27.10.2014 Views

télécharger le document - Eure

télécharger le document - Eure

télécharger le document - Eure

SHOW MORE
SHOW LESS

Create successful ePaper yourself

Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.

édition 2013<br />

Ergothérapeute<br />

un métier méconnu<br />

Changer<br />

de regard<br />

sur <strong>le</strong> handicap<br />

Julien,<br />

la passion<br />

du kart<br />

Le magazine de la maison départementa<strong>le</strong> des personnes handicapées de l’eure<br />

www.mdph27.fr


Idem, adverbe (i-dèm’). Terme emprunté du latin i<br />

édito<br />

La loi du 11 février 2005 a institué la création<br />

des Maisons Départementa<strong>le</strong>s des<br />

Personnes Handicapées (MDPH), au<br />

sein desquel<strong>le</strong>s œuvrent conjointement<br />

<strong>le</strong> Département, l’Education Nationa<strong>le</strong>,<br />

la CAF, l’ARS, la CPAM, l’Etat et <strong>le</strong>s associations<br />

représentatives du champ médico-social et du handicap.<br />

Pour la première fois, <strong>le</strong>s représentants des<br />

associations des personnes handicapées ont eu droit<br />

à une présence significative et à un statut décisionnaire.<br />

Au-delà de ce caractère très novateur d’approche<br />

de la problématique du handicap dans notre société,<br />

il convient de souligner l’aspect symbolique extrêmement<br />

fort qui a consisté à imposer <strong>le</strong> terme «handicap»<br />

dans l’appellation d’une structure gérée par<br />

une col<strong>le</strong>ctivité territoria<strong>le</strong>.<br />

Bien sûr, tout n’a pas été faci<strong>le</strong>. Bien sûr, il a fallu<br />

que des structures, des organismes, des entités aux<br />

cultures différentes cohabitent et apprennent à travail<strong>le</strong>r<br />

ensemb<strong>le</strong>.<br />

Il n’en reste pas moins que, depuis 2005, l’action,<br />

la visibilité, la légitimité de la MDPH de l’<strong>Eure</strong><br />

sont devenues indiscutab<strong>le</strong>s et il convient de noter<br />

l’excel<strong>le</strong>nt classement de la MDPH 27 comparée à<br />

cel<strong>le</strong>s du territoire national. Un travail considérab<strong>le</strong><br />

(De gauche à droite)<br />

Jean Louis<br />

Destans,<br />

Président du Conseil<br />

général de l’<strong>Eure</strong><br />

Andrée Oger,<br />

Vice-présidente<br />

du Conseil général<br />

de l’<strong>Eure</strong>, Présidente<br />

de la commission<br />

exécutive de la MDPH<br />

de l’<strong>Eure</strong>,<br />

Michel-Edouard<br />

Doucet,<br />

Président de l’URAPEI<br />

Haute-Normandie,<br />

pour l’ensemb<strong>le</strong> des<br />

associations partenaires<br />

de la MDPH<br />

et positif a été réalisé et un dialogue réel et stab<strong>le</strong><br />

s’est instauré entre <strong>le</strong>s associations représentatives<br />

du handicap et <strong>le</strong>s autres partenaires, en particulier<br />

<strong>le</strong> Conseil Général.<br />

Au-delà de son action quotidienne au service des<br />

personnes handicapées, <strong>le</strong> rô<strong>le</strong> de la MDPH est aussi<br />

de sensibiliser <strong>le</strong> grand public aux thématiques du<br />

handicap et de favoriser l’intégration des personnes<br />

handicapées dans la société.<br />

C’est la raison d’être de ce magazine annuel,<br />

que nous avons intitulé « Idem ». Parce que nous<br />

sommes tous semblab<strong>le</strong>s, en dépit de nos singularités.<br />

Parce que ce qui nous rapproche est plus important<br />

que ce qui nous différencie.<br />

Dans ce magazine, nous avons voulu laisser une<br />

large place aux témoignages de personnes handicapées,<br />

afin de refléter la diversité des situations de<br />

handicap, mais aussi de faire mieux comprendre<br />

<strong>le</strong>urs envies, <strong>le</strong>urs révoltes, <strong>le</strong>urs difficultés, <strong>le</strong>urs<br />

passions.<br />

Nous avons éga<strong>le</strong>ment souhaité mettre en avant<br />

<strong>le</strong>s actions des associations de personnes handicapées<br />

et des structures qui agissent sur <strong>le</strong> terrain,<br />

dans l’<strong>Eure</strong>.<br />

Nous espérons que ce magazine contribuera à<br />

changer <strong>le</strong> regard porté sur <strong>le</strong> handicap.<br />

quand l e<br />

s’invite d<br />

Directrice de la publication :<br />

Andrée Oger<br />

Conception éditoria<strong>le</strong><br />

et rédaction en chef :<br />

Marianne Bernède<br />

Journalistes : Marianne Bernède,<br />

Clémence Lamirand, Florence Raynal,<br />

Laurent Tastet, Françoise Vlaemÿnck<br />

Photographies : Philippe Dutel<br />

sauf mentions contraires<br />

Création graphique<br />

et réalisation :<br />

Bertrand Grousset / 4m2t<br />

Impression : Vert Village – Evreux<br />

Tirage 15 000 exemplaires<br />

Directeur de la MDPH27 :<br />

Jean Marie Marchand<br />

Un remerciement tout particulier à<br />

toutes <strong>le</strong>s personnes qui ont accepté de<br />

témoigner pour ce magazine<br />

4 histoires<br />

de vie<br />

c’est ma<br />

passion<br />

14<br />

18 infos<br />

24 c’est<br />

mon métier<br />

2 | idem


idem, qui signifie « <strong>le</strong> même »<br />

LA MDPH<br />

SUR LE WEB<br />

e handicap<br />

dans la famil<strong>le</strong><br />

28 mes<br />

obstac<strong>le</strong>s<br />

au quotidien<br />

30 handicap<br />

& travail<br />

32 handicap<br />

& scolarité<br />

34 voir<br />

<strong>le</strong> handicap<br />

autrement<br />

6<br />

36 proches<br />

& aidants<br />

38 Des<br />

structures<br />

ouvertes au<br />

handicap<br />

41 nos<br />

partenaires<br />

associatifs<br />

La MDPH de l’<strong>Eure</strong><br />

lance son site internet<br />

Outil interactif complémentaire du magazine annuel<br />

Idem, <strong>le</strong> site de la MDPH 27 se veut simp<strong>le</strong><br />

et attractif. Son objectif est avant tout d’apporter<br />

<strong>le</strong>s informations pratiques dont <strong>le</strong>s personnes<br />

en situation de handicap et <strong>le</strong>urs proches ont<br />

besoin. Une présentation de la MDPH permet de mieux comprendre<br />

son fonctionnement, ses missions, son organisation.<br />

Le formulaire de demande auprès de la MDPH est téléchargeab<strong>le</strong><br />

sur <strong>le</strong> site.<br />

Grâce à la rubrique « questions fréquemment posées », il<br />

est possib<strong>le</strong> d’obtenir une réponse rapide à de nombreuses<br />

questions.<br />

Les informations pratiques sont organisées par rubriques :<br />

adulte, enfant, besoin d’une carte…<br />

Toutes <strong>le</strong>s aides et prestations destinées aux personnes<br />

handicapées et gérées par la MDPH sont expliquées en détail.<br />

Mais on peut aussi trouver des informations sur <strong>le</strong>s hébergements<br />

et <strong>le</strong>s lieux de vie, <strong>le</strong>s organismes dédiés à l’accompagnement<br />

vers l’emploi, <strong>le</strong>s établissements spécialisés pour <strong>le</strong>s<br />

enfants, <strong>le</strong>s aides à la scolarité et au transport, etc.<br />

Enfin, des histoires de vie représentatives de situations<br />

prises en charge par la MDPH permettent de découvrir <strong>le</strong><br />

soutien financier, matériel ou humain qui peut être apporté<br />

selon <strong>le</strong>s cas.<br />

www.mdph27.fr<br />

idem | 3


Histoires<br />

de vie<br />

La MDPH au service<br />

des personnes handicapées<br />

« J’ai gagné en autonomie »<br />

une histoire<br />

qui peut malheureusement<br />

arriver<br />

à tout <strong>le</strong> monde.<br />

C’est<br />

Un accident de la<br />

vie, comme on dit. A quelques années<br />

de la retraite, Alain Cuvillier<br />

souffrait de hernies disca<strong>le</strong>s qui occasionnaient<br />

des dou<strong>le</strong>urs insupportab<strong>le</strong>s.<br />

« J’ai été opéré trois fois.<br />

Les deux premières opérations n’ont<br />

rien résolu, mais la dernière intervention<br />

a carrément raté : la dure<br />

mère a été ouverte deux fois, donc<br />

<strong>le</strong> chirurgien m’a coupé <strong>le</strong>s musc<strong>le</strong>s<br />

et <strong>le</strong>s nerfs de la jambe droite. Je n’ai<br />

plus aucune sensibilité au niveau du<br />

pied droit, je ne peux plus <strong>le</strong> bouger.<br />

Je ne peux plus marcher car je n’ai<br />

plus d’équilibre. Je me déplace avec<br />

une canne, diffici<strong>le</strong>ment. Et j’ai toujours<br />

mal dans <strong>le</strong> dos. »<br />

M. Cuvillier a passé deux ans<br />

en centre de rééducation. « C’est <strong>le</strong><br />

docteur de ce centre qui m’a dirigé<br />

vers la MDPH. Je ne connaissais pas<br />

du tout. Quelqu’un qui est en bonne<br />

santé ne pense pas à ça. Quand on<br />

n’est pas confronté au handicap, on<br />

ne s’y intéresse pas. »<br />

A son domici<strong>le</strong>, Alain Cuvillier<br />

avait une sal<strong>le</strong> de bains, mais pas de<br />

douche. « Je ne pouvais plus entrer<br />

ni sortir de la baignoire. » Un réaménagement<br />

était indispensab<strong>le</strong>.<br />

« Mais je n’avais pas <strong>le</strong>s moyens<br />

d’assumer ces travaux. Je suis en invalidité<br />

depuis <strong>le</strong>s premières interventions<br />

chirurgica<strong>le</strong>s. J’ai engagé<br />

en 2010 une action judiciaire contre<br />

l’établissement où j’ai été opéré mais<br />

c’est très long, ça n’avance pas. »<br />

Il a donc déposé un dossier à la<br />

MDPH pour un aménagement de<br />

sa sal<strong>le</strong> de bains. « Une ergothérapeute<br />

est venue chez moi. El<strong>le</strong> a préconisé<br />

l’installation d’une douche<br />

italienne avec des barres d’appui et<br />

un siège, ainsi qu’un carrelage antidérapant.<br />

» Trois mois environ se<br />

sont écoulés entre la demande et<br />

la réalisation des travaux et, dans<br />

<strong>le</strong> cas de M. Cuvillier, il n’est resté<br />

que 20 % du montant à sa charge.<br />

Le plombier a parfaitement respecté<br />

<strong>le</strong> plan réalisé par l’ergothérapeute.<br />

« C’est fantastique, s’exclame<br />

M. Cuvillier. Je ne glisse pas, je n’ai<br />

plus peur. Je suis p<strong>le</strong>inement satisfait<br />

de l’aide que j’ai reçue. »<br />

marianne bernède<br />

4 | idem


« Nous avons trouvé une écoute »<br />

Nathalie Miche<strong>le</strong>tti est<br />

la dynamique présidente<br />

de l’association<br />

Avenir Dysphasie<br />

<strong>Eure</strong> (AAD 27). El<strong>le</strong><br />

est aussi, et avant tout, la maman<br />

de Leslie, 18 ans, qui souffre de<br />

dysphasie, dys<strong>le</strong>xie et dysorthographie.<br />

Des handicaps invisib<strong>le</strong>s,<br />

encore mal diagnostiqués et que<br />

<strong>le</strong>s parents ont souvent des difficultés<br />

à faire reconnaître et prendre<br />

en compte dans <strong>le</strong> parcours scolaire<br />

de l’enfant. La dysphasie, un<br />

troub<strong>le</strong> structurel de l’apprentissage<br />

et du développement du langage,<br />

toucherait pourtant 2 % de la<br />

population, soit plus d’un million<br />

de personnes en France.<br />

Se battre<br />

sans fléchir<br />

Lorsque <strong>le</strong> problème de Leslie a<br />

été diagnostiqué à l’âge de 5 ans,<br />

la famil<strong>le</strong> habitait dans <strong>le</strong> sud de la<br />

France. « A l’époque, je ne connaissais<br />

rien sur <strong>le</strong>s droits, je ne savais<br />

pas ce qu’il fallait faire », se souvient<br />

Nathalie. El<strong>le</strong> s’est battue pour que<br />

sa fil<strong>le</strong> puisse suivre une scolarité<br />

norma<strong>le</strong> en bénéficiant des aménagements<br />

nécessaires. Cela n’a pas<br />

été une mince affaire. « Beaucoup<br />

de mamans arrêtent d’ail<strong>le</strong>urs de<br />

travail<strong>le</strong>r ou passent à temps partiel<br />

pour s’occuper de <strong>le</strong>ur enfant »,<br />

explique Mme Miche<strong>le</strong>tti, qui a<br />

dû assurer el<strong>le</strong>-même temporairement<br />

l’éducation de sa fil<strong>le</strong>, déscolarisée<br />

de l’éco<strong>le</strong> primaire pendant<br />

deux ans et demi.<br />

Depuis son déménagement à<br />

Évreux il y a quelques années, Nathalie<br />

a trouvé un soutien auprès de<br />

la MDPH. « Ils se sont bien occupé<br />

du dossier de Leslie, ils ont toujours<br />

été attentifs à ses besoins. » Un projet<br />

personnalisé de scolarisation<br />

(PPS) a été mis en place pour l’entrée<br />

de la jeune fil<strong>le</strong> en 3ème avec<br />

une auxiliaire de vie scolaire (AVS)<br />

9 heures par semaine et une dispense<br />

d’anglais, matière que Leslie<br />

n’arrivait pas à suivre à cause de sa<br />

dysphasie. « Mais j’ai dû me bagarrer<br />

avec <strong>le</strong> principal du collège qui<br />

ne voulait pas reconnaître <strong>le</strong> PPS »,<br />

précise la maman.<br />

Le lycée,<br />

un PASSAge diffici<strong>le</strong><br />

L’entrée en seconde a été une<br />

épreuve pour Leslie. « Il a fallu<br />

qu’el<strong>le</strong> s’habitue à une nouvel<strong>le</strong> auxiliaire<br />

de vie scolaire. D’autre part,<br />

certains professeurs font beaucoup<br />

d’efforts mais quelques-uns sont<br />

récalcitrants. Une enseignante parlait<br />

trop vite, donc impossib<strong>le</strong> pour<br />

Leslie de noter. Une autre refusait<br />

de donner des copies écrites de ses<br />

cours. Ma fil<strong>le</strong> s’est épuisée à travail<strong>le</strong>r.<br />

Et puis el<strong>le</strong> supportait mal<br />

<strong>le</strong> regard de ses camarades de classe,<br />

car son handicap n’était pas compris.<br />

» Mme Miche<strong>le</strong>tti déplore que<br />

la thématique du handicap ne soit<br />

pas intégrée dans <strong>le</strong>s programmes<br />

d’éducation civique ou d’éducation<br />

à la santé. « On par<strong>le</strong> de la<br />

drogue, de l’alcool, de la sexualité,<br />

mais <strong>le</strong> handicap, on ne connaît<br />

pas ! »<br />

Peu après sa rentrée en 1 ère , Leslie<br />

a craqué psychologiquement. El<strong>le</strong><br />

a décidé de poursuivre son année<br />

scolaire par correspondance. La<br />

jeune fil<strong>le</strong> souhaite s’orienter vers<br />

une formation de technicienne<br />

d’étude en bâtiment à l’ADAPT<br />

(Association pour l’Insertion<br />

Socia<strong>le</strong> et Professionnel<strong>le</strong> des Personnes<br />

Handicapées).<br />

marianne bernède<br />

Contact<br />

Avenir Dysphasie<br />

<strong>Eure</strong> (AAD 27)<br />

aad27.famil<strong>le</strong>.relais@gmail.com<br />

www.facebook.com/<br />

dysphasieeure.avenir<br />

Tél : 06 87 92 01 51<br />

idem | 5


dossier<br />

Agé de 14 ans, Tristan est né aux<br />

Etats-Unis avec une infirmité motrice<br />

cérébra<strong>le</strong>. Le diagnostic n’est<br />

cependant tombé que plus tard,<br />

en France, où ses parents avaient<br />

décidé de rentrer, sentant, malgré <strong>le</strong>s médecins,<br />

que quelque chose n’allait pas. Après consultation<br />

de divers pédiatres et psychiatres et alors<br />

que Tristan souffrait de problèmes d’équilibre<br />

et de strabisme, un neurologue émit l’hypothèse<br />

6 | idem


Qu’il soit physique, psychique ou mental, <strong>le</strong> handicap<br />

d’un enfant perturbe toute la famil<strong>le</strong>. Assaillis par la<br />

tristesse, la colère, <strong>le</strong> déni, la culpabilité, l’anxiété, <strong>le</strong>s<br />

proches se retrouvent vite à devoir livrer un combat au<br />

quotidien. Au risque de l’épuisement. Au fil du temps et<br />

souvent avec l’aide des associations, l’horizon s’éclaircit.<br />

qu’il avait dû manquer d’oxygène. Le dossier<br />

médical fut alors rapatrié des USA : anoxie anténata<strong>le</strong>.<br />

« Tout était écrit noir sur blanc. On nous a<br />

fait vivre deux ans et demi dans <strong>le</strong> mensonge ! »,<br />

regrette Gabriel<strong>le</strong> Nouet, la maman de Tristan.<br />

« Cela a été très douloureux. En fait, j’ai été soulagée<br />

d’avoir un diagnostic, mais j’ai éprouvé un<br />

énorme sentiment d’injustice. J’étais en colère…<br />

je <strong>le</strong> suis encore. » Depuis deux ans, Tristan est<br />

en fauteuil roulant. « On ne m’a pas non plus<br />

informée qu’il pourrait perdre la marche. Le choc<br />

a été énorme », poursuit Gabriel<strong>le</strong>, qui s’est arrêtée<br />

de travail<strong>le</strong>r. Le handicap fait en effet souvent<br />

irruption petit à petit dans la famil<strong>le</strong>, par <strong>le</strong> jeu<br />

d’annonces décalées, au gré de l’apparition ou du<br />

repérage de nouveaux troub<strong>le</strong>s, ravivant la dou<strong>le</strong>ur<br />

des proches et <strong>le</strong>s obligeant à une perpétuel<strong>le</strong><br />

adaptation.<br />

Dans un registre différent, l’absence de diagnostic<br />

affecte particulièrement <strong>le</strong>s famil<strong>le</strong>s<br />

confrontées au handicap psychique, car il est long<br />

à poser. « On constate, souvent à l’ado<strong>le</strong>scence, que<br />

son enfant a des comportements différents, mais<br />

on ne comprend pas ce qui se passe et on l’interprète<br />

mal », résume Alain Triballier, animateur<br />

de l’antenne d’Évreux de l’Unafam 27 (Union<br />

nationa<strong>le</strong> des famil<strong>le</strong>s ou amis de personnes<br />

malades et handicapées psychiques). Les famil<strong>le</strong>s<br />

sont de fait très déboussolées. « El<strong>le</strong>s peuvent diffici<strong>le</strong>ment<br />

en par<strong>le</strong>r et se voient parfois culpabilisées<br />

car l’éducation peut être considérée comme étant à<br />

l’origine des troub<strong>le</strong>s », pointe l’Unafam dans un<br />

rapport de l’Institut national prévention et d’éducation<br />

pour la santé (Inpes) (1). La culpabilité<br />

est, de toute manière, un affect fréquent face au<br />

handicap. « La honte et la culpabilité concernent<br />

l’expérience d’avoir produit <strong>le</strong> handicap, el<strong>le</strong>s sont<br />

