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édition 2013<br />
Ergothérapeute<br />
un métier méconnu<br />
Changer<br />
de regard<br />
sur <strong>le</strong> handicap<br />
Julien,<br />
la passion<br />
du kart<br />
Le magazine de la maison départementa<strong>le</strong> des personnes handicapées de l’eure<br />
www.mdph27.fr
Idem, adverbe (i-dèm’). Terme emprunté du latin i<br />
édito<br />
La loi du 11 février 2005 a institué la création<br />
des Maisons Départementa<strong>le</strong>s des<br />
Personnes Handicapées (MDPH), au<br />
sein desquel<strong>le</strong>s œuvrent conjointement<br />
<strong>le</strong> Département, l’Education Nationa<strong>le</strong>,<br />
la CAF, l’ARS, la CPAM, l’Etat et <strong>le</strong>s associations<br />
représentatives du champ médico-social et du handicap.<br />
Pour la première fois, <strong>le</strong>s représentants des<br />
associations des personnes handicapées ont eu droit<br />
à une présence significative et à un statut décisionnaire.<br />
Au-delà de ce caractère très novateur d’approche<br />
de la problématique du handicap dans notre société,<br />
il convient de souligner l’aspect symbolique extrêmement<br />
fort qui a consisté à imposer <strong>le</strong> terme «handicap»<br />
dans l’appellation d’une structure gérée par<br />
une col<strong>le</strong>ctivité territoria<strong>le</strong>.<br />
Bien sûr, tout n’a pas été faci<strong>le</strong>. Bien sûr, il a fallu<br />
que des structures, des organismes, des entités aux<br />
cultures différentes cohabitent et apprennent à travail<strong>le</strong>r<br />
ensemb<strong>le</strong>.<br />
Il n’en reste pas moins que, depuis 2005, l’action,<br />
la visibilité, la légitimité de la MDPH de l’<strong>Eure</strong><br />
sont devenues indiscutab<strong>le</strong>s et il convient de noter<br />
l’excel<strong>le</strong>nt classement de la MDPH 27 comparée à<br />
cel<strong>le</strong>s du territoire national. Un travail considérab<strong>le</strong><br />
(De gauche à droite)<br />
Jean Louis<br />
Destans,<br />
Président du Conseil<br />
général de l’<strong>Eure</strong><br />
Andrée Oger,<br />
Vice-présidente<br />
du Conseil général<br />
de l’<strong>Eure</strong>, Présidente<br />
de la commission<br />
exécutive de la MDPH<br />
de l’<strong>Eure</strong>,<br />
Michel-Edouard<br />
Doucet,<br />
Président de l’URAPEI<br />
Haute-Normandie,<br />
pour l’ensemb<strong>le</strong> des<br />
associations partenaires<br />
de la MDPH<br />
et positif a été réalisé et un dialogue réel et stab<strong>le</strong><br />
s’est instauré entre <strong>le</strong>s associations représentatives<br />
du handicap et <strong>le</strong>s autres partenaires, en particulier<br />
<strong>le</strong> Conseil Général.<br />
Au-delà de son action quotidienne au service des<br />
personnes handicapées, <strong>le</strong> rô<strong>le</strong> de la MDPH est aussi<br />
de sensibiliser <strong>le</strong> grand public aux thématiques du<br />
handicap et de favoriser l’intégration des personnes<br />
handicapées dans la société.<br />
C’est la raison d’être de ce magazine annuel,<br />
que nous avons intitulé « Idem ». Parce que nous<br />
sommes tous semblab<strong>le</strong>s, en dépit de nos singularités.<br />
Parce que ce qui nous rapproche est plus important<br />
que ce qui nous différencie.<br />
Dans ce magazine, nous avons voulu laisser une<br />
large place aux témoignages de personnes handicapées,<br />
afin de refléter la diversité des situations de<br />
handicap, mais aussi de faire mieux comprendre<br />
<strong>le</strong>urs envies, <strong>le</strong>urs révoltes, <strong>le</strong>urs difficultés, <strong>le</strong>urs<br />
passions.<br />
Nous avons éga<strong>le</strong>ment souhaité mettre en avant<br />
<strong>le</strong>s actions des associations de personnes handicapées<br />
et des structures qui agissent sur <strong>le</strong> terrain,<br />
dans l’<strong>Eure</strong>.<br />
Nous espérons que ce magazine contribuera à<br />
changer <strong>le</strong> regard porté sur <strong>le</strong> handicap.<br />
quand l e<br />
s’invite d<br />
Directrice de la publication :<br />
Andrée Oger<br />
Conception éditoria<strong>le</strong><br />
et rédaction en chef :<br />
Marianne Bernède<br />
Journalistes : Marianne Bernède,<br />
Clémence Lamirand, Florence Raynal,<br />
Laurent Tastet, Françoise Vlaemÿnck<br />
Photographies : Philippe Dutel<br />
sauf mentions contraires<br />
Création graphique<br />
et réalisation :<br />
Bertrand Grousset / 4m2t<br />
Impression : Vert Village – Evreux<br />
Tirage 15 000 exemplaires<br />
Directeur de la MDPH27 :<br />
Jean Marie Marchand<br />
Un remerciement tout particulier à<br />
toutes <strong>le</strong>s personnes qui ont accepté de<br />
témoigner pour ce magazine<br />
4 histoires<br />
de vie<br />
c’est ma<br />
passion<br />
14<br />
18 infos<br />
24 c’est<br />
mon métier<br />
2 | idem
idem, qui signifie « <strong>le</strong> même »<br />
LA MDPH<br />
SUR LE WEB<br />
e handicap<br />
dans la famil<strong>le</strong><br />
28 mes<br />
obstac<strong>le</strong>s<br />
au quotidien<br />
30 handicap<br />
& travail<br />
32 handicap<br />
& scolarité<br />
34 voir<br />
<strong>le</strong> handicap<br />
autrement<br />
6<br />
36 proches<br />
& aidants<br />
38 Des<br />
structures<br />
ouvertes au<br />
handicap<br />
41 nos<br />
partenaires<br />
associatifs<br />
La MDPH de l’<strong>Eure</strong><br />
lance son site internet<br />
Outil interactif complémentaire du magazine annuel<br />
Idem, <strong>le</strong> site de la MDPH 27 se veut simp<strong>le</strong><br />
et attractif. Son objectif est avant tout d’apporter<br />
<strong>le</strong>s informations pratiques dont <strong>le</strong>s personnes<br />
en situation de handicap et <strong>le</strong>urs proches ont<br />
besoin. Une présentation de la MDPH permet de mieux comprendre<br />
son fonctionnement, ses missions, son organisation.<br />
Le formulaire de demande auprès de la MDPH est téléchargeab<strong>le</strong><br />
sur <strong>le</strong> site.<br />
Grâce à la rubrique « questions fréquemment posées », il<br />
est possib<strong>le</strong> d’obtenir une réponse rapide à de nombreuses<br />
questions.<br />
Les informations pratiques sont organisées par rubriques :<br />
adulte, enfant, besoin d’une carte…<br />
Toutes <strong>le</strong>s aides et prestations destinées aux personnes<br />
handicapées et gérées par la MDPH sont expliquées en détail.<br />
Mais on peut aussi trouver des informations sur <strong>le</strong>s hébergements<br />
et <strong>le</strong>s lieux de vie, <strong>le</strong>s organismes dédiés à l’accompagnement<br />
vers l’emploi, <strong>le</strong>s établissements spécialisés pour <strong>le</strong>s<br />
enfants, <strong>le</strong>s aides à la scolarité et au transport, etc.<br />
Enfin, des histoires de vie représentatives de situations<br />
prises en charge par la MDPH permettent de découvrir <strong>le</strong><br />
soutien financier, matériel ou humain qui peut être apporté<br />
selon <strong>le</strong>s cas.<br />
www.mdph27.fr<br />
idem | 3
Histoires<br />
de vie<br />
La MDPH au service<br />
des personnes handicapées<br />
« J’ai gagné en autonomie »<br />
une histoire<br />
qui peut malheureusement<br />
arriver<br />
à tout <strong>le</strong> monde.<br />
C’est<br />
Un accident de la<br />
vie, comme on dit. A quelques années<br />
de la retraite, Alain Cuvillier<br />
souffrait de hernies disca<strong>le</strong>s qui occasionnaient<br />
des dou<strong>le</strong>urs insupportab<strong>le</strong>s.<br />
« J’ai été opéré trois fois.<br />
Les deux premières opérations n’ont<br />
rien résolu, mais la dernière intervention<br />
a carrément raté : la dure<br />
mère a été ouverte deux fois, donc<br />
<strong>le</strong> chirurgien m’a coupé <strong>le</strong>s musc<strong>le</strong>s<br />
et <strong>le</strong>s nerfs de la jambe droite. Je n’ai<br />
plus aucune sensibilité au niveau du<br />
pied droit, je ne peux plus <strong>le</strong> bouger.<br />
Je ne peux plus marcher car je n’ai<br />
plus d’équilibre. Je me déplace avec<br />
une canne, diffici<strong>le</strong>ment. Et j’ai toujours<br />
mal dans <strong>le</strong> dos. »<br />
M. Cuvillier a passé deux ans<br />
en centre de rééducation. « C’est <strong>le</strong><br />
docteur de ce centre qui m’a dirigé<br />
vers la MDPH. Je ne connaissais pas<br />
du tout. Quelqu’un qui est en bonne<br />
santé ne pense pas à ça. Quand on<br />
n’est pas confronté au handicap, on<br />
ne s’y intéresse pas. »<br />
A son domici<strong>le</strong>, Alain Cuvillier<br />
avait une sal<strong>le</strong> de bains, mais pas de<br />
douche. « Je ne pouvais plus entrer<br />
ni sortir de la baignoire. » Un réaménagement<br />
était indispensab<strong>le</strong>.<br />
« Mais je n’avais pas <strong>le</strong>s moyens<br />
d’assumer ces travaux. Je suis en invalidité<br />
depuis <strong>le</strong>s premières interventions<br />
chirurgica<strong>le</strong>s. J’ai engagé<br />
en 2010 une action judiciaire contre<br />
l’établissement où j’ai été opéré mais<br />
c’est très long, ça n’avance pas. »<br />
Il a donc déposé un dossier à la<br />
MDPH pour un aménagement de<br />
sa sal<strong>le</strong> de bains. « Une ergothérapeute<br />
est venue chez moi. El<strong>le</strong> a préconisé<br />
l’installation d’une douche<br />
italienne avec des barres d’appui et<br />
un siège, ainsi qu’un carrelage antidérapant.<br />
» Trois mois environ se<br />
sont écoulés entre la demande et<br />
la réalisation des travaux et, dans<br />
<strong>le</strong> cas de M. Cuvillier, il n’est resté<br />
que 20 % du montant à sa charge.<br />
Le plombier a parfaitement respecté<br />
<strong>le</strong> plan réalisé par l’ergothérapeute.<br />
« C’est fantastique, s’exclame<br />
M. Cuvillier. Je ne glisse pas, je n’ai<br />
plus peur. Je suis p<strong>le</strong>inement satisfait<br />
de l’aide que j’ai reçue. »<br />
marianne bernède<br />
4 | idem
« Nous avons trouvé une écoute »<br />
Nathalie Miche<strong>le</strong>tti est<br />
la dynamique présidente<br />
de l’association<br />
Avenir Dysphasie<br />
<strong>Eure</strong> (AAD 27). El<strong>le</strong><br />
est aussi, et avant tout, la maman<br />
de Leslie, 18 ans, qui souffre de<br />
dysphasie, dys<strong>le</strong>xie et dysorthographie.<br />
Des handicaps invisib<strong>le</strong>s,<br />
encore mal diagnostiqués et que<br />
<strong>le</strong>s parents ont souvent des difficultés<br />
à faire reconnaître et prendre<br />
en compte dans <strong>le</strong> parcours scolaire<br />
de l’enfant. La dysphasie, un<br />
troub<strong>le</strong> structurel de l’apprentissage<br />
et du développement du langage,<br />
toucherait pourtant 2 % de la<br />
population, soit plus d’un million<br />
de personnes en France.<br />
Se battre<br />
sans fléchir<br />
Lorsque <strong>le</strong> problème de Leslie a<br />
été diagnostiqué à l’âge de 5 ans,<br />
la famil<strong>le</strong> habitait dans <strong>le</strong> sud de la<br />
France. « A l’époque, je ne connaissais<br />
rien sur <strong>le</strong>s droits, je ne savais<br />
pas ce qu’il fallait faire », se souvient<br />
Nathalie. El<strong>le</strong> s’est battue pour que<br />
sa fil<strong>le</strong> puisse suivre une scolarité<br />
norma<strong>le</strong> en bénéficiant des aménagements<br />
nécessaires. Cela n’a pas<br />
été une mince affaire. « Beaucoup<br />
de mamans arrêtent d’ail<strong>le</strong>urs de<br />
travail<strong>le</strong>r ou passent à temps partiel<br />
pour s’occuper de <strong>le</strong>ur enfant »,<br />
explique Mme Miche<strong>le</strong>tti, qui a<br />
dû assurer el<strong>le</strong>-même temporairement<br />
l’éducation de sa fil<strong>le</strong>, déscolarisée<br />
de l’éco<strong>le</strong> primaire pendant<br />
deux ans et demi.<br />
Depuis son déménagement à<br />
Évreux il y a quelques années, Nathalie<br />
a trouvé un soutien auprès de<br />
la MDPH. « Ils se sont bien occupé<br />
du dossier de Leslie, ils ont toujours<br />
été attentifs à ses besoins. » Un projet<br />
personnalisé de scolarisation<br />
(PPS) a été mis en place pour l’entrée<br />
de la jeune fil<strong>le</strong> en 3ème avec<br />
une auxiliaire de vie scolaire (AVS)<br />
9 heures par semaine et une dispense<br />
d’anglais, matière que Leslie<br />
n’arrivait pas à suivre à cause de sa<br />
dysphasie. « Mais j’ai dû me bagarrer<br />
avec <strong>le</strong> principal du collège qui<br />
ne voulait pas reconnaître <strong>le</strong> PPS »,<br />
précise la maman.<br />
Le lycée,<br />
un PASSAge diffici<strong>le</strong><br />
L’entrée en seconde a été une<br />
épreuve pour Leslie. « Il a fallu<br />
qu’el<strong>le</strong> s’habitue à une nouvel<strong>le</strong> auxiliaire<br />
de vie scolaire. D’autre part,<br />
certains professeurs font beaucoup<br />
d’efforts mais quelques-uns sont<br />
récalcitrants. Une enseignante parlait<br />
trop vite, donc impossib<strong>le</strong> pour<br />
Leslie de noter. Une autre refusait<br />
de donner des copies écrites de ses<br />
cours. Ma fil<strong>le</strong> s’est épuisée à travail<strong>le</strong>r.<br />
Et puis el<strong>le</strong> supportait mal<br />
<strong>le</strong> regard de ses camarades de classe,<br />
car son handicap n’était pas compris.<br />
» Mme Miche<strong>le</strong>tti déplore que<br />
la thématique du handicap ne soit<br />
pas intégrée dans <strong>le</strong>s programmes<br />
d’éducation civique ou d’éducation<br />
à la santé. « On par<strong>le</strong> de la<br />
drogue, de l’alcool, de la sexualité,<br />
mais <strong>le</strong> handicap, on ne connaît<br />
pas ! »<br />
Peu après sa rentrée en 1 ère , Leslie<br />
a craqué psychologiquement. El<strong>le</strong><br />
a décidé de poursuivre son année<br />
scolaire par correspondance. La<br />
jeune fil<strong>le</strong> souhaite s’orienter vers<br />
une formation de technicienne<br />
d’étude en bâtiment à l’ADAPT<br />
(Association pour l’Insertion<br />
Socia<strong>le</strong> et Professionnel<strong>le</strong> des Personnes<br />
Handicapées).<br />
marianne bernède<br />
Contact<br />
Avenir Dysphasie<br />
<strong>Eure</strong> (AAD 27)<br />
aad27.famil<strong>le</strong>.relais@gmail.com<br />
www.facebook.com/<br />
dysphasieeure.avenir<br />
Tél : 06 87 92 01 51<br />
idem | 5
dossier<br />
Agé de 14 ans, Tristan est né aux<br />
Etats-Unis avec une infirmité motrice<br />
cérébra<strong>le</strong>. Le diagnostic n’est<br />
cependant tombé que plus tard,<br />
en France, où ses parents avaient<br />
décidé de rentrer, sentant, malgré <strong>le</strong>s médecins,<br />
que quelque chose n’allait pas. Après consultation<br />
de divers pédiatres et psychiatres et alors<br />
que Tristan souffrait de problèmes d’équilibre<br />
et de strabisme, un neurologue émit l’hypothèse<br />
6 | idem
Qu’il soit physique, psychique ou mental, <strong>le</strong> handicap<br />
d’un enfant perturbe toute la famil<strong>le</strong>. Assaillis par la<br />
tristesse, la colère, <strong>le</strong> déni, la culpabilité, l’anxiété, <strong>le</strong>s<br />
proches se retrouvent vite à devoir livrer un combat au<br />
quotidien. Au risque de l’épuisement. Au fil du temps et<br />
souvent avec l’aide des associations, l’horizon s’éclaircit.<br />
qu’il avait dû manquer d’oxygène. Le dossier<br />
médical fut alors rapatrié des USA : anoxie anténata<strong>le</strong>.<br />
« Tout était écrit noir sur blanc. On nous a<br />
fait vivre deux ans et demi dans <strong>le</strong> mensonge ! »,<br />
regrette Gabriel<strong>le</strong> Nouet, la maman de Tristan.<br />
« Cela a été très douloureux. En fait, j’ai été soulagée<br />
d’avoir un diagnostic, mais j’ai éprouvé un<br />
énorme sentiment d’injustice. J’étais en colère…<br />
je <strong>le</strong> suis encore. » Depuis deux ans, Tristan est<br />
en fauteuil roulant. « On ne m’a pas non plus<br />
informée qu’il pourrait perdre la marche. Le choc<br />
a été énorme », poursuit Gabriel<strong>le</strong>, qui s’est arrêtée<br />
de travail<strong>le</strong>r. Le handicap fait en effet souvent<br />
irruption petit à petit dans la famil<strong>le</strong>, par <strong>le</strong> jeu<br />
d’annonces décalées, au gré de l’apparition ou du<br />
repérage de nouveaux troub<strong>le</strong>s, ravivant la dou<strong>le</strong>ur<br />
des proches et <strong>le</strong>s obligeant à une perpétuel<strong>le</strong><br />
adaptation.<br />
Dans un registre différent, l’absence de diagnostic<br />
affecte particulièrement <strong>le</strong>s famil<strong>le</strong>s<br />
confrontées au handicap psychique, car il est long<br />
à poser. « On constate, souvent à l’ado<strong>le</strong>scence, que<br />
son enfant a des comportements différents, mais<br />
on ne comprend pas ce qui se passe et on l’interprète<br />
mal », résume Alain Triballier, animateur<br />
de l’antenne d’Évreux de l’Unafam 27 (Union<br />
nationa<strong>le</strong> des famil<strong>le</strong>s ou amis de personnes<br />
malades et handicapées psychiques). Les famil<strong>le</strong>s<br />
sont de fait très déboussolées. « El<strong>le</strong>s peuvent diffici<strong>le</strong>ment<br />
en par<strong>le</strong>r et se voient parfois culpabilisées<br />
car l’éducation peut être considérée comme étant à<br />
l’origine des troub<strong>le</strong>s », pointe l’Unafam dans un<br />
rapport de l’Institut national prévention et d’éducation<br />
pour la santé (Inpes) (1). La culpabilité<br />
est, de toute manière, un affect fréquent face au<br />
handicap. « La honte et la culpabilité concernent<br />
l’expérience d’avoir produit <strong>le</strong> handicap, el<strong>le</strong>s sont<br />
éprouvées par <strong>le</strong>s parents, par la fratrie d’un enfant<br />
présentant un handicap. El<strong>le</strong>s sont évidemment<br />
aussi éprouvées par l’enfant lui-même », soulignent<br />
Albert Ciccone et Alain Ferrant, psychologues<br />
et psychanalystes (2). Le handicap bouscu<strong>le</strong><br />
en effet toute la sphère familia<strong>le</strong>. « Les parents<br />
sont très fragilisés. L’enfant rêvé, idéalisé, n’est pas<br />
là et il y a une b<strong>le</strong>ssure narcissique. P<strong>le</strong>in de choses<br />
vont s’entrechoquer sur deux individus b<strong>le</strong>ssés »,<br />
constate Sandra Gibert, éducatrice spécialisée<br />
au service d’éducation et de soins spécialisés à<br />
domici<strong>le</strong> de l’Association des paralysés de France<br />
(APF). La situation génère de ce fait — ou parce<br />
que <strong>le</strong> handicap accapare trop l’un des conjoints<br />
— des tensions au sein des coup<strong>le</strong>s, et beaucoup<br />
finissent par exploser.<br />
Les fratries aussi sont affectées. « La dynamique<br />
familia<strong>le</strong> est diffici<strong>le</strong> à trouver. Quand on<br />
va au domici<strong>le</strong>, <strong>le</strong>s autres enfants sont soit très dis-<br />
idem | 7
dossier<br />
la parentalité pour que la vie familia<strong>le</strong> soit la plus<br />
harmonieuse possib<strong>le</strong>, on aide à poser <strong>le</strong>s limites.<br />
Les parents sont perdus, ils ont la réponse mais<br />
il faut <strong>le</strong>s encourager », explique Sandra Gibert.<br />
La surprotection, c’est ce qui a poussé Gabriel<strong>le</strong><br />
Nouet à rompre avec quelques membres de sa<br />
famil<strong>le</strong>. « Je me bats pour que Tristan soit <strong>le</strong> plus<br />
autonome possib<strong>le</strong>, or certains déconstruisaient<br />
tout derrière. Ils faisaient tout à sa place, il ne fallait<br />
jamais <strong>le</strong> contrarier. S’il fait une bêtise, il doit<br />
être traité comme <strong>le</strong>s autres. Sinon, on en fait un<br />
tyran et c’est dangereux pour son avenir et sa vie<br />
socia<strong>le</strong>. » Le handicap peut ainsi avoir tendance<br />
à iso<strong>le</strong>r. C’est <strong>le</strong> cas notamment avec <strong>le</strong>s schizophrénies.<br />
« Stigmatisée, la maladie psychique<br />
est diffici<strong>le</strong> à accepter et à exposer, même dans sa<br />
famil<strong>le</strong> proche. Souvent, on se retrouve seul, tout<br />
<strong>le</strong> monde fuit, c’est très compliqué à gérer », assure<br />
Alain Triballier. La gêne, <strong>le</strong>s préoccupations<br />
constantes, <strong>le</strong> rythme imposé aux famil<strong>le</strong>s ne<br />
facilitent pas non plus <strong>le</strong> maintien des relations.<br />
Chacun vit <strong>le</strong> handicap à sa façon<br />
“Bébé, Julien a eu des<br />
problèmes pour s’asseoir<br />
et vers l’âge de 9 mois, un<br />
scanner a révélé des lésions au<br />
cerveau. Personne ne savait<br />
comment cela évoluerait. Mon<br />
épouse a arrêté de travail<strong>le</strong>r<br />
du jour au <strong>le</strong>ndemain pour<br />
s’occuper de lui. À 5 ans, il<br />
a obtenu une place en IME,<br />
cela a été d’un grand soutien.<br />
Chacun vit <strong>le</strong> handicap à<br />
sa façon. Nous, nous ne<br />
sur internet<br />
MDPH de l’<strong>Eure</strong><br />
www.mdph27.fr<br />
Ministère des affaires<br />
socia<strong>le</strong>s et de la sante<br />
www.social-sante.gouv.fr<br />
Aide handicap<br />
http://eure.aide-handicap.info<br />
l’avons jamais caché. Celui<br />
de Julien est peu apparent<br />
physiquement, mais il ne<br />
par<strong>le</strong> pas. Surtout, il n’a pas<br />
la notion du danger, d’où<br />
des accidents. Cela impose<br />
une surveillance constante<br />
pour <strong>le</strong> protéger contre<br />
lui-même. Comme il casse<br />
aussi beaucoup, on a réduit<br />
<strong>le</strong>s visites à la famil<strong>le</strong>, ça<br />
nous a un peu éloignés d’el<strong>le</strong>.<br />
