Innovations agricoles au service du développement durable

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08.11.2014 Views

Territoires, troupeaux et biomasse : défis de gestion pour une utilisation durable des ressources au nord du Cameroun Aimé Landry Dongmo 1 Mots clés : biomasse, système agricole, système d’élevage, nord du Cameroun, soudano-sahélien, l’Afrique soudano-sahélienne, gestion durable, territoire Innovations agricoles au service du développement Résumé Depuis la fin des années 70, la partie australe de l’Afrique soudano-sahélienne a accueilli simultanément une large population d’agriculteurs et de bergers Foulani à la recherche, respectivement, de terres arables et de pâturages. Les agriculteurs ont développé des pratiques agricoles qui conservent la fertilité du sol grâce à de longues périodes de mise en jachère. Quant aux éleveurs, ils ont mis au point des pratiques visant à exploiter aussi bien des fourragères naturelles que des résidus culturaux pendant l’année. Dans un tel contexte où la population tend à doubler tous les 20 ans, alors que la production agricole repose toujours sur un système extensif, la forte pression humaine sur les ressources a perturbé l’équilibre des écosystèmes. Les pâturages naturels sont cultivés par les agriculteurs pour élargir leur production agricole, alors que le droit historique des éleveurs aux pâturages naturels et aux résidus culturaux est maintenant contesté. La concurrence, les tensions et les conflits sont devenus courants à propos de l’utilisation des résidus culturaux comme fourrage, engrais organique ou des systèmes de culture sous couvert végétal. On a mené des analyses participatives des pratiques, des expérimentations et des discussions avec les acteurs sur trois territoires du Nord du Cameroun. Les résultats montrent que l’engrais organique est plus fréquemment utilisé à des dosages plus forts sur les exploitations agricoles des propriétaires de bétail que sur celles des agriculteurs. Par conséquent, les éleveurs obtiennent plus de biomasse sur les superficies beaucoup plus petites qu’ils cultivent. Pendant la saison sèche, leur bétail broute les résidus culturaux produits par les agriculteurs. Le reste de l’année, une partie de leur bétail va en transhumance vers des terres plus favorables, alors que l’autre partie reste dans le village pour satisfaire les besoins de la famille. La quantité de biomasse est tributaire à la fois de la fertilisation minérale et des volumes et des moyens de transfert de la biomasse et de la matière organique entre différentes parcelles et exploitations agricoles. Des systèmes visant à promouvoir la gestion de la biomasse et de la matière organique sont proposés à court terme pour améliorer le niveau de fertilité du sol et la production/le partage de résidus culturaux à court terme (matière organique produite près des exploitations agricoles, fumier produit dans les écuries, parcage du bétail) et à moyen terme (mise en œuvre de systèmes de culture sous couvert végétal). Les modèles conceptuels pour la gestion durable de la biomasse sont ensuite présentés à différents niveaux : parcelles, exploitations agricoles et villages. 1. Institut de recherche agricole pour le développement, B.P. 415, Garoua, Cameroun. 96

Introduction Depuis la fin des années 70, les terres les plus saturées et bien arrosées des zones soudano-sahéliennes ont abrité de nombreuses populations d’agriculteurs et d’éleveurs migrants, en quête de terres favorables à la culture et au pâturage (Duras, 2006 ; Dongmo et al., 2007 ; Adriansen, 2008 ; Dongmo, 2009 ; Basset, 2009). L’extension des terres cultivées a posé des problèmes aux éleveurs, qui n’arrivaient plus à se déplacer facilement pour faire paître leurs bêtes. La disparition des jachères et l’exportation constante de la biomasse (par les récoltes ou la pâture sur les résidus culturaux) ont accéléré l’amenuisement des terres agricoles utilisées par les agriculteurs (Piéri, 1989 ; Ganry et Feller, 1998). Les tensions et les conflits sont endémiques entre les différents acteurs. Pour résoudre le problème, des techniques de restauration et d’entretien de la fertilité du sol, pour accroître le volume du fourrage (culture de fourrage pur ou culture mixte), ont été conçues dans un environnement agricole (Landais et Lhoste, 1990 ; Berger, 1996). Cependant, l’adoption de ces techniques est freinée par les goulots d’étranglement socio-économiques et organisationnels et par le fait de leur utilisation à d’autres fins (Landais et Lhoste, 1990). Les acteurs n’ont pas réussi à intensifier la production pour satisfaire les besoins d’une population qui double tous les 20 ans. Cet échec est plus accentué au nord du Cameroun où la petite taille des exploitations agricoles ne fournit pas assez de revenus pour acheter du bétail (Djamen et al., 2003 ; Vall et al., 2003). Pour relever ce défi, des études ont été menées en vue de déterminer les conditions de développement dans le sens d’une meilleure intégration de l’agriculture et de l’élevage de bovins. Cette étude visait : • à déterminer les liens et les interactions (modalités et caractéristiques) entre l’agriculture et l’élevage de bovins sur les terres agricoles qu’ils partageaient et sur lesquelles ils travaillaient pendant l’année ; • à quantifier les interrelations entre l’agriculture et l’élevage de bovins, notamment la production et la gestion des résidus culturaux et des matières organiques sur les exploitations agricoles ; • à proposer des modèles novateurs et une approche visant à intégrer l’agriculture et l’élevage de bovins. Méthodologie Depuis les années 80, l’émergence de la corrélation recherche-développement dans les communautés agricoles a contribué à la prise en compte des conditions locales (Lefort, 1988). Pour promouvoir l’innovation, des efforts ont été faits, notamment en matière d’action et de recherche en partenariat (Liu, 1992) ou en matière d’intervention de recherche (David, 2002), qui tiennent dûment compte de tous les acteurs dans la formulation des programmes et dans la recherche de solutions. Cette approche permet aux chercheurs et aux acteurs de s’adapter et d’évoluer à mesure qu’évolue le processus. Une étude diagnostique agro-pastorale initiale a été menée sur trois exploitations agricoles au nord du Cameroun par une équipe multidisciplinaire (Fig.1). Cette étude a été complétée par une recherche diagnostique globale entreprise au moyen d’enquêtes sur 45 exploitations agricoles par village. Puis, les systèmes agricoles et d’élevage de bovins d’un tiers des exploitations agricoles ayant fait l’objet d’enquête ont été suivis pendant deux années entières. L’implication et la prise de conscience des acteurs ont été soutenues tout au long du processus, grâce à un essai combinant céréale et fourrage et à la participation des acteurs à la conception d’une plateforme de négociation pour une gestion individuelle et collective de la biomasse, des sols et des troupeaux. Les jeunes professionnels dans les concours scientifiques 97

