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La floraison, une simple histoire de coïncidence

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<strong>La</strong> <strong>floraison</strong>, <strong>une</strong> <strong>simple</strong> <strong>histoire</strong><br />

<strong>de</strong> coïnci<strong>de</strong>nce ?<br />

Jean-Pierre Bouly, maître <strong>de</strong> conférences, Université Pierre et Marie Curie<br />

Résumé<br />

Au cours <strong>de</strong> l’évolution, les plantes terrestres ont<br />

développé <strong>de</strong>s mo<strong>de</strong>s <strong>de</strong> reproduction <strong>de</strong> plus en<br />

plus complexes. <strong>La</strong> formation <strong>de</strong>s fleurs, qui présentent<br />

<strong>de</strong> nombreux avantages reproductifs pour<br />

les plantes, est primordiale et extrêmement contrôlée<br />

afin <strong>de</strong> permettre la reproduction <strong>de</strong>s espèces.<br />

Cette transition <strong>de</strong> l’état végétatif vers l’état reproductif,<br />

qui nécessite <strong>une</strong> reprogrammation génétique<br />

du méristème caulinaire, est sous le contrôle<br />

étroit <strong>de</strong> facteurs endogènes, mais aussi <strong>de</strong> facteurs<br />

environnementaux. Parmi ces facteurs, la longueur<br />

du jour (photopério<strong>de</strong>) et l’exposition à <strong>une</strong> longue<br />

durée <strong>de</strong> froid (vernalisation) ont <strong>de</strong>s rôles très<br />

importants dans cette transition florale. En effet,<br />

<strong>de</strong> nombreuses plantes ne fleurissent qu’après avoir<br />

été soumises à <strong>une</strong> pério<strong>de</strong> <strong>de</strong> froid et quand le jour<br />

a <strong>une</strong> durée adaptée. Aujourd’hui, l’étu<strong>de</strong> <strong>de</strong> nombreux<br />

mutants a permis <strong>une</strong> <strong>de</strong>scription <strong>de</strong>s mécanismes<br />

moléculaires contrôlant la <strong>floraison</strong>. Il a été<br />

ainsi montré qu’en condition d’induction florale,<br />

l’accumulation <strong>de</strong> la protéine CONSTANS (facteur<br />

interne à la plante) en fin <strong>de</strong> journée coïnci<strong>de</strong><br />

avec la présence <strong>de</strong> lumière (facteur externe). Cette<br />

coïnci<strong>de</strong>nce d’un facteur interne avec un facteur<br />

externe induit alors l’accumulation d’un intégrateur<br />

<strong>de</strong> l’induction florale au niveau <strong>de</strong>s feuilles, le<br />

florigène, qui migre ensuite via la sève vers le bourgeon<br />

végétatif pour induire la <strong>floraison</strong>.<br />

Introduction<br />

Les plantes à fleurs représentent aujourd’hui la gran<strong>de</strong><br />

majorité <strong>de</strong>s espèces végétales avec plus <strong>de</strong> 270 000<br />

espèces connues à ce jour. Une <strong>de</strong> leurs caractéristiques<br />

est que, chaque année, les plantes à fleurs d’<strong>une</strong><br />

même espèce fleurissent au même moment au cours<br />

<strong>de</strong>s saisons. Certaines, telles que les primevères, les<br />

jonquilles ou le forsythia vont fleurir à la fin <strong>de</strong> l’hiver<br />

ou au début du printemps, d’autres telles que les<br />

pâquerettes ou les coquelicots vont quant à elles fleurir<br />

au printemps ou en été. Cette <strong>floraison</strong>, qui marque<br />

la pério<strong>de</strong> <strong>de</strong> reproduction, est donc synchronisée<br />

avec l’environnement et montre que les plantes sont<br />

capables <strong>de</strong> percevoir <strong>de</strong>s signaux spécifiques caractéristiques<br />

<strong>de</strong>s saisons. Dans les zones tempérées, ces<br />

signaux sont principalement la température et la durée<br />

du jour. Une <strong>floraison</strong> adaptée aux conditions extérieures<br />

va permettre aux espèces végétales <strong>de</strong> former<br />

dans <strong>de</strong> bonnes conditions les graines qui vont assurer<br />

à leur tour la survie <strong>de</strong> l’espèce. Cette adaptation <strong>de</strong> la<br />