Mais <strong>le</strong> plus gênant dans <strong>le</strong><br />
handicap reste <strong>le</strong> regard des<br />
autres. Aujourd’hui, Julien a<br />
22 ans, il réside dans un foyer<br />
et revient à la maison tous <strong>le</strong>s<br />
15 jours. C’est pour nous une<br />
deuxième vie qui commence.<br />
Avant 2005, je ne voulais<br />
pas m’impliquer dans la vie<br />
associative car mes priorités<br />
étaient ail<strong>le</strong>urs. Depuis 2008,<br />
je préside <strong>le</strong>s Papillons blancs,<br />
c’est passionnant.”<br />
Stéphane Cléret, père de Julien<br />
crets, soit très en appel, sur <strong>le</strong> mode : “Moi aussi,<br />
je suis là !” », poursuit-el<strong>le</strong>. Tristan, lui, a un frère<br />
et une sœur plus jeunes. « Ils vivent avec <strong>le</strong> handicap,<br />
ne se plaignent pas, mais ça <strong>le</strong>ur pèse car<br />
je ne suis pas disponib<strong>le</strong> comme ils <strong>le</strong> voudraient.<br />
Le soir, je fais <strong>le</strong>s devoirs avec Tristan. Les autres<br />
passent toujours après, c’est dur », déplore Gabriel<strong>le</strong><br />
Nouet.<br />
À 12 ans Léa, el<strong>le</strong>, souffre des réactions que<br />
suscite son frère de 9 ans atteint de surdité.<br />
« Théo est souvent rejeté car il crie au lieu de par<strong>le</strong>r.<br />
Cela effraie certains enfants, el<strong>le</strong> vit ça très mal<br />
et p<strong>le</strong>ure. Léa est aussi très protectrice », confie<br />
Nadia Tanney, <strong>le</strong>ur maman. Le risque est aussi<br />
de surprotéger l’enfant handicapé. « Cela peut<br />
générer un sentiment de toute puissance et freiner<br />
son autonomie. On réalise beaucoup de soutien à<br />
Vivre avec<br />
L’arrivée du handicap complique <strong>le</strong> quotidien<br />
des famil<strong>le</strong>s sur tous <strong>le</strong>s plans. Avec <strong>le</strong>s troub<strong>le</strong>s<br />
psychiques, l’anxiété s’instal<strong>le</strong>. « Les parents sont<br />
en a<strong>le</strong>rte permanente. Impossib<strong>le</strong> de laisser ses<br />
soucis à la porte quand on va au travail, car on<br />
ne sait jamais dans quel état on retrouvera son<br />
ado<strong>le</strong>scent ni sa maison. La nuit, s’il se lève, on<br />
l’écoute, cela peut perturber <strong>le</strong> sommeil. Et puis,<br />
on s’inquiète pour son avenir », poursuit-il. Il faut<br />
parfois enchaîner <strong>le</strong>s consultations médica<strong>le</strong>s,<br />
<strong>le</strong>s hospitalisations, <strong>le</strong>s espoirs et <strong>le</strong>s déceptions,<br />
affronter <strong>le</strong> manque de tact de certains soignants<br />
alors que sa sensibilité est à f<strong>le</strong>ur de peau. « Certains<br />
médecins ont des propos culpabilisants,<br />
on n’a pas besoin de ça. Ou alors, ils alignent<br />
devant l’enfant toutes ses incapacités au lieu de <strong>le</strong><br />
conforter en valorisant ses aptitudes », dénonce<br />
Gabriel<strong>le</strong> Nouet. Il faut aussi lutter pour sa scolarité,<br />
son intégration, contre <strong>le</strong>s préjugés, et assurer<br />
quelquefois des tâches physiques usantes :<br />
porter un ado<strong>le</strong>scent, par exemp<strong>le</strong>. L’abattement,<br />
l’épuisement guettent alors. « La fatigue s’accumu<strong>le</strong>,<br />
<strong>le</strong> ras-<strong>le</strong>-bol… Il faut se battre pour tout, je<br />
sature », complète-t-el<strong>le</strong>. L’Inpes relève d’ail<strong>le</strong>urs<br />
que « <strong>le</strong> stress et ses conséquences psychologiques<br />
voire somatiques [sont] en tête des problèmes de<br />
santé des aidants ». Selon <strong>le</strong> handicap, <strong>le</strong>s loisirs<br />
peuvent éga<strong>le</strong>ment devenir un casse-tête. « Le<br />
jeune peut avoir une phobie des transports, il faut<br />
parfois écourter <strong>le</strong>s vacances… », témoigne Alain<br />
Triballier. « On délaisse son confort personnel. On<br />
renonce à l’hôtel, on refuse des week-ends… pour<br />
éviter tout problème », complète Stéphane Cléret,<br />
président des Papillons blancs.<br />
Mais peu à peu, souvent avec l’aide des associations<br />
et <strong>le</strong>urs services (groupes de paro<strong>le</strong>,<br />
structures d’accueil, interventions à domici<strong>le</strong>…),<br />
nombre de famil<strong>le</strong>s parviennent à mieux affronter<br />
la situation. Pour autant, rappel<strong>le</strong> Stéphane<br />
8 | idem
EN LIVRES<br />
« Comprendre <strong>le</strong>s<br />
bou<strong>le</strong>versements<br />
existentiels que<br />
connaissent des parents<br />
projetés par <strong>le</strong> même<br />
canon dans l’univers<br />
du handicap ». Tel<br />
est <strong>le</strong> propos de<br />
l’ouvrage publié sous<br />
la direction de Char<strong>le</strong>s<br />
Gardou, professeur de<br />
l’université Lumière-<br />
Lyon 2, aux éditions<br />
Érès et intitulé<br />
Parents d’enfant<br />
handicapé (2012,<br />
12 €). Dans cette<br />
même col<strong>le</strong>ction<br />
« Connaissances de<br />
la diversité », qui a<br />
pour projet de réunir<br />
des écrits non de<br />
spécialistes mais de<br />
personnes vivant ou<br />
côtoyant <strong>le</strong> handicap<br />
au quotidien, un<br />
autre titre mérite<br />
particulièrement<br />
l’attention : Frères et<br />
sœurs de personnes<br />
handicapées (2012,<br />
12 €).<br />
Cléret, « on n’accepte jamais un handicap, on s’y<br />
adapte et on essaie de vivre au mieux. Si on décide<br />
de faire avec, alors ça devient naturel. » Etre<br />
accompagné, ne pas s’enfermer se révè<strong>le</strong>nt essentiels.<br />
« Depuis cette année, Tristan va à l’APF (Association<br />
des Paralysés de France), c’est un grand<br />
soulagement. Là, on nous prend comme on est,<br />
selon nos besoins, nos désirs. J’y trouve beaucoup<br />
de réconfort », insiste Gabriel<strong>le</strong> Nouet. De même,<br />
témoigne Alain Triballier, « en parlant avec des<br />
personnes dans des situations comparab<strong>le</strong>s, on<br />
décup<strong>le</strong> ses forces. On réagit alors mieux et on<br />
s’épuise moins. C’est pourquoi à l’Unafam, on<br />
apprend à se refaire un cerc<strong>le</strong> d’amis et à penser à<br />
soi. » Enfin, lance Nadia Tanney, « il faut toujours<br />
y croire ». La maman du jeune sourd veut positiver.<br />
« Certes, des fois, on en a marre. Mais j’ai<br />
aussi rencontré des gens géniaux ! Grâce à Théo,<br />
j’ai appris la langue des signes et sa sœur, Léa, sait<br />
ce qu’est la différence. C’est une bel<strong>le</strong> <strong>le</strong>çon de vie. »<br />
Et d’ajouter : « Mais attention, je n’ai pas toujours<br />
dit ça. Avant, j’étais mal avec moi-même. Il faut<br />
passer des étapes. » Si, aujourd’hui, Nadia tient<br />
à témoigner, c’est pour mieux faire connaître <strong>le</strong><br />
handicap. Pour Théo. Et pour que <strong>le</strong>s mentalités<br />
changent.<br />
florence raynal<br />
1) Recherche qualitative sur <strong>le</strong>s possibilités d’améliorer<br />
la santé des personnes en situation de perte<br />
d’autonomie ou de handicap et <strong>le</strong>ur entourage –<br />
Inpes, 2011<br />
2) In Honte et culpabilité dans la clinique du handicap<br />
– Sous la direction de Sylvain Missonnier -<br />
Érès, 2011<br />
L’effet d’une bombe<br />
“Le handicap est entré comme<br />
une bombe dans la famil<strong>le</strong>.<br />
Pendant la grossesse, on<br />
nous a parlé d’une éventuel<strong>le</strong><br />
trisomie, puis d’un problème<br />
cardiaque. J’ai accouché dans<br />
<strong>le</strong> stress ; un mois plus tard, <strong>le</strong><br />
diagnostic tombait : surdité<br />
profonde sévère. À 4 mois, Théo<br />
a été appareillé, on a compris<br />
qu’il était incurab<strong>le</strong>. Depuis, je<br />
culpabilise. C’est dur de mettre<br />
au monde un enfant différent.<br />
J’ai ressenti un puissant<br />
sentiment d’injustice. Je me<br />
demandais : pourquoi nous ?<br />
Une surdité est rarement isolée<br />
et Théo souffre aussi d’autres<br />
pathologies. Il a parfois du mal<br />
à marcher. Avec mon mari,<br />
nous avons choisi de lui donner<br />
toutes <strong>le</strong>s chances possib<strong>le</strong>s<br />
dans la vie, donc je ne baisse<br />
pas <strong>le</strong>s bras, même si parfois<br />
je suis découragée et que j’en<br />
ai assez de voir des médecins.<br />
Avec du temps, de l’amour et<br />
de bons professionnels, Théo a<br />
beaucoup évolué. Aujourd’hui,<br />
il est épanoui et heureux de<br />
vivre. Et s’il ne par<strong>le</strong> pas, il me<br />
dit énormément de choses. On<br />
se regarde, on se touche, on se<br />
comprend. Il n’y a pas que <strong>le</strong><br />
langage !”<br />
Nadia Tanney, mère de Théo<br />
idem | 9
dossier<br />
Entretien avec Régine Scel<strong>le</strong>s, psychologue et professeur<br />
de psychopathologie à l’université de Rouen.<br />
« On n’accepte jamais vraiment<br />
<strong>le</strong> handicap d’un enfant »<br />
Que provoque l’arrivée du handicap dans<br />
la famil<strong>le</strong> ? La révélation de l’existence<br />
d’un handicap ne survient pas toujours de<br />
la manière dont on l’imagine. Le processus<br />
de repérage peut être très progressif. La littérature<br />
se focalise en effet sur <strong>le</strong> handicap<br />
découvert à la naissance ou avant, alors que<br />
beaucoup d’annonces s’effectuent « en cascade<br />
» quand l’enfant est plus âgé. Un jour,<br />
la grand-mère dit : « Il ne tient pas bien<br />
sa tête », puis l’institutrice s’étonne d’une<br />
réaction inhabituel<strong>le</strong>… Peu à peu, <strong>le</strong> doute<br />
s’immisce et <strong>le</strong>s parents veu<strong>le</strong>nt en savoir<br />
plus. Ensuite, il faut souvent du temps pour<br />
que <strong>le</strong> diagnostic soit posé, parfois il ne l’est<br />
jamais. On identifie <strong>le</strong>s difficultés, on <strong>le</strong>s<br />
prend en compte sans en connaître forcément<br />
la cause.<br />
Beaucoup de parents se disent choqués<br />
de la façon dont <strong>le</strong>s annonces sont faites :<br />
brutalité, absence d’humanité… Il existe<br />
encore des annonces réalisées par courrier,<br />
par téléphone, dans un couloir ! Or<br />
on sait combien il importe de préparer<br />
psychologiquement <strong>le</strong>s parents pour éviter<br />
un choc brutal. Notamment, il ne faut<br />
pas faire d’annonce grave à une personne<br />
seu<strong>le</strong> mais exiger la présence d’un proche<br />
et éviter que l’un des parents ait à informer<br />
l’autre. Cel<strong>le</strong>-ci doit aussi être réalisée dans<br />
un lieu intime, en prenant <strong>le</strong> temps nécessaire.<br />
Les parents doivent pouvoir p<strong>le</strong>urer,<br />
ne rien dire, réagir à <strong>le</strong>ur rythme.<br />
Comment impliquer l’enfant ? Lors de<br />
l’annonce, on s’intéresse souvent à ce que<br />
vivent <strong>le</strong>s parents. L’enfant est alors une<br />
sorte de spectateur de la scène. Il entend<br />
des mots qui font p<strong>le</strong>urer ses parents ; il voit<br />
des médecins déstabilisés ; on lui dit : « Ne<br />
t’inquiète pas, c’est rien », sauf que maman<br />
paraît triste, que papa a pris un jour de<br />
congé, que mamie ne cesse d’appe<strong>le</strong>r…<br />
C’est un réel traumatisme. Il est indispensab<strong>le</strong>,<br />
à toutes <strong>le</strong>s phases de découverte, de<br />
dire quelque chose à l’enfant sur ce qui <strong>le</strong><br />
concerne. On évitera beaucoup de souffrance<br />
psychique en s’adressant à lui, quel<br />
que soit son âge. C’est aussi une aide pour<br />
<strong>le</strong>s parents. L’enfant ne doit pas être enfermé<br />
dans une dyade mère-enfant mais être<br />
pensé dans ses multip<strong>le</strong>s liens avec son milieu<br />
familial. En particulier, la temporalité<br />
de la reconnaissance du troub<strong>le</strong> inquiétant<br />
n’est pas la même pour la mère, <strong>le</strong> père, <strong>le</strong>s<br />
frères et sœurs et l’enfant lui-même.<br />
Quel<strong>le</strong> attitude adopter face à la fratrie ?<br />
Les enfants peuvent se demander pourquoi<br />
ce petit frère, qui n’a pas l’air si bizarre<br />
que ça, mobilise tant l’attention et perturbe<br />
autant la famil<strong>le</strong>. Ils peuvent lui en vouloir,<br />
être inquiets… À eux aussi, il faut par<strong>le</strong>r.<br />
Mais inuti<strong>le</strong> de faire de grands discours.<br />
Il suffit de dire par exemp<strong>le</strong> : « Oui, je suis<br />
triste car ton petit frère lâche son verre et<br />
ce n’est pas normal ». L’enfant croit toujours<br />
que l’adulte sait et s’il voit qu’il se tait,<br />
il imagine <strong>le</strong> pire. Il a juste besoin qu’on<br />
reconnaisse la légitimité de ses questions et<br />
qu’on lui par<strong>le</strong> pour apaiser son angoisse.<br />
Peut-on, faut-il, accepter <strong>le</strong> handicap de<br />
son enfant ? On ne l’accepte jamais vraiment<br />
mais on peut penser qu’on peut vivre<br />
Personnel<strong>le</strong>ment, je ne partage pas l’idée, courante,<br />
de « faire <strong>le</strong> deuil de l’enfant normal ». Je préfère<br />
qu’on reconnaisse que cet enfant a des difficultés,<br />
qu’on ne <strong>le</strong> guérira pas et qu’il va falloir l’aider.<br />
Professeur des<br />
universités en<br />
psychopathologie,<br />
responsab<strong>le</strong><br />
du master 2<br />
Recherche à<br />
l’université de<br />
Rouen, Régine<br />
Scel<strong>le</strong>s exerce<br />
éga<strong>le</strong>ment en tant<br />
que psychologue<br />
clinicienne<br />
dans un service<br />
de soins et<br />
d’éducation<br />
spécialisée à<br />
domici<strong>le</strong> pour<br />
enfants atteints<br />
de pathologies<br />
diverses motrices,<br />
sensoriel<strong>le</strong>s,<br />
métaboliques,<br />
psychiques.<br />
avec et non plus contre. Personnel<strong>le</strong>ment, je<br />
ne partage pas l’idée, courante, de « faire <strong>le</strong><br />
deuil de l’enfant normal ». Je préfère qu’on<br />
reconnaisse que cet enfant a des difficultés,<br />
qu’on ne <strong>le</strong> guérira pas et qu’il va falloir<br />
l’aider. Dans tous <strong>le</strong>s cas, il faut du temps<br />
pour que chacun fasse avec cette réalité. Et<br />
<strong>le</strong> déni est, pour moi, transitoirement protecteur.<br />
Les professionnels estiment parfois<br />
que <strong>le</strong>s parents ne réalisent pas la souffrance<br />
des frères et sœurs, par exemp<strong>le</strong>. Mais c’est<br />
faux. S’ils ne disent rien, c’est parce que <strong>le</strong>ur<br />
peine est trop grande et qu’ils ont du mal<br />
à s’organiser pour s’occuper de tous <strong>le</strong>urs<br />
enfants. Un jeune de 13 ans que je suis, qui<br />
a un handicap important, commence seu<strong>le</strong>ment<br />
à pouvoir dire maintenant qu’il se sait<br />
handicapé. Il l’a toujours su au fond mais il<br />
faisait « comme si ». Entre <strong>le</strong> fait de savoir et<br />
celui de dire que l’on sait, il y a une marge,<br />
une temporalité importante à respecter.<br />
Comment soutenir <strong>le</strong>s parents dans cette<br />
voie diffici<strong>le</strong> ? Rencontrer un psychologue<br />
peut être une aide, mais <strong>le</strong>s parents d’enfants<br />
handicapés peuvent souvent eux-mêmes,<br />
ou aidés par <strong>le</strong>urs relations, répondre aux<br />
besoins ordinaires de <strong>le</strong>ur enfant. Il faut<br />
aussi veil<strong>le</strong>r à ne pas imputer au handicap<br />
tous <strong>le</strong>s malaises de la famil<strong>le</strong>. Des parents<br />
divorcent même en l’absence d’enfant handicapé…<br />
Il importe de faire <strong>le</strong> distinguo<br />
car l’enfant pourrait finir par penser qu’il a<br />
“<strong>le</strong> mauvais œil”. Enfin, se tourner vers <strong>le</strong>s<br />
associations de parents peut être d’un grand<br />
secours. Tout comme l’usage d’internet, qui<br />
permet d’échanger ressentis et conseils avec<br />
d’autres personnes concernées. Les professionnels<br />
doivent apprendre à travail<strong>le</strong>r avec<br />
<strong>le</strong>s informations véhiculées par internet et<br />
aider <strong>le</strong>s parents, si besoin, à repérer <strong>le</strong>s sites<br />
intéressants.<br />
“Liens fraternels et handicap. De l’enfance<br />
à l’âge adulte” (Éd. Érès, 2010). “Handicap<br />
et psychopathologie de l’enfant et de<br />
l’ado<strong>le</strong>scent” (avec Jean-Philippe Reynaud,<br />
Éd. Érès, 2013).<br />
10 | idem
temoignages Le handicap commence<br />
dans <strong>le</strong> regard des autres.<br />
Rémi Piazzi, jeune étudiant en <strong>le</strong>ttres,<br />
ma<strong>le</strong>ntendant depuis l’enfance<br />
« Tout <strong>le</strong> monde n’a peutêtre<br />
pas la CHANCE d’être<br />
ma<strong>le</strong>ntendant. »<br />
« Atteint du syndrome<br />
d’Alport, je n’ai vraiment<br />
pris conscience de mon<br />
handicap que tardivement,<br />
lorsque j’ai été appareillé<br />
pour ma déficience auditive,<br />
détectée à l’âge de 5 ans.<br />
J’avais environ 11 ans et j’avais<br />
développé instinctivement<br />
des techniques, comme la<br />
<strong>le</strong>cture labia<strong>le</strong>, pour pallier<br />
ma surdité. Mon handicap<br />
a réel<strong>le</strong>ment commencé à<br />
me poser problème en 4 e .<br />
Beaucoup de collégiens<br />
pensaient que j’avais un retard<br />
mental car je <strong>le</strong>ur demandais<br />
souvent de répéter. Ils ne<br />
faisaient d’ail<strong>le</strong>urs rien pour<br />
m’aider : ils se mettaient la<br />
main devant la bouche ou me<br />
parlaient en me tournant <strong>le</strong><br />
dos… L’âge bête. Ce fut donc<br />
une période diffici<strong>le</strong>, non à<br />
cause de ma surdité mais de<br />
la perception qu’en avaient<br />
<strong>le</strong>s autres. L’entrée au lycée<br />
a été une véritab<strong>le</strong> bouffée<br />
d’air : j’y ai fait la connaissance<br />
d’ado<strong>le</strong>scents matures et j’ai<br />
commencé à faire du théâtre.<br />
À 16 ans, j’ai été suivi au<br />
Centre de rééducation auditive<br />
Mon handicap fait partie intégrante de ma vie,<br />
j’ai appris à vivre avec. Il ne m’a en fait que peu<br />
gêné. Il m’a même obligé à me surpasser.<br />
d’Évreux, où j’ai développé<br />
la <strong>le</strong>cture labia<strong>le</strong> et été initié<br />
à la langue des signes. J’y ai<br />
surtout rencontré d’autres<br />
jeunes atteints de surdité<br />
et cela m’a beaucoup aidé<br />
à accepter mon handicap.<br />
Aujourd’hui, après un bac L, je<br />
suis inscrit en licence de <strong>le</strong>ttres<br />
modernes à l’université du<br />
Havre et cela se passe très bien.<br />
Je réside dans un logement<br />
étudiant, je continue <strong>le</strong> théâtre<br />
et j’écris des fanfictions,<br />
des sketchs humoristiques,<br />
des nouvel<strong>le</strong>s, des analyses<br />
critiques… J’aimerais ensuite<br />
me tourner vers <strong>le</strong>s métiers du<br />
livre ou de la conservation.<br />
Mon handicap fait partie<br />
intégrante de ma vie, j’ai<br />
appris à vivre avec. Il ne m’a<br />
en fait que peu gêné. Il m’a<br />
même obligé à me surpasser.<br />
Le plus dur reste <strong>le</strong> regard<br />
de certains. Mais avec <strong>le</strong><br />
théâtre, je prouve qu’être<br />
ma<strong>le</strong>ntendant ne m’empêche<br />
pas de faire ce que j’aime. Et<br />
puis la surdité n’a pas que des<br />
inconvénients. Des voisins<br />
bruyants ? Hop, j’enlève<br />
mes appareils auditifs ! Une<br />
personne vient me déranger ?<br />
Je lui réponds qu’ils sont hors<br />
service. Enfin, de par mes<br />
difficultés, j’ai eu très tôt un<br />
goût pour la <strong>le</strong>cture, c’est une<br />
richesse. En conclusion, je<br />
dirais que tout <strong>le</strong> monde n’a<br />
peut-être pas la chance d’être<br />
ma<strong>le</strong>ntendant. » fr<br />
idem | 11
DOSSIER<br />
temoignages<br />
« Je suis<br />
en vie…<br />
donc,<br />
je vis ! »<br />
En fauteuil depuis<br />
l’âge de 16 ans, la<br />
pétillante Karine<br />
Vieira déborde<br />
d’énergie. Après<br />
avoir nié son<br />
handicap, cette<br />
jolie maman de<br />
33 ans a décidé<br />
de l’accepter et de<br />
vivre p<strong>le</strong>inement.<br />
« L’alcool, la vitesse… puis<br />
ce fut l’accident. C’était<br />
au Portugal, un copain<br />
conduisait. Mon cousin y a<br />
laissé la vie. À l’hôpital de<br />
Garches où j’ai été rapatriée,<br />
<strong>le</strong>s soignants m’ont prévenue<br />
que ma vie allait changer,<br />
que j’allais devoir lire<br />
beaucoup… Je ne comprenais<br />
pas. Plus tard, un médecin<br />
m’a carrément lancé : “Si tu<br />
ne remarches pas dans <strong>le</strong>s<br />
3 mois, tu ne remarcheras<br />
jamais !” Mais, même là, je<br />
n’ai pas réalisé. J’étais dans<br />
<strong>le</strong> déni. C’était trop brutal,<br />
trop inconcevab<strong>le</strong>, j’allais me<br />
re<strong>le</strong>ver.<br />
J’ai appris à manier un<br />
fauteuil, à me transférer sous<br />
la douche, dans une voiture,<br />
j’ai poursuivi ma vie d’ado,<br />
passé mon bac, mon permis,<br />
gagné en autonomie. Il m’a<br />
fallu 4 ans pour me rendre<br />
compte que je resterais<br />
peut-être toujours en fauteuil<br />
et c’est à 20 ans que j’ai pris<br />
une claque. Un matin, j’ai<br />
senti que je n’allais pas bien.<br />
J’ai appelé mes parents qui,<br />
divorcés, n’ont pas voulu<br />
voir ma souffrance. Je me<br />
suis alors sentie très seu<strong>le</strong>…<br />
avec mon fauteuil. Mon<br />
père, c’est comme si je l’avais<br />
déçu. Il était fier de moi, il<br />
m’emmenait partout, on allait<br />
au bal… Maintenant, j’ai beau<br />