Intro<strong>du</strong>ction<br />

Depuis la fin des années 70, les terres les plus saturées et bien arrosées des zones soudano-sahéliennes ont abrité de<br />

nombreuses populations d’agriculteurs et d’éleveurs migrants, en quête de terres favorables à la culture et <strong>au</strong> pâturage<br />

(Duras, 2006 ; Dongmo et al., 2007 ; Adriansen, 2008 ; Dongmo, 2009 ; Basset, 2009). L’extension des terres cultivées a posé<br />

des problèmes <strong>au</strong>x éleveurs, qui n’arrivaient plus à se déplacer facilement pour faire paître leurs bêtes. La disparition des<br />

jachères et l’exportation constante de la biomasse (par les récoltes ou la pâture sur les rési<strong>du</strong>s cultur<strong>au</strong>x) ont accéléré<br />

l’amenuisement des terres <strong>agricoles</strong> utilisées par les agriculteurs (Piéri, 1989 ; Ganry et Feller, 1998). Les tensions et les conflits<br />

sont endémiques entre les différents acteurs. Pour résoudre le problème, des techniques de rest<strong>au</strong>ration et d’entretien de la<br />

fertilité <strong>du</strong> sol, pour accroître le volume <strong>du</strong> fourrage (culture de fourrage pur ou culture mixte), ont été conçues dans un<br />

environnement agricole (Landais et Lhoste, 1990 ; Berger, 1996). Cependant, l’adoption de ces techniques est freinée par les<br />

goulots d’étranglement socio-économiques et organisationnels et par le fait de leur utilisation à d’<strong>au</strong>tres fins (Landais et<br />

Lhoste, 1990). Les acteurs n’ont pas réussi à intensifier la pro<strong>du</strong>ction pour satisfaire les besoins d’une population qui double<br />

tous les 20 ans. Cet échec est plus accentué <strong>au</strong> nord <strong>du</strong> Cameroun où la petite taille des exploitations <strong>agricoles</strong> ne fournit pas<br />

assez de revenus pour acheter <strong>du</strong> bétail (Djamen et al., 2003 ; Vall et al., 2003).<br />

Pour relever ce défi, des études ont été menées en vue de déterminer les conditions de développement dans le sens d’une<br />

meilleure intégration de l’agriculture et de l’élevage de bovins. Cette étude visait :<br />

• à déterminer les liens et les interactions (modalités et caractéristiques) entre l’agriculture et l’élevage de bovins sur les terres<br />

<strong>agricoles</strong> qu’ils partageaient et sur lesquelles ils travaillaient pendant l’année ;<br />

• à quantifier les interrelations entre l’agriculture et l’élevage de bovins, notamment la pro<strong>du</strong>ction et la gestion des rési<strong>du</strong>s<br />

cultur<strong>au</strong>x et des matières organiques sur les exploitations <strong>agricoles</strong> ;<br />

• à proposer des modèles novateurs et une approche visant à intégrer l’agriculture et l’élevage de bovins.<br />

Méthodologie<br />

Depuis les années 80, l’émergence de la corrélation recherche-développement dans les commun<strong>au</strong>tés <strong>agricoles</strong> a contribué à la<br />

prise en compte des conditions locales (Lefort, 1988). Pour promouvoir l’innovation, des efforts ont été faits, notamment en<br />

matière d’action et de recherche en partenariat (Liu, 1992) ou en matière d’intervention de recherche (David, 2002), qui tiennent<br />

dûment compte de tous les acteurs dans la formulation des programmes et dans la recherche de solutions. Cette approche permet<br />

<strong>au</strong>x chercheurs et <strong>au</strong>x acteurs de s’adapter et d’évoluer à mesure qu’évolue le processus.<br />

Une étude diagnostique agro-pastorale initiale a été menée sur trois exploitations <strong>agricoles</strong> <strong>au</strong> nord <strong>du</strong> Cameroun par une équipe<br />

multidisciplinaire (Fig.1). Cette étude a été complétée par une recherche diagnostique globale entreprise <strong>au</strong> moyen d’enquêtes sur<br />

45 exploitations <strong>agricoles</strong> par village. Puis, les systèmes <strong>agricoles</strong> et d’élevage de bovins d’un tiers des exploitations <strong>agricoles</strong> ayant<br />

fait l’objet d’enquête ont été suivis pendant deux années entières. L’implication et la prise de conscience des acteurs ont été<br />

soutenues tout <strong>au</strong> long <strong>du</strong> processus, grâce à un essai combinant céréale et fourrage et à la participation des acteurs à la<br />

conception d’une plateforme de négociation pour une gestion indivi<strong>du</strong>elle et collective de la biomasse, des sols et des troupe<strong>au</strong>x.<br />

Les jeunes professionnels dans les concours scientifiques<br />

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