GUIDE-jeunes-et-refuges-BD

Témoignage : Opération Destination Refuges (Hautes-Alpes)
«Demain, je pars en montagne !»
Le titre sonne comme une résolution ferme comme s’il fallait se convaincre pour oser et ne pas remettre en question
la décision adoptée. En fait, le nom s’est imposé aux partenaires d’une opération vieille d’au moins 6 ans et qui
chaque année voit quelque 800 enfants de classes d’écoles primaires du département des Hautes-Alpes partir vers
l’altitude et les refuges pour vivre deux jours pleins en montagne, nuit comprise.
Des initiatives multiples comme autant de préalables
Les choses ont débuté avec l’opération Nuit des refuges
1 , une fête collective dans tous les refuges des
Hautes-Alpes au solstice d’été (Queyras, Ecrins, vallée
de Névache…) une invitation faite aux familles et
aux publics non-initiés pour tenter l’aventure d’une
nuit en refuge à la fois festive et
éducative.
Des outils ont été élaborés pour
prolonger cette nuit pleine de
rêves et d’étoiles innombrables :
des malles pédagogiques avec
du matériel d’observation (jumelles,
longues-vues…), des
supports pédagogiques (classeurs
de sites, ouvrages, fiches
pédagogiques, etc.), et des
points d’informations (cartes en
relief de tout le massif, codes de
bonne conduite et panneau des
patrimoines de chaque site).
La démarche a connu un vrai succès
aussi bien en termes d’image
que dans la qualité des échanges
que ce rendez-vous a suscité. Elle
a fédéré les gardiens de refuges
et favorisé le rassemblement de
toutes les forces vives de la haute
montagne autour d’un objectif
commun, l’accueil et l’initiation
de nouveaux publics au parcours
de celle-ci.
Comment maintenir une
culture montagne ?
Avec l’évolution du tout-tourisme
en montagne, avec le recul des activités agricoles,
pastorales, artisanales, toute une culture de territoire
s’étiole et se raréfie au profit du modèle unique qui
transforme la montagne en terrain de jeux, les parcours
en sensations fortes, les montagnards en amuseurs
publics. La passation des héritages culturels disparaît
faute de temps, faute de perspective. Le montagnard se
voit presque menacé, tout du moins concurrencé, dans
sa connaissance, ses pratiques et usages de la montagne
par le premier vacancier aisé venu.
«Demain je pars en montagne», a contrario,
conforte cette culture alpine singulière. Les initiatives
multiples autour du domaine de l’altitude et de l’initiation
que génèrent ces hauts-lieux sont porteuses
des innombrables valeurs éducatives et de construction
de soi qu’engendrent de telles initiatives.
« Demain je pars en montagne » c’est la décision commune
d’un département appuyé par l’USEP, les professeurs
des écoles, les gardiens de refuges, les professionnels
de la montagne et les parcs, de faire vivre
à 800 scolaires locaux chaque année un parcours en
montagne, une nuit en refuge, des ateliers de pratiques
et de découverte de la montagne au cours de
la deuxième quinzaine de juin. Préparés de longue
date, ces voyages vers la montagne consacrent le plus
souvent un travail approfondi fait en classe sur des
réalités alpines qui, de l’alpage à la forêt, du sauvage
au domestique, du glacier au torrent, de la cabane à
l’habitat permanent, initient les jeunes haut-alpins
aux riches rapports des hommes avec leur montagne.
Interventions en classe, diffusion de documentation,
projection de films, prêt d’expositions, diffusion de
cahiers pédagogiques, classeurs de l’élève, préparent
et accompagnent cette sortie encadrée en montagne
au cours de laquelle l’enfant découvrira ce qui
n’a pas de prix : la beauté, le silence, la diversité du
vivant, l’effort, la solidarité, l’autonomie, l’économie
des moyens, la nuit, la peur, la joie, le froid, le doux
et l’enchanteur. Paix, pureté, espace, naturalité, l’enfant
des montagnes découvre un autre monde qui
se trouve être le sien même s’il est ouvert à tous et
pourtant presque oublié presque déjà virtuellement
remplacé.
Claude Dautrey, Parc national des Ecrins 1
(1) Voici maintenant plus de 10 ans que le département des Hautes-Alpes, le Réseau Education Environnement 05 et Ecrins, le Parc national des Ecrins
et le Parc naturel régional du Queyras, les guides/accompagnateurs et les gardiens de refuges, les Clubs alpins français, les Offices du tourisme, l’Education
nationale, l’USEP et les enseignants s’investissent pour que la montagne redevienne une destination et un haut-lieu de la culture et de l’éducation.
La sortie en refuge
2
27