travail<strong>le</strong>r, faire de la plongée,<br />
du kayak, du parachute,<br />
voyager, c’est toujours comme<br />
si je survivais. J’aimerais lui<br />
dire que tout ça n’est pas de<br />
ma faute. Mais il n’écoute pas.<br />
Il éprouve sans doute de la<br />
culpabilité mais il ne l’exprime<br />
pas. Il en devient même<br />
agressif. Quant à ma mère,<br />
el<strong>le</strong> a réagi comme si c’était<br />
el<strong>le</strong> l’accidentée. El<strong>le</strong> disait :<br />
“Pourquoi moi ?” ou “Que<br />
m’arrive-t-il ?”… Certes, el<strong>le</strong><br />
souffrait mais, en attendant,<br />
j’ai manqué du réconfort<br />
dont j’avais besoin. Enfin, un<br />
jour, peiné, mon frère m’a dit<br />
maladroitement : “À ta place,<br />
je me serais tiré une bal<strong>le</strong> !”<br />
Pour moi, cela signifiait : “Ta<br />
vie vaut moins que rien”. Ça<br />
a été dur à entendre, mais<br />
aujourd’hui il affirme être fier<br />
de moi, il me voit en battante,<br />
comme mes sœurs, et ça lui<br />
donne de la force.<br />
L’aide est en fait davantage<br />
venue de mes amis, de mes<br />
petits copains. Ils m’ont<br />
permis d’avoir une vie<br />
socia<strong>le</strong> équilibrée. Dès <strong>le</strong><br />
début, ma meil<strong>le</strong>ure amie<br />
m’a obligée à ressortir alors<br />
que, par honte, je ne voulais<br />
Enfin, un jour, peiné, mon frère m’a dit maladroitement :<br />
“À ta place, je me serais tiré une bal<strong>le</strong> !“<br />
pas affronter <strong>le</strong>s regards.<br />
Ensemb<strong>le</strong>, on a repoussé <strong>le</strong>s<br />
limites. Je continue d’ail<strong>le</strong>urs<br />
sur cette lancée puisque je<br />
viens de participer au Rallye<br />
Aïcha des Gazel<strong>le</strong>s dans<br />
<strong>le</strong> désert marocain (www.<br />
rallyeaichadesgazel<strong>le</strong>s.<br />
com). Entre 2008 et 2010,<br />
j’ai cependant dû suivre<br />
une psychothérapie. J’étais<br />
fatiguée mora<strong>le</strong>ment,<br />
physiquement, je baissais <strong>le</strong>s<br />
bras, j’étais à deux doigts de<br />
vouloir disparaître. J’avais<br />
tendance à tout relier à mon<br />
handicap, par exemp<strong>le</strong> <strong>le</strong>s<br />
déceptions amoureuses,<br />
et je perdais confiance. Ce<br />
travail m’a permis de mieux<br />
comprendre ma relation<br />
avec mes proches, que j’avais<br />
<strong>le</strong> droit de vivre et qu’ils<br />
m’aiment même s’ils se<br />
taisent. Depuis deux ans et<br />
la naissance de ma fil<strong>le</strong>, c’est<br />
comme si j’étais rentrée dans<br />
la norme et je <strong>le</strong>s vois m’aimer<br />
à travers el<strong>le</strong>. Ils sont fiers<br />
car ils constatent qu’el<strong>le</strong> est<br />
épanouie, que je m’en occupe<br />
bien, qu’on va aux bébés<br />
nageurs… Je l’adore et, pour<br />
el<strong>le</strong>, je n’ai pas <strong>le</strong> droit d’al<strong>le</strong>r<br />
mal. Tout n’est pas toujours<br />
faci<strong>le</strong> mais je suis en vie…<br />
donc je vis ! Même en fauteuil,<br />
on peut être heureux. » fr<br />
12 | idem
Depuis cinq ans, Pamela Le Meur se sait atteinte d’une<br />
sclérose en plaques, pathologie qui a bou<strong>le</strong>versé sa vie et cel<strong>le</strong><br />
de sa famil<strong>le</strong>. Aujourd’hui, à 42 ans, el<strong>le</strong> refuse cependant de<br />
s’enfermer dans la maladie.<br />
« On a <strong>le</strong> droit d’être<br />
en colère mais… »<br />
« En mars 2008, <strong>le</strong><br />
diagnostic est tombé :<br />
sclérose en plaques. Presque<br />
un soulagement. Depuis<br />
longtemps, je subissais divers<br />
maux sans comprendre ce qui<br />
se passait. J’accusais <strong>le</strong> sport,<br />
<strong>le</strong> travail, <strong>le</strong>s transports, <strong>le</strong><br />
stress… L’année précédant <strong>le</strong><br />
diagnostic, mes troub<strong>le</strong>s se<br />
sont accentués. J’étais de plus<br />
en plus fatiguée, irritab<strong>le</strong>,<br />
insatisfaite. Je dormais mal,<br />
mes dou<strong>le</strong>urs s’accroissaient.<br />
D’un coup, j’ai eu une névrite<br />
optique. J’ai fini par ne plus<br />
voir de l’œil gauche. Puis<br />
de l’œil droit. Cela arrive<br />
souvent avec la sclérose en<br />
plaques, mais en général <strong>le</strong><br />
malade récupère bien. Moi,<br />
je suis devenue malvoyante.<br />
Ma vision s’arrête parfois à<br />
30 cm, et j’ai l’impression de<br />
regarder à travers une fine<br />
meurtrière. Connaître sa<br />
maladie permet de savoir<br />
contre quoi lutter et de mieux<br />
s’armer.<br />
Ma vie s’est radica<strong>le</strong>ment<br />
modifiée. J’enseignais <strong>le</strong><br />
tissage dans une éco<strong>le</strong><br />
de design à Paris, j’ai dû<br />
abandonner. J’ai éga<strong>le</strong>ment<br />
dû arrêter de conduire,<br />
apprendre à me déplacer<br />
dans la maison, à cuisiner et à<br />
aider mes enfants à faire <strong>le</strong>urs<br />
devoirs sans voir, à écouter<br />
des livres…<br />
Dès <strong>le</strong> <strong>le</strong>ver, je sais que<br />
tout va être un combat. La<br />
plus bana<strong>le</strong> des tâches peut<br />
devenir impossib<strong>le</strong>. Parfois<br />
j’ai la sensation que mes<br />
jambes sont en feu ; parfois<br />
mes doigts sont insensib<strong>le</strong>s.<br />
Heureusement, mes parents<br />
se sont immédiatement<br />
rendus disponib<strong>le</strong>s. Ils nous<br />
ont fait un beau cadeau<br />
en achetant une maison<br />
à proximité. Je suis très<br />
fatigab<strong>le</strong> et j’ai besoin de<br />
Dès <strong>le</strong> <strong>le</strong>ver, je sais que tout va être un combat.<br />
La plus bana<strong>le</strong> des tâches peut devenir impossib<strong>le</strong>.<br />
périodes de calme. Mes deux<br />
garçons de 9 et 13 ans ont<br />
ainsi un autre lieu cha<strong>le</strong>ureux<br />
où al<strong>le</strong>r. Pour eux aussi, ça a<br />
été dur. J’ai été hospitalisée à<br />
plusieurs reprises, ils étaient<br />
inquiets. Il <strong>le</strong>ur a fallu un<br />
an pour gérer cela. Même si<br />
<strong>le</strong> sujet n’est pas tabou à la<br />
maison, ils n’arrivaient pas à<br />
exprimer certaines angoisses.<br />
Avec des professionnels,<br />
ils ont pu <strong>le</strong>s évacuer. Mais<br />
aujourd’hui encore, quand je<br />
suis en piteux état, l’anxiété<br />
gagne. Avec mes amis, j’ai<br />
dû apprendre à appe<strong>le</strong>r<br />
au secours. Au début, je<br />
n’arrivais pas à demander<br />
de l’aide. Ma vie socia<strong>le</strong> s’est<br />
cependant réduite, car je ne<br />
peux jamais prévoir dans<br />
quel état je serai deux heures<br />
après. C’est douloureux.<br />
Face à la maladie, il ne<br />
faut pas rester là à subir,<br />
à ressasser. Cela suppose<br />
d’effectuer un gros travail sur<br />
soi. J’essaie d’apprécier mes<br />
capacités plutôt que de me<br />
concentrer sur mes échecs<br />
et mes difficultés. Bien sûr,<br />
ça ne marche pas toujours.<br />
J’ai aussi compris qu’il était<br />
primordial de par<strong>le</strong>r de son<br />
ressenti, notamment avec des<br />
personnes atteintes. Atteintes<br />
mais battantes, et avec qui<br />
on peut rire. À l’hôpital, je<br />
rencontre des malades qui<br />
en veu<strong>le</strong>nt à <strong>le</strong>urs proches<br />
de ne pas <strong>le</strong>s comprendre.<br />
Comment <strong>le</strong> pourraientils<br />
? Ils ne sont pas à notre<br />
place. Ils ne sont pas non<br />
plus responsab<strong>le</strong>s. On a <strong>le</strong><br />
droit d’être très en colère, il<br />
est bon de l’exprimer pour<br />
ne pas céder à l’abattement.<br />
C’est une façon de tenir. Mais<br />
cette colère doit être tournée<br />
contre la maladie, pas contre<br />
<strong>le</strong>s autres. » fr<br />
idem | 13
c’est<br />
ma<br />
passion<br />
Tétra kart<br />
Depuis sa plus tendre enfance, Julien Bache<strong>le</strong>t<br />
a été bercé par <strong>le</strong> ronronnement des moteurs.<br />
Celui des motos de son père sur <strong>le</strong>squel<strong>le</strong>s il<br />
a très vite roulé, au point de développer une<br />
véritab<strong>le</strong> passion pour <strong>le</strong>s sports mécaniques.<br />
Une passion qui ne s’est pas démentie, malgré<br />
l’accident qui l’a rendu tétraplégique à 15 ans.<br />
Bien au contraire, el<strong>le</strong> s’est encore renforcée<br />
avec la pratique du kart. Aujourd’hui, ce jeune<br />
ingénieur défie doub<strong>le</strong>ment la gravité : avec son<br />
impressionnante force de caractère qui laisse<br />
sur la ligne de départ toute forme de pathos ;<br />
et dans <strong>le</strong>s virages, à la recherche du meil<strong>le</strong>ur<br />
chrono, au volant de son Rotax 125 Max.<br />
14 | idem
NTK Racing, <strong>le</strong> kart<br />
pour tous en Normandie<br />
« Si des tétraplégiques ou des paraplégiques veu<strong>le</strong>nt essayer<br />
<strong>le</strong> karting, nous avons la possibilité de <strong>le</strong>s initier sur <strong>le</strong> circuit<br />
d’Essay. Et s’ils souhaitent continuer, nous nous chargeons de<br />
<strong>le</strong>s mettre en relation avec <strong>le</strong>s bonnes personnes pour trouver<br />
un kart, <strong>le</strong>s équipements et pour la réalisation des adaptations<br />
sur mesure ».<br />
Je viens d’avoir 26 ans et je suis ingénieur<br />
mécanicien dans l’aérospatia<strong>le</strong>, à<br />
Vernon. Je conçois des moteurs de fusée<br />
et d’avion. Je suis tétraplégique depuis<br />
l’âge de 15 ans. J’étais en 3 ème au collège<br />
de Breteuil-sur-Iton. Je rentrais de l’éco<strong>le</strong> à moby<strong>le</strong>tte<br />
et une voiture m’a percuté. Le truc classique<br />
et inévitab<strong>le</strong> : la voiture qui coupe un virage parce<br />
qu’el<strong>le</strong> arrive trop vite et heurte <strong>le</strong> deux-roues en<br />
face. Fracture de la cinquième vertèbre cervica<strong>le</strong><br />
et deux ans de rééducation… J’ai toujours été<br />
sportif et je viens d’une famil<strong>le</strong> de motards. Nous<br />
avions deux amis qui étaient comme ça à cause<br />
d’un accident de moto. Je « connaissais » donc<br />
déjà <strong>le</strong> handicap. Et, immédiatement, je me suis<br />
dit qu’il fallait y al<strong>le</strong>r ! De toutes façons, je n’avais<br />
pas <strong>le</strong> choix. Et puis à 15 ans, on ne voit pas vraiment<br />
toutes <strong>le</strong>s difficultés que l’on va rencontrer<br />
par la suite. J’ai donc repris mes études deux ans<br />
après l’accident, en seconde, dans un lycée ordinaire,<br />
et tout s’est bien passé. J’ai tout rattrapé, j’ai<br />
continué jusqu’à bac plus 5, j’ai eu mon diplôme<br />
d’ingénieur, et puis voilà (rires). Aujourd’hui, je<br />
suis paralysé des quatre membres mais j’ai quand<br />
même une bonne motricité des bras et des poignets.<br />
En revanche, je ne peux pas du tout bouger<br />
mes doigts. Mais j’arrive à me déplacer et à me<br />
débrouil<strong>le</strong>r au quotidien. Pas forcément tout seul<br />
pour certains actes de la vie, mais pour pas mal de<br />
choses. Je suis autonome à 80 %.<br />
Je refuse d’être<br />
réduit à des sports<br />
comme la SARBACANE !<br />
Dans ma famil<strong>le</strong>, on aime <strong>le</strong>s sports mécaniques.<br />
Surtout papa, dont la vraie passion est la restauration<br />
des motos anciennes. Ce virus, je l’ai attrapé<br />
très jeune. Je fais de la moto depuis l’âge de cinq ou<br />
six ans ! Et même avant, puisque depuis tout petit,<br />
j’ai roulé en side-car.<br />
Le kart, c’est venu parce que faire de la moto<br />
n’était plus possib<strong>le</strong>. Très vite, pendant la rééducation,<br />
j’ai voulu refaire du sport. En tant que tétraplégique,<br />
on nous proposait de faire du ping-pong ou<br />
de la sarbacane et ça me saoulait. Là, on nous prend<br />
vraiment pour des handicapés ! Le problème, c’est<br />
qu’un handicapé dans un sport extrême, c’est tout<br />
de suite très mal vu. « Oh là là ! Il a déjà eu un accident,<br />
pourquoi il fait un truc pareil ?! ». Ben, parce<br />
que c’est ma passion et que je veux la pratiquer.<br />
Qu’il y ait des compétitions de sarbacane, très bien,<br />
c’est un très bon sport pour certains. Mais on ne<br />
nous réduit qu’à ça en centre de rééducation et partout<br />
ail<strong>le</strong>urs. C’est vraiment un truc qui m’énerve.<br />
Le kart n’est pas plus dangereux qu’un autre sport<br />
« Le problème, c’est qu’un handicapé dans un sport<br />
extrême, c’est tout de suite très mal vu. “Oh là là ! Il a<br />
déjà eu un accident, pourquoi il fait un truc pareil ?!” »<br />
idem | 15
c’est<br />
ma<br />
passion<br />
contact<br />
NTK Racing<br />
ntkracing@hotmail.fr<br />
Tél : 06 21 55 55 16<br />
« En kart, l’accélération est plus rapide. Pour nous,<br />
<strong>le</strong>s tétras, <strong>le</strong> plus compliqué, c’est donc <strong>le</strong> maintien. »<br />
si on ne fait pas n’importe quoi. Quoi qu’il en soit,<br />
il me fallait quelque chose qui bouge. Un jour, je<br />
suis tombé sur <strong>le</strong> site de Fabrice Dubois, <strong>le</strong> premier<br />
tétraplégique à avoir fait du karting en France et<br />
même dans <strong>le</strong> monde. Il avait trouvé la solution :<br />
mettre une direction assistée é<strong>le</strong>ctrique. En gros,<br />
quand je suis arrivé, tout était déjà fait. D’ail<strong>le</strong>urs,<br />
mon premier kart, c’était <strong>le</strong> sien, je lui ai racheté.<br />
Un sport qui revient CHER<br />
Pour un kart neuf, il faut compter 8 000 euros, et il<br />
faut encore rajouter 2 000 euros pour la direction<br />
assistée et <strong>le</strong>s autres adaptations nécessaires. Notamment<br />
la barre cintrée, reliée au frein et à l’accélérateur,<br />
que l’on peut utiliser avec la main droite<br />
et qui remplace <strong>le</strong>s pieds. Il y a aussi la fourche au<br />
volant qui permet de tourner avec l’autre main. Et<br />
puis, il y a <strong>le</strong> siège. Norma<strong>le</strong>ment, dans un kart,<br />
on n’est pas attaché. Mais là, on a mis un harnais<br />
trois points que l’on serre un « max » pour qu’il<br />
nous soutienne. Il y a même des attaches au niveau<br />
des jambes et des pieds. Parce qu’en kart, l’accélération<br />
est plus rapide dans certaines compétitions<br />
automobi<strong>le</strong>s classiques. Pour nous <strong>le</strong>s tétras, <strong>le</strong> plus<br />
compliqué, c’est donc <strong>le</strong> maintien.<br />
La première fois que j’ai essayé mon kart, je m’en<br />
souviens très bien. C’était à Essay, dans l’Orne, <strong>le</strong><br />
plus beau circuit d’Europe, et c’était très vio<strong>le</strong>nt ! Le<br />
kart n’était pas encore réglé, il avait des pneus anciens<br />
qui avaient durci, et il a commencé à p<strong>le</strong>uvoir.<br />
C’était une vraie catastrophe. En plus, il y avait<br />
16 | idem<br />
des gens qui s’entraînaient pour <strong>le</strong>s championnats<br />
d’Europe et je roulais en même temps qu’eux. Je me<br />
suis fait peur à chaque moment. Ça accélérait tel<strong>le</strong>ment<br />
fort que je ne comprenais absolument rien.<br />
Jamais au point de renoncer, mais j’ai <strong>le</strong> souvenir<br />
d’avoir flippé. C’était vraiment impressionnant.<br />
Aujourd’hui, je tourne essentiel<strong>le</strong>ment à Essay, à<br />
cause de la proximité. Parce qu’un déplacement, ça<br />
mobilise toute une logistique derrière. Il faut déjà<br />
deux personnes pour m’instal<strong>le</strong>r dans <strong>le</strong> kart. Et<br />
puis quand on est sur un circuit, on cherche à se<br />
dépasser, à taper du chrono, donc on sort souvent<br />
de la piste et, dans ce cas, il faut du monde pour<br />
nous remettre sur <strong>le</strong>s rails.<br />
Un de mes meiLLEURS<br />
souvenirs est lié<br />
à la compétition<br />
L’entraînement m’allait très bien, j’étais là pour<br />
m’éclater. Je ne pensais pas spécia<strong>le</strong>ment à la compétition.<br />
C’est Fabrice Dubois et son entourage,<br />
dont Philippe Streiff, ancien pilote de Formu<strong>le</strong> 1<br />
et tétraplégique, qui m’ont poussé. En 2010, ils ont<br />
mis en place une section handisport avec la Fédération<br />
française de sport automobi<strong>le</strong>. La FFSA a<br />
joué <strong>le</strong> jeu en créant une licence qui nous couvre<br />
comme <strong>le</strong>s valides, sans contrepartie financière<br />
supplémentaire. Donc, pour la première course, je<br />
me suis dit qu’il fallait que je participe. Ça s’est passé<br />
lors de la fina<strong>le</strong> du championnat du monde de<br />
karting et ça a surpris tout <strong>le</strong> monde. Vous lâchez<br />
quinze handicapés avec des karts de compétition,<br />
ils n’en revenaient pas ! Parce qu’il y avait de la batail<strong>le</strong><br />
dans tous <strong>le</strong>s sens, ça se poussait… Il n’y avait<br />
plus de potes sur la piste, on était tous des compétiteurs.<br />
Au début, ils avaient même peur au vu des<br />
chronos que l’on tapait. Ils savaient que ça allait<br />
très, très vite. Quand la course s’est enfin terminée,<br />
ils ont soufflé. C’était un moment exceptionnel !<br />
Je pense faire du kart<br />
JUSQU’à 30 ou 35 ans<br />
Mais depuis des années, je réfléchis pour revenir à<br />
quelque chose de moins sportif, plus balade. Parce<br />
que <strong>le</strong> kart, c’est compliqué. Il faut se <strong>le</strong>ver tôt,<br />
mettre la combinaison, se déplacer sur <strong>le</strong> circuit<br />
avec une personne, et puis il y a <strong>le</strong> temps que mon<br />
père doit passer avant pour préparer <strong>le</strong> kart. Au<br />
final, pour rou<strong>le</strong>r deux heures, il faut compter dix<br />
heures de préparation. Je voudrais un « truc » plus<br />
simp<strong>le</strong>, pour <strong>le</strong>quel je n’ai besoin de personne pour<br />
me transférer. Par exemp<strong>le</strong>, adapter une Porsche<br />
pour faire des balades <strong>le</strong> week-end. Là encore, ce<br />
ne sera pas une question de vitesse mais de sensations.<br />
Avoir un moteur comme un Flat 6 Porsche<br />
qui a un bruit unique ! Les moteurs font partie de<br />
ma vie depuis tout petit. C’est en ça que <strong>le</strong> kart a<br />
été essentiel. Mon seul regret, c’est que la musique<br />
soit interdite en course. Sinon, je mettrais un bon<br />
ACDC : « Highway to hell » !<br />
propos recueillis par laurent tastet
etour sur<br />
la route des jeux<br />
Neuf équipages mixtes, composés d’une personne valide et d’une personne handicapée,<br />
avaient enfourché <strong>le</strong>ur vélo en été 2012, direction <strong>le</strong>s Jeux paralympiques de Londres.<br />
Aujourd’hui, ils racontent <strong>le</strong>ur aventure, baptisée «Sur la route des Jeux», dans <strong>le</strong>s éco<strong>le</strong>s et<br />
profitent de chaque occasion pour par<strong>le</strong>r plus largement du handicap et de l’intérêt de la<br />
pratique sportive pour <strong>le</strong>s personnes handicapées.<br />
Ils avaient préparé <strong>le</strong>ur voyage depuis des mois. En<br />
août 2012, ils ont pédalé jusqu’à Londres pour assister<br />
aux Jeux Paralympiques. « Notre idée est vraiment<br />
de sensibiliser <strong>le</strong> maximum de personnes à la thématique<br />
du handicap, explique Magali Le Floch, conseillère<br />
d’animation sportive à l’origine du projet. Nous souhaitons<br />
montrer au plus grand nombre que <strong>le</strong>s personnes<br />
en situation de handicap peuvent s’adonner à une pratique<br />
sportive. » Les 28 participants, dont 9 équipages d’un duo<br />
de sportifs valide et handicapé, ont fait six étapes dignes<br />
du Tour de France pour se rendre dans la capita<strong>le</strong> anglaise.<br />
Avant de partir et tout au long de <strong>le</strong>ur périp<strong>le</strong>, ils<br />
ont diffusé <strong>le</strong>ur message. Evidemment, ils ont poursuivi<br />
cette démarche d’information et de sensibilisation une<br />
fois rentrés en France, la tête remplie de souvenirs. « Nous<br />
avons connu des moments magiques à Londres, confirme<br />
Lydie Mahé, jeune femme amputée d’une jambe qui<br />
a parcouru <strong>le</strong>s 360 kilomètres en handbike (vélo à trois<br />
roues sur <strong>le</strong>quel on péda<strong>le</strong> avec <strong>le</strong>s mains). Nous avons<br />
aussi vécu une très bel<strong>le</strong> aventure humaine. L’entraide au<br />
sein du groupe était formidab<strong>le</strong>. »<br />
Retour d’expérience<br />
De <strong>le</strong>ur aventure est né un film. Ils souhaitent aujourd’hui<br />
<strong>le</strong> présenter au plus grand nombre en se rendant notamment<br />
dans des éco<strong>le</strong>s. « Par<strong>le</strong>r du handicap à des enfants<br />
est très pertinent car ce sont <strong>le</strong>s adultes de demain, estime<br />
Gil<strong>le</strong>s Sorin, sportif handicapé qui s’est lui aussi rendu à<br />
Londres en handbike. Les enfants posent faci<strong>le</strong>ment des<br />
questions, ils sont plus à l’aise avec <strong>le</strong> handicap que <strong>le</strong>s<br />
adultes. Le dialogue est plus fluide, plus profond. » « Nous<br />
espérons aussi que notre message passera des enfants aux<br />
parents », ajoute Lydie Mahé.<br />
Lors de ces interventions en milieu scolaire, ils racontent<br />
<strong>le</strong>ur quotidien et <strong>le</strong>ur pratique sportive. Des ateliers<br />
physiques pratiques sont éga<strong>le</strong>ment organisés. Ils<br />
permettent aux personnes valides de se retrouver dans<br />
la situation de personnes handicapées. « L’inverse n’étant<br />
pas possib<strong>le</strong>, ironise Gil<strong>le</strong>s Sorin, 33 ans, nous proposons<br />