éprouvées par <strong>le</strong>s parents, par la fratrie d’un enfant<br />

présentant un handicap. El<strong>le</strong>s sont évidemment<br />

aussi éprouvées par l’enfant lui-même », soulignent<br />

Albert Ciccone et Alain Ferrant, psychologues<br />

et psychanalystes (2). Le handicap bouscu<strong>le</strong><br />

en effet toute la sphère familia<strong>le</strong>. « Les parents<br />

sont très fragilisés. L’enfant rêvé, idéalisé, n’est pas<br />

là et il y a une b<strong>le</strong>ssure narcissique. P<strong>le</strong>in de choses<br />

vont s’entrechoquer sur deux individus b<strong>le</strong>ssés »,<br />

constate Sandra Gibert, éducatrice spécialisée<br />

au service d’éducation et de soins spécialisés à<br />

domici<strong>le</strong> de l’Association des paralysés de France<br />

(APF). La situation génère de ce fait — ou parce<br />

que <strong>le</strong> handicap accapare trop l’un des conjoints<br />

— des tensions au sein des coup<strong>le</strong>s, et beaucoup<br />

finissent par exploser.<br />

Les fratries aussi sont affectées. « La dynamique<br />

familia<strong>le</strong> est diffici<strong>le</strong> à trouver. Quand on<br />

va au domici<strong>le</strong>, <strong>le</strong>s autres enfants sont soit très dis-<br />

idem | 7


dossier<br />

la parentalité pour que la vie familia<strong>le</strong> soit la plus<br />

harmonieuse possib<strong>le</strong>, on aide à poser <strong>le</strong>s limites.<br />

Les parents sont perdus, ils ont la réponse mais<br />

il faut <strong>le</strong>s encourager », explique Sandra Gibert.<br />

La surprotection, c’est ce qui a poussé Gabriel<strong>le</strong><br />

Nouet à rompre avec quelques membres de sa<br />

famil<strong>le</strong>. « Je me bats pour que Tristan soit <strong>le</strong> plus<br />

autonome possib<strong>le</strong>, or certains déconstruisaient<br />

tout derrière. Ils faisaient tout à sa place, il ne fallait<br />

jamais <strong>le</strong> contrarier. S’il fait une bêtise, il doit<br />

être traité comme <strong>le</strong>s autres. Sinon, on en fait un<br />

tyran et c’est dangereux pour son avenir et sa vie<br />

socia<strong>le</strong>. » Le handicap peut ainsi avoir tendance<br />

à iso<strong>le</strong>r. C’est <strong>le</strong> cas notamment avec <strong>le</strong>s schizophrénies.<br />

« Stigmatisée, la maladie psychique<br />

est diffici<strong>le</strong> à accepter et à exposer, même dans sa<br />

famil<strong>le</strong> proche. Souvent, on se retrouve seul, tout<br />

<strong>le</strong> monde fuit, c’est très compliqué à gérer », assure<br />

Alain Triballier. La gêne, <strong>le</strong>s préoccupations<br />

constantes, <strong>le</strong> rythme imposé aux famil<strong>le</strong>s ne<br />

facilitent pas non plus <strong>le</strong> maintien des relations.<br />

Chacun vit <strong>le</strong> handicap à sa façon<br />

“Bébé, Julien a eu des<br />

problèmes pour s’asseoir<br />

et vers l’âge de 9 mois, un<br />

scanner a révélé des lésions au<br />

cerveau. Personne ne savait<br />

comment cela évoluerait. Mon<br />

épouse a arrêté de travail<strong>le</strong>r<br />

du jour au <strong>le</strong>ndemain pour<br />

s’occuper de lui. À 5 ans, il<br />

a obtenu une place en IME,<br />

cela a été d’un grand soutien.<br />

Chacun vit <strong>le</strong> handicap à<br />

sa façon. Nous, nous ne<br />

sur internet<br />

MDPH de l’<strong>Eure</strong><br />

www.mdph27.fr<br />

Ministère des affaires<br />

socia<strong>le</strong>s et de la sante<br />

www.social-sante.gouv.fr<br />

Aide handicap<br />

http://eure.aide-handicap.info<br />

l’avons jamais caché. Celui<br />

de Julien est peu apparent<br />

physiquement, mais il ne<br />

par<strong>le</strong> pas. Surtout, il n’a pas<br />

la notion du danger, d’où<br />

des accidents. Cela impose<br />

une surveillance constante<br />

pour <strong>le</strong> protéger contre<br />

lui-même. Comme il casse<br />

aussi beaucoup, on a réduit<br />

<strong>le</strong>s visites à la famil<strong>le</strong>, ça<br />

nous a un peu éloignés d’el<strong>le</strong>.<br />

Mais <strong>le</strong> plus gênant dans <strong>le</strong><br />

handicap reste <strong>le</strong> regard des<br />

autres. Aujourd’hui, Julien a<br />

22 ans, il réside dans un foyer<br />

et revient à la maison tous <strong>le</strong>s<br />

15 jours. C’est pour nous une<br />

deuxième vie qui commence.<br />

Avant 2005, je ne voulais<br />

pas m’impliquer dans la vie<br />

associative car mes priorités<br />

étaient ail<strong>le</strong>urs. Depuis 2008,<br />

je préside <strong>le</strong>s Papillons blancs,<br />

c’est passionnant.”<br />

Stéphane Cléret, père de Julien<br />

crets, soit très en appel, sur <strong>le</strong> mode : “Moi aussi,<br />

je suis là !” », poursuit-el<strong>le</strong>. Tristan, lui, a un frère<br />

et une sœur plus jeunes. « Ils vivent avec <strong>le</strong> handicap,<br />

ne se plaignent pas, mais ça <strong>le</strong>ur pèse car<br />

je ne suis pas disponib<strong>le</strong> comme ils <strong>le</strong> voudraient.<br />

Le soir, je fais <strong>le</strong>s devoirs avec Tristan. Les autres<br />

passent toujours après, c’est dur », déplore Gabriel<strong>le</strong><br />

Nouet.<br />

À 12 ans Léa, el<strong>le</strong>, souffre des réactions que<br />

suscite son frère de 9 ans atteint de surdité.<br />

« Théo est souvent rejeté car il crie au lieu de par<strong>le</strong>r.<br />

Cela effraie certains enfants, el<strong>le</strong> vit ça très mal<br />

et p<strong>le</strong>ure. Léa est aussi très protectrice », confie<br />

Nadia Tanney, <strong>le</strong>ur maman. Le risque est aussi<br />

de surprotéger l’enfant handicapé. « Cela peut<br />

générer un sentiment de toute puissance et freiner<br />

son autonomie. On réalise beaucoup de soutien à<br />

Vivre avec<br />

L’arrivée du handicap complique <strong>le</strong> quotidien<br />

des famil<strong>le</strong>s sur tous <strong>le</strong>s plans. Avec <strong>le</strong>s troub<strong>le</strong>s<br />

psychiques, l’anxiété s’instal<strong>le</strong>. « Les parents sont<br />

en a<strong>le</strong>rte permanente. Impossib<strong>le</strong> de laisser ses<br />

soucis à la porte quand on va au travail, car on<br />

ne sait jamais dans quel état on retrouvera son<br />

ado<strong>le</strong>scent ni sa maison. La nuit, s’il se lève, on<br />

l’écoute, cela peut perturber <strong>le</strong> sommeil. Et puis,<br />

on s’inquiète pour son avenir », poursuit-il. Il faut<br />

parfois enchaîner <strong>le</strong>s consultations médica<strong>le</strong>s,<br />

<strong>le</strong>s hospitalisations, <strong>le</strong>s espoirs et <strong>le</strong>s déceptions,<br />

affronter <strong>le</strong> manque de tact de certains soignants<br />

alors que sa sensibilité est à f<strong>le</strong>ur de peau. « Certains<br />

médecins ont des propos culpabilisants,<br />

on n’a pas besoin de ça. Ou alors, ils alignent<br />

devant l’enfant toutes ses incapacités au lieu de <strong>le</strong><br />

conforter en valorisant ses aptitudes », dénonce<br />

Gabriel<strong>le</strong> Nouet. Il faut aussi lutter pour sa scolarité,<br />

son intégration, contre <strong>le</strong>s préjugés, et assurer<br />

quelquefois des tâches physiques usantes :<br />

porter un ado<strong>le</strong>scent, par exemp<strong>le</strong>. L’abattement,<br />

l’épuisement guettent alors. « La fatigue s’accumu<strong>le</strong>,<br />

<strong>le</strong> ras-<strong>le</strong>-bol… Il faut se battre pour tout, je<br />

sature », complète-t-el<strong>le</strong>. L’Inpes relève d’ail<strong>le</strong>urs<br />

que « <strong>le</strong> stress et ses conséquences psychologiques<br />

voire somatiques [sont] en tête des problèmes de<br />

santé des aidants ». Selon <strong>le</strong> handicap, <strong>le</strong>s loisirs<br />

peuvent éga<strong>le</strong>ment devenir un casse-tête. « Le<br />

jeune peut avoir une phobie des transports, il faut<br />

parfois écourter <strong>le</strong>s vacances… », témoigne Alain<br />

Triballier. « On délaisse son confort personnel. On<br />

renonce à l’hôtel, on refuse des week-ends… pour<br />

éviter tout problème », complète Stéphane Cléret,<br />

président des Papillons blancs.<br />

Mais peu à peu, souvent avec l’aide des associations<br />

et <strong>le</strong>urs services (groupes de paro<strong>le</strong>,<br />

structures d’accueil, interventions à domici<strong>le</strong>…),<br />

nombre de famil<strong>le</strong>s parviennent à mieux affronter<br />

la situation. Pour autant, rappel<strong>le</strong> Stéphane<br />

8 | idem


EN LIVRES<br />

« Comprendre <strong>le</strong>s<br />

bou<strong>le</strong>versements<br />

existentiels que<br />

connaissent des parents<br />

projetés par <strong>le</strong> même<br />

canon dans l’univers<br />

du handicap ». Tel<br />

est <strong>le</strong> propos de<br />

l’ouvrage publié sous<br />

la direction de Char<strong>le</strong>s<br />

Gardou, professeur de<br />

l’université Lumière-<br />

Lyon 2, aux éditions<br />

Érès et intitulé<br />

Parents d’enfant<br />

handicapé (2012,<br />

12 €). Dans cette<br />

même col<strong>le</strong>ction<br />

« Connaissances de<br />

la diversité », qui a<br />

pour projet de réunir<br />

des écrits non de<br />

spécialistes mais de<br />

personnes vivant ou<br />

côtoyant <strong>le</strong> handicap<br />

au quotidien, un<br />

autre titre mérite<br />

particulièrement<br />

l’attention : Frères et<br />

sœurs de personnes<br />

handicapées (2012,<br />

12 €).<br />

Cléret, « on n’accepte jamais un handicap, on s’y<br />

adapte et on essaie de vivre au mieux. Si on décide<br />

de faire avec, alors ça devient naturel. » Etre<br />

accompagné, ne pas s’enfermer se révè<strong>le</strong>nt essentiels.<br />

« Depuis cette année, Tristan va à l’APF (Association<br />

des Paralysés de France), c’est un grand<br />

soulagement. Là, on nous prend comme on est,<br />

selon nos besoins, nos désirs. J’y trouve beaucoup<br />

de réconfort », insiste Gabriel<strong>le</strong> Nouet. De même,<br />

témoigne Alain Triballier, « en parlant avec des<br />

personnes dans des situations comparab<strong>le</strong>s, on<br />

décup<strong>le</strong> ses forces. On réagit alors mieux et on<br />

s’épuise moins. C’est pourquoi à l’Unafam, on<br />

apprend à se refaire un cerc<strong>le</strong> d’amis et à penser à<br />

soi. » Enfin, lance Nadia Tanney, « il faut toujours<br />

y croire ». La maman du jeune sourd veut positiver.<br />

« Certes, des fois, on en a marre. Mais j’ai<br />

aussi rencontré des gens géniaux ! Grâce à Théo,<br />

j’ai appris la langue des signes et sa sœur, Léa, sait<br />

ce qu’est la différence. C’est une bel<strong>le</strong> <strong>le</strong>çon de vie. »<br />

Et d’ajouter : « Mais attention, je n’ai pas toujours<br />

dit ça. Avant, j’étais mal avec moi-même. Il faut<br />

passer des étapes. » Si, aujourd’hui, Nadia tient<br />

à témoigner, c’est pour mieux faire connaître <strong>le</strong><br />

handicap. Pour Théo. Et pour que <strong>le</strong>s mentalités<br />

changent.<br />

florence raynal<br />

1) Recherche qualitative sur <strong>le</strong>s possibilités d’améliorer<br />

la santé des personnes en situation de perte<br />

d’autonomie ou de handicap et <strong>le</strong>ur entourage –<br />

Inpes, 2011<br />

2) In Honte et culpabilité dans la clinique du handicap<br />

– Sous la direction de Sylvain Missonnier -<br />

Érès, 2011<br />

L’effet d’une bombe<br />

“Le handicap est entré comme<br />

une bombe dans la famil<strong>le</strong>.<br />

Pendant la grossesse, on<br />

nous a parlé d’une éventuel<strong>le</strong><br />

trisomie, puis d’un problème<br />

cardiaque. J’ai accouché dans<br />

<strong>le</strong> stress ; un mois plus tard, <strong>le</strong><br />

diagnostic tombait : surdité<br />

profonde sévère. À 4 mois, Théo<br />

a été appareillé, on a compris<br />

qu’il était incurab<strong>le</strong>. Depuis, je<br />

culpabilise. C’est dur de mettre<br />

au monde un enfant différent.<br />

J’ai ressenti un puissant<br />

sentiment d’injustice. Je me<br />

demandais : pourquoi nous ?<br />

Une surdité est rarement isolée<br />

et Théo souffre aussi d’autres<br />

pathologies. Il a parfois du mal<br />

à marcher. Avec mon mari,<br />

nous avons choisi de lui donner<br />

toutes <strong>le</strong>s chances possib<strong>le</strong>s<br />

dans la vie, donc je ne baisse<br />

pas <strong>le</strong>s bras, même si parfois<br />

je suis découragée et que j’en<br />

ai assez de voir des médecins.<br />

Avec du temps, de l’amour et<br />

de bons professionnels, Théo a<br />

beaucoup évolué. Aujourd’hui,<br />

il est épanoui et heureux de<br />

vivre. Et s’il ne par<strong>le</strong> pas, il me<br />

dit énormément de choses. On<br />

se regarde, on se touche, on se<br />

comprend. Il n’y a pas que <strong>le</strong><br />

langage !”<br />

Nadia Tanney, mère de Théo<br />

idem | 9


dossier<br />

Entretien avec Régine Scel<strong>le</strong>s, psychologue et professeur<br />

de psychopathologie à l’université de Rouen.<br />

« On n’accepte jamais vraiment<br />

<strong>le</strong> handicap d’un enfant »<br />

Que provoque l’arrivée du handicap dans<br />

la famil<strong>le</strong> ? La révélation de l’existence<br />

d’un handicap ne survient pas toujours de<br />

la manière dont on l’imagine. Le processus<br />

de repérage peut être très progressif. La littérature<br />

se focalise en effet sur <strong>le</strong> handicap<br />

découvert à la naissance ou avant, alors que<br />

beaucoup d’annonces s’effectuent « en cascade<br />

» quand l’enfant est plus âgé. Un jour,<br />

la grand-mère dit : « Il ne tient pas bien<br />

sa tête », puis l’institutrice s’étonne d’une<br />

réaction inhabituel<strong>le</strong>… Peu à peu, <strong>le</strong> doute<br />

s’immisce et <strong>le</strong>s parents veu<strong>le</strong>nt en savoir<br />

plus. Ensuite, il faut souvent du temps pour<br />

que <strong>le</strong> diagnostic soit posé, parfois il ne l’est<br />

jamais. On identifie <strong>le</strong>s difficultés, on <strong>le</strong>s<br />

prend en compte sans en connaître forcément<br />

la cause.<br />

Beaucoup de parents se disent choqués<br />

de la façon dont <strong>le</strong>s annonces sont faites :<br />

brutalité, absence d’humanité… Il existe<br />

encore des annonces réalisées par courrier,<br />

par téléphone, dans un couloir ! Or<br />

on sait combien il importe de préparer<br />

psychologiquement <strong>le</strong>s parents pour éviter<br />

un choc brutal. Notamment, il ne faut<br />

pas faire d’annonce grave à une personne<br />

seu<strong>le</strong> mais exiger la présence d’un proche<br />

et éviter que l’un des parents ait à informer<br />

l’autre. Cel<strong>le</strong>-ci doit aussi être réalisée dans<br />

un lieu intime, en prenant <strong>le</strong> temps nécessaire.<br />

Les parents doivent pouvoir p<strong>le</strong>urer,<br />

ne rien dire, réagir à <strong>le</strong>ur rythme.<br />

Comment impliquer l’enfant ? Lors de<br />

l’annonce, on s’intéresse souvent à ce que<br />

vivent <strong>le</strong>s parents. L’enfant est alors une<br />

sorte de spectateur de la scène. Il entend<br />

des mots qui font p<strong>le</strong>urer ses parents ; il voit<br />

des médecins déstabilisés ; on lui dit : « Ne<br />

t’inquiète pas, c’est rien », sauf que maman<br />

paraît triste, que papa a pris un jour de<br />

congé, que mamie ne cesse d’appe<strong>le</strong>r…<br />

C’est un réel traumatisme. Il est indispensab<strong>le</strong>,<br />

à toutes <strong>le</strong>s phases de découverte, de<br />

dire quelque chose à l’enfant sur ce qui <strong>le</strong><br />

concerne. On évitera beaucoup de souffrance<br />

psychique en s’adressant à lui, quel<br />

que soit son âge. C’est aussi une aide pour<br />

<strong>le</strong>s parents. L’enfant ne doit pas être enfermé<br />

dans une dyade mère-enfant mais être<br />

pensé dans ses multip<strong>le</strong>s liens avec son milieu<br />

familial. En particulier, la temporalité<br />

de la reconnaissance du troub<strong>le</strong> inquiétant<br />

n’est pas la même pour la mère, <strong>le</strong> père, <strong>le</strong>s<br />

