Programme saison vidéo 2007 #31

S a i s o n V i d é o 2 0 0 7
Anna Klamroth
Le désoeuvrement filmé
F o c u s
Anna Klamroth a filmé pendant deux ans Rico, Enni, Tom, Steven et Christian. Ils ont
accepté sa présence et se sont livrés à sa caméra. Ils s’ébattent devant elle sur le
site de la piscine du Stade Karl Friedrich Friesen. Autrefois piscine la plus imposante
de Berlin-Est, celle-ci a été fermée lors de la chute du Mur. Cette désaffectation l’a
réduite à l’état de ruine. Ce vaste espace livré à l’abandon est devenu le terrain de
prédilection de pré-adolescents désoeuvrés qui l’ont investi à leur manière. Devant
la caméra, les quelques phrases qu’ils échangent entre eux, très librement, sont
sans éloquence. “Lui, c’est notre Harald Juhnke, juste un gros connard”… “Si Vasim
savait que t’avais des clopes, il te les fumerait toutes et tu rirais jaune”… “Un de
ces quatre, toute la baraque va s’écrouler. Ils vont la défoncer et alors…CRASH !”…
“ L’école est finie” - “Ben alors sois content, espèce de naze”… Ils crânent un peu
devant la caméra, et ce comportement les rend très attachants. L’approche très
subtile d’Anna Klamroth ne condamne pas. L’artiste est totalement disponible. Son
documentaire Sportfrei, filmé en 1999 est un témoignage édifiant de l’époque de
la réunification allemande et de sa restructuration spatiale. Le parti pris de l’artiste
d’utiliser des documents d’archives, images et voix de commentateurs, est tranchant.
L’insertion de l’ordre révolu et affiché dans le désordre actuel, de la prospérité dans
le délabrement, de la discipline dans le désoeuvrement est marquant et totalement
convaincant. Le montage du film est basé sur la dissension de la perception d’un
espace au travers d’une part son histoire passée et présente et d’autre part ses usagers
actuels et antérieurs. Présent et passé ne s’intriquent pas tandis que se profile une
absence d’avenir. Nous découvrons les corps entraînés, façonnés, des athlètes d’antan
- qui tels des épures fendent le ciel et percent la surface de l’eau -, tandis que sur
les images suivantes les adolescents se déplacent au fond du bassin, sur l’eau stagnante,
à l’aide de chaises et bancs échoués là. D’un côté le dépassement de soi, l’élévation,
l’apesanteur, l’envolée : un avenir victorieux… de l’autre le retour sur terre au
fond d’un trou, sans perspectives… Tandis que la voix d’un commentateur s’enflamme
à l’instant d’un nouveau record du monde battu dans un phrasé prosaïque “pendant
que les rayons du soleil se reflètent dans l’eau, préchauffée à 28 degrés”, les adolescents
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