à une personne valide de se mettre dans un fauteuil. C’est<br />
plus parlant que n’importe quel discours et <strong>le</strong> mélange entre<br />
valides et handicapés est vraiment enrichissant pour tous. »<br />
Une meil<strong>le</strong>ure compréhension mutuel<strong>le</strong> : c’était l’objectif<br />
recherché par <strong>le</strong>s organisateurs de l’événement «Sur la<br />
route des Jeux». « Il est important pour nous d’ouvrir <strong>le</strong>s<br />
portes de tous <strong>le</strong>s clubs sportifs aux personnes handicapées<br />
», confirme Magali Le Floch.<br />
Et demain ?<br />
Ceux qui se sont rendus à Londres souhaitent faire perdurer<br />
ce groupe qui a partagé une aventure incroyab<strong>le</strong>.<br />
« Nous nous sommes évidemment donné rendez-vous en<br />
2016, s’exclame Magali Le Floch, nous verrons bien ! »<br />
Mais ils comptent aussi continuer à sensibiliser <strong>le</strong> grand<br />
public. « Il reste encore beaucoup à faire pour faire évoluer<br />
<strong>le</strong>s regards sur <strong>le</strong> handicap, insiste Gil<strong>le</strong>s Sorin. Pour créer<br />
une dynamique, nous devons en par<strong>le</strong>r et en repar<strong>le</strong>r… »<br />
clémence lamirand<br />
« Sur la route des Jeux »<br />
version équitation !<br />
Le comité départemental d’équitation de l’<strong>Eure</strong> souhaite,<br />
sur <strong>le</strong> même principe que «Sur la route des Jeux» (http://<br />
surlaroutedesjeux.fr/), rejoindre Caen à cheval pour <strong>le</strong>s Jeux<br />
équestres mondiaux qui se dérou<strong>le</strong>ront dans <strong>le</strong> Calvados en<br />
2014. L’occasion de repar<strong>le</strong>r de sport et de handicap.<br />
idem | 17
infos<br />
Droits et prestations<br />
Actualités<br />
socia<strong>le</strong>s<br />
quoi de neuf ?<br />
Nouvel<strong>le</strong>s lois, publication de<br />
décrets… <strong>le</strong>s textes législatifs<br />
qui définissent et encadrent<br />
<strong>le</strong>s diverses aides destinées<br />
aux personnes en situation de<br />
handicap changent, et il est<br />
important d’en être informé.<br />
Eclairage sur deux évolutions<br />
récentes.<br />
La restriction subs t<br />
d’accès à l’emploi<br />
Un décret sur <strong>le</strong>s conditions d’attribution<br />
de l’AAH a été publié en 2011 au Journal<br />
Officiel, dans <strong>le</strong> but d’harmoniser l’attribution<br />
de l’Allocation aux Adultes Handicapés sur<br />
l’ensemb<strong>le</strong> du territoire français.<br />
L’<br />
Allocation aux Adultes Handicapés<br />
(AAH, voir page 20)<br />
est en principe réservée aux<br />
personnes atteintes d’un taux<br />
d’incapacité supérieur ou<br />
égal à 80 %. Mais cel<strong>le</strong>s qui présentent<br />
un taux d’incapacité compris entre 50 et<br />
79 % peuvent aussi, sous certaines conditions,<br />
bénéficier de cette allocation. Ces<br />
conditions sont regroupées sous <strong>le</strong> terme<br />
de restriction substantiel<strong>le</strong> et durab<strong>le</strong><br />
pour l’accès à l’emploi : RSDAE.<br />
Que représentent ces cinq <strong>le</strong>ttres ? Si<br />
une personne rencontre, du fait de son<br />
handicap, des difficultés importantes<br />
d’accès à l’emploi et que cet état est reconnu<br />
par la MDPH, el<strong>le</strong> peut bénéficier<br />
de l’AAH. Dans ce cas, l’allocation est<br />
18 | idem
2 points clés<br />
Si la notion de restriction substantiel<strong>le</strong><br />
et durab<strong>le</strong> pour l’accès à l’emploi<br />
est reconnue, la personne en situation<br />
de handicap peut :<br />
• percevoir l’allocation aux adultes<br />
handicapés (AAH) même si son<br />
taux d’incapacité est compris entre<br />
50 et 79 % ;<br />
• bénéficier de cette aide pour une<br />
durée de deux ans maximum.<br />
A noter que <strong>le</strong> versement de cette<br />
allocation est soumis à des conditions<br />
administratives.<br />
tantiel<strong>le</strong><br />
accordée pour une durée maxima<strong>le</strong> de<br />
deux ans. Si la RSDAE n’est pas validée,<br />
la personne peut faire valoir son droit à<br />
d’autres aides, comme <strong>le</strong> RSA (revenu de<br />
solidarité active).<br />
Sur quels critères la commission de<br />
la MDPH tranche-t-el<strong>le</strong> ? La CDAPH,<br />
commission des droits et de l’autonomie<br />
des personnes handicapées de la MDPH,<br />
valide la RSDAE après une évaluation précise<br />
de la situation de la personne handicapée<br />
qui a déposé une demande d’AAH,<br />
évaluation effectuée par une équipe pluridisciplinaire.<br />
Les conséquences et effets<br />
du handicap sur l’activité professionnel<strong>le</strong><br />
font partie des principaux critères. Les<br />
contraintes liées aux prises de traitements<br />
ou aux traitements eux-mêmes sont<br />
éga<strong>le</strong>ment pris en compte. Les données<br />
recueillies auprès de la personne handicapée<br />
sont toujours comparées à cel<strong>le</strong>s<br />
d’une personne valide se trouvant dans<br />
une situation professionnel<strong>le</strong> comparab<strong>le</strong>.<br />
clémence lamirand<br />
A l’éco<strong>le</strong> :<br />
aide individuel<strong>le</strong> ou mutualisée ?<br />
L’aide mutualisée permet aux élèves handicapés qui<br />
ne requièrent pas une attention soutenue et continue<br />
de recevoir une aide adaptée et soup<strong>le</strong> au sein de <strong>le</strong>ur<br />
établissement scolaire.<br />
Un décret paru au Journal<br />
Officiel à l’été 2012 a instauré<br />
de nouvel<strong>le</strong>s modalités d’accompagnement<br />
des enfants<br />
en situation de handicap en<br />
milieu scolaire ordinaire. L’aide humaine<br />
apportée à ces enfants au cours de <strong>le</strong>ur<br />
scolarité peut désormais être individuel<strong>le</strong><br />
ou mutualisée. Ceux qui ont besoin d’un<br />
soutien à la fois dans l’accès aux activités<br />
d’apprentissage, dans <strong>le</strong>s activités socia<strong>le</strong>s<br />
et relationnel<strong>le</strong>s et dans <strong>le</strong>s actes de la vie<br />
quotidienne conservent une aide individualisée.<br />
Ceux dont la situation ne nécessite<br />
un accompagnement que dans un ou<br />
deux de ces domaines peuvent bénéficier<br />
d’une aide mutualisée. Dans ce cas, un<br />
même assistant d’éducation peut intervenir<br />
simultanément ou successivement auprès<br />
de plusieurs élèves. L’aide individualisée<br />
est apportée par un AVS-I (auxiliaire<br />
de vie scolaire pour l’aide individuel<strong>le</strong>),<br />
l’aide mutualisée est assurée par un AVS-M<br />
(auxiliaire de vie scolaire pour l’aide mutualisée).<br />
Une évaluation plus<br />
précise pour une<br />
décision PLUS adaptée<br />
Afin de proposer l’accompagnement <strong>le</strong><br />
plus adapté, <strong>le</strong>s maisons départementa<strong>le</strong>s<br />
des personnes handicapées (MDPH) ont<br />
travaillé à l’amélioration de l’évaluation<br />
des besoins des enfants, tant pour <strong>le</strong>s activités<br />
liées à l’apprentissage qu’au point de<br />
vue de la mobilité, la sécurité ou la vie socia<strong>le</strong>.<br />
Cette évaluation nécessite un recueil<br />
d’informations minutieux, auprès des parents<br />
et des professeurs notamment.<br />
Le dernier mot<br />
pour la CDAPH<br />
La commission des droits et de l’autonomie<br />
des personnes handicapées (CDAPH)<br />
de la MDPH décide du type d’aide à partir<br />
des éléments récoltés. D’autres mesures<br />
peuvent éga<strong>le</strong>ment être proposées dans <strong>le</strong><br />
cadre du projet personnalisé de scolarisation<br />
(PPS) qui organise toute la scolarité de<br />
l’enfant : aide matériel<strong>le</strong>, aménagements<br />
pédagogiques, etc. cl<br />
Elèves & handicap : <strong>le</strong>s chiffres<br />
La loi du 11 février 2005 avait pour objectif de<br />
favoriser la scolarisation des enfants handicapés<br />
en milieu ordinaire. Cette volonté s’est déjà<br />
traduite dans <strong>le</strong>s faits. Ainsi, en 2005, en France,<br />
151 523 enfants handicapés étaient scolarisés dans<br />
un établissement classique. Cinq ans plus tard,<br />
ils étaient 201 388, soit une augmentation d’un<br />
tiers. La part des élèves en situation de handicap<br />
dans la population scolaire généra<strong>le</strong> est passée<br />
de 1,3 à 1,7 % entre 2005 et 2010. 71 % des élèves<br />
handicapés étaient scolarisés en milieu ordinaire<br />
en 2009 contre 66 % en 2005. Enfin, en septembre<br />
2011, 210 395 enfants en situation de handicap ont<br />
fait <strong>le</strong>ur rentrée dans des établissements scolaires<br />
publics ou privés : 130 517 en primaire et 79 878<br />
dans <strong>le</strong> second degré.<br />
idem | 19
infos<br />
Droits et prestations<br />
L’AAH en pratique L’allocation aux adultes handicapés (AAH)<br />
permet de garantir un revenu minimal aux personnes en situation de handicap.<br />
Zoom sur cette allocation.<br />
Pour qui ? Pour percevoir l’AAH, il faut résider<br />
en France et avoir entre 20 ans (ou 16 ans dans certaines<br />
conditions) et moins de 60 ans (sauf dans certains cas). Le<br />
taux d’incapacité du bénéficiaire doit être au moins égal<br />
à 80 % (ou entre 50 et 79 % si une restriction substantiel<strong>le</strong><br />
d’accès à l’emploi est reconnue – lire page 18).<br />
Montant 776,59 € (taux au 1 er septembre 2012) :<br />
c’est <strong>le</strong> montant maximum que peut percevoir une personne qui ne dispose<br />
d’aucun autre revenu. Le montant est variab<strong>le</strong> en fonction des ressources<br />
de la personne et de son conjoint.<br />
Cumul Si la personne handicapée perçoit une pension<br />
(invalidité, rente d’accident du travail, retraite), el<strong>le</strong> peut<br />
bénéficier d’une AAH réduite. Si la personne en situation de<br />
handicap travail<strong>le</strong> à temps partiel par exemp<strong>le</strong>, l’AAH est<br />
calculée en fonction d’une partie seu<strong>le</strong>ment de ses revenus<br />
d’activité.<br />
Durée L’AAH est attribuée pour une durée de un à<br />
cinq ans renouvelab<strong>le</strong>. Cependant, si <strong>le</strong> handicap n’est pas<br />
susceptib<strong>le</strong> d’évoluer, la durée d’attribution peut être plus<br />
longue, sans toutefois dépasser <strong>le</strong>s dix ans pour <strong>le</strong>s personnes<br />
ayant un taux d’incapacité supérieur ou égal à 80 %.<br />
Avantages L’AAH est insaisissab<strong>le</strong> et non<br />
imposab<strong>le</strong>. Sous certaines conditions, <strong>le</strong>s bénéficiaires<br />
peuvent être exonérés de certaines taxes et bénéficier de<br />
tarifs sociaux (abonnements téléphoniques, é<strong>le</strong>ctricité…)<br />
A qui s’adresser ? Il faut déposer un<br />
dossier à la MDPH. C’est la Commission des Droits et<br />
de l’Autonomie des Personnes handicapées (CDAPH)<br />
qui décide de l’attribution de l’AAH, sachant que cette<br />
allocation est payée par la CAF (Caisse d’Allocations<br />
Familia<strong>le</strong>s) ou la Mutualité Socia<strong>le</strong> Agrico<strong>le</strong> (MSA).<br />
en+<br />
Un complément de ressources peut s’ajouter<br />
à l’AAH afin de compenser une absence de<br />
revenus pour une personne handicapée qui ne peut plus<br />
travail<strong>le</strong>r. Un autre complément, la majoration pour la<br />
vie autonome, est éga<strong>le</strong>ment prévu pour <strong>le</strong>s bénéficiaires<br />
de l’AAH qui disposent d’un logement indépendant.<br />
20 | idem
La PCH, une aide pour des dépenses<br />
directement liées au handicap<br />
La prestation de compensation<br />
du handicap (PCH) est une aide<br />
personnalisée qui peut être apportée<br />
aux adultes et aux enfants<br />
handicapés. Créée par la loi du<br />
11 février 2005, el<strong>le</strong> permet de faire face à<br />
des dépenses spécifiques liées au handicap.<br />
Ainsi, el<strong>le</strong> peut aider à l’aménagement d’un<br />
véhicu<strong>le</strong>, au dédommagement d’un aidant<br />
familial ou encore à l’installation d’une<br />
rampe pour faciliter l’accès au domici<strong>le</strong>…<br />
En pratique<br />
La PCH concerne <strong>le</strong>s personnes de moins<br />
de 60 ans (exceptionnel<strong>le</strong>ment de moins de<br />
75 ans). La décision d’attribution de la PCH<br />
est prise par la Commission des Droits et<br />
de l’Autonomie des Personnes Handicapées<br />
(CDAPH).<br />
Combien ?<br />
Le montant de la PCH varie en fonction<br />
des dépenses prises en charge. C’est <strong>le</strong> Département<br />
qui paye la PCH. El<strong>le</strong> est versée<br />
mensuel<strong>le</strong>ment ou en plusieurs fois selon la<br />
nature des dépenses.<br />
Témoignage<br />
« Nous bénéficions de la prestation de<br />
compensation du handicap car je m’occupe<br />
de ma fil<strong>le</strong> au quotidien. Nous avons<br />
dû calcu<strong>le</strong>r <strong>le</strong> temps que je passe auprès<br />
d’el<strong>le</strong>. J’ai obtenu une indemnisation<br />
correspondant à 5h45 par jour. La<br />
PCH nous a été octroyée pour cinq ans.<br />
L’assistante socia<strong>le</strong> de l’APF (Association<br />
des Paralysés de France) nous a beaucoup<br />
aidés dans toutes nos démarches<br />
administratives et dans ces calculs. »<br />
— Jacqueline, dont la fil<strong>le</strong> est<br />
tétraplégique.<br />
Bon à savoir La PCH<br />
n’est pas imposab<strong>le</strong>. Toutefois, <strong>le</strong> montant attribué<br />
aux aidants familiaux est à déclarer au titre des bénéfices non<br />
commerciaux (se rapprocher de l’administration fisca<strong>le</strong>).<br />
Les 5 vo<strong>le</strong>ts concernés par la PCH<br />
L’attribution de la PCH dépend<br />
notamment de la nature de la (ou <strong>le</strong>s)<br />
difficultés(s) rencontrées. El<strong>le</strong> peut<br />
prendre en charge diverses dépenses,<br />
classées en cinq domaines :<br />
1<br />
aides humaines<br />
(exemp<strong>le</strong> : rémunération d’un<br />
auxiliaire de vie)<br />
aides techniques<br />
2(exemp<strong>le</strong> : appareil auditif)<br />
3<br />
aménagement du<br />
logement, du véhicu<strong>le</strong><br />
et frais de transport<br />
(exemp<strong>le</strong>s : élargissement d’une<br />
porte, adaptation d’une sal<strong>le</strong> de bain,<br />
surcoûts de transports)<br />
4<br />
dépenses spécifiques<br />
ou exceptionnel<strong>le</strong>s<br />
(exemp<strong>le</strong> : abonnement à un service de<br />
téléalarme)<br />
5<br />
aides animalières<br />
(exemp<strong>le</strong> : frais pour un chien<br />
guide d’aveug<strong>le</strong>)<br />
idem | 21
infos<br />
Droits et prestations<br />
Le chiffre<br />
2%<br />
des places de stationnement<br />
au minimum doivent être<br />
réservées aux personnes à<br />
mobilité réduite<br />
Une carte<br />
désormais<br />
européenne<br />
La carte de stationnement pour<br />
personnes handicapées a adopté un<br />
format européen. B<strong>le</strong>ue et blanche, el<strong>le</strong><br />
présente sur <strong>le</strong> recto un logo fauteuil<br />
roulant, un numéro de carte, une<br />
durée de validité et la préfecture qui l’a<br />
délivrée. Sur <strong>le</strong> verso figurent <strong>le</strong> nom<br />
et prénom du titulaire, sa signature et<br />
sa photographie. Cette carte peut être<br />
utilisée dans <strong>le</strong>s 27 pays de l’Union<br />
européenne.<br />
Une carte pour se garer<br />
plus faci<strong>le</strong>ment<br />
La carte de stationnement pour personnes<br />
handicapées permet de se<br />
garer sur des places réservées. Cette<br />
carte est valab<strong>le</strong> pour une personne,<br />
quel que soit <strong>le</strong> véhicu<strong>le</strong> utilisé.<br />
La carte européenne de stationnement pour<br />
personnes handicapées est attribuée à cel<strong>le</strong>s<br />
et ceux qui rencontrent des difficultés pour se<br />
déplacer. Il peut s’agir de personnes en fauteuil<br />
roulant, de malades ayant besoin d’un appareil<br />
fournissant de l’oxygène, de personnes qui ne<br />
peuvent pas marcher sans l’aide d’un tiers, etc.<br />
En pratique<br />
Il faut déposer un dossier à la maison départementa<strong>le</strong><br />
des personnes handicapées (MDPH).<br />
C’est <strong>le</strong> préfet qui décide de la délivrance de<br />
la carte, qui peut être valab<strong>le</strong> pour un an ou à<br />
titre définitif. La demande de renouvel<strong>le</strong>ment<br />
doit être faite au moins 4 mois avant la date<br />
d’expiration de la précédente carte.<br />
La carte européenne de stationnement est<br />
nominative et ne peut servir que lorsque son<br />
bénéficiaire participe au déplacement.<br />
Bon à savoir Il n’est plus obligatoire d’avoir été reconnu<br />
invalide à 80 % pour obtenir la carte de stationnement<br />
Témoignage<br />
« Nous mettons toujours notre<br />
carte juste derrière <strong>le</strong> pare-brise et<br />
nous nous arrangeons pour que la<br />
photo soit bien visib<strong>le</strong>. Notre carte<br />
est valab<strong>le</strong> pour deux ans. Nous<br />
ne l’utilisons que lorsque notre<br />
enfant est dans <strong>le</strong> véhicu<strong>le</strong> : cela<br />
nous paraît évident, pourtant tout<br />
<strong>le</strong> monde ne fait pas comme nous.<br />
Certains l’utilisent alors que <strong>le</strong>ur<br />
proche handicapé n’est pas avec<br />
eux... Et ne parlons même pas des<br />
personnes qui se garent sur une<br />
place réservée sans carte, juste<br />
pour gagner un peu de temps ou<br />
ne pas s’embêter à chercher une<br />
place libre un peu plus loin !»<br />
— Claire, maman d’un petit<br />
garçon en fauteuil roulant<br />
22 | idem
Le parcours d’une demande<br />
auprès de la MDPH<br />
1La personne envoie ou apporte directement à l’accueil<br />
de la MDPH son formulaire de demande accompagné<br />
des pièces justificatives (notamment <strong>le</strong> certificat médical)<br />
2<br />
La<br />
MDPH traite la demande, l’enregistre<br />
et vérifie que <strong>le</strong> dossier est comp<strong>le</strong>t.<br />
3<br />
Le dossier<br />
est étudié.<br />
Une évaluation de<br />
la demande est<br />
effectuée par l’équipe<br />
pluridisciplinaire de<br />
la MDPH, en lien<br />
avec <strong>le</strong> demandeur.<br />
4<br />
Le dossier<br />
est examiné<br />
par la Commission<br />
des Droits et<br />
de l’Autonomie<br />
des personnes<br />
handicapées, qui<br />
rend sa décision.<br />
5<br />
Une notification est adressée au<br />
demandeur ainsi qu’aux organismes<br />
payeurs et, <strong>le</strong> cas échéant, une information<br />
est envoyée aux structures médico-socia<strong>le</strong>s<br />
concernées par <strong>le</strong>s décisions de CDAPH.<br />
idem | 23
c’est<br />
mon<br />
metier<br />
ergothérapeute<br />
Un professionnel explique son métier au service des personnes handicapées<br />
« S’INTéRESSER à LA<br />
personne, PAS SEULEMENT<br />
AU handicap »<br />
Évaluer <strong>le</strong> handicap d’une personne au regard des activités du<br />
quotidien et œuvrer pour lui offrir <strong>le</strong> maximum d’autonomie : tel<strong>le</strong><br />
est l’ambition de l’ergothérapeute. Un beau métier qui allie sens de la<br />
relation et compétences techniques. Entretien avec Gil<strong>le</strong>s Le Diberder,<br />
ergothérapeute à l’hôpital La Musse, à Saint-Sébastien-de-Morsent.<br />
Quel<strong>le</strong> est la spécificité de l’ergothérapie<br />
? L’ergothérapie vise à restaurer <strong>le</strong> plus<br />
possib<strong>le</strong> l’autonomie d’un patient afin qu’il<br />
puisse à nouveau se prendre en charge. Le<br />
propre de cette approche est d’appréhender<br />
la personne dans sa globalité et donc de<br />
tenir compte de ses habitudes de vie, de son<br />
environnement familial, social, professionnel…<br />
Autrement dit, l’ergothérapeute ne<br />
traite pas une prothèse de hanche mais une<br />
personne ayant une prothèse de hanche et<br />
en difficulté face à un milieu contraignant.<br />
Nous évaluons <strong>le</strong>s aptitudes fonctionnel<strong>le</strong>s<br />
(musculaires, articulaires…) et/ou cognitives<br />
de la personne et tentons de trouver<br />
des solutions pour qu’el<strong>le</strong> puisse regagner<br />
des capacités ou ne pas en perdre.<br />
24 | idem<br />
Concrètement, comment intervenezvous<br />
? Nous mettons <strong>le</strong> plus possib<strong>le</strong> <strong>le</strong>s<br />
gens en situation. À l’hôpital, nous organisons<br />
des ateliers pratiques, de cuisine<br />
par exemp<strong>le</strong>, ou nous rendons visite aux<br />
patients dans <strong>le</strong>ur chambre lors de la toi<strong>le</strong>tte<br />
pour voir avec eux ce qui <strong>le</strong>ur pose<br />
problème et envisager des solutions techniques.<br />
À La Musse, nous disposons en<br />
outre d’un appartement thérapeutique<br />
qui nous permet, si un patient garde des<br />
séquel<strong>le</strong>s de son accident ou de sa pathologie,<br />
d’évaluer son autonomie tout en lui garantissant<br />
une sécurité maxima<strong>le</strong>. Ainsi, à<br />
partir d’objectifs fixés, nous vérifions comment<br />
il gère certaines situations au plan<br />
fonctionnel et cognitif. Est-il capab<strong>le</strong> de se<br />
déplacer, de se <strong>le</strong>ver, de faire son café dans<br />
des conditions acceptab<strong>le</strong>s ? Parvient-il à se<br />
projeter sur plusieurs jours, par exemp<strong>le</strong> en<br />
programmant ses courses ? Nous pouvons<br />
même valider cela avec une sortie à l’extérieur.<br />
Dans un tel lieu, tout concourt à rassurer<br />
la personne : aménagements adaptés,<br />
suivi par <strong>le</strong>s ergothérapeutes, etc.<br />