<strong>floraison</strong> aux saisons est en effet essentielle pour ces<br />

espèces car elle permet la reproduction <strong>de</strong> l’espèce,<br />

<strong>une</strong> <strong>floraison</strong> mal adaptée aux conditions environnementales<br />

pouvant conduire à l’absence <strong>de</strong> graines et<br />

donc <strong>de</strong> <strong>de</strong>scendants. Cette notion <strong>de</strong> <strong>de</strong>scendance<br />

est importante et force est <strong>de</strong> constater que chez <strong>de</strong><br />

nombreuses espèces, <strong>une</strong> pério<strong>de</strong> <strong>de</strong> contrainte environnementale<br />

pouvant conduire à la mort <strong>de</strong> la plante<br />

peut, dans certains cas, accélérer la mise en place <strong>de</strong> la<br />

<strong>floraison</strong>, permettant ainsi à l’espèce <strong>de</strong> survivre.<br />

Contrairement aux animaux qui forment leurs<br />

organes reproducteurs dès l’embryogenèse, les plantes<br />

à fleurs vont, dans un premier temps, se développer en<br />

formant essentiellement <strong>de</strong>s feuilles, <strong>de</strong>s tiges et <strong>de</strong>s<br />

racines. Cet état, appelé état végétatif, est très variable<br />

en temps selon les espèces (<strong>de</strong> quelques semaines à<br />

plusieurs années). En fonction <strong>de</strong>s conditions environnementales,<br />

les plantes aptes à fleurir vont passer <strong>de</strong><br />

cet état végétatif à un état reproducteur marqué par<br />

la formation <strong>de</strong> fleurs, lors d’<strong>une</strong> phase appelée transition<br />

florale. Cette transition florale dépend <strong>de</strong> signaux<br />

internes tels que l’âge <strong>de</strong> la plante, <strong>une</strong> plante je<strong>une</strong><br />

ne pouvant dans certains cas former <strong>de</strong> fleurs même<br />

si les conditions sont favorables à la reproduction.<br />

Toutefois, cette transition florale est essentiellement<br />

contrôlée par <strong>de</strong>ux facteurs <strong>de</strong> l’environnement, via<br />

la vernalisation (pério<strong>de</strong> <strong>de</strong> froid) et la photopério<strong>de</strong><br />

(longueur du jour). <strong>La</strong> sensibilité <strong>de</strong>s espèces ou <strong>de</strong>s<br />

variétés à ces <strong>de</strong>ux facteurs est changeante et souvent<br />

source d’intérêt agronomique. Par exemple, les<br />

blés <strong>de</strong> printemps, souvent moins productifs mais ne<br />

subissant pas <strong>de</strong> pério<strong>de</strong> <strong>de</strong> gel, ne nécessitent pas <strong>de</strong><br />

pério<strong>de</strong> <strong>de</strong> froid pour fleurir, alors que les blés d’hiver,<br />

plus productifs mais pouvant subir le gel, ont besoin <strong>de</strong><br />

traverser <strong>une</strong> pério<strong>de</strong> <strong>de</strong> froid lors <strong>de</strong> leur phase végétative<br />

pour pouvoir fleurir.<br />

11


12<br />

<strong>La</strong> vernalisation<br />

Au travers <strong>de</strong> l’exemple <strong>de</strong>s blés, la vernalisation peut<br />

être définie comme l’action d’<strong>une</strong> pério<strong>de</strong> <strong>de</strong> froid sur<br />

<strong>une</strong> plante à l’état végétatif permettant à cette <strong>de</strong>rnière<br />

<strong>de</strong> <strong>de</strong>venir apte à fleurir. <strong>La</strong> notion d’aptitu<strong>de</strong> à fleurir et<br />

non <strong>de</strong> <strong>floraison</strong> est importante, car si la vernalisation<br />

peut accélérer la <strong>floraison</strong>, elle n’est que rarement<br />

essentielle. D’un point <strong>de</strong> vue biologique, un autre<br />

point important peut être perçu au travers <strong>de</strong> l’exemple<br />

du blé, car il montre que les plantes ont la capacité<br />

à gar<strong>de</strong>r en mémoire la pério<strong>de</strong> <strong>de</strong> froid traversée.<br />