frères et sœurs et l’enfant lui-même.<br />

Quel<strong>le</strong> attitude adopter face à la fratrie ?<br />

Les enfants peuvent se demander pourquoi<br />

ce petit frère, qui n’a pas l’air si bizarre<br />

que ça, mobilise tant l’attention et perturbe<br />

autant la famil<strong>le</strong>. Ils peuvent lui en vouloir,<br />

être inquiets… À eux aussi, il faut par<strong>le</strong>r.<br />

Mais inuti<strong>le</strong> de faire de grands discours.<br />

Il suffit de dire par exemp<strong>le</strong> : « Oui, je suis<br />

triste car ton petit frère lâche son verre et<br />

ce n’est pas normal ». L’enfant croit toujours<br />

que l’adulte sait et s’il voit qu’il se tait,<br />

il imagine <strong>le</strong> pire. Il a juste besoin qu’on<br />

reconnaisse la légitimité de ses questions et<br />

qu’on lui par<strong>le</strong> pour apaiser son angoisse.<br />

Peut-on, faut-il, accepter <strong>le</strong> handicap de<br />

son enfant ? On ne l’accepte jamais vraiment<br />

mais on peut penser qu’on peut vivre<br />

Personnel<strong>le</strong>ment, je ne partage pas l’idée, courante,<br />

de « faire <strong>le</strong> deuil de l’enfant normal ». Je préfère<br />

qu’on reconnaisse que cet enfant a des difficultés,<br />

qu’on ne <strong>le</strong> guérira pas et qu’il va falloir l’aider.<br />

Professeur des<br />

universités en<br />

psychopathologie,<br />

responsab<strong>le</strong><br />

du master 2<br />

Recherche à<br />

l’université de<br />

Rouen, Régine<br />

Scel<strong>le</strong>s exerce<br />

éga<strong>le</strong>ment en tant<br />

que psychologue<br />

clinicienne<br />

dans un service<br />

de soins et<br />

d’éducation<br />

spécialisée à<br />

domici<strong>le</strong> pour<br />

enfants atteints<br />

de pathologies<br />

diverses motrices,<br />

sensoriel<strong>le</strong>s,<br />

métaboliques,<br />

psychiques.<br />

avec et non plus contre. Personnel<strong>le</strong>ment, je<br />

ne partage pas l’idée, courante, de « faire <strong>le</strong><br />

deuil de l’enfant normal ». Je préfère qu’on<br />

reconnaisse que cet enfant a des difficultés,<br />

qu’on ne <strong>le</strong> guérira pas et qu’il va falloir<br />

l’aider. Dans tous <strong>le</strong>s cas, il faut du temps<br />

pour que chacun fasse avec cette réalité. Et<br />

<strong>le</strong> déni est, pour moi, transitoirement protecteur.<br />

Les professionnels estiment parfois<br />

que <strong>le</strong>s parents ne réalisent pas la souffrance<br />

des frères et sœurs, par exemp<strong>le</strong>. Mais c’est<br />

faux. S’ils ne disent rien, c’est parce que <strong>le</strong>ur<br />

peine est trop grande et qu’ils ont du mal<br />

à s’organiser pour s’occuper de tous <strong>le</strong>urs<br />

enfants. Un jeune de 13 ans que je suis, qui<br />

a un handicap important, commence seu<strong>le</strong>ment<br />

à pouvoir dire maintenant qu’il se sait<br />

handicapé. Il l’a toujours su au fond mais il<br />

faisait « comme si ». Entre <strong>le</strong> fait de savoir et<br />

celui de dire que l’on sait, il y a une marge,<br />

une temporalité importante à respecter.<br />

Comment soutenir <strong>le</strong>s parents dans cette<br />

voie diffici<strong>le</strong> ? Rencontrer un psychologue<br />

peut être une aide, mais <strong>le</strong>s parents d’enfants<br />

handicapés peuvent souvent eux-mêmes,<br />

ou aidés par <strong>le</strong>urs relations, répondre aux<br />

besoins ordinaires de <strong>le</strong>ur enfant. Il faut<br />

aussi veil<strong>le</strong>r à ne pas imputer au handicap<br />

tous <strong>le</strong>s malaises de la famil<strong>le</strong>. Des parents<br />

divorcent même en l’absence d’enfant handicapé…<br />

Il importe de faire <strong>le</strong> distinguo<br />

car l’enfant pourrait finir par penser qu’il a<br />

“<strong>le</strong> mauvais œil”. Enfin, se tourner vers <strong>le</strong>s<br />

associations de parents peut être d’un grand<br />

secours. Tout comme l’usage d’internet, qui<br />

permet d’échanger ressentis et conseils avec<br />

d’autres personnes concernées. Les professionnels<br />

doivent apprendre à travail<strong>le</strong>r avec<br />

<strong>le</strong>s informations véhiculées par internet et<br />

aider <strong>le</strong>s parents, si besoin, à repérer <strong>le</strong>s sites<br />

intéressants.<br />

“Liens fraternels et handicap. De l’enfance<br />

à l’âge adulte” (Éd. Érès, 2010). “Handicap<br />

et psychopathologie de l’enfant et de<br />

l’ado<strong>le</strong>scent” (avec Jean-Philippe Reynaud,<br />

Éd. Érès, 2013).<br />

10 | idem


temoignages Le handicap commence<br />

dans <strong>le</strong> regard des autres.<br />

Rémi Piazzi, jeune étudiant en <strong>le</strong>ttres,<br />

ma<strong>le</strong>ntendant depuis l’enfance<br />

« Tout <strong>le</strong> monde n’a peutêtre<br />

pas la CHANCE d’être<br />

ma<strong>le</strong>ntendant. »<br />

« Atteint du syndrome<br />

d’Alport, je n’ai vraiment<br />

pris conscience de mon<br />

handicap que tardivement,<br />

lorsque j’ai été appareillé<br />

pour ma déficience auditive,<br />

détectée à l’âge de 5 ans.<br />

J’avais environ 11 ans et j’avais<br />

développé instinctivement<br />

des techniques, comme la<br />

<strong>le</strong>cture labia<strong>le</strong>, pour pallier<br />

ma surdité. Mon handicap<br />

a réel<strong>le</strong>ment commencé à<br />

me poser problème en 4 e .<br />

Beaucoup de collégiens<br />

pensaient que j’avais un retard<br />

mental car je <strong>le</strong>ur demandais<br />

souvent de répéter. Ils ne<br />

faisaient d’ail<strong>le</strong>urs rien pour<br />

m’aider : ils se mettaient la<br />

main devant la bouche ou me<br />

parlaient en me tournant <strong>le</strong><br />

dos… L’âge bête. Ce fut donc<br />

une période diffici<strong>le</strong>, non à<br />

cause de ma surdité mais de<br />

la perception qu’en avaient<br />

<strong>le</strong>s autres. L’entrée au lycée<br />

a été une véritab<strong>le</strong> bouffée<br />

d’air : j’y ai fait la connaissance<br />

d’ado<strong>le</strong>scents matures et j’ai<br />

commencé à faire du théâtre.<br />

À 16 ans, j’ai été suivi au<br />

Centre de rééducation auditive<br />

Mon handicap fait partie intégrante de ma vie,<br />

j’ai appris à vivre avec. Il ne m’a en fait que peu<br />

gêné. Il m’a même obligé à me surpasser.<br />

d’Évreux, où j’ai développé<br />

la <strong>le</strong>cture labia<strong>le</strong> et été initié<br />

à la langue des signes. J’y ai<br />

surtout rencontré d’autres<br />

jeunes atteints de surdité<br />

et cela m’a beaucoup aidé<br />

à accepter mon handicap.<br />

Aujourd’hui, après un bac L, je<br />

suis inscrit en licence de <strong>le</strong>ttres<br />

modernes à l’université du<br />

Havre et cela se passe très bien.<br />

Je réside dans un logement<br />

étudiant, je continue <strong>le</strong> théâtre<br />

et j’écris des fanfictions,<br />

des sketchs humoristiques,<br />

des nouvel<strong>le</strong>s, des analyses<br />

critiques… J’aimerais ensuite<br />

me tourner vers <strong>le</strong>s métiers du<br />

livre ou de la conservation.<br />

Mon handicap fait partie<br />

intégrante de ma vie, j’ai<br />

appris à vivre avec. Il ne m’a<br />

en fait que peu gêné. Il m’a<br />

même obligé à me surpasser.<br />

Le plus dur reste <strong>le</strong> regard<br />

de certains. Mais avec <strong>le</strong><br />

théâtre, je prouve qu’être<br />

ma<strong>le</strong>ntendant ne m’empêche<br />

pas de faire ce que j’aime. Et<br />

puis la surdité n’a pas que des<br />

inconvénients. Des voisins<br />

bruyants ? Hop, j’enlève<br />

mes appareils auditifs ! Une<br />

personne vient me déranger ?<br />

Je lui réponds qu’ils sont hors<br />

service. Enfin, de par mes<br />

difficultés, j’ai eu très tôt un<br />

goût pour la <strong>le</strong>cture, c’est une<br />

richesse. En conclusion, je<br />

dirais que tout <strong>le</strong> monde n’a<br />

peut-être pas la chance d’être<br />

ma<strong>le</strong>ntendant. » fr<br />

idem | 11


DOSSIER<br />

temoignages<br />

« Je suis<br />

en vie…<br />

donc,<br />

je vis ! »<br />

En fauteuil depuis<br />

l’âge de 16 ans, la<br />

pétillante Karine<br />

Vieira déborde<br />

d’énergie. Après<br />

avoir nié son<br />

handicap, cette<br />

jolie maman de<br />

33 ans a décidé<br />

de l’accepter et de<br />

vivre p<strong>le</strong>inement.<br />

« L’alcool, la vitesse… puis<br />

ce fut l’accident. C’était<br />

au Portugal, un copain<br />

conduisait. Mon cousin y a<br />

laissé la vie. À l’hôpital de<br />

Garches où j’ai été rapatriée,<br />

<strong>le</strong>s soignants m’ont prévenue<br />

que ma vie allait changer,<br />

que j’allais devoir lire<br />

beaucoup… Je ne comprenais<br />

pas. Plus tard, un médecin<br />

m’a carrément lancé : “Si tu<br />

ne remarches pas dans <strong>le</strong>s<br />

3 mois, tu ne remarcheras<br />

jamais !” Mais, même là, je<br />

n’ai pas réalisé. J’étais dans<br />

<strong>le</strong> déni. C’était trop brutal,<br />

trop inconcevab<strong>le</strong>, j’allais me<br />

re<strong>le</strong>ver.<br />

J’ai appris à manier un<br />

fauteuil, à me transférer sous<br />

la douche, dans une voiture,<br />

j’ai poursuivi ma vie d’ado,<br />

passé mon bac, mon permis,<br />

gagné en autonomie. Il m’a<br />

fallu 4 ans pour me rendre<br />

compte que je resterais<br />

peut-être toujours en fauteuil<br />

et c’est à 20 ans que j’ai pris<br />

une claque. Un matin, j’ai<br />

senti que je n’allais pas bien.<br />

J’ai appelé mes parents qui,<br />

divorcés, n’ont pas voulu<br />

voir ma souffrance. Je me<br />

suis alors sentie très seu<strong>le</strong>…<br />

avec mon fauteuil. Mon<br />

père, c’est comme si je l’avais<br />

déçu. Il était fier de moi, il<br />

m’emmenait partout, on allait<br />

au bal… Maintenant, j’ai beau<br />

travail<strong>le</strong>r, faire de la plongée,<br />

du kayak, du parachute,<br />

voyager, c’est toujours comme<br />

si je survivais. J’aimerais lui<br />

dire que tout ça n’est pas de<br />

ma faute. Mais il n’écoute pas.<br />

Il éprouve sans doute de la<br />

culpabilité mais il ne l’exprime<br />

pas. Il en devient même<br />

agressif. Quant à ma mère,<br />

el<strong>le</strong> a réagi comme si c’était<br />

el<strong>le</strong> l’accidentée. El<strong>le</strong> disait :<br />

“Pourquoi moi ?” ou “Que<br />

m’arrive-t-il ?”… Certes, el<strong>le</strong><br />

souffrait mais, en attendant,<br />

j’ai manqué du réconfort<br />

dont j’avais besoin. Enfin, un<br />

jour, peiné, mon frère m’a dit<br />

maladroitement : “À ta place,<br />

je me serais tiré une bal<strong>le</strong> !”<br />

Pour moi, cela signifiait : “Ta<br />

vie vaut moins que rien”. Ça<br />

a été dur à entendre, mais<br />

aujourd’hui il affirme être fier<br />

de moi, il me voit en battante,<br />

comme mes sœurs, et ça lui<br />

donne de la force.<br />

L’aide est en fait davantage<br />

venue de mes amis, de mes<br />

petits copains. Ils m’ont<br />

permis d’avoir une vie<br />

socia<strong>le</strong> équilibrée. Dès <strong>le</strong><br />

début, ma meil<strong>le</strong>ure amie<br />

m’a obligée à ressortir alors<br />

que, par honte, je ne voulais<br />

Enfin, un jour, peiné, mon frère m’a dit maladroitement :<br />

“À ta place, je me serais tiré une bal<strong>le</strong> !“<br />

pas affronter <strong>le</strong>s regards.<br />

Ensemb<strong>le</strong>, on a repoussé <strong>le</strong>s<br />

limites. Je continue d’ail<strong>le</strong>urs<br />

sur cette lancée puisque je<br />

viens de participer au Rallye<br />

Aïcha des Gazel<strong>le</strong>s dans<br />

<strong>le</strong> désert marocain (www.<br />

rallyeaichadesgazel<strong>le</strong>s.<br />

com). Entre 2008 et 2010,<br />

j’ai cependant dû suivre<br />

une psychothérapie. J’étais<br />

fatiguée mora<strong>le</strong>ment,<br />

physiquement, je baissais <strong>le</strong>s<br />

bras, j’étais à deux doigts de<br />

vouloir disparaître. J’avais<br />

tendance à tout relier à mon<br />

handicap, par exemp<strong>le</strong> <strong>le</strong>s<br />

déceptions amoureuses,<br />

et je perdais confiance. Ce<br />

travail m’a permis de mieux<br />

comprendre ma relation<br />

avec mes proches, que j’avais<br />

<strong>le</strong> droit de vivre et qu’ils<br />

m’aiment même s’ils se<br />

taisent. Depuis deux ans et<br />

la naissance de ma fil<strong>le</strong>, c’est<br />

comme si j’étais rentrée dans<br />

la norme et je <strong>le</strong>s vois m’aimer<br />

à travers el<strong>le</strong>. Ils sont fiers<br />

car ils constatent qu’el<strong>le</strong> est<br />

épanouie, que je m’en occupe<br />

bien, qu’on va aux bébés<br />

nageurs… Je l’adore et, pour<br />

el<strong>le</strong>, je n’ai pas <strong>le</strong> droit d’al<strong>le</strong>r<br />

mal. Tout n’est pas toujours<br />

faci<strong>le</strong> mais je suis en vie…<br />

donc je vis ! Même en fauteuil,<br />

on peut être heureux. » fr<br />

12 | idem


Depuis cinq ans, Pamela Le Meur se sait atteinte d’une<br />

sclérose en plaques, pathologie qui a bou<strong>le</strong>versé sa vie et cel<strong>le</strong><br />

de sa famil<strong>le</strong>. Aujourd’hui, à 42 ans, el<strong>le</strong> refuse cependant de<br />

s’enfermer dans la maladie.<br />

« On a <strong>le</strong> droit d’être<br />

en colère mais… »<br />

« En mars 2008, <strong>le</strong><br />

diagnostic est tombé :<br />

sclérose en plaques. Presque<br />

un soulagement. Depuis<br />

longtemps, je subissais divers<br />

maux sans comprendre ce qui<br />

se passait. J’accusais <strong>le</strong> sport,<br />

<strong>le</strong> travail, <strong>le</strong>s transports, <strong>le</strong><br />

stress… L’année précédant <strong>le</strong><br />

diagnostic, mes troub<strong>le</strong>s se<br />

sont accentués. J’étais de plus<br />

en plus fatiguée, irritab<strong>le</strong>,<br />

insatisfaite. Je dormais mal,<br />

mes dou<strong>le</strong>urs s’accroissaient.<br />

D’un coup, j’ai eu une névrite<br />

optique. J’ai fini par ne plus<br />

voir de l’œil gauche. Puis<br />

de l’œil droit. Cela arrive<br />

souvent avec la sclérose en<br />

plaques, mais en général <strong>le</strong><br />

malade récupère bien. Moi,<br />

je suis devenue malvoyante.<br />

Ma vision s’arrête parfois à<br />

30 cm, et j’ai l’impression de<br />

regarder à travers une fine<br />

meurtrière. Connaître sa<br />

maladie permet de savoir<br />

contre quoi lutter et de mieux<br />

s’armer.<br />

Ma vie s’est radica<strong>le</strong>ment<br />

modifiée. J’enseignais <strong>le</strong><br />

tissage dans une éco<strong>le</strong><br />

de design à Paris, j’ai dû<br />

abandonner. J’ai éga<strong>le</strong>ment<br />

dû arrêter de conduire,<br />

apprendre à me déplacer<br />

dans la maison, à cuisiner et à<br />

aider mes enfants à faire <strong>le</strong>urs<br />

devoirs sans voir, à écouter<br />

des livres…<br />

Dès <strong>le</strong> <strong>le</strong>ver, je sais que<br />

tout va être un combat. La<br />

plus bana<strong>le</strong> des tâches peut<br />

devenir impossib<strong>le</strong>. Parfois<br />

j’ai la sensation que mes<br />

jambes sont en feu ; parfois<br />

mes doigts sont insensib<strong>le</strong>s.<br />

Heureusement, mes parents<br />

se sont immédiatement<br />

rendus disponib<strong>le</strong>s. Ils nous<br />

ont fait un beau cadeau<br />

en achetant une maison<br />

à proximité. Je suis très<br />

fatigab<strong>le</strong> et j’ai besoin de<br />

Dès <strong>le</strong> <strong>le</strong>ver, je sais que tout va être un combat.<br />

La plus bana<strong>le</strong> des tâches peut devenir impossib<strong>le</strong>.<br />

périodes de calme. Mes deux<br />

garçons de 9 et 13 ans ont<br />

ainsi un autre lieu cha<strong>le</strong>ureux<br />

où al<strong>le</strong>r. Pour eux aussi, ça a<br />

été dur. J’ai été hospitalisée à<br />

plusieurs reprises, ils étaient<br />

inquiets. Il <strong>le</strong>ur a fallu un<br />

an pour gérer cela. Même si<br />

<strong>le</strong> sujet n’est pas tabou à la<br />

maison, ils n’arrivaient pas à<br />

exprimer certaines angoisses.<br />

Avec des professionnels,<br />

ils ont pu <strong>le</strong>s évacuer. Mais<br />

aujourd’hui encore, quand je<br />

suis en piteux état, l’anxiété<br />

gagne. Avec mes amis, j’ai<br />

dû apprendre à appe<strong>le</strong>r<br />

au secours. Au début, je<br />

n’arrivais pas à demander<br />

de l’aide. Ma vie socia<strong>le</strong> s’est<br />

cependant réduite, car je ne<br />

peux jamais prévoir dans<br />

quel état je serai deux heures<br />

après. C’est douloureux.<br />

Face à la maladie, il ne<br />

faut pas rester là à subir,<br />

à ressasser. Cela suppose<br />

d’effectuer un gros travail sur<br />

soi. J’essaie d’apprécier mes<br />

capacités plutôt que de me<br />

concentrer sur mes échecs<br />

et mes difficultés. Bien sûr,<br />

ça ne marche pas toujours.<br />

J’ai aussi compris qu’il était<br />

primordial de par<strong>le</strong>r de son<br />

ressenti, notamment avec des<br />

personnes atteintes. Atteintes<br />

mais battantes, et avec qui<br />

on peut rire. À l’hôpital, je<br />

rencontre des malades qui<br />

en veu<strong>le</strong>nt à <strong>le</strong>urs proches<br />

de ne pas <strong>le</strong>s comprendre.<br />

Comment <strong>le</strong> pourraientils<br />

? Ils ne sont pas à notre<br />

place. Ils ne sont pas non<br />

plus responsab<strong>le</strong>s. On a <strong>le</strong><br />

droit d’être très en colère, il<br />

est bon de l’exprimer pour<br />

ne pas céder à l’abattement.<br />

C’est une façon de tenir. Mais<br />

cette colère doit être tournée<br />

contre la maladie, pas contre<br />

<strong>le</strong>s autres. » fr<br />

idem | 13


c’est<br />

ma<br />

passion<br />

Tétra kart<br />

Depuis sa plus tendre enfance, Julien Bache<strong>le</strong>t<br />

a été bercé par <strong>le</strong> ronronnement des moteurs.<br />

Celui des motos de son père sur <strong>le</strong>squel<strong>le</strong>s il<br />

a très vite roulé, au point de développer une<br />

véritab<strong>le</strong> passion pour <strong>le</strong>s sports mécaniques.<br />