Comment préparez-vous <strong>le</strong> retour à la<br />
vie ordinaire ? Tout comme <strong>le</strong>s ergothérapeutes<br />
de la MDPH, nous effectuons des<br />
visites à domici<strong>le</strong>. Après avoir dressé un<br />
pré-état des lieux au centre de rééducation<br />
avec la personne, en nous projetant dans<br />
son environnement, en imaginant une<br />
journée type, etc., nous organisons, à la demande<br />
du médecin, une évaluation dans<br />
son cadre de vie. Nous nous rendons avec<br />
<strong>le</strong> patient dans son logement et analysons,<br />
à partir de ce qu’il ne peut plus faire, tout<br />
son quotidien. Cette visite peut être jugée<br />
un peu intrusive car nous allons partout :<br />
sal<strong>le</strong> de bains, chambre, garage, mais nous<br />
n’imposons jamais rien. Nous réfléchissons<br />
ainsi aux aménagements à envisager,<br />
l’objectif étant de modifier <strong>le</strong> moins possib<strong>le</strong><br />
l’environnement de la personne, car<br />
il ne s’agit pas de transformer son domici<strong>le</strong><br />
en hôpital. Nous veillons aussi à trouver <strong>le</strong>s<br />
solutions <strong>le</strong>s moins coûteuses possib<strong>le</strong>s.<br />
Quels liens entretenez-vous avec la<br />
MDPH de l’<strong>Eure</strong> ? Nous remplissons un<br />
rô<strong>le</strong> de conseil. La MDPH peut apporter<br />
une aide aux personnes atteintes d’un handicap<br />
avant l’âge de 60 ans : cela concerne<br />
donc éga<strong>le</strong>ment une dégradation ou<br />
une séquel<strong>le</strong> qui surviendrait plus tard.<br />
Lorsque, pour un de nos patients, des travaux<br />
se révè<strong>le</strong>nt nécessaires, nous montons<br />
un dossier de prestation de compensation
Témoignage<br />
Une sal<strong>le</strong> de<br />
bains adaptée<br />
Laurent Bercheux est atteint d’une<br />
pathologie évolutive invalidante. Grâce<br />
aux conseils d’une ergothérapeute de la<br />
MDPH, il a fait réaménager une partie de<br />
sa maison à Vernon.<br />
« Chez moi, je me déplace<br />
soit en fauteuil roulant, soit<br />
à l’aide d’un déambulateur.<br />
Dans notre maison, la sal<strong>le</strong><br />
de bains étant située à l’étage,<br />
y accéder était devenu très<br />
diffici<strong>le</strong>, voire impossib<strong>le</strong>.<br />
Une ergothérapeute de la<br />
MDPH est donc venue à<br />
notre domici<strong>le</strong> afin d’évaluer<br />
la possibilité de créer au<br />
rez-de-chaussée, à côté de<br />
ma chambre, une sal<strong>le</strong> de<br />
bains avec toi<strong>le</strong>ttes. Ensuite,<br />
el<strong>le</strong> nous a proposé des<br />
plans d’aménagement avec<br />
douche de plain-pied, lavabo<br />
utilisab<strong>le</strong> en fauteuil, wc<br />
équipé, porte d’accès élargie…<br />
A l’aide de ses propositions,<br />
nous avons ensuite contacté<br />
des entreprises pour qu’el<strong>le</strong>s<br />
établissent des devis — ce<br />
qui n’a pas été la partie la<br />
plus simp<strong>le</strong>. Jusqu’au début<br />
des travaux, nous avons été<br />
en relation constante avec<br />
l’ergothérapeute, car il a<br />
fallu faire des ajustements.<br />
Aujourd’hui, <strong>le</strong>s travaux<br />
sont quasiment achevés et<br />
j’ai regagné en autonomie.<br />
Par ail<strong>le</strong>urs, grâce à l’aide<br />
que nous avons reçue, nous<br />
n’avons réglé que 30 % des<br />
travaux. » f. vlaemÿnck<br />
du handicap auquel nous joignons notre<br />
compte-rendu de visite à domici<strong>le</strong>, ainsi<br />
que des devis d’artisans. En effet, même<br />
si nous avons des notions d’architecture,<br />
nous faisons toujours valider nos propositions<br />
d’aménagement par des professionnels<br />
: un plombier pour s’assurer de la<br />
possibilité de changer des toi<strong>le</strong>ttes de place<br />
afin de laisser passer un fauteuil roulant,<br />
un maçon pour créer un plan incliné, etc.<br />
idem | 25
c’est<br />
mon<br />
metier<br />
La demande est étudiée par une équipe<br />
pluridisciplinaire de la MDPH. Cel<strong>le</strong>-ci<br />
analyse notre projet d’aménagement et fait,<br />
au regard de la rég<strong>le</strong>mentation, une proposition<br />
de financement.<br />
La prise en charge de la personne étant<br />
globa<strong>le</strong>, <strong>le</strong> travail d’équipe doit être essentiel<br />
? La pluridisciplinarité est importante :<br />
dans nos investigations, nous intervenons<br />
rarement seuls. Nous exerçons sous <strong>le</strong><br />
contrô<strong>le</strong> d’un médecin et en lien avec divers<br />
professionnels : assistante socia<strong>le</strong>, psychothérapeute,<br />
éducateur, psychomotricien,<br />
qui eux aussi évaluent, par <strong>le</strong>ur prisme, la<br />
situation de la personne. L’ergothérapeute<br />
est éga<strong>le</strong>ment amené parfois à travail<strong>le</strong>r en<br />
duo avec un autre spécialiste. Par exemp<strong>le</strong><br />
un orthophoniste, s’il s’agit d’équiper une<br />
personne ayant perdu l’usage de la paro<strong>le</strong><br />
avec un matériel particulier et que des aides<br />
techniques se révè<strong>le</strong>nt uti<strong>le</strong>s pour améliorer<br />
la communication.<br />
Quel<strong>le</strong>s difficultés rencontrez-vous dans<br />
l’exercice de votre profession ? Le plus<br />
diffici<strong>le</strong>, pour moi, est la sensation de ne<br />
pas toujours pouvoir al<strong>le</strong>r au bout de la démarche.<br />
On réalise des visites à domici<strong>le</strong>,<br />
on élabore des demandes de financement,<br />
on imagine des solutions mais ensuite on<br />
ne voit pas si <strong>le</strong>s travaux réalisés sont bien<br />
conformes à ce qui a été préconisé. Cela<br />
peut être frustrant. Mais quand des patients<br />
reviennent en consultation, ils nous<br />
font des retours qui sont généra<strong>le</strong>ment positifs.<br />
Enfin, il arrive que, pour diverses raisons,<br />
un logement ne soit pas adaptab<strong>le</strong> et<br />
qu’il fail<strong>le</strong> envisager un déménagement ou<br />
une orientation en établissement spécialisé.<br />
C’est une responsabilité pas toujours<br />
simp<strong>le</strong> à assumer.<br />
En résumé, quel<strong>le</strong>s sont pour vous <strong>le</strong>s<br />
qualités indispensab<strong>le</strong>s à un bon ergothérapeute<br />
? Tout d’abord, <strong>le</strong> sens du relationnel.<br />
L’ergothérapeute doit savoir écouter,<br />
être en empathie, s’intéresser à la personne<br />
et pas uniquement au handicap. Outre <strong>le</strong>s<br />
connaissances liées à sa formation, il doit<br />
ensuite développer des compétences dans<br />
des domaines spécialisés (pédiatrie, gériatrie),<br />
ou des registres particuliers (fonctions<br />
cognitives, outils informatiques). Il<br />
doit enfin être curieux, savoir recueillir de<br />
l’information et faire preuve d’ingéniosité.<br />
Aujourd’hui, on par<strong>le</strong> de livres écrits par<br />
des personnes handicapées avec <strong>le</strong>urs paupières…<br />
nul doute que là-dessous, il y a eu<br />
des ergothérapeutes ! florence raynal<br />
Témoignage En toute indépendance<br />
Infirme moteur cérébral depuis sa naissance, François Remy vit à Évreux<br />
depuis plusieurs années. Grâce au travail des ergothérapeutes et à l’évolution des<br />
matériels et des technologies, il peut maintenir et faire progresser son autonomie.<br />
« Dès l’âge de 3 ans, j’ai été placé<br />
en institution. Dès mon plus jeune<br />
âge, j’ai donc été en relation avec<br />
des ergothérapeutes. Au fil du<br />
temps, j’ai voulu faire <strong>le</strong> maximum<br />
de choses pour dépasser mon<br />
handicap et être <strong>le</strong> plus autonome<br />
possib<strong>le</strong>. J’ai eu un premier<br />
fauteuil manuel, puis é<strong>le</strong>ctrique.<br />
Ce fut pour moi un sentiment de<br />
liberté. Je pouvais désormais me<br />
déplacer seul sans dépendre d’un<br />
« pousseur ». Ensuite, j’ai pu quitter<br />
l’institution pour emménager<br />
dans mon propre appartement.<br />
Enfin, j’avais un chez moi ! Avec<br />
l’aide d’un ergothérapeute, il a fallu<br />
l’aménager, à commencer par la<br />
porte d’entrée qu’il était nécessaire<br />
d’élargir afin que je puisse al<strong>le</strong>r et<br />
venir avec facilité. La sal<strong>le</strong> de bains<br />
a dû aussi être tota<strong>le</strong>ment équipée,<br />
tout comme <strong>le</strong>s toi<strong>le</strong>ttes et ma<br />
chambre, notamment autour de<br />
mon lit.<br />
Faire <strong>le</strong>s choses<br />
soi-même<br />
Comme je voulais m’investir<br />
dans la vie associative, il m’a fallu<br />
acquérir un dispositif de synthèse<br />
voca<strong>le</strong> pour préparer<br />
mes interventions<br />
afin d’être compris<br />
de tous, tout en<br />
limitant ma fatigue.<br />
J’ai éga<strong>le</strong>ment dû<br />
m’équiper d’un<br />
ordinateur avec<br />
un clavier et une<br />
souris spéciaux. Un<br />
outil qui me permet<br />
de faire tous mes<br />
courriers et mes<br />
démarches moi-même. A chacune<br />
de ces étapes, j’ai eu recours aux<br />
conseils d’un ergothérapeute afin<br />
d’arrêter mes choix sur <strong>le</strong>s aides<br />
techniques adéquates qui me<br />
permettaient de conserver mon<br />
autonomie et même d’en gagner.<br />
Aujourd’hui, bien que la plupart de<br />
ces aménagements soient achevés,<br />
il reste toujours des choses à<br />
améliorer, car ma situation et mes<br />
besoins évoluent au fil des années<br />
et que <strong>le</strong>s technologies facilitent<br />
toujours plus mon inclusion dans<br />
la société. Il reste cependant un<br />
point qui pose problème : pouvoir<br />
voyager en France et à l’étranger<br />
de façon indépendante. Dans ce<br />
domaine, on ne peut compter<br />
que sur la prise de conscience et la<br />
volonté des pouvoirs publics pour<br />
changer <strong>le</strong>s choses… En attendant,<br />
mon seul souhait est de vivre<br />
p<strong>le</strong>inement ma vie. Pour cela, je<br />
peux éga<strong>le</strong>ment m’appuyer sur la<br />
présence et <strong>le</strong> dévouement de mon<br />
auxiliaire de vie qui, au quotidien,<br />
m’est d’une aide précieuse. »<br />
françoise vlaemÿnck<br />
26 | idem
devenir<br />
ergothérapeute<br />
Avec quelque 8 000 professionnels en activité, l’effectif des<br />
ergothérapeutes a quasiment doublé en dix ans. La formation alterne<br />
entre cours théoriques et stages sur <strong>le</strong> terrain.<br />
Entrée en formation<br />
En France, 19 instituts de formation<br />
en ergothérapie (IFE) publics et privés<br />
préparent au métier d’ergothérapeute.<br />
Dans l’<strong>Eure</strong>, un institut ouvrira ses<br />
portes en septembre 2013 à l’hôpital<br />
de la Musse, à Saint-Sébastien-de-<br />
Morsent. Le concours d’entrée dans<br />
ces éco<strong>le</strong>s est ouvert aux personnes<br />
possédant au minimum un Bac ou<br />
équiva<strong>le</strong>nt. Par ail<strong>le</strong>urs, certains<br />
établissements n’ouvrent <strong>le</strong>ur concours<br />
Coût de la formation<br />
Il faut compter une centaine d’euros de frais<br />
d’inscription au concours. En formation initia<strong>le</strong>, selon<br />
<strong>le</strong>s établissements, <strong>le</strong> coût de la scolarité varie de<br />
1 500 € à 5 800 € par an.<br />
Cursus<br />
La formation se partage durant trois<br />
ans entre cours théoriques, sessions<br />
pratiques réalisées au sein de l’IFE et<br />
stages cliniques en centres hospitalouniversitaires<br />
(CHU), cliniques,<br />
associations, cabinets libéraux…<br />
qu’à des étudiants ayant effectué la<br />
Première année commune aux études<br />
de santé (Paces), la 1ère année de licence<br />
Staps ou de licence de Sciences et Vie. A<br />
noter qu’il existe de nombreuses classes<br />
préparatoires au concours. En 2012,<br />
seuls 12 % des candidats ont réussi <strong>le</strong>s<br />
épreuves d’admission. 85 % étaient<br />
des bacheliers de la filière scientifique<br />
et la majorité avait suivi une classe<br />
préparatoire.<br />
La formation est sanctionnée par<br />
un diplôme d’État. Le diplôme peut<br />
éga<strong>le</strong>ment être obtenu via la validation<br />
des acquis professionnels (VAE) et<br />
dans <strong>le</strong> cadre de la formation continue.<br />
Débouchés professionnels<br />
Les principaux sont :<br />
• Les établissements de soins<br />
et de rééducation, <strong>le</strong>s maisons<br />
de retraite, <strong>le</strong>s établissements<br />
psychiatriques. Les<br />
structures de soins et de<br />
maintien à domici<strong>le</strong>, qui se<br />
développent de plus en plus,<br />
recrutent éga<strong>le</strong>ment, ainsi<br />
que <strong>le</strong>s MDPH.<br />
• Les fabricants d’appareils<br />
d’équipement domestique<br />
et d’aménagement de<br />
l’habitat font aussi appel à<br />
ces professionnels pour du<br />
conseil et de l’expertise.<br />
• En entreprise, <strong>le</strong>s<br />
ergothérapeutes peuvent<br />
éga<strong>le</strong>ment intervenir pour<br />
adapter <strong>le</strong>s postes de travail<br />
et former <strong>le</strong>s salariés à des<br />
gestes et postures adéquats<br />
en fonction de <strong>le</strong>ur activité<br />
professionnel<strong>le</strong>.<br />
• En secteur libéral, l’exercice<br />
de l’ergothérapie demeure<br />
rare car <strong>le</strong>urs prestations<br />
ne sont pas prises en charge<br />
par la Sécurité socia<strong>le</strong>.<br />
Ainsi, seuls quelque 500<br />
ergothérapeutes exercent en<br />
libéral en France.<br />
salaire<br />
La fourchette est large et dépend du<br />
secteur d’activité : entre 1 500 € et<br />
3 500 € euros bruts. A l’hôpital public :<br />
1 500 € en début de carrière et 2 500 € en<br />
fin de carrière.<br />
Evolution de carrière<br />
L’ergothérapeute peut<br />
accéder à des fonctions<br />
d’expert dans un domaine<br />
particulier. Après quatre<br />
ans d’exercice, il peut aussi<br />
entreprendre une formation<br />
de cadre de santé puis gravir<br />
<strong>le</strong>s échelons : assurer des<br />
fonctions de cadre supérieur<br />
de santé et, après une<br />
formation complémentaire,<br />
devenir directeur des soins<br />
et directeur d’établissement<br />
médico-social.<br />
En savoir plus Association nationa<strong>le</strong><br />
française des ergothérapeutes www.anfe.fr<br />
La capacité du nouvel Institut de formation en ergothérapie<br />
à l’hôpital de la Musse est de 35 places. L’entrée s’effectue par<br />
concours. Conditions d’inscription sur <strong>le</strong> site<br />
www.larenaissancesanitaire.fr/musse.php<br />
idem | 27
Mes obstac<strong>le</strong>s<br />
au quotidien<br />
Affronter la rue<br />
«<br />
Je suis autonome dans l’espace<br />
public, à condition toutefois<br />
que je connaisse <strong>le</strong>s lieux ou<br />
que j’aie eu <strong>le</strong> temps de prendre<br />
mes repères. Sinon, j’ai besoin<br />
d’être accompagné. À Évreux, je n’ai pas<br />
de difficulté pour me déplacer à pied<br />
ou en bus car je connais bien la vil<strong>le</strong>. Et<br />
<strong>le</strong> fait d’avoir été voyant m’aide énormément,<br />
d’autant que je possède une<br />
excel<strong>le</strong>nte mémoire et une bonne représentation<br />
spatia<strong>le</strong>. Au fil du temps, j’ai<br />
constaté que beaucoup de choses avaient<br />
évolué positivement pour faciliter l’auto-<br />
nomie et la sécurité des personnes déficientes<br />
visuel<strong>le</strong>s dans la rue. Je pense par<br />
exemp<strong>le</strong> aux bandes podotacti<strong>le</strong>s* installées<br />
au sol et qui signa<strong>le</strong>nt un passage<br />
protégé ou un arrêt de bus. De plus en<br />
plus de feux tricolores sont éga<strong>le</strong>ment<br />
sonorisés et indiquent parfois <strong>le</strong> nom de<br />
la rue. Mais tous <strong>le</strong>s carrefours n’en sont<br />
pas équipés… De fait, je n’emprunte pas<br />
toujours <strong>le</strong>s trajets <strong>le</strong>s plus courts mais<br />
<strong>le</strong>s moins diffici<strong>le</strong>s à pratiquer. Le plus<br />
souvent, je me fie uniquement à mon<br />
ouïe. Ce qui implique de prendre son<br />
temps pour analyser la circulation et<br />
Non-voyant depuis l’âge de 36 ans, Sylvain Gril<strong>le</strong> a continué d’enseigner <strong>le</strong>s<br />
mathématiques avant de prendre sa retraite. Piéton assidu, il constate cependant<br />
que la rue est p<strong>le</strong>ine de pièges qu’il n’est pas toujours aisé d’éviter.<br />
28 | idem
savoir, par exemp<strong>le</strong>, si l’on est dans une<br />
rue à sens unique ou à doub<strong>le</strong> sens. Dans<br />
ces conditions, il faut avoir confiance en<br />
soi pour affronter la rue. D’une manière<br />
généra<strong>le</strong>, évoluer dans l’espace public<br />
demande d’ail<strong>le</strong>urs une bonne dose de<br />
concentration. Si j’ai l’esprit ail<strong>le</strong>urs ou<br />
que j’utilise mal la canne, je peux, par<br />
exemp<strong>le</strong>, me cogner dans des poteaux<br />
implantés au milieu des trottoirs. Heureusement,<br />
cela ne m’arrive pas très fréquemment…<br />
Il reste beaucoup à faire<br />
A 57 ans, Luc Cassius, qui vit à Évreux, est atteint d’une<br />
maladie neurologique rare entraînant des troub<strong>le</strong>s de la<br />
marche et de l’équilibre. Pour ce bénévo<strong>le</strong> très actif de<br />
l’association des paralysés de France (APF), se déplacer<br />
en vil<strong>le</strong> reste trop souvent un parcours du combattant.<br />
Le cœur qui fait<br />
un bond<br />
Le plus souvent, et c’est ça qui représente<br />
un vrai danger pour <strong>le</strong>s déficients<br />
visuels, ce sont <strong>le</strong>s évènements inhabituels,<br />
comme <strong>le</strong>s travaux, qui ne sont<br />
pas toujours bien signalés. Si un chantier<br />
de voirie est matérialisé par des<br />
barrières, cela ne pose pas de problème,<br />
mais si <strong>le</strong>s limites sont seu<strong>le</strong>ment représentées<br />
par des piquets et un bandeau<br />
attaché en hauteur, je ne peux pas <strong>le</strong>s<br />
détecter avec une canne. Cela m’est déjà<br />
arrivé de tomber dans une tranchée !<br />
Les trottoirs étroits avec des poubel<strong>le</strong>s<br />
au milieu ou des voitures et deux-roues<br />
mal garés sont aussi un vrai problème :<br />
dans ce cas, je suis obligé de marcher sur<br />
la chaussée ! Mais <strong>le</strong> plus désagréab<strong>le</strong>,<br />
ce sont <strong>le</strong>s automobilistes qui, croyant<br />
bien faire, klaxonnent pour prévenir<br />
de <strong>le</strong>ur passage. C’est très déstabilisant.<br />
Et, à chaque fois, mon cœur fait<br />
un bond… Je n’aime pas trop non plus<br />
marcher dans <strong>le</strong>s « zones 30 » car il n’y<br />
a pas de démarcation entre la chaussée<br />
et la zone piétonne. D’ail<strong>le</strong>urs <strong>le</strong>s associations<br />
de déficients visuels militent<br />
pour qu’y soit aménagé un minimum de<br />
matérialisation. Idem pour <strong>le</strong>s bateaux<br />
des trottoirs : ils sont parfois tel<strong>le</strong>ment<br />
abaissés qu’ils ont disparu alors que des<br />
normes existent et qu’el<strong>le</strong>s conviennent<br />
aussi bien aux personnes en fauteuil<br />
roulant ou à mobilité réduite qu’à nous,<br />
<strong>le</strong>s déficients visuels. Les associations<br />
souhaitent éga<strong>le</strong>ment que <strong>le</strong>s véhicu<strong>le</strong>s<br />
é<strong>le</strong>ctriques émettent un son minimum,<br />
car on ne <strong>le</strong>s entend pas, tout comme <strong>le</strong>s<br />
vélos. Mais, heureusement, ces phénomènes<br />
urbains ne se produisent pas tous<br />
<strong>le</strong> même jour, sinon, il serait diffici<strong>le</strong> de<br />
sortir de chez soi ! » fv<br />
* Une bande podotacti<strong>le</strong> est une surface<br />
présentant une texture que <strong>le</strong>s piétons<br />
atteints d’une déficience visuel<strong>le</strong> peuvent<br />
reconnaître au toucher (par <strong>le</strong>s pieds ou<br />
avec <strong>le</strong>ur canne blanche).<br />
«<br />
L’un des effets de ma maladie est<br />
d’avoir la sensation d’être en permanence<br />
un peu ivre, ce qui occasionne<br />
des troub<strong>le</strong>s de la motricité<br />
et des difficultés à conserver<br />
l’équilibre. Dans ces conditions, me déplacer<br />
à pied dans la rue est parfois diffici<strong>le</strong>.<br />
Par exemp<strong>le</strong>, monter ou descendre un<br />
trottoir entraîne de nombreuses ruptures<br />
d’équilibre. Si contourner un poteau est<br />
naturel pour la grande partie des piétons,<br />
dévier de ma trajectoire me réclame un<br />
gros effort de concentration ; et lorsque ce<br />
poteau m’oblige à descendre du trottoir, ça<br />
devient très compliqué à gérer. Idem avec<br />
des pavés irréguliers. Il suffit que je bute<br />
pour que mon équilibre soit rompu. Dans<br />
ce cas, <strong>le</strong> risque de chute est réel ! Et que<br />
dire des panneaux publicitaires plantés en<br />
p<strong>le</strong>in passage… Bref, désormais quand je<br />
sais qu’il va me falloir marcher ou rester<br />
debout longtemps, j’utilise un fauteuil roulant.<br />
Mais, là encore, ce n’est pas simp<strong>le</strong> : il<br />
faut que je sois accompagné parce que <strong>le</strong>s<br />
rues, la plupart du temps, ne sont pas praticab<strong>le</strong>s.<br />
Mais cela me permet quand même<br />
de renouer avec des activités que j’avais dû<br />
abandonner, comme al<strong>le</strong>r dans <strong>le</strong>s musées<br />
ou participer à diverses manifestations.<br />
Dans ces situations, en effet, je ne peux pas,<br />
en même temps, me déplacer et soutenir<br />