En effet, les je<strong>une</strong>s plants ayant traversé l’hiver vont<br />

poursuivre leur développement végétatif, et les cellules<br />

ayant subi cette pério<strong>de</strong> <strong>de</strong> vernalisation ne seront pas<br />

directement impliquées dans la formation <strong>de</strong>s fleurs.<br />

Un autre exemple permettant <strong>de</strong> montrer cette capacité<br />

à gar<strong>de</strong>r en mémoire la vernalisation concerne<br />

les plantes bisannuelles. Ces plantes ont, la première<br />

année, un développement uniquement végétatif et<br />

sont incapables <strong>de</strong> fleurir. Ce n’est qu’après avoir passé<br />

l’hiver sous forme d’organes « <strong>de</strong> réserves » tels que<br />

<strong>de</strong>s bulbes, qu’elles pourront à nouveau reprendre un<br />

développement végétatif et fleurir lors <strong>de</strong> la <strong>de</strong>uxième<br />

année <strong>de</strong> leur développement. Une courte pério<strong>de</strong> <strong>de</strong><br />

froid n’aura aucun effet sur l’aptitu<strong>de</strong> à fleurir et seule<br />

<strong>une</strong> pério<strong>de</strong> <strong>de</strong> froid relativement longue, plusieurs<br />

semaines, ce qui correspond véritablement à l’hiver,<br />

aura un effet positif sur la <strong>floraison</strong>. Plusieurs questions<br />

se posent au regard <strong>de</strong> ces exemples. Comment<br />

les plantes peuvent-elles percevoir cette pério<strong>de</strong> <strong>de</strong><br />

froid, estimer sa durée et transmettre l’information<br />

aux cellules qui formeront les futures fleurs ?<br />

En comparant <strong>de</strong>s plantes <strong>de</strong> mêmes espèces sensibles<br />

ou insensibles à la vernalisation, il a été mis en évi<strong>de</strong>nce<br />

que la vernalisation est essentiellement contrôlée<br />

par <strong>une</strong> protéine appelée FLC (Flowering Locus C),<br />

un inhibiteur <strong>de</strong> la <strong>floraison</strong>. <strong>La</strong> quantité <strong>de</strong> cette protéine<br />

dans les diverses espèces est directement corrélée<br />

au besoin <strong>de</strong> vernalisation pour induire l’aptitu<strong>de</strong> à<br />

fleurir. Ainsi, <strong>de</strong>s espèces insensibles à la vernalisation<br />

n’expriment pas, dans la gran<strong>de</strong> majorité <strong>de</strong>s cas, cette<br />

protéine, ou bien expriment <strong>une</strong> forme mutée sans<br />

effet sur l’aptitu<strong>de</strong> à fleurir. De même, pour les espèces<br />

sensibles, la quantité <strong>de</strong> cette protéine, présente dans<br />

les cellules, est inversement proportionnelle à leur<br />

capacité à fleurir. Une plante n’ayant pas subi <strong>de</strong> vernalisation<br />

aura donc <strong>une</strong> quantité importante <strong>de</strong> FLC,<br />

ralentissant ainsi la transition florale ; au contraire,<br />

<strong>une</strong> plante ayant traversé <strong>une</strong> pério<strong>de</strong> hivernale aura<br />

<strong>une</strong> quantité très faible <strong>de</strong> FLC, lui permettant <strong>de</strong> fleurir<br />

plus rapi<strong>de</strong>ment. L’action <strong>de</strong> cette protéine se fait en<br />

régulant directement l’expression d’autres protéines<br />

qui permettent la mise en place <strong>de</strong> la fleur. De ce fait,<br />

en présence <strong>de</strong> la protéine FLC, les acteurs nécessaires<br />

à la formation <strong>de</strong> la fleur ne peuvent pas s’accumuler<br />

et la mise à fleur est alors difficile. <strong>La</strong> régulation <strong>de</strong> la<br />

quantité <strong>de</strong> la protéine FLC est elle-même relativement<br />

complexe et fait appel à <strong>de</strong>s modifications <strong>de</strong> structure<br />