Une passion qui ne s’est pas démentie, malgré<br />

l’accident qui l’a rendu tétraplégique à 15 ans.<br />

Bien au contraire, el<strong>le</strong> s’est encore renforcée<br />

avec la pratique du kart. Aujourd’hui, ce jeune<br />

ingénieur défie doub<strong>le</strong>ment la gravité : avec son<br />

impressionnante force de caractère qui laisse<br />

sur la ligne de départ toute forme de pathos ;<br />

et dans <strong>le</strong>s virages, à la recherche du meil<strong>le</strong>ur<br />

chrono, au volant de son Rotax 125 Max.<br />

14 | idem


NTK Racing, <strong>le</strong> kart<br />

pour tous en Normandie<br />

« Si des tétraplégiques ou des paraplégiques veu<strong>le</strong>nt essayer<br />

<strong>le</strong> karting, nous avons la possibilité de <strong>le</strong>s initier sur <strong>le</strong> circuit<br />

d’Essay. Et s’ils souhaitent continuer, nous nous chargeons de<br />

<strong>le</strong>s mettre en relation avec <strong>le</strong>s bonnes personnes pour trouver<br />

un kart, <strong>le</strong>s équipements et pour la réalisation des adaptations<br />

sur mesure ».<br />

Je viens d’avoir 26 ans et je suis ingénieur<br />

mécanicien dans l’aérospatia<strong>le</strong>, à<br />

Vernon. Je conçois des moteurs de fusée<br />

et d’avion. Je suis tétraplégique depuis<br />

l’âge de 15 ans. J’étais en 3 ème au collège<br />

de Breteuil-sur-Iton. Je rentrais de l’éco<strong>le</strong> à moby<strong>le</strong>tte<br />

et une voiture m’a percuté. Le truc classique<br />

et inévitab<strong>le</strong> : la voiture qui coupe un virage parce<br />

qu’el<strong>le</strong> arrive trop vite et heurte <strong>le</strong> deux-roues en<br />

face. Fracture de la cinquième vertèbre cervica<strong>le</strong><br />

et deux ans de rééducation… J’ai toujours été<br />

sportif et je viens d’une famil<strong>le</strong> de motards. Nous<br />

avions deux amis qui étaient comme ça à cause<br />

d’un accident de moto. Je « connaissais » donc<br />

déjà <strong>le</strong> handicap. Et, immédiatement, je me suis<br />

dit qu’il fallait y al<strong>le</strong>r ! De toutes façons, je n’avais<br />

pas <strong>le</strong> choix. Et puis à 15 ans, on ne voit pas vraiment<br />

toutes <strong>le</strong>s difficultés que l’on va rencontrer<br />

par la suite. J’ai donc repris mes études deux ans<br />

après l’accident, en seconde, dans un lycée ordinaire,<br />

et tout s’est bien passé. J’ai tout rattrapé, j’ai<br />

continué jusqu’à bac plus 5, j’ai eu mon diplôme<br />

d’ingénieur, et puis voilà (rires). Aujourd’hui, je<br />

suis paralysé des quatre membres mais j’ai quand<br />

même une bonne motricité des bras et des poignets.<br />

En revanche, je ne peux pas du tout bouger<br />

mes doigts. Mais j’arrive à me déplacer et à me<br />

débrouil<strong>le</strong>r au quotidien. Pas forcément tout seul<br />

pour certains actes de la vie, mais pour pas mal de<br />

choses. Je suis autonome à 80 %.<br />

Je refuse d’être<br />

réduit à des sports<br />

comme la SARBACANE !<br />

Dans ma famil<strong>le</strong>, on aime <strong>le</strong>s sports mécaniques.<br />

Surtout papa, dont la vraie passion est la restauration<br />

des motos anciennes. Ce virus, je l’ai attrapé<br />

très jeune. Je fais de la moto depuis l’âge de cinq ou<br />

six ans ! Et même avant, puisque depuis tout petit,<br />

j’ai roulé en side-car.<br />

Le kart, c’est venu parce que faire de la moto<br />

n’était plus possib<strong>le</strong>. Très vite, pendant la rééducation,<br />

j’ai voulu refaire du sport. En tant que tétraplégique,<br />

on nous proposait de faire du ping-pong ou<br />

de la sarbacane et ça me saoulait. Là, on nous prend<br />

vraiment pour des handicapés ! Le problème, c’est<br />

qu’un handicapé dans un sport extrême, c’est tout<br />

de suite très mal vu. « Oh là là ! Il a déjà eu un accident,<br />

pourquoi il fait un truc pareil ?! ». Ben, parce<br />

que c’est ma passion et que je veux la pratiquer.<br />

Qu’il y ait des compétitions de sarbacane, très bien,<br />

c’est un très bon sport pour certains. Mais on ne<br />

nous réduit qu’à ça en centre de rééducation et partout<br />

ail<strong>le</strong>urs. C’est vraiment un truc qui m’énerve.<br />

Le kart n’est pas plus dangereux qu’un autre sport<br />

« Le problème, c’est qu’un handicapé dans un sport<br />

extrême, c’est tout de suite très mal vu. “Oh là là ! Il a<br />

déjà eu un accident, pourquoi il fait un truc pareil ?!” »<br />

idem | 15


c’est<br />

ma<br />

passion<br />

contact<br />

NTK Racing<br />

ntkracing@hotmail.fr<br />

Tél : 06 21 55 55 16<br />

« En kart, l’accélération est plus rapide. Pour nous,<br />

<strong>le</strong>s tétras, <strong>le</strong> plus compliqué, c’est donc <strong>le</strong> maintien. »<br />

si on ne fait pas n’importe quoi. Quoi qu’il en soit,<br />

il me fallait quelque chose qui bouge. Un jour, je<br />

suis tombé sur <strong>le</strong> site de Fabrice Dubois, <strong>le</strong> premier<br />

tétraplégique à avoir fait du karting en France et<br />

même dans <strong>le</strong> monde. Il avait trouvé la solution :<br />

mettre une direction assistée é<strong>le</strong>ctrique. En gros,<br />

quand je suis arrivé, tout était déjà fait. D’ail<strong>le</strong>urs,<br />

mon premier kart, c’était <strong>le</strong> sien, je lui ai racheté.<br />

Un sport qui revient CHER<br />

Pour un kart neuf, il faut compter 8 000 euros, et il<br />

faut encore rajouter 2 000 euros pour la direction<br />

assistée et <strong>le</strong>s autres adaptations nécessaires. Notamment<br />

la barre cintrée, reliée au frein et à l’accélérateur,<br />

que l’on peut utiliser avec la main droite<br />

et qui remplace <strong>le</strong>s pieds. Il y a aussi la fourche au<br />

volant qui permet de tourner avec l’autre main. Et<br />

puis, il y a <strong>le</strong> siège. Norma<strong>le</strong>ment, dans un kart,<br />

on n’est pas attaché. Mais là, on a mis un harnais<br />

trois points que l’on serre un « max » pour qu’il<br />

nous soutienne. Il y a même des attaches au niveau<br />

des jambes et des pieds. Parce qu’en kart, l’accélération<br />

est plus rapide dans certaines compétitions<br />

automobi<strong>le</strong>s classiques. Pour nous <strong>le</strong>s tétras, <strong>le</strong> plus<br />

compliqué, c’est donc <strong>le</strong> maintien.<br />

La première fois que j’ai essayé mon kart, je m’en<br />

souviens très bien. C’était à Essay, dans l’Orne, <strong>le</strong><br />

plus beau circuit d’Europe, et c’était très vio<strong>le</strong>nt ! Le<br />

kart n’était pas encore réglé, il avait des pneus anciens<br />

qui avaient durci, et il a commencé à p<strong>le</strong>uvoir.<br />

C’était une vraie catastrophe. En plus, il y avait<br />

16 | idem<br />

des gens qui s’entraînaient pour <strong>le</strong>s championnats<br />

d’Europe et je roulais en même temps qu’eux. Je me<br />

suis fait peur à chaque moment. Ça accélérait tel<strong>le</strong>ment<br />

fort que je ne comprenais absolument rien.<br />

Jamais au point de renoncer, mais j’ai <strong>le</strong> souvenir<br />

d’avoir flippé. C’était vraiment impressionnant.<br />

Aujourd’hui, je tourne essentiel<strong>le</strong>ment à Essay, à<br />

cause de la proximité. Parce qu’un déplacement, ça<br />

mobilise toute une logistique derrière. Il faut déjà<br />

deux personnes pour m’instal<strong>le</strong>r dans <strong>le</strong> kart. Et<br />

puis quand on est sur un circuit, on cherche à se<br />

dépasser, à taper du chrono, donc on sort souvent<br />

de la piste et, dans ce cas, il faut du monde pour<br />

nous remettre sur <strong>le</strong>s rails.<br />

Un de mes meiLLEURS<br />

souvenirs est lié<br />

à la compétition<br />

L’entraînement m’allait très bien, j’étais là pour<br />

m’éclater. Je ne pensais pas spécia<strong>le</strong>ment à la compétition.<br />

C’est Fabrice Dubois et son entourage,<br />

dont Philippe Streiff, ancien pilote de Formu<strong>le</strong> 1<br />

et tétraplégique, qui m’ont poussé. En 2010, ils ont<br />

mis en place une section handisport avec la Fédération<br />

française de sport automobi<strong>le</strong>. La FFSA a<br />

joué <strong>le</strong> jeu en créant une licence qui nous couvre<br />

comme <strong>le</strong>s valides, sans contrepartie financière<br />

supplémentaire. Donc, pour la première course, je<br />

me suis dit qu’il fallait que je participe. Ça s’est passé<br />

lors de la fina<strong>le</strong> du championnat du monde de<br />

karting et ça a surpris tout <strong>le</strong> monde. Vous lâchez<br />

quinze handicapés avec des karts de compétition,<br />

ils n’en revenaient pas ! Parce qu’il y avait de la batail<strong>le</strong><br />

dans tous <strong>le</strong>s sens, ça se poussait… Il n’y avait<br />

plus de potes sur la piste, on était tous des compétiteurs.<br />

Au début, ils avaient même peur au vu des<br />

chronos que l’on tapait. Ils savaient que ça allait<br />

très, très vite. Quand la course s’est enfin terminée,<br />

ils ont soufflé. C’était un moment exceptionnel !<br />

Je pense faire du kart<br />

JUSQU’à 30 ou 35 ans<br />

Mais depuis des années, je réfléchis pour revenir à<br />

quelque chose de moins sportif, plus balade. Parce<br />

que <strong>le</strong> kart, c’est compliqué. Il faut se <strong>le</strong>ver tôt,<br />

mettre la combinaison, se déplacer sur <strong>le</strong> circuit<br />

avec une personne, et puis il y a <strong>le</strong> temps que mon<br />

père doit passer avant pour préparer <strong>le</strong> kart. Au<br />

final, pour rou<strong>le</strong>r deux heures, il faut compter dix<br />

heures de préparation. Je voudrais un « truc » plus<br />

simp<strong>le</strong>, pour <strong>le</strong>quel je n’ai besoin de personne pour<br />

me transférer. Par exemp<strong>le</strong>, adapter une Porsche<br />

pour faire des balades <strong>le</strong> week-end. Là encore, ce<br />

ne sera pas une question de vitesse mais de sensations.<br />

Avoir un moteur comme un Flat 6 Porsche<br />

qui a un bruit unique ! Les moteurs font partie de<br />

ma vie depuis tout petit. C’est en ça que <strong>le</strong> kart a<br />

été essentiel. Mon seul regret, c’est que la musique<br />

soit interdite en course. Sinon, je mettrais un bon<br />

ACDC : « Highway to hell » !<br />

propos recueillis par laurent tastet


etour sur<br />

la route des jeux<br />

Neuf équipages mixtes, composés d’une personne valide et d’une personne handicapée,<br />

avaient enfourché <strong>le</strong>ur vélo en été 2012, direction <strong>le</strong>s Jeux paralympiques de Londres.<br />

Aujourd’hui, ils racontent <strong>le</strong>ur aventure, baptisée «Sur la route des Jeux», dans <strong>le</strong>s éco<strong>le</strong>s et<br />

profitent de chaque occasion pour par<strong>le</strong>r plus largement du handicap et de l’intérêt de la<br />

pratique sportive pour <strong>le</strong>s personnes handicapées.<br />

Ils avaient préparé <strong>le</strong>ur voyage depuis des mois. En<br />

août 2012, ils ont pédalé jusqu’à Londres pour assister<br />

aux Jeux Paralympiques. « Notre idée est vraiment<br />

de sensibiliser <strong>le</strong> maximum de personnes à la thématique<br />

du handicap, explique Magali Le Floch, conseillère<br />

d’animation sportive à l’origine du projet. Nous souhaitons<br />

montrer au plus grand nombre que <strong>le</strong>s personnes<br />

en situation de handicap peuvent s’adonner à une pratique<br />

sportive. » Les 28 participants, dont 9 équipages d’un duo<br />

de sportifs valide et handicapé, ont fait six étapes dignes<br />

du Tour de France pour se rendre dans la capita<strong>le</strong> anglaise.<br />

Avant de partir et tout au long de <strong>le</strong>ur périp<strong>le</strong>, ils<br />

ont diffusé <strong>le</strong>ur message. Evidemment, ils ont poursuivi<br />

cette démarche d’information et de sensibilisation une<br />

fois rentrés en France, la tête remplie de souvenirs. « Nous<br />

avons connu des moments magiques à Londres, confirme<br />

Lydie Mahé, jeune femme amputée d’une jambe qui<br />

a parcouru <strong>le</strong>s 360 kilomètres en handbike (vélo à trois<br />

roues sur <strong>le</strong>quel on péda<strong>le</strong> avec <strong>le</strong>s mains). Nous avons<br />

aussi vécu une très bel<strong>le</strong> aventure humaine. L’entraide au<br />

sein du groupe était formidab<strong>le</strong>. »<br />

Retour d’expérience<br />

De <strong>le</strong>ur aventure est né un film. Ils souhaitent aujourd’hui<br />

<strong>le</strong> présenter au plus grand nombre en se rendant notamment<br />

dans des éco<strong>le</strong>s. « Par<strong>le</strong>r du handicap à des enfants<br />

est très pertinent car ce sont <strong>le</strong>s adultes de demain, estime<br />

Gil<strong>le</strong>s Sorin, sportif handicapé qui s’est lui aussi rendu à<br />

Londres en handbike. Les enfants posent faci<strong>le</strong>ment des<br />

questions, ils sont plus à l’aise avec <strong>le</strong> handicap que <strong>le</strong>s<br />

adultes. Le dialogue est plus fluide, plus profond. » « Nous<br />

espérons aussi que notre message passera des enfants aux<br />

parents », ajoute Lydie Mahé.<br />

Lors de ces interventions en milieu scolaire, ils racontent<br />

<strong>le</strong>ur quotidien et <strong>le</strong>ur pratique sportive. Des ateliers<br />

physiques pratiques sont éga<strong>le</strong>ment organisés. Ils<br />

permettent aux personnes valides de se retrouver dans<br />

la situation de personnes handicapées. « L’inverse n’étant<br />

pas possib<strong>le</strong>, ironise Gil<strong>le</strong>s Sorin, 33 ans, nous proposons<br />

à une personne valide de se mettre dans un fauteuil. C’est<br />

plus parlant que n’importe quel discours et <strong>le</strong> mélange entre<br />

valides et handicapés est vraiment enrichissant pour tous. »<br />

Une meil<strong>le</strong>ure compréhension mutuel<strong>le</strong> : c’était l’objectif<br />

recherché par <strong>le</strong>s organisateurs de l’événement «Sur la<br />

route des Jeux». « Il est important pour nous d’ouvrir <strong>le</strong>s<br />

portes de tous <strong>le</strong>s clubs sportifs aux personnes handicapées<br />

», confirme Magali Le Floch.<br />

Et demain ?<br />

Ceux qui se sont rendus à Londres souhaitent faire perdurer<br />

ce groupe qui a partagé une aventure incroyab<strong>le</strong>.<br />

« Nous nous sommes évidemment donné rendez-vous en<br />

2016, s’exclame Magali Le Floch, nous verrons bien ! »<br />

Mais ils comptent aussi continuer à sensibiliser <strong>le</strong> grand<br />

public. « Il reste encore beaucoup à faire pour faire évoluer<br />

<strong>le</strong>s regards sur <strong>le</strong> handicap, insiste Gil<strong>le</strong>s Sorin. Pour créer<br />

une dynamique, nous devons en par<strong>le</strong>r et en repar<strong>le</strong>r… »<br />

clémence lamirand<br />

« Sur la route des Jeux »<br />

version équitation !<br />

Le comité départemental d’équitation de l’<strong>Eure</strong> souhaite,<br />

sur <strong>le</strong> même principe que «Sur la route des Jeux» (http://<br />

surlaroutedesjeux.fr/), rejoindre Caen à cheval pour <strong>le</strong>s Jeux<br />

équestres mondiaux qui se dérou<strong>le</strong>ront dans <strong>le</strong> Calvados en<br />

2014. L’occasion de repar<strong>le</strong>r de sport et de handicap.<br />

idem | 17


infos<br />

Droits et prestations<br />

Actualités<br />

socia<strong>le</strong>s<br />

quoi de neuf ?<br />

Nouvel<strong>le</strong>s lois, publication de<br />

décrets… <strong>le</strong>s textes législatifs<br />

qui définissent et encadrent<br />

<strong>le</strong>s diverses aides destinées<br />

aux personnes en situation de<br />

handicap changent, et il est<br />

important d’en être informé.<br />

Eclairage sur deux évolutions<br />

récentes.<br />

La restriction subs t<br />

d’accès à l’emploi<br />

Un décret sur <strong>le</strong>s conditions d’attribution<br />

de l’AAH a été publié en 2011 au Journal<br />

Officiel, dans <strong>le</strong> but d’harmoniser l’attribution<br />

de l’Allocation aux Adultes Handicapés sur<br />

l’ensemb<strong>le</strong> du territoire français.<br />

L’<br />

Allocation aux Adultes Handicapés<br />

(AAH, voir page 20)<br />

est en principe réservée aux<br />

personnes atteintes d’un taux<br />

d’incapacité supérieur ou<br />

égal à 80 %. Mais cel<strong>le</strong>s qui présentent<br />

un taux d’incapacité compris entre 50 et<br />

79 % peuvent aussi, sous certaines conditions,<br />

bénéficier de cette allocation. Ces<br />

conditions sont regroupées sous <strong>le</strong> terme<br />

de restriction substantiel<strong>le</strong> et durab<strong>le</strong><br />

pour l’accès à l’emploi : RSDAE.<br />

Que représentent ces cinq <strong>le</strong>ttres ? Si<br />

une personne rencontre, du fait de son<br />

handicap, des difficultés importantes<br />

d’accès à l’emploi et que cet état est reconnu<br />

par la MDPH, el<strong>le</strong> peut bénéficier<br />

de l’AAH. Dans ce cas, l’allocation est<br />

18 | idem


2 points clés<br />

Si la notion de restriction substantiel<strong>le</strong><br />

et durab<strong>le</strong> pour l’accès à l’emploi<br />

est reconnue, la personne en situation<br />

de handicap peut :<br />

• percevoir l’allocation aux adultes<br />

handicapés (AAH) même si son<br />

taux d’incapacité est compris entre<br />

50 et 79 % ;<br />

• bénéficier de cette aide pour une<br />

durée de deux ans maximum.<br />

A noter que <strong>le</strong> versement de cette<br />

allocation est soumis à des conditions<br />

administratives.<br />

tantiel<strong>le</strong><br />

accordée pour une durée maxima<strong>le</strong> de<br />

deux ans. Si la RSDAE n’est pas validée,<br />

la personne peut faire valoir son droit à<br />

d’autres aides, comme <strong>le</strong> RSA (revenu de<br />

solidarité active).<br />

Sur quels critères la commission de<br />

la MDPH tranche-t-el<strong>le</strong> ? La CDAPH,<br />

commission des droits et de l’autonomie<br />

des personnes handicapées de la MDPH,<br />

valide la RSDAE après une évaluation précise<br />

de la situation de la personne handicapée<br />

qui a déposé une demande d’AAH,<br />

évaluation effectuée par une équipe pluridisciplinaire.<br />

Les conséquences et effets<br />

du handicap sur l’activité professionnel<strong>le</strong><br />

font partie des principaux critères. Les<br />

contraintes liées aux prises de traitements<br />

ou aux traitements eux-mêmes sont<br />

éga<strong>le</strong>ment pris en compte. Les données<br />

recueillies auprès de la personne handicapée<br />

sont toujours comparées à cel<strong>le</strong>s<br />

d’une personne valide se trouvant dans<br />

une situation professionnel<strong>le</strong> comparab<strong>le</strong>.<br />

clémence lamirand<br />

A l’éco<strong>le</strong> :<br />

aide individuel<strong>le</strong> ou mutualisée ?<br />

L’aide mutualisée permet aux élèves handicapés qui<br />

ne requièrent pas une attention soutenue et continue<br />

de recevoir une aide adaptée et soup<strong>le</strong> au sein de <strong>le</strong>ur<br />