une conversation car il faut que je mobilise<br />
ma concentration pour conserver mon<br />
équilibre.<br />
Une forme d’humiliation<br />
Souvent, je perçois cette entrave à ma<br />
liberté de circulation et à mon autonomie<br />
comme une atteinte à mon intimité ; je me<br />
sens parfois un sous-citoyen. On n’a pas<br />
toujours envie d’être aidé ni de demander<br />
de l’aide, même si, globa<strong>le</strong>ment, <strong>le</strong>s gens<br />
sont prévenants. Je vis la dépendance aux<br />
autres comme une forme d’humiliation.<br />
J’aimerais pouvoir faire des choses seul,<br />
par exemp<strong>le</strong> entrer dans une boulangerie<br />
pour acheter du pain ! Mais force est de<br />
constater qu’un grand nombre de commerces<br />
de détail sont inaccessib<strong>le</strong>s en vil<strong>le</strong>.<br />
Si je peux comprendre que <strong>le</strong>s petits commerçants<br />
n’aient pas toujours <strong>le</strong>s moyens<br />
d’investir pour aménager <strong>le</strong>ur boutique,<br />
je suis en bou<strong>le</strong> lorsque je ne peux pas<br />
accéder au guichet de ma banque ou à<br />
celui d’une administration ! Une maman<br />
avec une poussette ou une personne âgée<br />
aura la même difficulté que moi. Dès lors,<br />
prévoir des aménagements pour faciliter<br />
la circulation et favoriser l’autonomie ne<br />
concerne pas que <strong>le</strong>s personnes handicapées<br />
mais bien tout <strong>le</strong> monde ! Malgré cela,<br />
je reste optimiste car, depuis <strong>le</strong> vote de la<br />
loi de 2005, beaucoup de choses ont évolué<br />
positivement en matière d’accessibilité.<br />
Même si nous partons de très loin et qu’il<br />
reste énormément à faire. » françoise<br />
vlaemÿnck<br />
idem | 29
handicap & travail<br />
Prendre sa place<br />
A 32 ans, Marie Kahilia mène de front sa vie<br />
professionnel<strong>le</strong> et familia<strong>le</strong>. Pour el<strong>le</strong>, l’intégration dans <strong>le</strong><br />
monde du travail des personnes en situation de handicap<br />
ne va pas de soi. Si certains employeurs font des efforts<br />
pour intégrer ces salariés, trop se désintéressent encore<br />
de cette question.<br />
«<br />
Je suis atteinte d’une surdité bilatéra<strong>le</strong><br />
depuis l’âge de deux ans.<br />
J’ai donc suivi ma scolarité dans<br />
des établissements spécialisés<br />
pour sourds à Rouen et Paris. Je<br />
suis appareillée et oralise, mais je communique<br />
éga<strong>le</strong>ment en langue des signes<br />
(LSF). J’ai une formation en comptabilité<br />
et secrétariat administratif. Après mes<br />
études, j’ai travaillé comme aide-comptab<strong>le</strong><br />
pendant deux ans puis, jusqu’en<br />
2011, comme agent administratif à la direction<br />
d’une éco<strong>le</strong>, mais c’était assez diffici<strong>le</strong><br />
car peu d’efforts étaient faits pour<br />
que je m’intègre tota<strong>le</strong>ment.<br />
J’ai pourtant fait <strong>le</strong> choix de continuer<br />
à chercher un emploi en milieu ordinaire.<br />
Je n’ai jamais envisagé de travail<strong>le</strong>r<br />
en ESAT (Etablissement et Service<br />
d’Aide par <strong>le</strong> Travail). J’avais l’impression<br />
qu’ils étaient plutôt destinés à des<br />
personnes présentant un handicap<br />
lourd et <strong>le</strong>s tâches de production qui y<br />
30 | idem<br />
sont généra<strong>le</strong>ment proposées ne m’attiraient<br />
pas. Bref, je pensais que je ne me<br />
sentirais pas très à l’aise dans cet univers<br />
professionnel.<br />
Je constate cependant qu’il est très<br />
diffici<strong>le</strong> de trouver un emploi lorsqu’on<br />
est handicapé. Malgré la loi qui fait<br />
obligation aux employeurs d’avoir au<br />
moins 6 % de travail<strong>le</strong>urs handicapés<br />
dans <strong>le</strong>ur effectif, nombre d’entre eux<br />
préfèrent payer une pénalité plutôt<br />
que d’embaucher ce profil de salariés.<br />
Le plus souvent, ils ont une mauvaise<br />
opinion du handicap et de fait, je crois<br />
qu’ils ne souhaitent pas que l’image de<br />
<strong>le</strong>ur entreprise y soit associée. Il faudrait<br />
pourtant que <strong>le</strong>s mentalités évoluent,<br />
cela permettrait notamment de porter<br />
un autre regard sur <strong>le</strong> handicap et<br />
de mieux <strong>le</strong> comprendre, d’autant qu’il<br />
peut survenir à n’importe quel moment<br />
et toucher tout <strong>le</strong> monde.<br />
Créer du lien<br />
Depuis juil<strong>le</strong>t 2012, je travail<strong>le</strong> à la<br />
Maison départementa<strong>le</strong> des personnes<br />
handicapées (MDPH) de l’<strong>Eure</strong>. J’ai<br />
postulé spontanément sur <strong>le</strong>s conseils<br />
de Cap Emploi, un dispositif financé<br />
par l’Association de gestion du fonds<br />
pour l’insertion des personnes handicapées<br />
(Agefiph). Je m’occupe de la gestion<br />
é<strong>le</strong>ctronique de <strong>document</strong>s. Je suis<br />
très autonome dans mon travail et <strong>le</strong>s<br />
missions qui me sont confiées correspondent<br />
parfaitement à ma formation.<br />
Du moment que je n’ai pas à répondre<br />
au téléphone, je n’ai pas besoin d’aménagement<br />
spécifique de mon poste de<br />
travail. En revanche, ici, mon handicap<br />
est pris en considération. Lors de réunions,<br />
par exemp<strong>le</strong>, il y a désormais une<br />
traduction écrite. Je suis rassurée de travail<strong>le</strong>r<br />
dans cet environnement car mes<br />
collègues comprennent mon handicap.<br />
Par exemp<strong>le</strong>, ils se placent bien face à<br />
moi et ils articu<strong>le</strong>nt de manière à ce que<br />
je puisse lire sur <strong>le</strong>urs lèvres. Mes conditions<br />
de travail sont donc confortab<strong>le</strong>s<br />
mais c’est loin d’être toujours <strong>le</strong> cas. Il<br />
n’est pas rare en effet que des personnes<br />
handicapées ne bénéficient d’aucun<br />
aménagement de poste, pas rare non<br />
plus que <strong>le</strong>s locaux des entreprises soient<br />
inaccessib<strong>le</strong>s aux personnes à mobilité<br />
réduite…<br />
En dehors des aspects économiques,<br />
travail<strong>le</strong>r est socia<strong>le</strong>ment et personnel<strong>le</strong>ment<br />
très important pour moi. Je n’ai<br />
pas envie de rester dans mon coin, de<br />
vivre repliée sur moi et ma petite famil<strong>le</strong><br />
– j’ai deux enfants entendants. Travail<strong>le</strong>r<br />
permet, en effet, de créer du lien, de<br />
se confronter à de nouvel<strong>le</strong>s expériences<br />
et aux autres, de s’enrichir, de sentir<br />
qu’on a sa place dans la société et qu’on y<br />
a toute son utilité. »<br />
françoise vlaemÿnck<br />
« Il n’est pas rare que des personnes handicapées<br />
ne bénéficient d’aucun aménagement de poste, ou que<br />
<strong>le</strong>s locaux des entreprises soient inaccessib<strong>le</strong>s. »
Retrouver la confiance en soi<br />
«De formation, je suis menuisier-charpentier.<br />
Mais j’avais<br />
beaucoup de difficultés à trouver<br />
un emploi dans cette branche<br />
car, aux yeux des employeurs, je<br />
n’avais pas suffisamment d’expérience.<br />
Je me suis donc réorienté dans l’entretien<br />
d’espaces verts puisque j’avais des connaissances<br />
dans ce domaine et aussi beaucoup<br />
de pratique. Cependant, je ne suis jamais<br />
parvenu à trouver un emploi stab<strong>le</strong>. Je<br />
n’enchaînais que des CDD et des missions<br />
d’intérim. Puis, il y a quelques années, j’ai<br />
eu un accident et je suis resté hospitalisé<br />
durant 18 mois avant d’entrer en centre de<br />
rééducation. Je suis notamment resté amnésique<br />
pendant plusieurs mois. Tout en<br />
poursuivant ma réadaptation, j’ai effectué<br />
quelques stages en entreprise pour évaluer<br />
mes capacités à retourner en milieu ordinaire.<br />
Le bilan ne fut pas très concluant.<br />
Mon équilibre n’était pas très bon et je ne<br />
pouvais plus porter de charge. Cela a été<br />
dur d’accepter l’évidence. La formatrice<br />
d’insertion socia<strong>le</strong> et professionnel<strong>le</strong> du<br />
centre m’a alors proposé d’intégrer un<br />
Esat. Je connaissais ces structures de nom,<br />
mais je ne savais pas exactement ce qu’el<strong>le</strong>s<br />
faisaient. Et, comme beaucoup, j’avais une<br />
image assez négative du handicap. D’ail<strong>le</strong>urs,<br />
j’ai moi-même longtemps refusé<br />
d’admettre que j’étais handicapé.<br />
À la suite d’un accident, Michel Quérité, 33 ans, s’est vu<br />
reconnaître la qualité de travail<strong>le</strong>ur handicapé. Il a depuis<br />
intégré un établissement et service d’aide par <strong>le</strong> travail<br />
(Esat) de l’association <strong>le</strong>s Papillons blancs, à Évreux. Il a<br />
pour projet de rejoindre une entreprise ordinaire dans <strong>le</strong>s<br />
prochains mois.<br />
Que va penser mon<br />
employeur ?<br />
J’ai quand même accepté de faire un<br />
stage d’observation à l’Esat, et je dois<br />
dire qu’à partir de ce moment-là, mon<br />
regard sur <strong>le</strong> handicap a tota<strong>le</strong>ment<br />
changé ! L’ambiance entre <strong>le</strong>s collègues<br />
et avec l’encadrement est très bonne.<br />
Et je bénéficie d’un suivi social et professionnel,<br />
ce qui est très sécurisant. Je<br />
travail<strong>le</strong> dans <strong>le</strong>s espaces verts, pour des<br />
entreprises ou des particuliers qui ont<br />
des contrats d’entretien avec l’Esat, mais<br />
je suis en binôme. Quand je ne parviens<br />
pas à faire certaines tâches, mon<br />
collègue m’aide et inversement. Par ail<strong>le</strong>urs,<br />
nous avons régulièrement des formations<br />
sur <strong>le</strong> maniement du matériel et<br />
la sécurité. Bref, je me sens plus à l’aise<br />
dans mon travail qu’auparavant et j’ai<br />
repris confiance en moi. Mon parcours<br />
prouve qu’une personne handicapée, à<br />
condition qu’el<strong>le</strong> soit soutenue et entourée,<br />
peut surmonter son handicap et<br />
faire des choses dans la vie de manière<br />
autonome. Aujourd’hui, avec l’éducateur,<br />
je prépare mon retour en milieu<br />
ordinaire. Mais j’ai un peu d’appréhension<br />
sur <strong>le</strong>s objectifs et <strong>le</strong> rendement<br />
qui y est recherché. Les entreprises ne<br />
réalisent pas toujours qu’un travail<strong>le</strong>ur<br />
« Mon parcours prouve qu’une personne<br />
handicapée, à condition qu’el<strong>le</strong> soit soutenue<br />
et entourée, peut surmonter son handicap. »<br />
handicapé ne peut pas forcément fournir<br />
la même quantité de travail qu’un<br />
salarié «normal». Si je n’y arrive pas, que<br />
va penser mon employeur : que je ne suis<br />
pas la hauteur ? Ça me soucie. À l’Esat,<br />
nous ne sommes pas confrontés à ça. On<br />
s’entraide…» fv<br />
idem | 31
handicap & scolarité<br />
Une éco<strong>le</strong> pour chacun<br />
Scolariser son enfant en situation de handicap pose de nombreuses questions aux<br />
parents. Faut-il privilégier un établissement scolaire classique ou une institution ?<br />
Vers qui se tourner ? Illustration avec <strong>le</strong> portrait de deux enfants aux handicaps et<br />
parcours scolaires très différents : l’un est accueilli dans un centre spécialisé, l’autre<br />
passe une heure et demie par jour dans l’éco<strong>le</strong> de son quartier.<br />
nicolas, scolarisé<br />
en institution<br />
Ce jour-là, Nicolas, 13 ans, rentre d’une<br />
sortie scolaire, un large sourire aux lèvres.<br />
Il fréquente depuis maintenant deux<br />
ans l’Institut d’Education Motrice « La<br />
Source » à Vernon. Auparavant, il était<br />
scolarisé dans une éco<strong>le</strong> classique. Mais<br />
sa maladie dégénérative, qui atteint <strong>le</strong>s<br />
musc<strong>le</strong>s, a contraint ses parents à trouver<br />
une autre solution pour sa scolarité.<br />
Nicolas a démarré son cursus scolaire<br />
comme tous <strong>le</strong>s autres enfants, dans <strong>le</strong><br />
Loiret. En 2006, ses parents ont déménagé<br />
dans l’<strong>Eure</strong>, où <strong>le</strong> jeune garçon est rentré<br />
en CP. « Nous avions prévenu la maîtresse<br />
de Nicolas qu’il était dyspraxique<br />
et souffrait de troub<strong>le</strong>s de la coordination<br />
» se souvient Claire Dardennes, sa<br />
maman. La même maîtresse l’a suivi<br />
deux ans. Puis a proposé aux parents un<br />
redoub<strong>le</strong>ment pour Nicolas.<br />
La Source, institut d’Education<br />
Motrice de Vernon<br />
Nicolas est dans une classe de<br />
neuf enfants âgés de 12 à 16<br />
ans. L’instituteur spécialisé<br />
travail<strong>le</strong> avec deux éducatrices.<br />
A la Source, on compte trois<br />
classes et 22 enfants âgés<br />
de 5 ans et demi à 16 ans.<br />
L’établissement a été créé en<br />
1992. « Nous proposons un<br />
projet global : paramédical,<br />
éducatif et social, décrit <strong>le</strong><br />
directeur Gil<strong>le</strong>s Calderan,<br />
Des aides miSES EN PLACE<br />
Pour son deuxième CE1, l’enfant a bénéficié<br />
d’un ordinateur et d’une auxiliaire<br />
de vie scolaire (AVS) six heures<br />
par semaine : des aides attribuées par la<br />
MDPH, sur avis de la commission des<br />
droits et de l’autonomie des personnes<br />
handicapées (CDAPH). L’année suivante,<br />
Nicolas a fait sa rentrée en fauteuil roulant<br />
; l’AVS l’accompagnait alors 18 heures<br />
par semaine. Mais fatigué par la maladie,<br />
nous ajoutons éga<strong>le</strong>ment dans<br />
nos prises en charge un vo<strong>le</strong>t<br />
social et psychologique. Tout se<br />
construit autour de l’enfant qui<br />
souffre d’un handicap moteur<br />
et de ses besoins. »<br />
32 | idem
il a rencontré des difficultés pour suivre<br />
<strong>le</strong> rythme imposé par <strong>le</strong> programme. Son<br />
maintien dans un établissement scolaire<br />
classique s’est révélé incertain. Ses parents,<br />
conseillés par un enseignant référent<br />
handicap, se sont alors tournés vers<br />
<strong>le</strong> SESSAD, service d’éducation spécia<strong>le</strong><br />
et de soins à domici<strong>le</strong>. « Le SESSAD nous<br />
a permis de proposer à Nicolas une prise<br />
en charge globa<strong>le</strong> et multidisciplinaire<br />
avec un kiné, un ergothérapeute, un psychologue,<br />
un psychomotricien », raconte<br />
Claire Dardennes. « Nous n’avons pas<br />
fait appel à eux tout de suite car nous ne<br />
connaissions pas cette structure », ajoute<br />
Eric Dardennes, <strong>le</strong> papa. « Pourtant, el<strong>le</strong><br />
nous a beaucoup apporté, et Nicolas a pu<br />
rester auprès de ses camarades. »<br />
Un centre spécialisé<br />
fiNALEMENt envisagé<br />
En 2010, Nicolas a suivi son CM1 avec<br />
18 heures d’AVS, l’accompagnement<br />
du SESSAD et d’une orthophoniste en<br />
libéral. Mais l’année d’après, Nicolas a dû<br />
quitter ses camarades de classe pour rejoindre<br />
un centre spécialisé. La décision<br />
a été prise avec toute l’équipe éducative.<br />
« L’éco<strong>le</strong> était devenue trop compliquée,<br />
explique Eric Dardennes, et Nicolas souffrait<br />
de ses échecs… Cette décision a été<br />
diffici<strong>le</strong> à prendre mais nous souhaitions<br />
que notre fils retrouve confiance en lui. »<br />
Nicolas, délégué de sa classe, a longtemps<br />
regretté son éco<strong>le</strong> et ses amis. A<br />
la Source, il s’est trouvé confronté aux<br />
handicaps des autres et inévitab<strong>le</strong>ment<br />
à son propre handicap. « Nous pensons<br />
aujourd’hui que nous avons fait au mieux,<br />
même si cela n’était pas une évidence pour<br />
nous au début », analyse <strong>le</strong> père de Nicolas.<br />
Aujourd’hui, après quelques mois diffici<strong>le</strong>s<br />
et une angoisse générée par la nouveauté<br />
du lieu, Nicolas a pris ses marques<br />
dans sa nouvel<strong>le</strong> classe et s’y sent bien.<br />
« Il est heureux d’y al<strong>le</strong>r, décrit Eric, il est<br />
toujours souriant et blagueur ! »<br />
La maternel<strong>le</strong> et<br />
<strong>le</strong> CMP pour Enzo<br />
Enzo Kiss Mombo Bokiba souffre d’autisme.<br />
« Il présente en tout cas certains<br />
signes, précise Myriam Mombo, sa maman.<br />
A 5 ans, il peut dire quelques mots<br />
mais ne fait aucune phrase. Et il est très<br />
introverti. » Enzo partage ses matinées<br />
entre l’éco<strong>le</strong> maternel<strong>le</strong> de son secteur et<br />
<strong>le</strong> centre médico-psychologique (CMP).<br />
Cette organisation s’est mise en place petit<br />
à petit. Il y a trois ans, la maman d’Enzo,<br />
inquiète du comportement de son fils<br />
alors âgé de deux ans, se rend au CMPP<br />
(Centre médico-psycho-pédagogique).<br />
On l’oriente vers <strong>le</strong> CMP. « Enzo y est<br />
suivi depuis deux ans, raconte Myriam<br />
Mombo. La directrice de l’éco<strong>le</strong> de mon<br />
quartier m’a éga<strong>le</strong>ment contactée pour<br />
me dire que mon fils pouvait être scolarisé.<br />
Sans el<strong>le</strong> et ses conseils, je n’aurais pas su<br />
qu’Enzo pouvait al<strong>le</strong>r à l’éco<strong>le</strong>. »<br />
Direction la MDPH<br />
Myriam Mombo entame des démarches<br />
auprès de la MDPH et monte un dossier<br />
avec <strong>le</strong> soutien de la directrice de<br />
l’éco<strong>le</strong>. A la rentrée scolaire 2012, Enzo<br />
découvre l’éco<strong>le</strong> maternel<strong>le</strong>. Il bénéficie<br />
d’une auxiliaire de vie scolaire pour<br />
l’heure et demie qu’il passe quotidiennement<br />
à l’éco<strong>le</strong> et un chauffeur de taxi<br />
gère ses trajets. « Aujourd’hui, <strong>le</strong> système<br />
tourne plutôt bien », se réjouit Myriam<br />
Mombo.<br />
Après l’éco<strong>le</strong>, Enzo passe au moins<br />
trois heures au CMP et l’après-midi,<br />
il retrouve sa maman. « Le CMP ressemb<strong>le</strong><br />
à une éco<strong>le</strong> mais <strong>le</strong>s instituteurs<br />
sont remplacés par des psychologues ou<br />
des infirmières, décrit Myriam Mombo.<br />
Enzo y pratique de nombreuses activités.<br />
Une fois tous <strong>le</strong>s deux mois, je fais un<br />
point avec <strong>le</strong>s professionnels du CMP, en<br />
présence d’Enzo. Je tiens à ce que mon fils<br />
fréquente cet établissement <strong>le</strong> plus possib<strong>le</strong>,<br />
pour qu’il soit entouré. C’est très<br />
important pour lui qui est très renfermé.<br />
Et pour moi aussi. »<br />
Les bienfaits de l’éco<strong>le</strong><br />
Même si Enzo a du mal à se concentrer,<br />
à rester sur sa chaise et à ne pas se déplacer<br />
dès qu’il <strong>le</strong> désire, son intégration<br />
scolaire lui permet d’évoluer dans de<br />
nombreux domaines. « J’aimerais bien<br />
sûr qu’il ail<strong>le</strong> davantage à l’éco<strong>le</strong>, raconte<br />
sa maman, mais avec la directrice et <strong>le</strong>s<br />
professionnels de la MDPH, nous avons<br />
décidé de demander <strong>le</strong>s mêmes horaires<br />
pour l’année prochaine. Un accueil plus<br />
long serait diffici<strong>le</strong> pour tout <strong>le</strong> monde. Je<br />
maintiens toutefois mon objectif de voir<br />
mon fils al<strong>le</strong>r à l’éco<strong>le</strong> primaire.» Pour la<br />
maman d’Enzo, l’éco<strong>le</strong> est un vrai plus<br />
pour son fils. Il lui a ramené récemment<br />
sa première peinture. « El<strong>le</strong> est magnifique,<br />
s’exclame la maman. El<strong>le</strong> n’est<br />
pas parfaite, mais je vois bien qu’il s’est<br />
concentré. J’ai demandé confirmation à<br />
la directrice de l’éco<strong>le</strong> : il n’a pas été aidé<br />
pour faire son chef-d’œuvre qui est désormais<br />
accroché dans ma cuisine. »<br />
clémence lamirand<br />
idem | 33
VOIR LE HANDICAP<br />
autrement<br />
S’engager pour<br />
changer<br />
de regard<br />
A 27 ans, après un séjour professionnel au Canada,<br />
Véronique Guédée a choisi de devenir bénévo<strong>le</strong><br />
auprès de l’Association des paralysés de France.<br />
Une décision qui a surpris ses amis.<br />
Si certains pensent qu’el<strong>le</strong><br />
« occupe » son temps en attendant<br />
de retrouver un emploi,<br />
d’autres la voient comme<br />
une idéaliste. Mais ces réactions<br />
ne surprennent pas cette communicante,<br />
par ail<strong>le</strong>urs dotée d’un grand sens<br />
de l’humour. Et du chal<strong>le</strong>nge ! Car pour<br />
Véronique, ces attitudes sont avant tout<br />
révélatrices du manque de culture du bénévolat<br />
en France, contre <strong>le</strong>quel el<strong>le</strong> milite<br />
aujourd’hui pour faire bouger <strong>le</strong>s lignes.<br />
Rencontre avec une jeune femme au franc<br />
par<strong>le</strong>r, qui a changé de regard sur <strong>le</strong> handicap<br />
en s’engageant.<br />
Qu’est-ce qui a motivé votre engagement<br />
? Pendant un an à Montréal, j’ai été<br />
chargée de communication sur l’environnement<br />
et <strong>le</strong> développement durab<strong>le</strong> dans<br />
un organisme à but non lucratif. J’y ai rencontré<br />
beaucoup de jeunes qui venaient me<br />
trouver pour faire du bénévolat. Là-bas,<br />
c’est une deuxième nature, c’est logique. Et<br />
ça m’a fait réfléchir. Je me suis dit que si je<br />
rentrais en France, je m’engagerais. Que ce<br />
n’était pas une question de disponibilité,<br />
qu’il fallait juste avoir <strong>le</strong> courage de <strong>le</strong> faire.<br />
Dès mon retour à Évreux, je suis allée voir<br />
34 | idem
l’APF. Au départ, j’avais proposé d’accompagner<br />