<strong>de</strong> l’ADN (support <strong>de</strong> l’information génétique) qui sont<br />

transmises <strong>de</strong> cellules en cellules au cours <strong>de</strong> leur multiplication<br />

dans le méristème (zone <strong>de</strong> division cellulaire).<br />

Selon ces modifications, la protéine FLC pourra<br />

s’accumuler, avant vernalisation, ou au contraire<br />

ne pourra plus s’accumuler, après vernalisation.<br />

Ces modifications <strong>de</strong> l’ADN, contrôlées par le froid,<br />

permettent ainsi d’enregistrer le message « hivernal »<br />

au travers <strong>de</strong> l’accumulation plus ou moins importante<br />

<strong>de</strong> la protéine FLC, message qui sera transmis<br />

aux nouvelles cellules en formation dans le méristème.<br />

<strong>La</strong> photopério<strong>de</strong><br />

Si certaines espèces ne forment leurs fleurs que sous<br />

un traitement thermique approprié, d’autres ne sont<br />

mises à fleur qu’après avoir subi pendant <strong>une</strong> durée et<br />

à un moment précis <strong>une</strong> certaine photopério<strong>de</strong>, c’està-dire<br />

<strong>une</strong> certaine longueur relative <strong>de</strong> jour et <strong>de</strong> nuit<br />

dans le cadre <strong>de</strong>s cycles naturels <strong>de</strong> 24 heures. Nous<br />

pouvons définir <strong>de</strong>ux catégories d’espèces selon la<br />

dépendance <strong>de</strong> leur mise à fleur vis-à-vis <strong>de</strong> la photopério<strong>de</strong>.<br />

On parlera alors <strong>de</strong> plantes photoapériodiques<br />

et <strong>de</strong> plantes photopériodiques. Les plantes photoapériodiques<br />

correspon<strong>de</strong>nt aux plantes dont la <strong>floraison</strong><br />

est indifférente à la photopério<strong>de</strong>. Ces espèces ne sont<br />

toutefois pas toutes complètement indépendantes <strong>de</strong>s<br />

conditions d’éclairement car, dans <strong>de</strong> nombreux cas,<br />

elles ont besoin pour croître et fleurir d’<strong>une</strong> quantité<br />

minimale <strong>de</strong> lumière pour assurer un minimum trophique<br />

lié à la photosynthèse. Une fois cette durée<br />

d’éclairement quotidienne assurée, ces espèces, telles<br />

que le lilas, pourront fleurir quelle que soit la durée<br />

<strong>de</strong> jour. Les espèces photopériodiques, dont la <strong>floraison</strong><br />

dépend <strong>de</strong> la longueur du jour, peuvent être quant<br />

à elles subdivisées en trois catégories : les plantes<br />

héméropériodiques ou <strong>de</strong> jours longs, les plantes<br />

nyctipériodiques ou <strong>de</strong> jours courts et les plantes<br />

amphipériodiques ou intermédiaires. Dans l’ensemble<br />

<strong>de</strong> ces cas, la <strong>floraison</strong> sera essentiellement contrôlée<br />

par la durée du jour : les plantes <strong>de</strong> jours longs, telles<br />

que l’épinard ou la bruyère, seront induites lorsque le<br />

jour aura dépassé <strong>une</strong> certaine valeur critique et la <strong>floraison</strong><br />

sera accélérée par l’augmentation <strong>de</strong> la pério<strong>de</strong><br />

<strong>de</strong> lumière au cours <strong>de</strong> la journée. Au contraire, dans<br />

ces mêmes conditions <strong>de</strong> jours longs, cette <strong>floraison</strong><br />

sera retardée et mauvaise pour les plantes dites <strong>de</strong><br />

jours courts tel le chrysanthème.<br />

<strong>La</strong> classification <strong>de</strong> la capacité <strong>de</strong>s plantes à fleurir<br />

selon la photopério<strong>de</strong> montre <strong>une</strong> très gran<strong>de</strong> diversité,<br />

