strong>s</strong> décennies, <strong>la</strong> persécution <strong><strong>de</strong>s</strong> Juifs <strong>de</strong> France durant <strong>la</strong><br />

Secon<strong>de</strong> Guerre mondiale fut occultée dans <strong>la</strong> mémoire collective, au<br />

mieux noyée parmi <strong>la</strong> cohorte <strong><strong>de</strong>s</strong> victimes <strong>de</strong> l’occupant nazi. Les<br />

arrestations, l’internement, les <strong>rafles</strong> et <strong>la</strong> <strong>déportation</strong> <strong>de</strong> 76 000 Juifs<br />

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