<strong>le</strong>urs sorties mais quand je <strong>le</strong>s ai<br />
rencontrés, ils voulaient refaire <strong>le</strong>ur plaquette<br />
de présentation. Comme c’est mon<br />
métier, j’ai éga<strong>le</strong>ment offert mon aide.<br />
Pourquoi avoir choisi l’APF ? Aucun de<br />
mes proches n’est handicapé, je ne connais<br />
pas ce monde-là. Mais je l’ai « approché »<br />
parce que j’ai eu une scoliose foudroyante<br />
à 15 ans qui a nécessité une opération de la<br />
colonne vertébra<strong>le</strong>. Suite à l’intervention,<br />
j’ai dû passer trois jours en fauteuil roulant.<br />
Trois jours, ce n’est rien, mais je n’appréciais<br />
pas de compter sur ma mère pour m’amener<br />
d’un point A à un point B. Je me sentais<br />
un peu dépendante. Par la suite, quand je<br />
voyais des personnes en fauteuil roulant<br />
en difficulté à cause d’un trottoir, cela me<br />
révoltait. Bref, l’APF est l’association avec<br />
laquel<strong>le</strong> j’ai senti <strong>le</strong> plus d’affinités et dans<br />
laquel<strong>le</strong> j’ai pensé que je pouvais aider.<br />
Avant, quel était votre regard sur <strong>le</strong> handicap<br />
? Un regard indigné à cause des<br />
endroits peu accessib<strong>le</strong>s pour <strong>le</strong>s personnes<br />
en fauteuil roulant. Mais ça n’allait pas plus<br />
loin. Je restais dans mon petit monde, un<br />
peu individualiste. Au Canada, <strong>le</strong>s jeunes<br />
qui sont révoltés poussent la porte d’une<br />
association et disent : « Bon qu’est-ce que<br />
je peux faire pour vous aider ? ». C’est tout<br />
simp<strong>le</strong> et ça m’a ouvert <strong>le</strong>s yeux. Et puis làbas,<br />
j’ai croisé des jeunes en insertion qui<br />
avaient un comportement un peu bizarre<br />
et même parfois quelques petits accès de<br />
vio<strong>le</strong>nce. Au début, je n’osais pas <strong>le</strong>ur par<strong>le</strong>r<br />
et tout <strong>le</strong> monde me disait : « Vas-y ! ». J’ai<br />
eu <strong>le</strong> déclic, j’ai compris qu’il fallait oser, et<br />
c’est vraiment là que j’ai changé de regard.<br />
Pour changer de regard, il suffit d’oser ?<br />
Absolument ! Les valides ne savent pas<br />
comment aborder <strong>le</strong>s personnes handicapées.<br />
Quand on ne connaît pas, on a peur.<br />
Alors, dans la rue, s’ils voient une personne<br />
qui a coincé son fauteuil sur un bord de<br />
trottoir, ils se disent « Ah mon Dieu ! », au<br />
lieu d’y al<strong>le</strong>r et de demander s’ils peuvent<br />
aider. Ils n’osent pas, par peur de se faire<br />
envoyer balader ou de ne pas trouver <strong>le</strong>s<br />
mots justes. Parce qu’ils imaginent qu’à<br />
cause du handicap, il faut être compatissant.<br />
Mais cela relève du mythe ! Oui,<br />
certaines personnes handicapées n’aiment<br />
pas que l’on pousse <strong>le</strong>ur fauteuil parce<br />
qu’el<strong>le</strong>s veu<strong>le</strong>nt être indépendantes, et c’est<br />
<strong>le</strong>ur droit ! Par ail<strong>le</strong>urs, être handicapé ne<br />
veut pas dire « tout gentil, tout beau, dans<br />
un petit monde ». En fait, la difficulté, c’est<br />
d’agir norma<strong>le</strong>ment. Ce n’est pas parce<br />
que la personne est handicapée qu’il faut<br />
s’adresser à el<strong>le</strong> comme à un enfant ! Je<br />
grossis un petit peu, mais c’est ça.<br />
Vous avez connu cette peur de « mal<br />
faire » à l’APF ? Oui, et je l’ai surmontée<br />
par l’humour et l’honnêteté. Dès <strong>le</strong> début,<br />
j’ai expliqué qu’il n’y avait pas de personnes<br />
handicapées dans mon entourage, que je ne<br />
savais pas comment me comporter, qu’ils<br />
devaient m’apprendre. C’est un échange.<br />
Pour éradiquer la peur, il faut à la fois se<br />
mettre à <strong>le</strong>ur place et rester soi-même. Du<br />
coup, on a la même attitude avec <strong>le</strong>s personnes<br />
handicapées qu’avec <strong>le</strong>s autres. Ce<br />
cap, mes amis, par exemp<strong>le</strong>, ne l’ont pas<br />
passé. Ils me disent : « Tu es courageuse,<br />
quand même ! ». Mais quand on va visiter<br />
<strong>le</strong> Louvre avec un groupe, où est <strong>le</strong> courage<br />
? En fait, il n’est pas du côté des « valides<br />
». Par exemp<strong>le</strong>, cette visite du Louvre<br />
a été un véritab<strong>le</strong> parcours du combattant<br />
pour <strong>le</strong> groupe. Le bus nous a déposés au<br />
niveau du sous-sol ; pour rejoindre <strong>le</strong> rezde-chaussée<br />
depuis <strong>le</strong> parking, il a fallu<br />
une heure et demie. Plus que <strong>le</strong> temps de<br />
voyage d’Évreux à Paris ! Parce qu’il y a<br />
seu<strong>le</strong>ment deux ascenseurs où ne rentre<br />
qu’un fauteuil et que nous étions une trentaine.<br />
Ensuite, pour <strong>le</strong>s toi<strong>le</strong>ttes, pareil ! Il y<br />
avait, certes, un espace adapté mais, un par<br />
un, c’est très long. D’autant que cet espace<br />
était au fond et que <strong>le</strong>s fauteuils avaient du<br />
mal à passer entre <strong>le</strong>s lavabos… C’était<br />
donc assez frustrant. Les personnes que<br />
j’accompagnais <strong>le</strong> déploraient : « On veut<br />
juste visiter <strong>le</strong> Louvre, un des plus beaux<br />
musées du monde, et voilà où on passe<br />
notre temps… » Eh bien <strong>le</strong> courage, il est là.<br />
Que faudrait-il faire pour que <strong>le</strong> regard<br />
change ? Développer la culture du bénévolat.<br />
Les sensibilisations dans <strong>le</strong>s éco<strong>le</strong>s,<br />
c’est bien, mais on pourrait imaginer que<br />
<strong>le</strong>s enfants ou <strong>le</strong>s ados viennent un samedi<br />
par mois dans une association. Aider, ça<br />
ne signifie pas nécessairement pousser<br />
un fauteuil ! Il y a des ateliers de création :<br />
un jeune qui aime bien la musique peut<br />
proposer ses services à l’APF. Ce n’est pas<br />
contraignant, on peut <strong>le</strong> faire de temps en<br />
temps, une fois par mois ou tous <strong>le</strong>s deux<br />
mois, il n’y a pas d’obligation… Et ça pourrait<br />
vraiment participer au changement<br />
de regard, car <strong>le</strong>s personnes handicapées<br />
restent malheureusement trop souvent<br />
entre el<strong>le</strong>s. La majorité des bénévo<strong>le</strong>s sont<br />
des retraités ou des proches de personnes<br />
handicapées. Il n’y a pas assez de jeunes.<br />
Comment pensez-vous réussir à<br />
convaincre vos amis ? Il faudrait que je <strong>le</strong>s<br />
emmène à l’APF. Si je <strong>le</strong>ur dis que je travail<strong>le</strong><br />
à la préparation d’un événement et<br />
que j’ai besoin d’eux, je sais qu’ils <strong>le</strong> feront<br />
et ce sera là que <strong>le</strong>ur regard changera vraiment.<br />
C’est par l’engagement qu’on peut<br />
impulser <strong>le</strong> changement !<br />
propos recueillis<br />
par laurent tastet<br />
« Par exemp<strong>le</strong>, cette visite du Louvre a été un véritab<strong>le</strong><br />
parcours du combattant (…) : pour rejoindre <strong>le</strong> rez-dechaussée<br />
depuis <strong>le</strong> parking, il a fallu une heure et demie ! »<br />
idem | 35
Proches et aidants<br />
Vivre avec une<br />
personne handicapée<br />
On par<strong>le</strong> rarement d’eux. Pourtant, ils occupent une<br />
place essentiel<strong>le</strong> dans la vie de la plupart des personnes<br />
en situation de handicap. On <strong>le</strong>s appel<strong>le</strong> désormais<br />
<strong>le</strong>s « aidants familiaux ». Pour Idem, trois d’entre eux,<br />
Jacqueline, Serge et Gwenaël<strong>le</strong>, racontent <strong>le</strong>ur quotidien.<br />
Gwenaël<strong>le</strong><br />
et Vianney<br />
Gwenaël<strong>le</strong> Le Bervet et Vianney Chan-<br />
Tsin vivaient ensemb<strong>le</strong> depuis plusieurs<br />
années près de Bayeux, avec <strong>le</strong>s enfants de<br />
Gwenaël<strong>le</strong>, lorsqu’en 2003, Vianney a eu<br />
un accident de la circulation qui l’a rendu<br />
tétraplégique. Après un mois de réanimation,<br />
un mois de post-réanimation et<br />
six mois de centre de rééducation, Vianney<br />
a retrouvé <strong>le</strong>s siens. « Les débuts ont<br />
été compliqués, se souvient sa compagne.<br />
Nous habitions un rez-de-chaussée suré<strong>le</strong>vé.<br />
Il fallait que quelqu’un m’aide pour<br />
que nous puissions sortir. Nous avons très<br />
rapidement fait une demande de logement<br />
mais il n’y en avait pas pour une<br />
famil<strong>le</strong> de quatre personnes. Nous avons<br />
fina<strong>le</strong>ment obtenu une petite maison qui<br />
était loin d’être idéa<strong>le</strong> puisque la sal<strong>le</strong> de<br />
bain était à l’étage... Nous y sommes tout<br />
de même restés jusqu’en 2010. »<br />
Une nouvel<strong>le</strong> vie dans<br />
une nouvel<strong>le</strong> maison<br />
Depuis, ils ont acheté et aménagé une<br />
maison près du centre vil<strong>le</strong> de Caen.<br />
Vianney s’est occupé des devis, Gwenaël<strong>le</strong><br />
supervisait. Cette maison <strong>le</strong>ur a<br />
changé la vie. « C’est un vrai bonheur,<br />
raconte Gwenaël<strong>le</strong>. Vianney peut circu<strong>le</strong>r<br />
librement, il n’est pas confiné. Je me sens<br />
éga<strong>le</strong>ment beaucoup moins envahie par <strong>le</strong><br />
personnel qui peut être amené à intervenir<br />
à la maison. »<br />
Cette sensation de ne plus se sentir<br />
chez el<strong>le</strong> dès qu’une personne passe<br />
à son domici<strong>le</strong> a incité Gwenaël<strong>le</strong>, en<br />
accord avec son compagnon, à éviter<br />
au maximum de faire appel à une tierce<br />
personne pour gérer <strong>le</strong> quotidien de<br />
Vianney. Du coup, el<strong>le</strong> s’occupe des toi<strong>le</strong>ttes<br />
et des soins pour privilégier <strong>le</strong>ur<br />
intimité. « A Bayeux, dix-sept personnes<br />
différentes tournaient chez nous, se souvient-el<strong>le</strong>,<br />
<strong>le</strong> personnel changeait souvent.<br />
Je n’avais pas envie de cela. » Cette indépendance<br />
vis-à-vis des autres <strong>le</strong>ur offre<br />
une liberté incroyab<strong>le</strong>, malgré <strong>le</strong> handicap<br />
de Vianney. « Nous pouvons partir<br />
plus faci<strong>le</strong>ment en vacances, illustre<br />
Gwenaël<strong>le</strong>. Nous sommes allés plusieurs<br />
fois aux Etats-Unis et à Londres, nous<br />
prenons l’avion régulièrement. Nous faisons<br />
ce que nous voulons. Pour nous, rien<br />
n’est impossib<strong>le</strong>. Tout est plus compliqué,<br />
bien sûr, et demande beaucoup de temps,<br />
mais quand nous avons envie de quelque<br />
chose, nous nous donnons <strong>le</strong>s moyens d’y<br />
arriver. C’est notre moteur. »<br />
36 | idem
Ensemb<strong>le</strong> pour<br />
<strong>le</strong> meil<strong>le</strong>ur<br />
Gwenaël<strong>le</strong> gère donc seu<strong>le</strong> <strong>le</strong> quotidien,<br />
tout en travaillant à temps p<strong>le</strong>in. « Gwenaël<strong>le</strong><br />
est très présente, raconte timidement<br />
Vianney, el<strong>le</strong> m’aide à faire tout ce que je<br />
ne peux pas faire seul. El<strong>le</strong> m’accompagne<br />
et accepte pas mal de choses... » « Je l’aide,<br />
je l’assiste, confirme Gwenaël<strong>le</strong>, mais<br />
il essaie aussi de faire un maximum de<br />
choses. Parfois, je n’hésite pas à lui dire<br />
non si j’estime qu’il peut se débrouil<strong>le</strong>r... »<br />
Le caractère de Vianney <strong>le</strong>ur permet aussi<br />
d’avancer dans <strong>le</strong>ur vie. « Vianney est<br />
un battant, il ne se laisse pas al<strong>le</strong>r. Il était<br />
comme cela avant l’accident et l’est resté...<br />
On peut même <strong>le</strong> qualifier d’hyperactif. Il<br />
a toujours une personne à voir ou un ami<br />
à appe<strong>le</strong>r. Parfois, il me fatigue ! Ce trait de<br />
caractère nous porte tous. Si Vianney restait<br />
à la maison à ne rien faire, la situation<br />
deviendrait rapidement invivab<strong>le</strong>... Mais<br />
il est très dynamique, il est incroyab<strong>le</strong> ! »<br />
Pour tout gérer, Gwenaël<strong>le</strong> dit avoir<br />
fonctionné à l’instinct. « Juste après<br />
l’accident, se souvient-el<strong>le</strong>, j’étais extrêmement<br />
triste mais je devais être présente<br />
auprès de lui. » El<strong>le</strong> passera des journées<br />
entières à l’hôpital. « C’est l’amour qui<br />
m’a fait tenir, estime Gwenaël<strong>le</strong>. Quand<br />
on aime, on se bat. Je n’ai pas réfléchi. »<br />
jacqueline et serge<br />
Jacqueline et Serge Binet ont deux enfants.<br />
Un soir, Sophie a fait un AVC en<br />
rentrant du travail. El<strong>le</strong> avait à peine<br />
trente ans. C’était il y a presque dix ans.<br />
Depuis, el<strong>le</strong> souffre d’un syndrome d’enfermement<br />
(locked-in syndrome) et el<strong>le</strong><br />
est paralysée des quatre membres. El<strong>le</strong><br />
ne par<strong>le</strong> pas, ne bouge pas mais entend<br />
et comprend tout. Ce sont ses parents<br />
qui s’occupent d’el<strong>le</strong> à temps p<strong>le</strong>in, plus<br />
particulièrement sa mère qui a arrêté de<br />
travail<strong>le</strong>r en décembre 2005. Ils assument<br />
aussi, depuis cette époque, <strong>le</strong>ur petitefil<strong>le</strong><br />
Laureen (la fil<strong>le</strong> de Sophie) qui passe<br />
son bac cette année.<br />
Jacqueline et Serge gèrent ensemb<strong>le</strong> <strong>le</strong><br />
quotidien de Sophie qui se déplace dans<br />
un fauteuil. « Il faut que je sois en permanence<br />
avec el<strong>le</strong>, décrit Jacqueline, <strong>le</strong> quotidien<br />
est très diffici<strong>le</strong>. Nous ne pouvons<br />
pas sortir, nous n’avons pas de week-end.<br />
Mon mari doit m’aider à la sortir de son<br />
lit, je dois lui faire la toi<strong>le</strong>tte et <strong>le</strong>s soins.<br />
Au début, nous avions une personne qui<br />
venait pour ces tâches mais ce système ne<br />
convenait ni à Sophie, ni à nous. Nous<br />
Jacqueline et sa fil<strong>le</strong> Sophie<br />
souhaitons fina<strong>le</strong>ment nous occuper de<br />
notre fil<strong>le</strong> <strong>le</strong> plus longtemps possib<strong>le</strong>. »<br />
Echanger et partager<br />
Jacqueline et Serge<br />
Binet ont cherché et<br />
trouvé du soutien<br />
auprès de l’association<br />
Alis. « Une réunion<br />
annuel<strong>le</strong> est organisée,<br />
raconte Serge,<br />
jeune retraité. Nous<br />
rencontrons des<br />
professionnels de<br />
santé et obtenons des<br />
informations sur <strong>le</strong><br />
locked-in syndrome. Et<br />
nous pouvons, ce qui<br />
est essentiel à nos yeux,<br />
échanger avec d’autres<br />
Des séjours en centre<br />
de temps en temps<br />
Les parents de Sophie font régulièrement<br />
des demandes pour qu’el<strong>le</strong> passe du<br />
temps dans des centres spécialisés. L’occasion<br />
pour el<strong>le</strong> de bénéficier de soins et<br />
d’activités adaptées. L’occasion pour eux<br />
de se reposer et d’avoir un peu de temps<br />
libre. Mais <strong>le</strong>s places sont rares. Son dernier<br />
séjour, récent, a été attendu pendant<br />
plus de deux ans. Une demande a d’ores<br />
et déjà été faite pour un nouveau séjour<br />
en centre en 2014.<br />
Quand el<strong>le</strong> est chez el<strong>le</strong>, Sophie lit<br />
beaucoup. Ses parents lui ont réaménagé<br />
<strong>le</strong> garage de la maison familia<strong>le</strong> qui est<br />
devenu son espace de vie et celui de sa<br />
fil<strong>le</strong>. El<strong>le</strong> passe du temps devant son ordinateur<br />
et échange de nombreux mails<br />
avec des amis. El<strong>le</strong> fait aussi du vélo é<strong>le</strong>ctrique.<br />
Le vélo tourne tout seul ; cela fait<br />
du bien à la jeune femme d’avoir <strong>le</strong>s articulations<br />
en mouvement.<br />
Sophie aime al<strong>le</strong>r en vil<strong>le</strong> et flâner dans<br />
<strong>le</strong>s magasins d’habil<strong>le</strong>ment ou de décoration.<br />
« Nous allons aussi faire <strong>le</strong>s courses<br />
ensemb<strong>le</strong>, ajoute Jacqueline. C’est une véritab<strong>le</strong><br />
expédition mais Sophie aime bien<br />
ce moment ! » Tous <strong>le</strong>s vendredis, mère et<br />
fil<strong>le</strong> vont au cinéma : c’est Sophie qui choisit<br />
<strong>le</strong> film. Et lorsque <strong>le</strong>ur fil<strong>le</strong> se trouve<br />
dans un centre assez éloigné de <strong>le</strong>ur domici<strong>le</strong>,<br />
Jacqueline et Serge ne rateraient pour<br />
rien au monde <strong>le</strong>ur visite du week-end.<br />
« Je lui prépare des crêpes au chocolat tous<br />
<strong>le</strong>s samedis que nous dégustons ensemb<strong>le</strong><br />
<strong>le</strong> dimanche : el<strong>le</strong> en raffo<strong>le</strong> », raconte Jacqueline,<br />
<strong>le</strong> sourire aux lèvres.<br />
clémence lamirand<br />
personnes concernées<br />
par cette maladie.<br />
Sophie aime aussi<br />
al<strong>le</strong>r à ces réunions<br />
qui lui permettent de<br />
rencontrer des gens<br />
qui souffrent du même<br />
syndrome qu’el<strong>le</strong>. »<br />
idem | 37
Des structures<br />
ouvertes au handicap<br />
Nager<br />
ensemb<strong>le</strong> !<br />
Créé en 1985, l’Aqua Baby Club Ébroicien, dédié<br />
aux bébés nageurs et aux tout-petits ayant peur de l’eau,<br />
a progressivement élargi ses activités en s’ouvrant au<br />
handicap. Avec un seul objectif : faire partager <strong>le</strong>s plaisirs<br />
de l’eau pour effacer <strong>le</strong>s différences.<br />
«<br />
J’aime beaucoup la piscine. Je rou<strong>le</strong><br />
la frite pour nager… » Tristan<br />
Gezolme, 7 ans, a dit l’essentiel et<br />
passe très vite <strong>le</strong> relais à Sandra,<br />
sa maman. « Avant, il n’osait pas<br />
al<strong>le</strong>r dans l’eau. Tristan a une rétinite pigmentaire<br />
qui <strong>le</strong> prive de vision périphérique,<br />
et tout ce qui sort de son champ de vision lui<br />
fait peur. La première fois, en arrivant dans<br />
<strong>le</strong> grand bassin, il a eu une grande frayeur,<br />
mais tout de suite, Véronique et une autre<br />
accompagnatrice l’ont mis en confiance et<br />
maintenant, il adore y al<strong>le</strong>r. Il m’épate parce<br />
qu’il plonge, il va dans <strong>le</strong> grand bassin, et ça,<br />
je ne l’aurais jamais imaginé ! » Véronique<br />
Delaune, la responsab<strong>le</strong> pédagogique de<br />
l’ABCE, se souvient aussi très bien de ces<br />
instants qu’el<strong>le</strong> appel<strong>le</strong> « <strong>le</strong>s petites réussites<br />
». El<strong>le</strong> pourrait d’ail<strong>le</strong>urs en citer biens<br />
d’autres. « Bastien est un petit garçon autiste<br />
qui a toujours refusé <strong>le</strong> grand toboggan.<br />
Et mercredi dernier, il s’est lancé tout seul !<br />
Il ne faut pas brusquer et laisser du temps<br />
pour progresser. D’ail<strong>le</strong>urs, <strong>le</strong> plus diffici<strong>le</strong>,<br />
ce sont <strong>le</strong>s enfants qui ont peur de l’eau. Le<br />
handicap n’est donc pas nécessairement là<br />
38 | idem
À gauche : Bastien et sa maman. Ci-dessous : Tristan.<br />
« Le plus diffici<strong>le</strong>, ce sont <strong>le</strong>s enfants qui ont<br />
peur de l’eau. Le handicap n’est donc pas<br />
nécessairement là où on peut <strong>le</strong> penser »<br />
où on peut <strong>le</strong> penser ». Les douze membres<br />
de l’équipe de l’ABCE ont tous été formés<br />
au handicap, sans vouloir en faire une spécialisation.<br />
Pour Véronique Delaune, l’essentiel<br />
reste l’intégration. « Cela participe<br />
au changement de regard des autres enfants<br />
et c’est vraiment <strong>le</strong> sens de notre démarche.<br />
On fait pareil pour <strong>le</strong>s enfants qui ont peur<br />
de l’eau. On <strong>le</strong>s mélange avec des enfants<br />
qui sont plus à l’aise et qui <strong>le</strong>s aident. »<br />
C’est à la Made<strong>le</strong>ine, une piscine municipa<strong>le</strong><br />
mise à sa disposition, que l’ABCE<br />
accueil<strong>le</strong> <strong>le</strong>s enfants et <strong>le</strong>urs parents, dans<br />
une eau chauffée à plus de 30 degrés.<br />
Pour <strong>le</strong>s personnes qui ne peuvent accéder<br />
toutes seu<strong>le</strong>s au bassin, la piscine est<br />
équipée d’un fauteuil qui tourne et descend,<br />
facilitant ainsi la mise en eau. El<strong>le</strong><br />
dispose par ail<strong>le</strong>urs d’un fauteuil roulant<br />
permettant de faire <strong>le</strong> relais avec <strong>le</strong>s fauteuils<br />
des adhérents. Si ces aménagements<br />
facilitent l’accessibilité, à l’exception d’un<br />
pédiluve qui gêne toujours la circulation<br />
des fauteuils, <strong>le</strong> manque d’espace est plus<br />
problématique puisqu’il n’autorise qu’une<br />
seu<strong>le</strong> cabine adaptée pour <strong>le</strong>s personnes<br />
handicapées. L’ABCE envisage donc de<br />
changer de piscine même si ce déménagement<br />
ne résoudra pas tous <strong>le</strong>s problèmes.<br />
Car pour Véronique Delaune, <strong>le</strong>s freins<br />
à l’accessibilité sont aussi ail<strong>le</strong>urs : « Il ne<br />
faut pas que <strong>le</strong>s parents hésitent en pensant<br />
que ce n’est pas possib<strong>le</strong>. Ils doivent se sentir<br />
libres d’essayer. » Un constat partagé par la<br />
maman de Tristan. « Avant, je me mettais<br />
des obstac<strong>le</strong>s parce que je ne connaissais pas<br />