établissement scolaire.<br />

Un décret paru au Journal<br />

Officiel à l’été 2012 a instauré<br />

de nouvel<strong>le</strong>s modalités d’accompagnement<br />

des enfants<br />

en situation de handicap en<br />

milieu scolaire ordinaire. L’aide humaine<br />

apportée à ces enfants au cours de <strong>le</strong>ur<br />

scolarité peut désormais être individuel<strong>le</strong><br />

ou mutualisée. Ceux qui ont besoin d’un<br />

soutien à la fois dans l’accès aux activités<br />

d’apprentissage, dans <strong>le</strong>s activités socia<strong>le</strong>s<br />

et relationnel<strong>le</strong>s et dans <strong>le</strong>s actes de la vie<br />

quotidienne conservent une aide individualisée.<br />

Ceux dont la situation ne nécessite<br />

un accompagnement que dans un ou<br />

deux de ces domaines peuvent bénéficier<br />

d’une aide mutualisée. Dans ce cas, un<br />

même assistant d’éducation peut intervenir<br />

simultanément ou successivement auprès<br />

de plusieurs élèves. L’aide individualisée<br />

est apportée par un AVS-I (auxiliaire<br />

de vie scolaire pour l’aide individuel<strong>le</strong>),<br />

l’aide mutualisée est assurée par un AVS-M<br />

(auxiliaire de vie scolaire pour l’aide mutualisée).<br />

Une évaluation plus<br />

précise pour une<br />

décision PLUS adaptée<br />

Afin de proposer l’accompagnement <strong>le</strong><br />

plus adapté, <strong>le</strong>s maisons départementa<strong>le</strong>s<br />

des personnes handicapées (MDPH) ont<br />

travaillé à l’amélioration de l’évaluation<br />

des besoins des enfants, tant pour <strong>le</strong>s activités<br />

liées à l’apprentissage qu’au point de<br />

vue de la mobilité, la sécurité ou la vie socia<strong>le</strong>.<br />

Cette évaluation nécessite un recueil<br />

d’informations minutieux, auprès des parents<br />

et des professeurs notamment.<br />

Le dernier mot<br />

pour la CDAPH<br />

La commission des droits et de l’autonomie<br />

des personnes handicapées (CDAPH)<br />

de la MDPH décide du type d’aide à partir<br />

des éléments récoltés. D’autres mesures<br />

peuvent éga<strong>le</strong>ment être proposées dans <strong>le</strong><br />

cadre du projet personnalisé de scolarisation<br />

(PPS) qui organise toute la scolarité de<br />

l’enfant : aide matériel<strong>le</strong>, aménagements<br />

pédagogiques, etc. cl<br />

Elèves & handicap : <strong>le</strong>s chiffres<br />

La loi du 11 février 2005 avait pour objectif de<br />

favoriser la scolarisation des enfants handicapés<br />

en milieu ordinaire. Cette volonté s’est déjà<br />

traduite dans <strong>le</strong>s faits. Ainsi, en 2005, en France,<br />

151 523 enfants handicapés étaient scolarisés dans<br />

un établissement classique. Cinq ans plus tard,<br />

ils étaient 201 388, soit une augmentation d’un<br />

tiers. La part des élèves en situation de handicap<br />

dans la population scolaire généra<strong>le</strong> est passée<br />

de 1,3 à 1,7 % entre 2005 et 2010. 71 % des élèves<br />

handicapés étaient scolarisés en milieu ordinaire<br />

en 2009 contre 66 % en 2005. Enfin, en septembre<br />

2011, 210 395 enfants en situation de handicap ont<br />

fait <strong>le</strong>ur rentrée dans des établissements scolaires<br />

publics ou privés : 130 517 en primaire et 79 878<br />

dans <strong>le</strong> second degré.<br />

idem | 19


infos<br />

Droits et prestations<br />

L’AAH en pratique L’allocation aux adultes handicapés (AAH)<br />

permet de garantir un revenu minimal aux personnes en situation de handicap.<br />

Zoom sur cette allocation.<br />

Pour qui ? Pour percevoir l’AAH, il faut résider<br />

en France et avoir entre 20 ans (ou 16 ans dans certaines<br />

conditions) et moins de 60 ans (sauf dans certains cas). Le<br />

taux d’incapacité du bénéficiaire doit être au moins égal<br />

à 80 % (ou entre 50 et 79 % si une restriction substantiel<strong>le</strong><br />

d’accès à l’emploi est reconnue – lire page 18).<br />

Montant 776,59 € (taux au 1 er septembre 2012) :<br />

c’est <strong>le</strong> montant maximum que peut percevoir une personne qui ne dispose<br />

d’aucun autre revenu. Le montant est variab<strong>le</strong> en fonction des ressources<br />

de la personne et de son conjoint.<br />

Cumul Si la personne handicapée perçoit une pension<br />

(invalidité, rente d’accident du travail, retraite), el<strong>le</strong> peut<br />

bénéficier d’une AAH réduite. Si la personne en situation de<br />

handicap travail<strong>le</strong> à temps partiel par exemp<strong>le</strong>, l’AAH est<br />

calculée en fonction d’une partie seu<strong>le</strong>ment de ses revenus<br />

d’activité.<br />

Durée L’AAH est attribuée pour une durée de un à<br />

cinq ans renouvelab<strong>le</strong>. Cependant, si <strong>le</strong> handicap n’est pas<br />

susceptib<strong>le</strong> d’évoluer, la durée d’attribution peut être plus<br />

longue, sans toutefois dépasser <strong>le</strong>s dix ans pour <strong>le</strong>s personnes<br />

ayant un taux d’incapacité supérieur ou égal à 80 %.<br />

Avantages L’AAH est insaisissab<strong>le</strong> et non<br />

imposab<strong>le</strong>. Sous certaines conditions, <strong>le</strong>s bénéficiaires<br />

peuvent être exonérés de certaines taxes et bénéficier de<br />

tarifs sociaux (abonnements téléphoniques, é<strong>le</strong>ctricité…)<br />

A qui s’adresser ? Il faut déposer un<br />

dossier à la MDPH. C’est la Commission des Droits et<br />

de l’Autonomie des Personnes handicapées (CDAPH)<br />

qui décide de l’attribution de l’AAH, sachant que cette<br />

allocation est payée par la CAF (Caisse d’Allocations<br />

Familia<strong>le</strong>s) ou la Mutualité Socia<strong>le</strong> Agrico<strong>le</strong> (MSA).<br />

en+<br />

Un complément de ressources peut s’ajouter<br />

à l’AAH afin de compenser une absence de<br />

revenus pour une personne handicapée qui ne peut plus<br />

travail<strong>le</strong>r. Un autre complément, la majoration pour la<br />

vie autonome, est éga<strong>le</strong>ment prévu pour <strong>le</strong>s bénéficiaires<br />

de l’AAH qui disposent d’un logement indépendant.<br />

20 | idem


La PCH, une aide pour des dépenses<br />

directement liées au handicap<br />

La prestation de compensation<br />

du handicap (PCH) est une aide<br />

personnalisée qui peut être apportée<br />

aux adultes et aux enfants<br />

handicapés. Créée par la loi du<br />

11 février 2005, el<strong>le</strong> permet de faire face à<br />

des dépenses spécifiques liées au handicap.<br />

Ainsi, el<strong>le</strong> peut aider à l’aménagement d’un<br />

véhicu<strong>le</strong>, au dédommagement d’un aidant<br />

familial ou encore à l’installation d’une<br />

rampe pour faciliter l’accès au domici<strong>le</strong>…<br />

En pratique<br />

La PCH concerne <strong>le</strong>s personnes de moins<br />

de 60 ans (exceptionnel<strong>le</strong>ment de moins de<br />

75 ans). La décision d’attribution de la PCH<br />

est prise par la Commission des Droits et<br />

de l’Autonomie des Personnes Handicapées<br />

(CDAPH).<br />

Combien ?<br />

Le montant de la PCH varie en fonction<br />

des dépenses prises en charge. C’est <strong>le</strong> Département<br />

qui paye la PCH. El<strong>le</strong> est versée<br />

mensuel<strong>le</strong>ment ou en plusieurs fois selon la<br />

nature des dépenses.<br />

Témoignage<br />

« Nous bénéficions de la prestation de<br />

compensation du handicap car je m’occupe<br />

de ma fil<strong>le</strong> au quotidien. Nous avons<br />

dû calcu<strong>le</strong>r <strong>le</strong> temps que je passe auprès<br />

d’el<strong>le</strong>. J’ai obtenu une indemnisation<br />

correspondant à 5h45 par jour. La<br />

PCH nous a été octroyée pour cinq ans.<br />

L’assistante socia<strong>le</strong> de l’APF (Association<br />

des Paralysés de France) nous a beaucoup<br />

aidés dans toutes nos démarches<br />

administratives et dans ces calculs. »<br />

— Jacqueline, dont la fil<strong>le</strong> est<br />

tétraplégique.<br />

Bon à savoir La PCH<br />

n’est pas imposab<strong>le</strong>. Toutefois, <strong>le</strong> montant attribué<br />

aux aidants familiaux est à déclarer au titre des bénéfices non<br />

commerciaux (se rapprocher de l’administration fisca<strong>le</strong>).<br />

Les 5 vo<strong>le</strong>ts concernés par la PCH<br />

L’attribution de la PCH dépend<br />

notamment de la nature de la (ou <strong>le</strong>s)<br />

difficultés(s) rencontrées. El<strong>le</strong> peut<br />

prendre en charge diverses dépenses,<br />

classées en cinq domaines :<br />

1<br />

aides humaines<br />

(exemp<strong>le</strong> : rémunération d’un<br />

auxiliaire de vie)<br />

aides techniques<br />

2(exemp<strong>le</strong> : appareil auditif)<br />

3<br />

aménagement du<br />

logement, du véhicu<strong>le</strong><br />

et frais de transport<br />

(exemp<strong>le</strong>s : élargissement d’une<br />

porte, adaptation d’une sal<strong>le</strong> de bain,<br />

surcoûts de transports)<br />

4<br />

dépenses spécifiques<br />

ou exceptionnel<strong>le</strong>s<br />

(exemp<strong>le</strong> : abonnement à un service de<br />

téléalarme)<br />

5<br />

aides animalières<br />

(exemp<strong>le</strong> : frais pour un chien<br />

guide d’aveug<strong>le</strong>)<br />

idem | 21


infos<br />

Droits et prestations<br />

Le chiffre<br />

2%<br />

des places de stationnement<br />

au minimum doivent être<br />

réservées aux personnes à<br />

mobilité réduite<br />

Une carte<br />

désormais<br />

européenne<br />

La carte de stationnement pour<br />

personnes handicapées a adopté un<br />

format européen. B<strong>le</strong>ue et blanche, el<strong>le</strong><br />

présente sur <strong>le</strong> recto un logo fauteuil<br />

roulant, un numéro de carte, une<br />

durée de validité et la préfecture qui l’a<br />

délivrée. Sur <strong>le</strong> verso figurent <strong>le</strong> nom<br />

et prénom du titulaire, sa signature et<br />

sa photographie. Cette carte peut être<br />

utilisée dans <strong>le</strong>s 27 pays de l’Union<br />

européenne.<br />

Une carte pour se garer<br />

plus faci<strong>le</strong>ment<br />

La carte de stationnement pour personnes<br />

handicapées permet de se<br />

garer sur des places réservées. Cette<br />

carte est valab<strong>le</strong> pour une personne,<br />

quel que soit <strong>le</strong> véhicu<strong>le</strong> utilisé.<br />

La carte européenne de stationnement pour<br />

personnes handicapées est attribuée à cel<strong>le</strong>s<br />

et ceux qui rencontrent des difficultés pour se<br />

déplacer. Il peut s’agir de personnes en fauteuil<br />

roulant, de malades ayant besoin d’un appareil<br />

fournissant de l’oxygène, de personnes qui ne<br />

peuvent pas marcher sans l’aide d’un tiers, etc.<br />

En pratique<br />

Il faut déposer un dossier à la maison départementa<strong>le</strong><br />

des personnes handicapées (MDPH).<br />

C’est <strong>le</strong> préfet qui décide de la délivrance de<br />

la carte, qui peut être valab<strong>le</strong> pour un an ou à<br />

titre définitif. La demande de renouvel<strong>le</strong>ment<br />

doit être faite au moins 4 mois avant la date<br />

d’expiration de la précédente carte.<br />

La carte européenne de stationnement est<br />

nominative et ne peut servir que lorsque son<br />

bénéficiaire participe au déplacement.<br />

Bon à savoir Il n’est plus obligatoire d’avoir été reconnu<br />

invalide à 80 % pour obtenir la carte de stationnement<br />

Témoignage<br />

« Nous mettons toujours notre<br />

carte juste derrière <strong>le</strong> pare-brise et<br />

nous nous arrangeons pour que la<br />

photo soit bien visib<strong>le</strong>. Notre carte<br />

est valab<strong>le</strong> pour deux ans. Nous<br />

ne l’utilisons que lorsque notre<br />

enfant est dans <strong>le</strong> véhicu<strong>le</strong> : cela<br />

nous paraît évident, pourtant tout<br />

<strong>le</strong> monde ne fait pas comme nous.<br />

Certains l’utilisent alors que <strong>le</strong>ur<br />

proche handicapé n’est pas avec<br />

eux... Et ne parlons même pas des<br />

personnes qui se garent sur une<br />

place réservée sans carte, juste<br />

pour gagner un peu de temps ou<br />

ne pas s’embêter à chercher une<br />

place libre un peu plus loin !»<br />

— Claire, maman d’un petit<br />

garçon en fauteuil roulant<br />

22 | idem


Le parcours d’une demande<br />

auprès de la MDPH<br />

1La personne envoie ou apporte directement à l’accueil<br />

de la MDPH son formulaire de demande accompagné<br />

des pièces justificatives (notamment <strong>le</strong> certificat médical)<br />

2<br />

La<br />

MDPH traite la demande, l’enregistre<br />

et vérifie que <strong>le</strong> dossier est comp<strong>le</strong>t.<br />

3<br />

Le dossier<br />

est étudié.<br />

Une évaluation de<br />

la demande est<br />

effectuée par l’équipe<br />

pluridisciplinaire de<br />

la MDPH, en lien<br />

avec <strong>le</strong> demandeur.<br />

4<br />

Le dossier<br />

est examiné<br />

par la Commission<br />

des Droits et<br />

de l’Autonomie<br />

des personnes<br />

handicapées, qui<br />

rend sa décision.<br />

5<br />

Une notification est adressée au<br />

demandeur ainsi qu’aux organismes<br />

payeurs et, <strong>le</strong> cas échéant, une information<br />

est envoyée aux structures médico-socia<strong>le</strong>s<br />

concernées par <strong>le</strong>s décisions de CDAPH.<br />

idem | 23


c’est<br />

mon<br />

metier<br />

ergothérapeute<br />

Un professionnel explique son métier au service des personnes handicapées<br />

« S’INTéRESSER à LA<br />

personne, PAS SEULEMENT<br />

AU handicap »<br />

Évaluer <strong>le</strong> handicap d’une personne au regard des activités du<br />

quotidien et œuvrer pour lui offrir <strong>le</strong> maximum d’autonomie : tel<strong>le</strong><br />

est l’ambition de l’ergothérapeute. Un beau métier qui allie sens de la<br />

relation et compétences techniques. Entretien avec Gil<strong>le</strong>s Le Diberder,<br />

ergothérapeute à l’hôpital La Musse, à Saint-Sébastien-de-Morsent.<br />

Quel<strong>le</strong> est la spécificité de l’ergothérapie<br />

? L’ergothérapie vise à restaurer <strong>le</strong> plus<br />

possib<strong>le</strong> l’autonomie d’un patient afin qu’il<br />

puisse à nouveau se prendre en charge. Le<br />

propre de cette approche est d’appréhender<br />

la personne dans sa globalité et donc de<br />

tenir compte de ses habitudes de vie, de son<br />

environnement familial, social, professionnel…<br />

Autrement dit, l’ergothérapeute ne<br />

traite pas une prothèse de hanche mais une<br />

personne ayant une prothèse de hanche et<br />

en difficulté face à un milieu contraignant.<br />

Nous évaluons <strong>le</strong>s aptitudes fonctionnel<strong>le</strong>s<br />