surtout si l’on considère le nombre <strong>de</strong> cycles (jours)<br />

pendant lesquels la photopério<strong>de</strong> doit être maintenue<br />

pour favoriser la <strong>floraison</strong>. Certaines espèces,<br />

telles que la lampour<strong>de</strong> (Xanthium pennsylvaticum),<br />

n’exigent qu’<strong>une</strong> journée dans les bonnes conditions<br />

pour induire la mise à fleur. Le fait que la photopério<strong>de</strong>


n’ait pas besoin d’être maintenue jusqu’à l’apparition<br />

<strong>de</strong>s ébauches florales indique que la photopério<strong>de</strong><br />

induit dans les tissus <strong>de</strong>s transformations pouvant,<br />

<strong>une</strong> fois encore, être conservées ou continuées après la<br />

disparition du « signal ».<br />

Le florigène<br />

Afin d’étudier au mieux ce signal, les scientifiques se<br />

sont, pour <strong>de</strong>s raisons pratiques, focalisés dans un premier<br />

temps sur l’étu<strong>de</strong> <strong>de</strong> plantes strictes telles que la<br />

lampour<strong>de</strong>, dont tous les bourgeons se transforment<br />

en méristème floral après l’exposition <strong>de</strong> la plante à <strong>une</strong><br />

seule journée courte. Au travers <strong>de</strong> l’étu<strong>de</strong> <strong>de</strong> la <strong>floraison</strong><br />

<strong>de</strong> cette espèce, il a été montré plusieurs points<br />

essentiels. Dans un premier temps, il a été déterminé<br />

que ce sont les feuilles qui perçoivent la longueur relative<br />

du jour et <strong>de</strong> la nuit, les bourgeons réagissant alors<br />

en passant d’un état végétatif à un état reproducteur.<br />

Ce stimulus photopériodique permet donc la synthèse<br />

d’un « signal » qui est ensuite transporté <strong>de</strong>s feuilles<br />

aux bourgeons. Il est à noter que l’éclairement d’<strong>une</strong><br />

seule feuille suffit à déclencher la <strong>floraison</strong> ou que <strong>de</strong>s<br />

greffes <strong>de</strong> feuilles induites sont capables <strong>de</strong> transmettre<br />

ce signal sur <strong>de</strong>s plantes greffées n’ayant jamais subi<br />

<strong>de</strong> photopério<strong>de</strong> permettant l’induction <strong>de</strong> la <strong>floraison</strong>.<br />

Contrairement à la vernalisation où les résultats<br />

sont variables, le stimulus photopériodique s’est révélé<br />

transmissible toutes les fois où la greffe a réussi. Par<br />

ailleurs, <strong>de</strong>s extraits tissulaires <strong>de</strong> plantes en fleurs ont<br />

pu être injectés dans <strong>de</strong>s plantes non photo-induites et<br />

y provoquer la <strong>floraison</strong>. Enfin, les fleurs apparaissent<br />

aussi bien au-<strong>de</strong>ssus qu’en <strong>de</strong>ssous <strong>de</strong> la feuille éclairée<br />

ou induite, montrant que ce signal synthétisé par les<br />

feuilles peut circuler <strong>de</strong> haut en bas mais aussi <strong>de</strong> bas<br />

en haut. Bien que lié à la lumière, il est indépendant<br />

<strong>de</strong> la photosynthèse. Des éclairements très faibles et<br />

<strong>de</strong> courte durée, donc inefficaces sur la photosynthèse,<br />

sont capables <strong>de</strong> modifier le comportement <strong>de</strong> la plante<br />

et son induction à la <strong>floraison</strong>. Par exemple, l’interruption<br />

d’<strong>une</strong> nuit longue avec <strong>de</strong>s éclairements d’intensités<br />

faibles peut déclencher la <strong>floraison</strong> <strong>de</strong>s plantes<br />

<strong>de</strong> jours longs, ou au contraire bloquer la <strong>floraison</strong> <strong>de</strong><br />

plantes <strong>de</strong> jours courts. Ces expériences à base d’éclairage<br />