<strong>le</strong>s possibilités de mon fils par rapport à son<br />
handicap. Les Jeux paralympiques ont servi<br />
de déc<strong>le</strong>ncheur. Ils m’ont permis de voir que<br />
c’était possib<strong>le</strong> ! » Comme pour Emma,<br />
une autre « petite réussite » dont se souvient<br />
toute l’équipe de l’ABCE. « El<strong>le</strong> avait<br />
un retard intel<strong>le</strong>ctuel et a mis un an avant<br />
d’al<strong>le</strong>r dans l’eau. El<strong>le</strong> jouait au bord du<br />
bassin et un jour, quand el<strong>le</strong> avait environ<br />
5 ans, el<strong>le</strong> a dit : « Emma est grande aujourd’hui<br />
», et el<strong>le</strong> est rentrée dans l’eau ! »<br />
laurent tastet<br />
EN SAVOIR PLUS<br />
Aqua Baby Club ébroicien<br />
Tél. : 02 32 24 07 95 / www.abcÉvreux.com<br />
<strong>le</strong>s structures sportives accessib<strong>le</strong>s<br />
www.handiguide.sports.gouv.fr<br />
idem | 39
Des structures<br />
ouvertes au handicap<br />
Lecture pour tous<br />
Située au cœur d’Évreux, la médiathèque municipa<strong>le</strong> développe<br />
depuis plusieurs années des actions en faveur des personnes<br />
handicapées. El<strong>le</strong> propose ainsi des col<strong>le</strong>ctions spécifiques dédiées<br />
aux déficients visuels et aux personnes sourdes ou ma<strong>le</strong>ntendantes.<br />
Courant 2013, el<strong>le</strong> devrait éga<strong>le</strong>ment organiser un portage de livres<br />
à domici<strong>le</strong> pour <strong>le</strong>s personnes à mobilité réduite et âgées.<br />
Accès de plain-pied, ascenseurs,<br />
portes élargies… A<br />
l’occasion de son agrandissement<br />
et réaménagement<br />
il y a quelques années,<br />
la médiathèque d’Évreux a fait peau<br />
neuve afin d’offrir de meil<strong>le</strong>ures conditions<br />
d’accueil et d’accès au plus grand<br />
nombre, notamment aux personnes<br />
en situation de handicap. Cette prise<br />
en compte ne s’est pas arrêtée aux seuls<br />
aménagements puisque, il y a trois ans,<br />
une concertation avec plusieurs associations,<br />
dont l’association Va<strong>le</strong>ntin Haüy et<br />
la Bibliothèque sonore et <strong>le</strong>urs adhérents,<br />
a conduit à la création du « pô<strong>le</strong> basse<br />
vision ». « Nous souhaitions répondre au<br />
mieux à <strong>le</strong>urs attentes et à <strong>le</strong>urs besoins »,<br />
explique Hervé Grosdoit-Artur, responsab<strong>le</strong><br />
multimédia et référent accessibilité<br />
du réseau* des bibliothèques de la vil<strong>le</strong>.<br />
« Jusqu’alors, <strong>le</strong>s col<strong>le</strong>ctions dédiées à ces<br />
publics étaient disséminées dans <strong>le</strong> réseau<br />
des bibliothèques de quartiers ou pas toujours<br />
aisément accessib<strong>le</strong>s. Par exemp<strong>le</strong>, à<br />
la médiathèque, la col<strong>le</strong>ction basse vision<br />
était située au second étage. »<br />
Sensibiliser<br />
<strong>le</strong> grand public<br />
Créé en 2010 au rez-de-chaussée, <strong>le</strong> pô<strong>le</strong><br />
basse vision compte désormais plusieurs<br />
centaines d’ouvrages en gros caractères,<br />
des livres sonores ainsi qu’une centaine<br />
de DVD en audio description, <strong>le</strong>s bibliothèques<br />
de quartier continuant éga<strong>le</strong>ment<br />
à proposer des ouvrages pour <strong>le</strong>s déficients<br />
visuels. Côté technologie, une machine<br />
à lire et un télé-agrandisseur sont<br />
en libre service. « Mais à tout moment, <strong>le</strong>s<br />
usagers peuvent demander aide et conseil<br />
aux personnel. Sur la base du volontariat,<br />
une quinzaine d’agents et bibliothécaires<br />
ont été formés à l’accueil des usagers handicapés<br />
», développe <strong>le</strong> référent. En 2012,<br />
en s’appuyant sur la même démarche de<br />
concertation, c’est <strong>le</strong> « pô<strong>le</strong> sourds » qui<br />
a vu <strong>le</strong> jour. Il propose des ouvrages et<br />
* Le réseau<br />
compte, en plus<br />
du site central,<br />
trois bibliothèques<br />
de quartier et un<br />
bibliobus.<br />
<strong>document</strong>s ayant trait à la culture sourde<br />
ainsi qu’une dizaine de DVD en LSF<br />
(langue française des signes). Cet espace<br />
est aussi un centre de ressources pour <strong>le</strong>s<br />
professionnels et <strong>le</strong>s éducateurs travaillant<br />
dans <strong>le</strong> champ de la surdité. Par ail<strong>le</strong>urs,<br />
la médiathèque organise ponctuel<strong>le</strong>ment<br />
des événements : concert dans <strong>le</strong><br />
noir, projection de films en audiodescription,<br />
soirée conte en LSF… Récemment,<br />
el<strong>le</strong> a accueilli une exposition photographique<br />
réalisée par l’Association Eur’en<br />
Ciel à l’occasion de séances de parapente<br />
organisées pour <strong>le</strong>s personnes atteintes<br />
de handicap. « Mais l’un de nos axes de<br />
travail est désormais de créer des actions<br />
tout public afin qu’y prennent part, sans<br />
différenciation, <strong>le</strong>s personnes en situation<br />
de handicap et <strong>le</strong>s personnes valides. Par<br />
exemp<strong>le</strong>, proposer à tous un évènement<br />
en langue des signes permet de sensibiliser<br />
<strong>le</strong> grand public au handicap », argumente<br />
Hervé Grosdoit-Artur. Forte de<br />
cette dynamique, la médiathèque étudie<br />
actuel<strong>le</strong>ment un projet de portage gratuit<br />
de livres à domici<strong>le</strong> pour <strong>le</strong>s personnes<br />
à mobilité réduite, notamment nonvoyantes<br />
ou âgées. « Pour l’instant, <strong>le</strong> projet<br />
prévoit une tournée hebdomadaire sur<br />
quatre secteurs. A terme, il pourrait être<br />
étendu à d’autres handicaps et à toute la<br />
vil<strong>le</strong> », conclut Hervé Grosdoit-Artur.<br />
françoise vlaemÿnck<br />
40 | idem
nos partenaires<br />
associatifs<br />
Accompagner <strong>le</strong> handicap<br />
Cette année, <strong>le</strong>s Papillons Blancs de Pont-Audemer fêtent<br />
<strong>le</strong>ur cinquantenaire. Un anniversaire qui permet de mesurer<br />
<strong>le</strong> chemin parcouru depuis <strong>le</strong>ur création et de mettre en exergue<br />
<strong>le</strong>s nombreux projets qui verront <strong>le</strong> jour vers 2014.<br />
Lorsque cette association a été<br />
créée en 1963, à l’initiative d’un<br />
coup<strong>le</strong> de parents d’un enfant<br />
atteint d’un handicap mental,<br />
el<strong>le</strong> n’accueillait que 5 ou 6<br />
enfants et employait une dizaine de salariés.<br />
« C’était déjà considérab<strong>le</strong>, souligne<br />
Francis Perna, l’actuel directeur général,<br />
car à l’époque, ce type de handicap était<br />
<strong>le</strong> plus souvent confiné à l’hôpital psychiatrique.<br />
» Cinquante ans plus tard, avec un<br />
budget annuel avoisinant <strong>le</strong>s 9,5 millions<br />
d’euros, <strong>le</strong>s Papillons Blancs de Pont-Audemer<br />
regroupent 9 établissements, emploient<br />
près de 200 salariés et prennent en<br />
charge 365 personnes handicapées.<br />
Construire<br />
un projet de vie<br />
Autre temps, autres moyens, mais la philosophie<br />
reste la même : répondre aux<br />
besoins des famil<strong>le</strong>s et surtout des usagers,<br />
désormais au centre du dispositif.<br />
Trois services sont aujourd’hui dédiés<br />
aux enfants et aux ado<strong>le</strong>scents : un Centre<br />
d’accueil médico-social précoce qui permet<br />
de diagnostiquer <strong>le</strong> handicap dès la<br />
naissance ; un Service d’éducation spécia<strong>le</strong><br />
et de soins à domici<strong>le</strong> qui prend <strong>le</strong><br />
relais de l’éco<strong>le</strong> et favorise l’autonomie<br />
future des enfants ; enfin, un Institut<br />
médico-éducatif qui scolarise <strong>le</strong>s enfants<br />
ne pouvant être accueillis à l’éco<strong>le</strong> et propose<br />
l’apprentissage de différents métiers<br />
pour <strong>le</strong>s plus âgés. Des équipes pluridisciplinaires,<br />
médecins, psychiatres, psychomotriciens,<br />
ergothérapeutes, éducateurs…<br />
se relaient pour assurer <strong>le</strong>s soins<br />
et construire avec <strong>le</strong>s usagers <strong>le</strong>ur projet<br />
de vie. Les plus dépendants pourront<br />
séjourner dans la Maison d’accueil spécialisée<br />
ou être suivis à <strong>le</strong>ur domici<strong>le</strong> par<br />
<strong>le</strong> Service d’accompagnement médicosocial<br />
pour adultes handicapés. Les plus<br />
Les Papillons<br />
Blancs sont<br />
affiliés à<br />
l’UNAPEI,<br />
première<br />
fédération<br />
d’associations<br />
française de<br />
représentation<br />
et de défense<br />
des intérêts<br />
des personnes<br />
handicapées<br />
menta<strong>le</strong>s et de<br />
<strong>le</strong>urs famil<strong>le</strong>s.<br />
autonomes pourront travail<strong>le</strong>r en milieu<br />
ordinaire ou dans l’ESAT qui propose<br />
différents ateliers : menuiserie, espaces<br />
verts, conditionnement de parfum, ensachage,<br />
entretiens des locaux, blanchisserie<br />
et restauration. Un Foyer d’hébergement<br />
col<strong>le</strong>ctif, un Service d’accompagnement à<br />
la vie socia<strong>le</strong> et <strong>le</strong> Centre d’activité de jour<br />
pour travail<strong>le</strong>urs handicapés complètent<br />
pour l’instant ce dispositif, que trois projets<br />
d’envergure viendront bientôt étoffer.<br />
Accompagner<br />
la retraite<br />
Le premier, déjà finalisé, concerne l’ESAT<br />
qui ouvre, au printemps 2013, un restaurant<br />
dans la zone d’activités de Pont-Audemer.<br />
Le second, une résidence service,<br />
proposera des appartements individuels<br />
pour <strong>le</strong>s personnes ayant atteint l’âge de la<br />
retraite. « C’est un projet très important car<br />
il va permettre la prise en charge jusqu’à la<br />
fin de vie, confirme Francis Perna. Avant,<br />
<strong>le</strong> déplacement des usagers en maison de<br />
retraite classique était parfois douloureusement<br />
vécu. Et puis, cela répond aux inquiétudes<br />
des parents pour l’avenir de <strong>le</strong>urs<br />
enfants quand eux-mêmes ne seront plus<br />
là. » En cours de travaux, cette résidence,<br />
réalisée dans un ancien collège de la vil<strong>le</strong>,<br />
partagera <strong>le</strong> site avec <strong>le</strong> nouveau foyer<br />
d’hébergement col<strong>le</strong>ctif, sur l’emplacement<br />
duquel des appartements individuels<br />
pour <strong>le</strong>s personnes en activité seront<br />
construits. Ce troisième projet, éga<strong>le</strong>ment<br />
prévu pour 2014, contribuera, lui aussi, à<br />
l’amélioration de la qualité de vie.<br />
CONTACT<br />
<strong>le</strong>s papillons blancs<br />
Pont-Audemer 02 32 41 15 97<br />
www.<strong>le</strong>spapillonsblancs-pontaudemer.org<br />
Évreux 02 32 62 23 60<br />
laurent tastet<br />
idem | 41
nos partenaires<br />
associatifs<br />
De l’exclusion à l’inclusion<br />
CONTACT<br />
APF<br />
Délégation<br />
départementa<strong>le</strong><br />
de l’<strong>Eure</strong><br />
Lieu-dit Garenne<br />
de Mel<strong>le</strong>vil<strong>le</strong><br />
27930 Guichainvil<strong>le</strong><br />
Tél. : 02 32 28 16 66<br />
http://apf27.blogs.<br />
apf.asso.fr<br />
42 | idem<br />
Depuis 80 ans, l’association<br />
des paralysés de France<br />
(APF) défend et représente<br />
<strong>le</strong>s personnes en situation<br />
de handicap. Outre son<br />
combat quotidien pour faire respecter<br />
<strong>le</strong> droit des personnes handicapées et<br />
son soutien à <strong>le</strong>urs côtés, el<strong>le</strong> a été partie<br />
prenante de nombreux textes législatifs<br />
visant à faire reconnaître et progresser<br />
<strong>le</strong> droit de ces personnes. Grâce à ses<br />
28 000 adhérents, 25 000 bénévo<strong>le</strong>s et<br />
12 000 salariés, l’APF est présente sur<br />
tout <strong>le</strong> territoire à travers ses délégations<br />
départementa<strong>le</strong>s dont une à Évreux.<br />
Au-delà de ses missions traditionnel<strong>le</strong>s,<br />
tel<strong>le</strong>s l’aide à domici<strong>le</strong>, l’accès à l’emploi,<br />
l’accueil, l’information, l’organisation<br />
d’activités culturel<strong>le</strong>s, socia<strong>le</strong>s et de loi-<br />
Vol libre, course à pied, musique, randonnées en 4x4… Nombre<br />
d’associations, à l’origine éloignées du monde du handicap,<br />
s’engagent désormais aux côtés de l’Association des paralysés de<br />
France. El<strong>le</strong>s proposent aux adhérents de l’APF de participer à des<br />
activités dont ils étaient jusqu’alors écartés.<br />
F.Grimaud<br />
sirs, l’APF de l’<strong>Eure</strong> développe des partenariats<br />
avec des structures associatives<br />
qui ont la volonté d’inclure dans <strong>le</strong>urs<br />
activités des personnes atteintes de handicap.<br />
« C’est une démarche relativement<br />
nouvel<strong>le</strong> de la part des ces structures : cela<br />
fait environ cinq ans. J’y vois <strong>le</strong>s effets de la<br />
loi sur <strong>le</strong> handicap de 2005, conjugués au<br />
travail d’associations comme la nôtre qui<br />
œuvrent pour que <strong>le</strong> regard sur <strong>le</strong> handicap<br />
change et qui tentent de <strong>le</strong> rendre visib<strong>le</strong><br />
à l’ensemb<strong>le</strong> de la société. Le plus souvent,<br />
nous rencontrons ces associations à<br />
l’occasion de forums associatifs mais el<strong>le</strong>s<br />
nous contactent aussi directement pour<br />
proposer à nos adhérents de participer à<br />
<strong>le</strong>urs initiatives. Notre but est commun<br />
puisque, de notre côté, nous travaillons<br />
pour que <strong>le</strong>s personnes handicapées accèdent,<br />
si el<strong>le</strong>s <strong>le</strong> désirent, aux activités <strong>le</strong>s<br />
plus variées possib<strong>le</strong> », explique Thibault<br />
Lemagnant, directeur de la délégation de<br />
l’APF de l’<strong>Eure</strong>.<br />
Émotions partagées<br />
Ainsi, depuis plus de trois ans, l’APF a tissé<br />
des liens étroits avec l’association DEFI. Un<br />
partenariat qui permet à ses adhérents de<br />
prendre part régulièrement à des courses<br />
à pied. « Au départ, nous <strong>le</strong>ur avons prêté<br />
notre joë<strong>le</strong>tte (semblab<strong>le</strong> à une chaise à porteur),<br />
mais ensuite l’association a cherché<br />
el<strong>le</strong>-même des subventions pour acquérir<br />
son propre matériel », indique Thibault<br />
Lemagnant. Depuis, <strong>le</strong>s adhérents de l’APF<br />
s’associent à plusieurs courses par an, notamment<br />
<strong>le</strong>s 20 kilomètres de Paris. « Le<br />
fait que chaque participant ait son propre<br />
numéro d’engagement et son dossard nous<br />
a beaucoup séduits. Même si la personne<br />
en joë<strong>le</strong>tte ne court pas à proprement par<strong>le</strong>r,<br />
el<strong>le</strong> fait vraiment partie de l’équipe et<br />
ressent <strong>le</strong>s mêmes émotions que <strong>le</strong>s deux<br />
coureurs qui pilotent. » Dans <strong>le</strong> même esprit,<br />
l’association Les chemins normands<br />
propose depuis quatre ans des balades en<br />
4x4 dans toute la région, sur des chemins<br />
qu’el<strong>le</strong> entretient régulièrement. Une initiative<br />
qui a permis à beaucoup de personnes<br />
en fauteuil roulant ou à mobilité réduite de<br />
découvrir pour la première fois la forêt et<br />
des sites naturels inaccessib<strong>le</strong>s. Plus récemment,<br />
<strong>le</strong> club Eur’En Ciel, section de parapente<br />
animée par la Maison des Jeunes<br />
et de la Culture d’Évreux, dont l’un des<br />
pilotes est breveté pour accompagner des<br />
personnes handicapées, a éga<strong>le</strong>ment proposé<br />
aux adhérents de l’APF des sessions<br />
de vol libre. Certains ont d’ail<strong>le</strong>urs pris part<br />
à la Coupe Icare qui se dérou<strong>le</strong> chaque année<br />
à Saint-Hilaire-du-Touvet dans l’Isère.<br />
Désormais, Eur’En Ciel compte dans ses<br />
rangs une quinzaine de pilotes brevetés<br />
handicap. Plus récemment encore, l’association<br />
Wassa Kumba, qui promeut dans<br />
l’<strong>Eure</strong> <strong>le</strong>s musiques africaines, a organisé<br />
dans <strong>le</strong>s locaux de l’APF un concert de percussions.<br />
Des échanges sont en cours pour<br />
qu’el<strong>le</strong> puisse inclure prochainement des<br />
personnes handicapées dans ses cours. A<br />
suivre…<br />
françoise vlaemÿnck
À Évreux, <strong>le</strong> centre de rééducation auditive Joachim du Bellay, de l’association La Ronce,<br />
suit des enfants sourds ou ma<strong>le</strong>ntendants âgés de 3 à 18 ans. Au programme : un projet<br />
personnalisé mis en œuvre par une équipe pluridisciplinaire.<br />
À L’ECOUTE des<br />
besoins DE L’ENFANT<br />
«<br />
Depuis que Théo est pris en charge<br />
au centre de rééducation auditive<br />
[CRA], il a beaucoup évolué.<br />
Je ne remercierai jamais assez<br />
l’équipe », assure Nadia Tanney,<br />
dont <strong>le</strong> petit garçon est suivi depuis quatre<br />
ans dans cette structure médico-socia<strong>le</strong><br />
(voir p. 9). Accueillant, après notification<br />
de la MDPH, des enfants et ado<strong>le</strong>scents de<br />
l’<strong>Eure</strong> souffrant d’une déficience auditive<br />
avec ou sans troub<strong>le</strong>s associés, <strong>le</strong> CRA a<br />
en effet vocation à <strong>le</strong>s aider à acquérir des<br />
modes de communication, à accompagner<br />
<strong>le</strong>ur scolarité et <strong>le</strong>ur intégration socia<strong>le</strong> et<br />
à soutenir <strong>le</strong>urs parents tout en <strong>le</strong>s impliquant.<br />
À cette fin, <strong>le</strong> centre, dont la capacité<br />
d’accueil est de 26 places, dispose d’une<br />
solide équipe pluridisciplinaire. Médecins<br />
ORL, pédiatre, orthophonistes, audioprothésiste,<br />
psychologue, psychomotricienne,<br />
éducateurs… œuvrent ainsi de concert<br />
pour établir et faire avancer <strong>le</strong> projet de<br />
chaque enfant. « Les objectifs de travail sont<br />
déclinés par l’ensemb<strong>le</strong> des professionnels<br />
mais avec des approches singulières. Pour<br />
nous, <strong>le</strong>s compétences sont col<strong>le</strong>ctives. Par<br />
exemp<strong>le</strong>, l’acquisition du langage oral ne<br />
revient pas qu’à l’orthophoniste, el<strong>le</strong> peut<br />
aussi être du ressort de l’éducatrice spécialisée,<br />
qui emploiera d’autres techniques »,<br />
résume Magali Lehouel<strong>le</strong>ur, directrice.<br />
Une inscription<br />
dans la cité<br />
Chaque projet est discuté avec la famil<strong>le</strong><br />
et tient compte des besoins et potentialités<br />
du jeune. Celui-ci reçoit un planning<br />
hebdomadaire comportant des rendezvous<br />
avec un ou plusieurs professionnels,<br />
des activités en solo ou en groupe,<br />
d’éventuel<strong>le</strong>s séances d’apprentissage de<br />
la langue des signes française (LSF)…<br />
Les soins sont réalisés sur ou hors temps<br />
scolaire. « Nous essayons de ne pas mettre<br />
l’enfant en difficulté en <strong>le</strong> retirant trop<br />
Créée officiel<strong>le</strong>ment en 1955, l’association La Ronce compte divers établissements et services visant à<br />
aider <strong>le</strong>s personnes handicapées. Outre <strong>le</strong> CRA, son secteur « enfants » comprend un CAMSP (centre<br />
d’action médico-socia<strong>le</strong> précoce), un IMP (institut médico-pédagogique), un IMP Pro (institut médicoprofessionnel),<br />
un SASI (service d’accompagnement et soutien à l’intégration scolaire) et un Sessad<br />
(service d’éducation et de soins spécialisés à domici<strong>le</strong>).<br />
souvent de l’éco<strong>le</strong> mais nous voulons aussi<br />
préserver sa vie familia<strong>le</strong>, ses loisirs, son<br />
bien-être », explique la directrice.<br />
Le centre cherche éga<strong>le</strong>ment à faciliter<br />
<strong>le</strong> développement personnel du jeune en<br />
privilégiant son ouverture sur <strong>le</strong> monde.<br />
Des ateliers éducatifs de groupe sont ainsi<br />
organisés grâce à des partenariats avec<br />
des acteurs locaux (Beaux-Arts, Ferme<br />
pédagogique). « Il y a un riche va-etvient.<br />
Les professionnels du médico-social<br />
vont à l’extérieur pour aider <strong>le</strong>s enfants à<br />
s’approprier certaines ressources du territoire<br />
et, à l’inverse, des personnes viennent<br />
au centre, car c’est un lieu de vie », pointe<br />
Magali Lehouel<strong>le</strong>ur. Enfin, <strong>le</strong> CRA a<br />
monté un centre de formation à la LSF<br />
ouvert à tout public. Une autre manière<br />
de tisser un pont entre la société et <strong>le</strong> handicap<br />
auditif. florence raynal<br />
CONTACT<br />
CRA Joachim<br />
du Bellay<br />
13 rue Lavoisier,<br />
27000 Évreux<br />
Tél. : 02 32 28 77 05<br />
www.laronce.asso.fr<br />
cra@laronce.asso.fr<br />
idem | 43
MDPH<br />
Maison Départementa<strong>le</strong><br />
des Solidarités<br />
11 rue Jean de la Bruyère<br />
27000 Évreux<br />
Ligne de bus n o 1,<br />
arrêt Maison Départementa<strong>le</strong><br />
des Solidarités<br />
Accueil<br />
sans interruption<br />
et sans<br />
rendez-vous,<br />
du lundi<br />
au vendredi<br />
de 8h30 à 17h30<br />
Tél : 02 32 31 96 13<br />
No vert : 0800 881 605<br />
Fax : 02 32 60 45 40<br />
Mail : mdph.eure@cg27.fr<br />
Site internet : www.mdph27.fr