(musculaires, articulaires…) et/ou cognitives<br />

de la personne et tentons de trouver<br />

des solutions pour qu’el<strong>le</strong> puisse regagner<br />

des capacités ou ne pas en perdre.<br />

24 | idem<br />

Concrètement, comment intervenezvous<br />

? Nous mettons <strong>le</strong> plus possib<strong>le</strong> <strong>le</strong>s<br />

gens en situation. À l’hôpital, nous organisons<br />

des ateliers pratiques, de cuisine<br />

par exemp<strong>le</strong>, ou nous rendons visite aux<br />

patients dans <strong>le</strong>ur chambre lors de la toi<strong>le</strong>tte<br />

pour voir avec eux ce qui <strong>le</strong>ur pose<br />

problème et envisager des solutions techniques.<br />

À La Musse, nous disposons en<br />

outre d’un appartement thérapeutique<br />

qui nous permet, si un patient garde des<br />

séquel<strong>le</strong>s de son accident ou de sa pathologie,<br />

d’évaluer son autonomie tout en lui garantissant<br />

une sécurité maxima<strong>le</strong>. Ainsi, à<br />

partir d’objectifs fixés, nous vérifions comment<br />

il gère certaines situations au plan<br />

fonctionnel et cognitif. Est-il capab<strong>le</strong> de se<br />

déplacer, de se <strong>le</strong>ver, de faire son café dans<br />

des conditions acceptab<strong>le</strong>s ? Parvient-il à se<br />

projeter sur plusieurs jours, par exemp<strong>le</strong> en<br />

programmant ses courses ? Nous pouvons<br />

même valider cela avec une sortie à l’extérieur.<br />

Dans un tel lieu, tout concourt à rassurer<br />

la personne : aménagements adaptés,<br />

suivi par <strong>le</strong>s ergothérapeutes, etc.<br />

Comment préparez-vous <strong>le</strong> retour à la<br />

vie ordinaire ? Tout comme <strong>le</strong>s ergothérapeutes<br />

de la MDPH, nous effectuons des<br />

visites à domici<strong>le</strong>. Après avoir dressé un<br />

pré-état des lieux au centre de rééducation<br />

avec la personne, en nous projetant dans<br />

son environnement, en imaginant une<br />

journée type, etc., nous organisons, à la demande<br />

du médecin, une évaluation dans<br />

son cadre de vie. Nous nous rendons avec<br />

<strong>le</strong> patient dans son logement et analysons,<br />

à partir de ce qu’il ne peut plus faire, tout<br />

son quotidien. Cette visite peut être jugée<br />

un peu intrusive car nous allons partout :<br />

sal<strong>le</strong> de bains, chambre, garage, mais nous<br />

n’imposons jamais rien. Nous réfléchissons<br />

ainsi aux aménagements à envisager,<br />

l’objectif étant de modifier <strong>le</strong> moins possib<strong>le</strong><br />

l’environnement de la personne, car<br />

il ne s’agit pas de transformer son domici<strong>le</strong><br />

en hôpital. Nous veillons aussi à trouver <strong>le</strong>s<br />

solutions <strong>le</strong>s moins coûteuses possib<strong>le</strong>s.<br />

Quels liens entretenez-vous avec la<br />

MDPH de l’<strong>Eure</strong> ? Nous remplissons un<br />

rô<strong>le</strong> de conseil. La MDPH peut apporter<br />

une aide aux personnes atteintes d’un handicap<br />

avant l’âge de 60 ans : cela concerne<br />

donc éga<strong>le</strong>ment une dégradation ou<br />

une séquel<strong>le</strong> qui surviendrait plus tard.<br />

Lorsque, pour un de nos patients, des travaux<br />

se révè<strong>le</strong>nt nécessaires, nous montons<br />

un dossier de prestation de compensation


Témoignage<br />

Une sal<strong>le</strong> de<br />

bains adaptée<br />

Laurent Bercheux est atteint d’une<br />

pathologie évolutive invalidante. Grâce<br />

aux conseils d’une ergothérapeute de la<br />

MDPH, il a fait réaménager une partie de<br />

sa maison à Vernon.<br />

« Chez moi, je me déplace<br />

soit en fauteuil roulant, soit<br />

à l’aide d’un déambulateur.<br />

Dans notre maison, la sal<strong>le</strong><br />

de bains étant située à l’étage,<br />

y accéder était devenu très<br />

diffici<strong>le</strong>, voire impossib<strong>le</strong>.<br />

Une ergothérapeute de la<br />

MDPH est donc venue à<br />

notre domici<strong>le</strong> afin d’évaluer<br />

la possibilité de créer au<br />

rez-de-chaussée, à côté de<br />

ma chambre, une sal<strong>le</strong> de<br />

bains avec toi<strong>le</strong>ttes. Ensuite,<br />

el<strong>le</strong> nous a proposé des<br />

plans d’aménagement avec<br />

douche de plain-pied, lavabo<br />

utilisab<strong>le</strong> en fauteuil, wc<br />

équipé, porte d’accès élargie…<br />

A l’aide de ses propositions,<br />

nous avons ensuite contacté<br />

des entreprises pour qu’el<strong>le</strong>s<br />

établissent des devis — ce<br />

qui n’a pas été la partie la<br />

plus simp<strong>le</strong>. Jusqu’au début<br />

des travaux, nous avons été<br />

en relation constante avec<br />

l’ergothérapeute, car il a<br />

fallu faire des ajustements.<br />

Aujourd’hui, <strong>le</strong>s travaux<br />

sont quasiment achevés et<br />

j’ai regagné en autonomie.<br />

Par ail<strong>le</strong>urs, grâce à l’aide<br />

que nous avons reçue, nous<br />

n’avons réglé que 30 % des<br />

travaux. » f. vlaemÿnck<br />

du handicap auquel nous joignons notre<br />

compte-rendu de visite à domici<strong>le</strong>, ainsi<br />

que des devis d’artisans. En effet, même<br />

si nous avons des notions d’architecture,<br />

nous faisons toujours valider nos propositions<br />

d’aménagement par des professionnels<br />

: un plombier pour s’assurer de la<br />

possibilité de changer des toi<strong>le</strong>ttes de place<br />

afin de laisser passer un fauteuil roulant,<br />

un maçon pour créer un plan incliné, etc.<br />

idem | 25


c’est<br />

mon<br />

metier<br />

La demande est étudiée par une équipe<br />

pluridisciplinaire de la MDPH. Cel<strong>le</strong>-ci<br />

analyse notre projet d’aménagement et fait,<br />

au regard de la rég<strong>le</strong>mentation, une proposition<br />

de financement.<br />

La prise en charge de la personne étant<br />

globa<strong>le</strong>, <strong>le</strong> travail d’équipe doit être essentiel<br />

? La pluridisciplinarité est importante :<br />

dans nos investigations, nous intervenons<br />

rarement seuls. Nous exerçons sous <strong>le</strong><br />

contrô<strong>le</strong> d’un médecin et en lien avec divers<br />

professionnels : assistante socia<strong>le</strong>, psychothérapeute,<br />

éducateur, psychomotricien,<br />

qui eux aussi évaluent, par <strong>le</strong>ur prisme, la<br />

situation de la personne. L’ergothérapeute<br />

est éga<strong>le</strong>ment amené parfois à travail<strong>le</strong>r en<br />

duo avec un autre spécialiste. Par exemp<strong>le</strong><br />

un orthophoniste, s’il s’agit d’équiper une<br />

personne ayant perdu l’usage de la paro<strong>le</strong><br />

avec un matériel particulier et que des aides<br />

techniques se révè<strong>le</strong>nt uti<strong>le</strong>s pour améliorer<br />

la communication.<br />

Quel<strong>le</strong>s difficultés rencontrez-vous dans<br />

l’exercice de votre profession ? Le plus<br />

diffici<strong>le</strong>, pour moi, est la sensation de ne<br />

pas toujours pouvoir al<strong>le</strong>r au bout de la démarche.<br />

On réalise des visites à domici<strong>le</strong>,<br />

on élabore des demandes de financement,<br />

on imagine des solutions mais ensuite on<br />

ne voit pas si <strong>le</strong>s travaux réalisés sont bien<br />

conformes à ce qui a été préconisé. Cela<br />

peut être frustrant. Mais quand des patients<br />

reviennent en consultation, ils nous<br />

font des retours qui sont généra<strong>le</strong>ment positifs.<br />

Enfin, il arrive que, pour diverses raisons,<br />

un logement ne soit pas adaptab<strong>le</strong> et<br />

qu’il fail<strong>le</strong> envisager un déménagement ou<br />

une orientation en établissement spécialisé.<br />

C’est une responsabilité pas toujours<br />

simp<strong>le</strong> à assumer.<br />

En résumé, quel<strong>le</strong>s sont pour vous <strong>le</strong>s<br />

qualités indispensab<strong>le</strong>s à un bon ergothérapeute<br />

? Tout d’abord, <strong>le</strong> sens du relationnel.<br />

L’ergothérapeute doit savoir écouter,<br />

être en empathie, s’intéresser à la personne<br />

et pas uniquement au handicap. Outre <strong>le</strong>s<br />

connaissances liées à sa formation, il doit<br />

ensuite développer des compétences dans<br />

des domaines spécialisés (pédiatrie, gériatrie),<br />

ou des registres particuliers (fonctions<br />

cognitives, outils informatiques). Il<br />

doit enfin être curieux, savoir recueillir de<br />

l’information et faire preuve d’ingéniosité.<br />

Aujourd’hui, on par<strong>le</strong> de livres écrits par<br />

des personnes handicapées avec <strong>le</strong>urs paupières…<br />

nul doute que là-dessous, il y a eu<br />

des ergothérapeutes ! florence raynal<br />

Témoignage En toute indépendance<br />

Infirme moteur cérébral depuis sa naissance, François Remy vit à Évreux<br />

depuis plusieurs années. Grâce au travail des ergothérapeutes et à l’évolution des<br />

matériels et des technologies, il peut maintenir et faire progresser son autonomie.<br />

« Dès l’âge de 3 ans, j’ai été placé<br />

en institution. Dès mon plus jeune<br />

âge, j’ai donc été en relation avec<br />

des ergothérapeutes. Au fil du<br />

temps, j’ai voulu faire <strong>le</strong> maximum<br />

de choses pour dépasser mon<br />

handicap et être <strong>le</strong> plus autonome<br />

possib<strong>le</strong>. J’ai eu un premier<br />

fauteuil manuel, puis é<strong>le</strong>ctrique.<br />

Ce fut pour moi un sentiment de<br />

liberté. Je pouvais désormais me<br />

déplacer seul sans dépendre d’un<br />

« pousseur ». Ensuite, j’ai pu quitter<br />

l’institution pour emménager<br />

dans mon propre appartement.<br />

Enfin, j’avais un chez moi ! Avec<br />

l’aide d’un ergothérapeute, il a fallu<br />

l’aménager, à commencer par la<br />

porte d’entrée qu’il était nécessaire<br />

d’élargir afin que je puisse al<strong>le</strong>r et<br />

venir avec facilité. La sal<strong>le</strong> de bains<br />

a dû aussi être tota<strong>le</strong>ment équipée,<br />

tout comme <strong>le</strong>s toi<strong>le</strong>ttes et ma<br />

chambre, notamment autour de<br />

mon lit.<br />

Faire <strong>le</strong>s choses<br />

soi-même<br />

Comme je voulais m’investir<br />

dans la vie associative, il m’a fallu<br />

acquérir un dispositif de synthèse<br />

voca<strong>le</strong> pour préparer<br />

mes interventions<br />

afin d’être compris<br />

de tous, tout en<br />

limitant ma fatigue.<br />

J’ai éga<strong>le</strong>ment dû<br />

m’équiper d’un<br />

ordinateur avec<br />

un clavier et une<br />

souris spéciaux. Un<br />

outil qui me permet<br />

de faire tous mes<br />

courriers et mes<br />

démarches moi-même. A chacune<br />

de ces étapes, j’ai eu recours aux<br />

conseils d’un ergothérapeute afin<br />

d’arrêter mes choix sur <strong>le</strong>s aides<br />

techniques adéquates qui me<br />

permettaient de conserver mon<br />

autonomie et même d’en gagner.<br />

Aujourd’hui, bien que la plupart de<br />

ces aménagements soient achevés,<br />

il reste toujours des choses à<br />

améliorer, car ma situation et mes<br />

besoins évoluent au fil des années<br />

et que <strong>le</strong>s technologies facilitent<br />

toujours plus mon inclusion dans<br />

la société. Il reste cependant un<br />

point qui pose problème : pouvoir<br />

voyager en France et à l’étranger<br />

de façon indépendante. Dans ce<br />

domaine, on ne peut compter<br />

que sur la prise de conscience et la<br />

volonté des pouvoirs publics pour<br />

changer <strong>le</strong>s choses… En attendant,<br />

mon seul souhait est de vivre<br />

p<strong>le</strong>inement ma vie. Pour cela, je<br />

peux éga<strong>le</strong>ment m’appuyer sur la<br />

présence et <strong>le</strong> dévouement de mon<br />

auxiliaire de vie qui, au quotidien,<br />

m’est d’une aide précieuse. »<br />

françoise vlaemÿnck<br />

26 | idem


devenir<br />

ergothérapeute<br />

Avec quelque 8 000 professionnels en activité, l’effectif des<br />

ergothérapeutes a quasiment doublé en dix ans. La formation alterne<br />

entre cours théoriques et stages sur <strong>le</strong> terrain.<br />

Entrée en formation<br />

En France, 19 instituts de formation<br />

en ergothérapie (IFE) publics et privés<br />

préparent au métier d’ergothérapeute.<br />

Dans l’<strong>Eure</strong>, un institut ouvrira ses<br />

portes en septembre 2013 à l’hôpital<br />

de la Musse, à Saint-Sébastien-de-<br />

Morsent. Le concours d’entrée dans<br />

ces éco<strong>le</strong>s est ouvert aux personnes<br />

possédant au minimum un Bac ou<br />

équiva<strong>le</strong>nt. Par ail<strong>le</strong>urs, certains<br />

établissements n’ouvrent <strong>le</strong>ur concours<br />

Coût de la formation<br />

Il faut compter une centaine d’euros de frais<br />

d’inscription au concours. En formation initia<strong>le</strong>, selon<br />

<strong>le</strong>s établissements, <strong>le</strong> coût de la scolarité varie de<br />

1 500 € à 5 800 € par an.<br />

Cursus<br />

La formation se partage durant trois<br />

ans entre cours théoriques, sessions<br />

pratiques réalisées au sein de l’IFE et<br />

stages cliniques en centres hospitalouniversitaires<br />

(CHU), cliniques,<br />

associations, cabinets libéraux…<br />

qu’à des étudiants ayant effectué la<br />

Première année commune aux études<br />

de santé (Paces), la 1ère année de licence<br />

Staps ou de licence de Sciences et Vie. A<br />

noter qu’il existe de nombreuses classes<br />

préparatoires au concours. En 2012,<br />

seuls 12 % des candidats ont réussi <strong>le</strong>s<br />

épreuves d’admission. 85 % étaient<br />

des bacheliers de la filière scientifique<br />

et la majorité avait suivi une classe<br />

préparatoire.<br />

La formation est sanctionnée par<br />

un diplôme d’État. Le diplôme peut<br />

éga<strong>le</strong>ment être obtenu via la validation<br />

des acquis professionnels (VAE) et<br />

dans <strong>le</strong> cadre de la formation continue.<br />

Débouchés professionnels<br />

Les principaux sont :<br />

• Les établissements de soins<br />

et de rééducation, <strong>le</strong>s maisons<br />

de retraite, <strong>le</strong>s établissements<br />

psychiatriques. Les<br />

structures de soins et de<br />

maintien à domici<strong>le</strong>, qui se<br />

développent de plus en plus,<br />

recrutent éga<strong>le</strong>ment, ainsi<br />

que <strong>le</strong>s MDPH.<br />

• Les fabricants d’appareils<br />

d’équipement domestique<br />

et d’aménagement de<br />

l’habitat font aussi appel à<br />

ces professionnels pour du<br />

conseil et de l’expertise.<br />

• En entreprise, <strong>le</strong>s<br />

ergothérapeutes peuvent<br />

éga<strong>le</strong>ment intervenir pour<br />

adapter <strong>le</strong>s postes de travail<br />

et former <strong>le</strong>s salariés à des<br />

gestes et postures adéquats<br />

en fonction de <strong>le</strong>ur activité<br />

professionnel<strong>le</strong>.<br />

• En secteur libéral, l’exercice<br />

de l’ergothérapie demeure<br />

rare car <strong>le</strong>urs prestations<br />

ne sont pas prises en charge<br />

par la Sécurité socia<strong>le</strong>.<br />

Ainsi, seuls quelque 500<br />

ergothérapeutes exercent en<br />

libéral en France.<br />

salaire<br />

La fourchette est large et dépend du<br />

secteur d’activité : entre 1 500 € et<br />

3 500 € euros bruts. A l’hôpital public :<br />

1 500 € en début de carrière et 2 500 € en<br />

fin de carrière.<br />

Evolution de carrière<br />

L’ergothérapeute peut<br />

accéder à des fonctions<br />

d’expert dans un domaine<br />

particulier. Après quatre<br />

ans d’exercice, il peut aussi<br />

entreprendre une formation<br />

de cadre de santé puis gravir<br />

<strong>le</strong>s échelons : assurer des<br />

fonctions de cadre supérieur<br />

de santé et, après une<br />

formation complémentaire,<br />

devenir directeur des soins<br />

et directeur d’établissement<br />

médico-social.<br />

En savoir plus Association nationa<strong>le</strong><br />

française des ergothérapeutes www.anfe.fr<br />

La capacité du nouvel Institut de formation en ergothérapie<br />

à l’hôpital de la Musse est de 35 places. L’entrée s’effectue par<br />

concours. Conditions d’inscription sur <strong>le</strong> site<br />

www.larenaissancesanitaire.fr/musse.php<br />

idem | 27


Mes obstac<strong>le</strong>s<br />

au quotidien<br />

Affronter la rue<br />

«<br />

Je suis autonome dans l’espace<br />

public, à condition toutefois<br />

que je connaisse <strong>le</strong>s lieux ou<br />

que j’aie eu <strong>le</strong> temps de prendre<br />

mes repères. Sinon, j’ai besoin<br />

d’être accompagné. À Évreux, je n’ai pas<br />

de difficulté pour me déplacer à pied<br />

ou en bus car je connais bien la vil<strong>le</strong>. Et<br />

<strong>le</strong> fait d’avoir été voyant m’aide énormément,<br />

d’autant que je possède une<br />

excel<strong>le</strong>nte mémoire et une bonne représentation<br />

spatia<strong>le</strong>. Au fil du temps, j’ai<br />

constaté que beaucoup de choses avaient<br />

évolué positivement pour faciliter l’auto-<br />

nomie et la sécurité des personnes déficientes<br />

visuel<strong>le</strong>s dans la rue. Je pense par<br />

exemp<strong>le</strong> aux bandes podotacti<strong>le</strong>s* installées<br />

au sol et qui signa<strong>le</strong>nt un passage<br />

protégé ou un arrêt de bus. De plus en<br />

plus de feux tricolores sont éga<strong>le</strong>ment<br />

sonorisés et indiquent parfois <strong>le</strong> nom de<br />

la rue. Mais tous <strong>le</strong>s carrefours n’en sont<br />

pas équipés… De fait, je n’emprunte pas<br />

toujours <strong>le</strong>s trajets <strong>le</strong>s plus courts mais<br />

<strong>le</strong>s moins diffici<strong>le</strong>s à pratiquer. Le plus<br />

souvent, je me fie uniquement à mon<br />

ouïe. Ce qui implique de prendre son<br />

temps pour analyser la circulation et<br />

Non-voyant depuis l’âge de 36 ans, Sylvain Gril<strong>le</strong> a continué d’enseigner <strong>le</strong>s<br />

mathématiques avant de prendre sa retraite. Piéton assidu, il constate cependant<br />

que la rue est p<strong>le</strong>ine de pièges qu’il n’est pas toujours aisé d’éviter.<br />