<strong>de</strong> courte durée ont aussi permis <strong>de</strong> déterminer<br />

que le spectre d’action du photopériodisme, à savoir<br />

l’ensemble <strong>de</strong>s longueurs d’on<strong>de</strong>s efficaces, sont à la<br />

fois variables selon les espèces mais aussi indépendantes<br />

du spectre d’absorption <strong>de</strong>s chlorophylles. On<br />

constate toutefois qu’en règle générale, le bleu est souvent<br />

<strong>de</strong> faible efficacité et que le rouge est au contraire<br />

très efficace. Un autre fait capital a aussi été découvert<br />

grâce à <strong>de</strong>s expériences en lumière rouge. L’efficacité<br />

du rouge est maximale pour le rouge clair, à savoir les<br />

longueurs d’on<strong>de</strong>s comprises entre 560 nm et 640 nm,<br />

mais cet effet du rouge clair peut être annulé par<br />

quelques minutes <strong>de</strong> rouge sombre, longueurs d’on<strong>de</strong>s<br />

comprises entre 720 nm et 760 nm. Cet antagonisme<br />

rouge clair/rouge sombre <strong>de</strong>vait par la suite conduire<br />

à la découverte du photorécepteur responsable <strong>de</strong> ces<br />

réponses, appelé phytochrome.<br />

Les caractéristiques et propriétés <strong>de</strong> la relation photopério<strong>de</strong><br />

- <strong>floraison</strong> permettaient <strong>de</strong> penser que le<br />

stimulus synthétisé par la feuille se comporte comme<br />

le ferait <strong>une</strong> substance à caractère hormonal. En<br />

effet, il prend naissance dans un organe déterminé,<br />

la feuille, agit à faible dose (expérience <strong>de</strong> greffe ou<br />

d’injection) sur un autre organe, le méristème, chez<br />

lequel il détermine <strong>une</strong> réaction physiologique précise,<br />

la transition florale. Dans les années 1930, on a alors<br />

tenté <strong>de</strong> donner un nom à ce stimulus et plus précisément<br />

celui <strong>de</strong> « florigène », proposé par Chailakhyan<br />

en 1936. L’hypothèse d’<strong>une</strong> nature purement hormonale<br />

fut cependant abandonnée quelques années plus<br />

tard, notamment avec l’étu<strong>de</strong> <strong>de</strong> la <strong>floraison</strong> sur <strong>une</strong><br />

plante modèle, Arabidopsis thaliana, et l’utilisation<br />

<strong>de</strong>s nombreux mutants affectés dans la <strong>floraison</strong> chez<br />

cette espèce.<br />

Rythme circadien<br />

Un <strong>de</strong>s problèmes majeurs qui a amené à réfuter la<br />

notion d’<strong>une</strong> substance hormonale impliquée dans<br />

la mise à fleur rési<strong>de</strong> dans le fait que le mécanisme<br />

qui permet à la plante d’être sensible à la durée <strong>de</strong> la<br />

photopério<strong>de</strong> doit être en accord avec l’ensemble <strong>de</strong>s<br />

faits que nous venons <strong>de</strong> décrire, tout en étant relativement<br />

insensible ou indifférent aux autres variations<br />

<strong>de</strong> l’environnement. L’hypothèse aujourd’hui retenue<br />

met en avant l’existence chez les végétaux d’<strong>une</strong> horloge<br />

interne, appelée horloge circadienne, qui contrôle<br />

la sensibilité <strong>de</strong> la plante à la lumière. Les expériences<br />

d’éclairage à <strong>de</strong> faibles intensités et d’interruption<br />

<strong>de</strong> la pério<strong>de</strong> nocturne ont été essentielles dans cette<br />

découverte. Le point principal rési<strong>de</strong> dans l’observation<br />

que l’efficacité <strong>de</strong>s traitements varie selon les<br />

moments où ils sont fournis, l’efficacité étant maximale<br />

lorsqu’ils sont appliqués quelques heures après le<br />

début <strong>de</strong> la mise à l’obscurité ou à la fin <strong>de</strong> la pério<strong>de</strong><br />

d’obscurité, et relativement inefficaces au milieu <strong>de</strong><br />

la nuit. Ainsi, par l’intermédiaire d’un rythme circadien<br />

ou journalier, les plantes possè<strong>de</strong>nt un rythme<br />

endogène contrôlé en partie par les alternances naturelles<br />

<strong>de</strong> jour et <strong>de</strong> nuit. Le comportement <strong>de</strong>s plantes<br />

sera alors réglé par la coïnci<strong>de</strong>nce entre la périodicité<br />

dépendante d’un rythme endogène via l’horloge circadienne<br />

et la photopériodicité externe correspondant<br />

aux conditions d’éclairement naturel. En début ou fin<br />

<strong>de</strong> nuit, les plantes sont ainsi aptes à percevoir le signal<br />

lumineux externe grâce à leur régulation circadienne,<br />

alors qu’elles sont inaptes à le percevoir en milieu <strong>de</strong><br />

nuit. Cette hypothèse a ensuite été confirmée avec<br />

l’utilisation d’Arabidopsis comme plante modèle, bien<br />

que cette plante soit <strong>une</strong> plante <strong>de</strong> jours longs facultative<br />

et donc d’<strong>une</strong> physiologie « florale » plus difficile<br />

13


à maîtriser que les modèles utilisés préalablement.<br />

Il existe aujourd‘hui <strong>de</strong> très nombreux mutants <strong>de</strong><br />

cette espèce permettant <strong>de</strong> décortiquer <strong>de</strong> nombreux<br />

phénomènes physiologiques. Aussi, les étu<strong>de</strong>s <strong>de</strong><br />

mutants d’Arabidopsis ont pu montrer, par exemple,<br />

que tous les mutants affectés dans leur rythme circadien<br />

étaient tous aussi affectés dans leur aptitu<strong>de</strong> à<br />

fleurir en réponse à la photopério<strong>de</strong> externe.<br />

Constans et l’hypothèse <strong>de</strong> la coïnci<strong>de</strong>nce<br />

externe<br />

L’approche par mutants a permis <strong>de</strong> mieux comprendre<br />

les mécanismes moléculaires impliqués dans<br />

le contrôle <strong>de</strong> la <strong>floraison</strong>. Un <strong>de</strong>s mutants qui s’est<br />

révélé essentiel est le mutant nommé constans. En<br />

effet, les plantes ne pouvant synthétiser cette protéine<br />

ne perçoivent pas la photopério<strong>de</strong> et fleurissent<br />

avec énormément <strong>de</strong> retard. Au contraire, <strong>de</strong>s plantes<br />

d’Arabidopsis manipulées génétiquement, qui accumulent<br />

artificiellement <strong>une</strong> très forte quantité <strong>de</strong> cette<br />

protéine, fleurissent très rapi<strong>de</strong>ment dès l’apparition<br />

<strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux premières feuilles et ce, quelles que soient<br />

les conditions photopériodiques. L’étu<strong>de</strong> <strong>de</strong> ce mutant<br />

a permis d’établir <strong>de</strong>s principes <strong>de</strong> régulation <strong>de</strong> la<br />

<strong>floraison</strong>, applicables à <strong>de</strong> nombreuses espèces. Il a<br />

ainsi été découvert que le gène constans s’exprime <strong>de</strong><br />

façon différentielle au cours <strong>de</strong> la journée. Son expression<br />

est très faible durant la journée, puis augmente<br />

en fin <strong>de</strong> journée, pour atteindre <strong>une</strong> expression très<br />

forte durant la nuit. Ces variations sont i<strong>de</strong>ntiques en<br />

jours longs et en jours courts, et peuvent se poursuivre<br />

lorsque les plantes sont placées à l’obscurité pendant<br />

quelques jours, ce qui démontre <strong>une</strong> régulation<br />

interne <strong>de</strong> l’expression <strong>de</strong> ce gène par l’horloge circadienne,<br />

les variations externes <strong>de</strong> l’environnement<br />

n’ayant que très peu d’influence sur son expression.<br />

De plus, la protéine CONSTANS, issue <strong>de</strong> l’expression<br />

du gène, est stabilisée directement par la lumière. Ces<br />

<strong>de</strong>ux phénomènes ont permis d’inférer l’hypothèse<br />

<strong>de</strong> la coïnci<strong>de</strong>nce externe. Ainsi en jours courts, le<br />

gène s’exprime essentiellement durant les pério<strong>de</strong>s<br />

d’obscurité ; la protéine CONSTANS sera alors immédiatement<br />

détruite car non stabilisée par la lumière.<br />

Lorsque les plantes se trouvent en jours longs, il y aura<br />

en fin d’après-midi <strong>une</strong> pério<strong>de</strong> <strong>de</strong> coïnci<strong>de</strong>nce entre<br />

l’expression du gène et la production <strong>de</strong> la protéine<br />

avec <strong>une</strong> pério<strong>de</strong> <strong>de</strong> lumière externe. Cette coïnci<strong>de</strong>nce<br />

entre les <strong>de</strong>ux phénomènes permet la stabilisation <strong>de</strong><br />

la protéine produite pendant la phase lumineuse, qui<br />

va ainsi s’accumuler et activer rapi<strong>de</strong>ment la <strong>floraison</strong>.<br />