28 | idem


savoir, par exemp<strong>le</strong>, si l’on est dans une<br />

rue à sens unique ou à doub<strong>le</strong> sens. Dans<br />

ces conditions, il faut avoir confiance en<br />

soi pour affronter la rue. D’une manière<br />

généra<strong>le</strong>, évoluer dans l’espace public<br />

demande d’ail<strong>le</strong>urs une bonne dose de<br />

concentration. Si j’ai l’esprit ail<strong>le</strong>urs ou<br />

que j’utilise mal la canne, je peux, par<br />

exemp<strong>le</strong>, me cogner dans des poteaux<br />

implantés au milieu des trottoirs. Heureusement,<br />

cela ne m’arrive pas très fréquemment…<br />

Il reste beaucoup à faire<br />

A 57 ans, Luc Cassius, qui vit à Évreux, est atteint d’une<br />

maladie neurologique rare entraînant des troub<strong>le</strong>s de la<br />

marche et de l’équilibre. Pour ce bénévo<strong>le</strong> très actif de<br />

l’association des paralysés de France (APF), se déplacer<br />

en vil<strong>le</strong> reste trop souvent un parcours du combattant.<br />

Le cœur qui fait<br />

un bond<br />

Le plus souvent, et c’est ça qui représente<br />

un vrai danger pour <strong>le</strong>s déficients<br />

visuels, ce sont <strong>le</strong>s évènements inhabituels,<br />

comme <strong>le</strong>s travaux, qui ne sont<br />

pas toujours bien signalés. Si un chantier<br />

de voirie est matérialisé par des<br />

barrières, cela ne pose pas de problème,<br />

mais si <strong>le</strong>s limites sont seu<strong>le</strong>ment représentées<br />

par des piquets et un bandeau<br />

attaché en hauteur, je ne peux pas <strong>le</strong>s<br />

détecter avec une canne. Cela m’est déjà<br />

arrivé de tomber dans une tranchée !<br />

Les trottoirs étroits avec des poubel<strong>le</strong>s<br />

au milieu ou des voitures et deux-roues<br />

mal garés sont aussi un vrai problème :<br />

dans ce cas, je suis obligé de marcher sur<br />

la chaussée ! Mais <strong>le</strong> plus désagréab<strong>le</strong>,<br />

ce sont <strong>le</strong>s automobilistes qui, croyant<br />

bien faire, klaxonnent pour prévenir<br />

de <strong>le</strong>ur passage. C’est très déstabilisant.<br />

Et, à chaque fois, mon cœur fait<br />

un bond… Je n’aime pas trop non plus<br />

marcher dans <strong>le</strong>s « zones 30 » car il n’y<br />

a pas de démarcation entre la chaussée<br />

et la zone piétonne. D’ail<strong>le</strong>urs <strong>le</strong>s associations<br />

de déficients visuels militent<br />

pour qu’y soit aménagé un minimum de<br />

matérialisation. Idem pour <strong>le</strong>s bateaux<br />

des trottoirs : ils sont parfois tel<strong>le</strong>ment<br />

abaissés qu’ils ont disparu alors que des<br />

normes existent et qu’el<strong>le</strong>s conviennent<br />

aussi bien aux personnes en fauteuil<br />

roulant ou à mobilité réduite qu’à nous,<br />

<strong>le</strong>s déficients visuels. Les associations<br />

souhaitent éga<strong>le</strong>ment que <strong>le</strong>s véhicu<strong>le</strong>s<br />

é<strong>le</strong>ctriques émettent un son minimum,<br />

car on ne <strong>le</strong>s entend pas, tout comme <strong>le</strong>s<br />

vélos. Mais, heureusement, ces phénomènes<br />

urbains ne se produisent pas tous<br />

<strong>le</strong> même jour, sinon, il serait diffici<strong>le</strong> de<br />

sortir de chez soi ! » fv<br />

* Une bande podotacti<strong>le</strong> est une surface<br />

présentant une texture que <strong>le</strong>s piétons<br />

atteints d’une déficience visuel<strong>le</strong> peuvent<br />

reconnaître au toucher (par <strong>le</strong>s pieds ou<br />

avec <strong>le</strong>ur canne blanche).<br />

«<br />

L’un des effets de ma maladie est<br />

d’avoir la sensation d’être en permanence<br />

un peu ivre, ce qui occasionne<br />

des troub<strong>le</strong>s de la motricité<br />

et des difficultés à conserver<br />

l’équilibre. Dans ces conditions, me déplacer<br />

à pied dans la rue est parfois diffici<strong>le</strong>.<br />

Par exemp<strong>le</strong>, monter ou descendre un<br />

trottoir entraîne de nombreuses ruptures<br />

d’équilibre. Si contourner un poteau est<br />

naturel pour la grande partie des piétons,<br />

dévier de ma trajectoire me réclame un<br />

gros effort de concentration ; et lorsque ce<br />

poteau m’oblige à descendre du trottoir, ça<br />

devient très compliqué à gérer. Idem avec<br />

des pavés irréguliers. Il suffit que je bute<br />

pour que mon équilibre soit rompu. Dans<br />

ce cas, <strong>le</strong> risque de chute est réel ! Et que<br />

dire des panneaux publicitaires plantés en<br />

p<strong>le</strong>in passage… Bref, désormais quand je<br />

sais qu’il va me falloir marcher ou rester<br />

debout longtemps, j’utilise un fauteuil roulant.<br />

Mais, là encore, ce n’est pas simp<strong>le</strong> : il<br />

faut que je sois accompagné parce que <strong>le</strong>s<br />

rues, la plupart du temps, ne sont pas praticab<strong>le</strong>s.<br />

Mais cela me permet quand même<br />

de renouer avec des activités que j’avais dû<br />

abandonner, comme al<strong>le</strong>r dans <strong>le</strong>s musées<br />

ou participer à diverses manifestations.<br />

Dans ces situations, en effet, je ne peux pas,<br />

en même temps, me déplacer et soutenir<br />

une conversation car il faut que je mobilise<br />

ma concentration pour conserver mon<br />

équilibre.<br />

Une forme d’humiliation<br />

Souvent, je perçois cette entrave à ma<br />

liberté de circulation et à mon autonomie<br />

comme une atteinte à mon intimité ; je me<br />

sens parfois un sous-citoyen. On n’a pas<br />

toujours envie d’être aidé ni de demander<br />

de l’aide, même si, globa<strong>le</strong>ment, <strong>le</strong>s gens<br />

sont prévenants. Je vis la dépendance aux<br />

autres comme une forme d’humiliation.<br />

J’aimerais pouvoir faire des choses seul,<br />

par exemp<strong>le</strong> entrer dans une boulangerie<br />

pour acheter du pain ! Mais force est de<br />

constater qu’un grand nombre de commerces<br />

de détail sont inaccessib<strong>le</strong>s en vil<strong>le</strong>.<br />

Si je peux comprendre que <strong>le</strong>s petits commerçants<br />

n’aient pas toujours <strong>le</strong>s moyens<br />

d’investir pour aménager <strong>le</strong>ur boutique,<br />

je suis en bou<strong>le</strong> lorsque je ne peux pas<br />

accéder au guichet de ma banque ou à<br />

celui d’une administration ! Une maman<br />

avec une poussette ou une personne âgée<br />

aura la même difficulté que moi. Dès lors,<br />

prévoir des aménagements pour faciliter<br />

la circulation et favoriser l’autonomie ne<br />

concerne pas que <strong>le</strong>s personnes handicapées<br />

mais bien tout <strong>le</strong> monde ! Malgré cela,<br />

je reste optimiste car, depuis <strong>le</strong> vote de la<br />

loi de 2005, beaucoup de choses ont évolué<br />

positivement en matière d’accessibilité.<br />

Même si nous partons de très loin et qu’il<br />

reste énormément à faire. » françoise<br />

vlaemÿnck<br />

idem | 29


handicap & travail<br />

Prendre sa place<br />

A 32 ans, Marie Kahilia mène de front sa vie<br />

professionnel<strong>le</strong> et familia<strong>le</strong>. Pour el<strong>le</strong>, l’intégration dans <strong>le</strong><br />

monde du travail des personnes en situation de handicap<br />

ne va pas de soi. Si certains employeurs font des efforts<br />

pour intégrer ces salariés, trop se désintéressent encore<br />

de cette question.<br />

«<br />

Je suis atteinte d’une surdité bilatéra<strong>le</strong><br />

depuis l’âge de deux ans.<br />

J’ai donc suivi ma scolarité dans<br />

des établissements spécialisés<br />

pour sourds à Rouen et Paris. Je<br />

suis appareillée et oralise, mais je communique<br />

éga<strong>le</strong>ment en langue des signes<br />

(LSF). J’ai une formation en comptabilité<br />

et secrétariat administratif. Après mes<br />

études, j’ai travaillé comme aide-comptab<strong>le</strong><br />

pendant deux ans puis, jusqu’en<br />

2011, comme agent administratif à la direction<br />

d’une éco<strong>le</strong>, mais c’était assez diffici<strong>le</strong><br />

car peu d’efforts étaient faits pour<br />

que je m’intègre tota<strong>le</strong>ment.<br />

J’ai pourtant fait <strong>le</strong> choix de continuer<br />

à chercher un emploi en milieu ordinaire.<br />

Je n’ai jamais envisagé de travail<strong>le</strong>r<br />

en ESAT (Etablissement et Service<br />

d’Aide par <strong>le</strong> Travail). J’avais l’impression<br />

qu’ils étaient plutôt destinés à des<br />

personnes présentant un handicap<br />

lourd et <strong>le</strong>s tâches de production qui y<br />

30 | idem<br />

sont généra<strong>le</strong>ment proposées ne m’attiraient<br />

pas. Bref, je pensais que je ne me<br />

sentirais pas très à l’aise dans cet univers<br />

professionnel.<br />

Je constate cependant qu’il est très<br />

diffici<strong>le</strong> de trouver un emploi lorsqu’on<br />

est handicapé. Malgré la loi qui fait<br />

obligation aux employeurs d’avoir au<br />

moins 6 % de travail<strong>le</strong>urs handicapés<br />

dans <strong>le</strong>ur effectif, nombre d’entre eux<br />

préfèrent payer une pénalité plutôt<br />

que d’embaucher ce profil de salariés.<br />

Le plus souvent, ils ont une mauvaise<br />

opinion du handicap et de fait, je crois<br />

qu’ils ne souhaitent pas que l’image de<br />

<strong>le</strong>ur entreprise y soit associée. Il faudrait<br />

pourtant que <strong>le</strong>s mentalités évoluent,<br />

cela permettrait notamment de porter<br />

un autre regard sur <strong>le</strong> handicap et<br />

de mieux <strong>le</strong> comprendre, d’autant qu’il<br />

peut survenir à n’importe quel moment<br />

et toucher tout <strong>le</strong> monde.<br />

Créer du lien<br />

Depuis juil<strong>le</strong>t 2012, je travail<strong>le</strong> à la<br />

Maison départementa<strong>le</strong> des personnes<br />

handicapées (MDPH) de l’<strong>Eure</strong>. J’ai<br />

postulé spontanément sur <strong>le</strong>s conseils<br />

de Cap Emploi, un dispositif financé<br />

par l’Association de gestion du fonds<br />

pour l’insertion des personnes handicapées<br />

(Agefiph). Je m’occupe de la gestion<br />

é<strong>le</strong>ctronique de <strong>document</strong>s. Je suis<br />

très autonome dans mon travail et <strong>le</strong>s<br />

missions qui me sont confiées correspondent<br />

parfaitement à ma formation.<br />

Du moment que je n’ai pas à répondre<br />

au téléphone, je n’ai pas besoin d’aménagement<br />

spécifique de mon poste de<br />

travail. En revanche, ici, mon handicap<br />

est pris en considération. Lors de réunions,<br />

par exemp<strong>le</strong>, il y a désormais une<br />

traduction écrite. Je suis rassurée de travail<strong>le</strong>r<br />

dans cet environnement car mes<br />

collègues comprennent mon handicap.<br />

Par exemp<strong>le</strong>, ils se placent bien face à<br />

moi et ils articu<strong>le</strong>nt de manière à ce que<br />

je puisse lire sur <strong>le</strong>urs lèvres. Mes conditions<br />

de travail sont donc confortab<strong>le</strong>s<br />

mais c’est loin d’être toujours <strong>le</strong> cas. Il<br />

n’est pas rare en effet que des personnes<br />

handicapées ne bénéficient d’aucun<br />

aménagement de poste, pas rare non<br />

plus que <strong>le</strong>s locaux des entreprises soient<br />

inaccessib<strong>le</strong>s aux personnes à mobilité<br />

réduite…<br />

En dehors des aspects économiques,<br />

travail<strong>le</strong>r est socia<strong>le</strong>ment et personnel<strong>le</strong>ment<br />

très important pour moi. Je n’ai<br />

pas envie de rester dans mon coin, de<br />

vivre repliée sur moi et ma petite famil<strong>le</strong><br />

– j’ai deux enfants entendants. Travail<strong>le</strong>r<br />

permet, en effet, de créer du lien, de<br />

se confronter à de nouvel<strong>le</strong>s expériences<br />

et aux autres, de s’enrichir, de sentir<br />

qu’on a sa place dans la société et qu’on y<br />

a toute son utilité. »<br />

françoise vlaemÿnck<br />

« Il n’est pas rare que des personnes handicapées<br />

ne bénéficient d’aucun aménagement de poste, ou que<br />

<strong>le</strong>s locaux des entreprises soient inaccessib<strong>le</strong>s. »


Retrouver la confiance en soi<br />

«De formation, je suis menuisier-charpentier.<br />

Mais j’avais<br />

beaucoup de difficultés à trouver<br />

un emploi dans cette branche<br />

car, aux yeux des employeurs, je<br />

n’avais pas suffisamment d’expérience.<br />

Je me suis donc réorienté dans l’entretien<br />

d’espaces verts puisque j’avais des connaissances<br />

dans ce domaine et aussi beaucoup<br />

de pratique. Cependant, je ne suis jamais<br />

parvenu à trouver un emploi stab<strong>le</strong>. Je<br />

n’enchaînais que des CDD et des missions<br />

d’intérim. Puis, il y a quelques années, j’ai<br />

eu un accident et je suis resté hospitalisé<br />

durant 18 mois avant d’entrer en centre de<br />

rééducation. Je suis notamment resté amnésique<br />

pendant plusieurs mois. Tout en<br />

poursuivant ma réadaptation, j’ai effectué<br />

quelques stages en entreprise pour évaluer<br />

mes capacités à retourner en milieu ordinaire.<br />

Le bilan ne fut pas très concluant.<br />

Mon équilibre n’était pas très bon et je ne<br />

pouvais plus porter de charge. Cela a été<br />

dur d’accepter l’évidence. La formatrice<br />

d’insertion socia<strong>le</strong> et professionnel<strong>le</strong> du<br />

centre m’a alors proposé d’intégrer un<br />

Esat. Je connaissais ces structures de nom,<br />

mais je ne savais pas exactement ce qu’el<strong>le</strong>s<br />

faisaient. Et, comme beaucoup, j’avais une<br />

image assez négative du handicap. D’ail<strong>le</strong>urs,<br />

j’ai moi-même longtemps refusé<br />

d’admettre que j’étais handicapé.<br />

À la suite d’un accident, Michel Quérité, 33 ans, s’est vu<br />

reconnaître la qualité de travail<strong>le</strong>ur handicapé. Il a depuis<br />

intégré un établissement et service d’aide par <strong>le</strong> travail<br />

(Esat) de l’association <strong>le</strong>s Papillons blancs, à Évreux. Il a<br />

pour projet de rejoindre une entreprise ordinaire dans <strong>le</strong>s<br />

prochains mois.<br />

Que va penser mon<br />

employeur ?<br />

J’ai quand même accepté de faire un<br />

stage d’observation à l’Esat, et je dois<br />

dire qu’à partir de ce moment-là, mon<br />

regard sur <strong>le</strong> handicap a tota<strong>le</strong>ment<br />

changé ! L’ambiance entre <strong>le</strong>s collègues<br />

et avec l’encadrement est très bonne.<br />

Et je bénéficie d’un suivi social et professionnel,<br />

ce qui est très sécurisant. Je<br />

travail<strong>le</strong> dans <strong>le</strong>s espaces verts, pour des<br />

entreprises ou des particuliers qui ont<br />

des contrats d’entretien avec l’Esat, mais<br />

je suis en binôme. Quand je ne parviens<br />

pas à faire certaines tâches, mon<br />

collègue m’aide et inversement. Par ail<strong>le</strong>urs,<br />

nous avons régulièrement des formations<br />

sur <strong>le</strong> maniement du matériel et<br />

la sécurité. Bref, je me sens plus à l’aise<br />

dans mon travail qu’auparavant et j’ai<br />

repris confiance en moi. Mon parcours<br />

prouve qu’une personne handicapée, à<br />

condition qu’el<strong>le</strong> soit soutenue et entourée,<br />

peut surmonter son handicap et<br />

faire des choses dans la vie de manière<br />

autonome. Aujourd’hui, avec l’éducateur,<br />

je prépare mon retour en milieu<br />

ordinaire. Mais j’ai un peu d’appréhension<br />

sur <strong>le</strong>s objectifs et <strong>le</strong> rendement<br />

qui y est recherché. Les entreprises ne<br />

réalisent pas toujours qu’un travail<strong>le</strong>ur<br />

« Mon parcours prouve qu’une personne<br />

handicapée, à condition qu’el<strong>le</strong> soit soutenue<br />

et entourée, peut surmonter son handicap. »<br />

handicapé ne peut pas forcément fournir<br />

la même quantité de travail qu’un<br />

salarié «normal». Si je n’y arrive pas, que<br />

va penser mon employeur : que je ne suis<br />

pas la hauteur ? Ça me soucie. À l’Esat,<br />

nous ne sommes pas confrontés à ça. On<br />

s’entraide…» fv<br />

idem | 31


handicap & scolarité<br />

Une éco<strong>le</strong> pour chacun<br />

Scolariser son enfant en situation de handicap pose de nombreuses questions aux<br />

parents. Faut-il privilégier un établissement scolaire classique ou une institution ?<br />