FT, un intégrateur <strong>de</strong> signaux aussi<br />

appelé florigène<br />

<strong>La</strong> protéine CONSTANS semblait être un très bon<br />

candidat en tant que florigène, cependant cette protéine<br />

ne remplit pas toutes les propriétés attendues et<br />

accordées au florigène. Un <strong>de</strong>s points essentiels était<br />

que l’accumulation <strong>de</strong> CONSTANS dans le méristème<br />

n’induit pas forcément la <strong>floraison</strong> et que son effet<br />

est essentiellement observé lorsque cette protéine est<br />

accumulée dans les feuilles. Sur la base <strong>de</strong> ces observations,<br />

il est alors difficile d’imaginer que cette protéine<br />

soit capable <strong>de</strong> migrer et <strong>de</strong> conduire le message<br />

« <strong>floraison</strong> » <strong>de</strong>s feuilles jusqu’au méristème. <strong>La</strong> solution<br />

<strong>de</strong> l’énigme florigène a été résolue avec l’i<strong>de</strong>ntification<br />

d’<strong>une</strong> autre protéine appelée Flowering Locus<br />

T (FT) qui, elle, présente les très nombreuses caractéristiques<br />

du florigène. En effet, la protéine FT est<br />

capable <strong>de</strong> s’accumuler dans les feuilles sous l’action<br />

<strong>de</strong> la protéine CONSTANS, à savoir pour les plantes<br />

<strong>de</strong> jours longs en fin <strong>de</strong> journée, mais à la différence <strong>de</strong><br />

CONSTANS, la présence <strong>de</strong> FT dans les méristèmes<br />

ou dans les feuilles est capable d’induire la <strong>floraison</strong>.<br />

De plus, l’association <strong>de</strong> la protéine FT avec <strong>de</strong>s marqueurs<br />

permettant <strong>de</strong> suivre la localisation <strong>de</strong> la protéine<br />

dans les tissus a permis <strong>de</strong> voir que cette protéine<br />

est capable <strong>de</strong> se déplacer et <strong>de</strong> migrer dans les tissus<br />

conducteurs <strong>de</strong> la feuille au méristème. Le florigène,<br />

recherché <strong>de</strong>puis plus <strong>de</strong> 70 ans, était enfin i<strong>de</strong>ntifié.<br />

Conclusion<br />

De nombreuses étu<strong>de</strong>s sont encore en cours <strong>de</strong> réalisation<br />

sur cette protéine FT, qui semble aujourd’hui<br />

être sans aucun doute le fameux florigène tant recherché.<br />

Le rôle <strong>de</strong> cette protéine semble quasi-universel.<br />

Cette protéine jouerait un rôle d’intégrateur <strong>de</strong><br />

l’ensemble <strong>de</strong>s signaux contrôlant la <strong>floraison</strong>. En<br />

effet, si sa découverte a été réalisée via l’étu<strong>de</strong> <strong>de</strong> la<br />

photopério<strong>de</strong>, FT semble aussi intégrer les signaux<br />

<strong>de</strong> la vernalisation décrits précé<strong>de</strong>mment en tant que<br />

cible directe <strong>de</strong> FLC. De plus, <strong>de</strong> nombreux signaux<br />

internes tels que l’âge <strong>de</strong> la plante ou le métabolisme<br />

carboné semblent affecter eux aussi l’accumulation <strong>de</strong><br />

cette protéine qui, en intégrant l’ensemble <strong>de</strong>s signaux<br />

internes et externes, serait un véritable interrupteur<br />

permettant l’induction <strong>de</strong> la <strong>floraison</strong> chez la plupart<br />

<strong>de</strong>s espèces végétales.<br />

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