Vers qui se tourner ? Illustration avec <strong>le</strong> portrait de deux enfants aux handicaps et<br />

parcours scolaires très différents : l’un est accueilli dans un centre spécialisé, l’autre<br />

passe une heure et demie par jour dans l’éco<strong>le</strong> de son quartier.<br />

nicolas, scolarisé<br />

en institution<br />

Ce jour-là, Nicolas, 13 ans, rentre d’une<br />

sortie scolaire, un large sourire aux lèvres.<br />

Il fréquente depuis maintenant deux<br />

ans l’Institut d’Education Motrice « La<br />

Source » à Vernon. Auparavant, il était<br />

scolarisé dans une éco<strong>le</strong> classique. Mais<br />

sa maladie dégénérative, qui atteint <strong>le</strong>s<br />

musc<strong>le</strong>s, a contraint ses parents à trouver<br />

une autre solution pour sa scolarité.<br />

Nicolas a démarré son cursus scolaire<br />

comme tous <strong>le</strong>s autres enfants, dans <strong>le</strong><br />

Loiret. En 2006, ses parents ont déménagé<br />

dans l’<strong>Eure</strong>, où <strong>le</strong> jeune garçon est rentré<br />

en CP. « Nous avions prévenu la maîtresse<br />

de Nicolas qu’il était dyspraxique<br />

et souffrait de troub<strong>le</strong>s de la coordination<br />

» se souvient Claire Dardennes, sa<br />

maman. La même maîtresse l’a suivi<br />

deux ans. Puis a proposé aux parents un<br />

redoub<strong>le</strong>ment pour Nicolas.<br />

La Source, institut d’Education<br />

Motrice de Vernon<br />

Nicolas est dans une classe de<br />

neuf enfants âgés de 12 à 16<br />

ans. L’instituteur spécialisé<br />

travail<strong>le</strong> avec deux éducatrices.<br />

A la Source, on compte trois<br />

classes et 22 enfants âgés<br />

de 5 ans et demi à 16 ans.<br />

L’établissement a été créé en<br />

1992. « Nous proposons un<br />

projet global : paramédical,<br />

éducatif et social, décrit <strong>le</strong><br />

directeur Gil<strong>le</strong>s Calderan,<br />

Des aides miSES EN PLACE<br />

Pour son deuxième CE1, l’enfant a bénéficié<br />

d’un ordinateur et d’une auxiliaire<br />

de vie scolaire (AVS) six heures<br />

par semaine : des aides attribuées par la<br />

MDPH, sur avis de la commission des<br />

droits et de l’autonomie des personnes<br />

handicapées (CDAPH). L’année suivante,<br />

Nicolas a fait sa rentrée en fauteuil roulant<br />

; l’AVS l’accompagnait alors 18 heures<br />

par semaine. Mais fatigué par la maladie,<br />

nous ajoutons éga<strong>le</strong>ment dans<br />

nos prises en charge un vo<strong>le</strong>t<br />

social et psychologique. Tout se<br />

construit autour de l’enfant qui<br />

souffre d’un handicap moteur<br />

et de ses besoins. »<br />

32 | idem


il a rencontré des difficultés pour suivre<br />

<strong>le</strong> rythme imposé par <strong>le</strong> programme. Son<br />

maintien dans un établissement scolaire<br />

classique s’est révélé incertain. Ses parents,<br />

conseillés par un enseignant référent<br />

handicap, se sont alors tournés vers<br />

<strong>le</strong> SESSAD, service d’éducation spécia<strong>le</strong><br />

et de soins à domici<strong>le</strong>. « Le SESSAD nous<br />

a permis de proposer à Nicolas une prise<br />

en charge globa<strong>le</strong> et multidisciplinaire<br />

avec un kiné, un ergothérapeute, un psychologue,<br />

un psychomotricien », raconte<br />

Claire Dardennes. « Nous n’avons pas<br />

fait appel à eux tout de suite car nous ne<br />

connaissions pas cette structure », ajoute<br />

Eric Dardennes, <strong>le</strong> papa. « Pourtant, el<strong>le</strong><br />

nous a beaucoup apporté, et Nicolas a pu<br />

rester auprès de ses camarades. »<br />

Un centre spécialisé<br />

fiNALEMENt envisagé<br />

En 2010, Nicolas a suivi son CM1 avec<br />

18 heures d’AVS, l’accompagnement<br />

du SESSAD et d’une orthophoniste en<br />

libéral. Mais l’année d’après, Nicolas a dû<br />

quitter ses camarades de classe pour rejoindre<br />

un centre spécialisé. La décision<br />

a été prise avec toute l’équipe éducative.<br />

« L’éco<strong>le</strong> était devenue trop compliquée,<br />

explique Eric Dardennes, et Nicolas souffrait<br />

de ses échecs… Cette décision a été<br />

diffici<strong>le</strong> à prendre mais nous souhaitions<br />

que notre fils retrouve confiance en lui. »<br />

Nicolas, délégué de sa classe, a longtemps<br />

regretté son éco<strong>le</strong> et ses amis. A<br />

la Source, il s’est trouvé confronté aux<br />

handicaps des autres et inévitab<strong>le</strong>ment<br />

à son propre handicap. « Nous pensons<br />

aujourd’hui que nous avons fait au mieux,<br />

même si cela n’était pas une évidence pour<br />

nous au début », analyse <strong>le</strong> père de Nicolas.<br />

Aujourd’hui, après quelques mois diffici<strong>le</strong>s<br />

et une angoisse générée par la nouveauté<br />

du lieu, Nicolas a pris ses marques<br />

dans sa nouvel<strong>le</strong> classe et s’y sent bien.<br />

« Il est heureux d’y al<strong>le</strong>r, décrit Eric, il est<br />

toujours souriant et blagueur ! »<br />

La maternel<strong>le</strong> et<br />

<strong>le</strong> CMP pour Enzo<br />

Enzo Kiss Mombo Bokiba souffre d’autisme.<br />

« Il présente en tout cas certains<br />

signes, précise Myriam Mombo, sa maman.<br />

A 5 ans, il peut dire quelques mots<br />

mais ne fait aucune phrase. Et il est très<br />

introverti. » Enzo partage ses matinées<br />

entre l’éco<strong>le</strong> maternel<strong>le</strong> de son secteur et<br />

<strong>le</strong> centre médico-psychologique (CMP).<br />

Cette organisation s’est mise en place petit<br />

à petit. Il y a trois ans, la maman d’Enzo,<br />

inquiète du comportement de son fils<br />

alors âgé de deux ans, se rend au CMPP<br />

(Centre médico-psycho-pédagogique).<br />

On l’oriente vers <strong>le</strong> CMP. « Enzo y est<br />

suivi depuis deux ans, raconte Myriam<br />

Mombo. La directrice de l’éco<strong>le</strong> de mon<br />

quartier m’a éga<strong>le</strong>ment contactée pour<br />

me dire que mon fils pouvait être scolarisé.<br />

Sans el<strong>le</strong> et ses conseils, je n’aurais pas su<br />

qu’Enzo pouvait al<strong>le</strong>r à l’éco<strong>le</strong>. »<br />

Direction la MDPH<br />

Myriam Mombo entame des démarches<br />

auprès de la MDPH et monte un dossier<br />

avec <strong>le</strong> soutien de la directrice de<br />

l’éco<strong>le</strong>. A la rentrée scolaire 2012, Enzo<br />

découvre l’éco<strong>le</strong> maternel<strong>le</strong>. Il bénéficie<br />

d’une auxiliaire de vie scolaire pour<br />

l’heure et demie qu’il passe quotidiennement<br />

à l’éco<strong>le</strong> et un chauffeur de taxi<br />

gère ses trajets. « Aujourd’hui, <strong>le</strong> système<br />

tourne plutôt bien », se réjouit Myriam<br />

Mombo.<br />

Après l’éco<strong>le</strong>, Enzo passe au moins<br />

trois heures au CMP et l’après-midi,<br />

il retrouve sa maman. « Le CMP ressemb<strong>le</strong><br />

à une éco<strong>le</strong> mais <strong>le</strong>s instituteurs<br />

sont remplacés par des psychologues ou<br />

des infirmières, décrit Myriam Mombo.<br />

Enzo y pratique de nombreuses activités.<br />

Une fois tous <strong>le</strong>s deux mois, je fais un<br />

point avec <strong>le</strong>s professionnels du CMP, en<br />

présence d’Enzo. Je tiens à ce que mon fils<br />

fréquente cet établissement <strong>le</strong> plus possib<strong>le</strong>,<br />

pour qu’il soit entouré. C’est très<br />

important pour lui qui est très renfermé.<br />

Et pour moi aussi. »<br />

Les bienfaits de l’éco<strong>le</strong><br />

Même si Enzo a du mal à se concentrer,<br />

à rester sur sa chaise et à ne pas se déplacer<br />

dès qu’il <strong>le</strong> désire, son intégration<br />

scolaire lui permet d’évoluer dans de<br />

nombreux domaines. « J’aimerais bien<br />

sûr qu’il ail<strong>le</strong> davantage à l’éco<strong>le</strong>, raconte<br />

sa maman, mais avec la directrice et <strong>le</strong>s<br />

professionnels de la MDPH, nous avons<br />

décidé de demander <strong>le</strong>s mêmes horaires<br />

pour l’année prochaine. Un accueil plus<br />

long serait diffici<strong>le</strong> pour tout <strong>le</strong> monde. Je<br />

maintiens toutefois mon objectif de voir<br />

mon fils al<strong>le</strong>r à l’éco<strong>le</strong> primaire.» Pour la<br />

maman d’Enzo, l’éco<strong>le</strong> est un vrai plus<br />

pour son fils. Il lui a ramené récemment<br />

sa première peinture. « El<strong>le</strong> est magnifique,<br />

s’exclame la maman. El<strong>le</strong> n’est<br />

pas parfaite, mais je vois bien qu’il s’est<br />

concentré. J’ai demandé confirmation à<br />

la directrice de l’éco<strong>le</strong> : il n’a pas été aidé<br />

pour faire son chef-d’œuvre qui est désormais<br />

accroché dans ma cuisine. »<br />

clémence lamirand<br />

idem | 33


VOIR LE HANDICAP<br />

autrement<br />

S’engager pour<br />

changer<br />

de regard<br />

A 27 ans, après un séjour professionnel au Canada,<br />

Véronique Guédée a choisi de devenir bénévo<strong>le</strong><br />

auprès de l’Association des paralysés de France.<br />

Une décision qui a surpris ses amis.<br />

Si certains pensent qu’el<strong>le</strong><br />

« occupe » son temps en attendant<br />

de retrouver un emploi,<br />

d’autres la voient comme<br />

une idéaliste. Mais ces réactions<br />

ne surprennent pas cette communicante,<br />

par ail<strong>le</strong>urs dotée d’un grand sens<br />

de l’humour. Et du chal<strong>le</strong>nge ! Car pour<br />

Véronique, ces attitudes sont avant tout<br />

révélatrices du manque de culture du bénévolat<br />

en France, contre <strong>le</strong>quel el<strong>le</strong> milite<br />

aujourd’hui pour faire bouger <strong>le</strong>s lignes.<br />

Rencontre avec une jeune femme au franc<br />

par<strong>le</strong>r, qui a changé de regard sur <strong>le</strong> handicap<br />

en s’engageant.<br />

Qu’est-ce qui a motivé votre engagement<br />

? Pendant un an à Montréal, j’ai été<br />

chargée de communication sur l’environnement<br />

et <strong>le</strong> développement durab<strong>le</strong> dans<br />

un organisme à but non lucratif. J’y ai rencontré<br />

beaucoup de jeunes qui venaient me<br />

trouver pour faire du bénévolat. Là-bas,<br />

c’est une deuxième nature, c’est logique. Et<br />

ça m’a fait réfléchir. Je me suis dit que si je<br />

rentrais en France, je m’engagerais. Que ce<br />

n’était pas une question de disponibilité,<br />

qu’il fallait juste avoir <strong>le</strong> courage de <strong>le</strong> faire.<br />

Dès mon retour à Évreux, je suis allée voir<br />

34 | idem


l’APF. Au départ, j’avais proposé d’accompagner<br />

<strong>le</strong>urs sorties mais quand je <strong>le</strong>s ai<br />

rencontrés, ils voulaient refaire <strong>le</strong>ur plaquette<br />

de présentation. Comme c’est mon<br />

métier, j’ai éga<strong>le</strong>ment offert mon aide.<br />

Pourquoi avoir choisi l’APF ? Aucun de<br />

mes proches n’est handicapé, je ne connais<br />

pas ce monde-là. Mais je l’ai « approché »<br />

parce que j’ai eu une scoliose foudroyante<br />

à 15 ans qui a nécessité une opération de la<br />

colonne vertébra<strong>le</strong>. Suite à l’intervention,<br />

j’ai dû passer trois jours en fauteuil roulant.<br />

Trois jours, ce n’est rien, mais je n’appréciais<br />

pas de compter sur ma mère pour m’amener<br />

d’un point A à un point B. Je me sentais<br />

un peu dépendante. Par la suite, quand je<br />

voyais des personnes en fauteuil roulant<br />

en difficulté à cause d’un trottoir, cela me<br />

révoltait. Bref, l’APF est l’association avec<br />

laquel<strong>le</strong> j’ai senti <strong>le</strong> plus d’affinités et dans<br />

laquel<strong>le</strong> j’ai pensé que je pouvais aider.<br />

Avant, quel était votre regard sur <strong>le</strong> handicap<br />

? Un regard indigné à cause des<br />

endroits peu accessib<strong>le</strong>s pour <strong>le</strong>s personnes<br />

en fauteuil roulant. Mais ça n’allait pas plus<br />

loin. Je restais dans mon petit monde, un<br />

peu individualiste. Au Canada, <strong>le</strong>s jeunes<br />

qui sont révoltés poussent la porte d’une<br />

association et disent : « Bon qu’est-ce que<br />

je peux faire pour vous aider ? ». C’est tout<br />

simp<strong>le</strong> et ça m’a ouvert <strong>le</strong>s yeux. Et puis làbas,<br />

j’ai croisé des jeunes en insertion qui<br />

avaient un comportement un peu bizarre<br />

et même parfois quelques petits accès de<br />

vio<strong>le</strong>nce. Au début, je n’osais pas <strong>le</strong>ur par<strong>le</strong>r<br />

et tout <strong>le</strong> monde me disait : « Vas-y ! ». J’ai<br />

eu <strong>le</strong> déclic, j’ai compris qu’il fallait oser, et<br />

c’est vraiment là que j’ai changé de regard.<br />

Pour changer de regard, il suffit d’oser ?<br />

Absolument ! Les valides ne savent pas<br />

comment aborder <strong>le</strong>s personnes handicapées.<br />

Quand on ne connaît pas, on a peur.<br />

Alors, dans la rue, s’ils voient une personne<br />

qui a coincé son fauteuil sur un bord de<br />

trottoir, ils se disent « Ah mon Dieu ! », au<br />

lieu d’y al<strong>le</strong>r et de demander s’ils peuvent<br />

aider. Ils n’osent pas, par peur de se faire<br />

envoyer balader ou de ne pas trouver <strong>le</strong>s<br />

mots justes. Parce qu’ils imaginent qu’à<br />

cause du handicap, il faut être compatissant.<br />

Mais cela relève du mythe ! Oui,<br />

certaines personnes handicapées n’aiment<br />

pas que l’on pousse <strong>le</strong>ur fauteuil parce<br />

qu’el<strong>le</strong>s veu<strong>le</strong>nt être indépendantes, et c’est<br />

<strong>le</strong>ur droit ! Par ail<strong>le</strong>urs, être handicapé ne<br />

veut pas dire « tout gentil, tout beau, dans<br />

un petit monde ». En fait, la difficulté, c’est<br />

d’agir norma<strong>le</strong>ment. Ce n’est pas parce<br />

que la personne est handicapée qu’il faut<br />

s’adresser à el<strong>le</strong> comme à un enfant ! Je<br />

grossis un petit peu, mais c’est ça.<br />

Vous avez connu cette peur de « mal<br />

faire » à l’APF ? Oui, et je l’ai surmontée<br />

par l’humour et l’honnêteté. Dès <strong>le</strong> début,<br />

j’ai expliqué qu’il n’y avait pas de personnes<br />

handicapées dans mon entourage, que je ne<br />

savais pas comment me comporter, qu’ils<br />

devaient m’apprendre. C’est un échange.<br />

Pour éradiquer la peur, il faut à la fois se<br />

mettre à <strong>le</strong>ur place et rester soi-même. Du<br />

coup, on a la même attitude avec <strong>le</strong>s personnes<br />

handicapées qu’avec <strong>le</strong>s autres. Ce<br />

cap, mes amis, par exemp<strong>le</strong>, ne l’ont pas<br />

passé. Ils me disent : « Tu es courageuse,<br />

quand même ! ». Mais quand on va visiter<br />

<strong>le</strong> Louvre avec un groupe, où est <strong>le</strong> courage<br />

? En fait, il n’est pas du côté des « valides<br />

». Par exemp<strong>le</strong>, cette visite du Louvre<br />

a été un véritab<strong>le</strong> parcours du combattant<br />

pour <strong>le</strong> groupe. Le bus nous a déposés au<br />

niveau du sous-sol ; pour rejoindre <strong>le</strong> rezde-chaussée<br />

depuis <strong>le</strong> parking, il a fallu<br />

une heure et demie. Plus que <strong>le</strong> temps de<br />

voyage d’Évreux à Paris ! Parce qu’il y a<br />

seu<strong>le</strong>ment deux ascenseurs où ne rentre<br />

qu’un fauteuil et que nous étions une trentaine.<br />

Ensuite, pour <strong>le</strong>s toi<strong>le</strong>ttes, pareil ! Il y<br />

avait, certes, un espace adapté mais, un par<br />

un, c’est très long. D’autant que cet espace<br />

était au fond et que <strong>le</strong>s fauteuils avaient du<br />

mal à passer entre <strong>le</strong>s lavabos… C’était<br />

donc assez frustrant. Les personnes que<br />

j’accompagnais <strong>le</strong> déploraient : « On veut<br />

juste visiter <strong>le</strong> Louvre, un des plus beaux<br />

musées du monde, et voilà où on passe<br />

notre temps… » Eh bien <strong>le</strong> courage, il est là.<br />

Que faudrait-il faire pour que <strong>le</strong> regard<br />

change ? Développer la culture du bénévolat.<br />

Les sensibilisations dans <strong>le</strong>s éco<strong>le</strong>s,<br />

c’est bien, mais on pourrait imaginer que<br />

<strong>le</strong>s enfants ou <strong>le</strong>s ados viennent un samedi<br />

par mois dans une association. Aider, ça<br />

ne signifie pas nécessairement pousser<br />

un fauteuil ! Il y a des ateliers de création :<br />

un jeune qui aime bien la musique peut<br />

proposer ses services à l’APF. Ce n’est pas<br />

contraignant, on peut <strong>le</strong> faire de temps en<br />

temps, une fois par mois ou tous <strong>le</strong>s deux<br />

mois, il n’y a pas d’obligation… Et ça pourrait<br />

vraiment participer au changement<br />

de regard, car <strong>le</strong>s personnes handicapées<br />

restent malheureusement trop souvent<br />

entre el<strong>le</strong>s. La majorité des bénévo<strong>le</strong>s sont<br />

des retraités ou des proches de personnes<br />

handicapées. Il n’y a pas assez de jeunes.<br />

Comment pensez-vous réussir à<br />

convaincre vos amis ? Il faudrait que je <strong>le</strong>s<br />

emmène à l’APF. Si je <strong>le</strong>ur dis que je travail<strong>le</strong><br />

à la préparation d’un événement et<br />

que j’ai besoin d’eux, je sais qu’ils <strong>le</strong> feront<br />

et ce sera là que <strong>le</strong>ur regard changera vraiment.<br />

C’est par l’engagement qu’on peut<br />

impulser <strong>le</strong> changement !<br />

propos recueillis<br />

par laurent tastet<br />

« Par exemp<strong>le</strong>, cette visite du Louvre a été un véritab<strong>le</strong><br />

parcours du combattant (…) : pour rejoindre <strong>le</strong> rez-dechaussée<br />

depuis <strong>le</strong> parking, il a fallu une heure et demie ! »<br />

idem | 35


Proches et aidants<br />

Vivre avec une<br />

personne handicapée<br />

On par<strong>le</strong> rarement d’eux. Pourtant, ils occupent une<br />

place essentiel<strong>le</strong> dans la vie de la plupart des personnes<br />

en situation de handicap. On <strong>le</strong>s appel<strong>le</strong> désormais<br />

<strong>le</strong>s « aidants familiaux ». Pour Idem, trois d’entre eux,<br />

Jacqueline, Serge et Gwenaël<strong>le</strong>, racontent <strong>le</strong>ur quotidien.<br />

Gwenaël<strong>le</strong><br />

et Vianney<br />

Gwenaël<strong>le</strong> Le Bervet et Vianney Chan-<br />

Tsin vivaient ensemb<strong>le</strong> depuis plusieurs<br />

années près de Bayeux, avec <strong>le</strong>s enfants de<br />

Gwenaël<strong>le</strong>, lorsqu’en 2003, Vianney a eu<br />

un accident de la circulation qui l’a rendu<br />

tétraplégique. Après un mois de réanimation,<br />

un mois de post-réanimation et<br />

six mois de centre de rééducation, Vianney<br />

a retrouvé <strong>le</strong>s siens. « Les débuts ont<br />

été compliqués, se souvient sa compagne.<br />

Nous habitions un rez-de-chaussée suré<strong>le</strong>vé.<br />

Il fallait que quelqu’un m’aide pour<br />

que nous puissions sortir. Nous avons très<br />

rapidement fait une demande de logement<br />

mais il n’y en avait pas pour une<br />

famil<strong>le</strong> de quatre personnes. Nous avons<br />

fina<strong>le</strong>ment obtenu une petite maison qui<br />

était loin d’être idéa<strong>le</strong> puisque la sal<strong>le</strong> de<br />

bain était à l’étage... Nous y sommes tout<br />

de même restés jusqu’en 2010. »<br />

Une nouvel<strong>le</strong> vie dans<br />

une nouvel<strong>le</strong> maison<br />

Depuis, ils ont acheté et aménagé une<br />

maison près du centre vil<strong>le</strong> de Caen.<br />

Vianney s’est occupé des devis, Gwenaël<strong>le</strong><br />

supervisait. Cette maison <strong>le</strong>ur a<br />

changé la vie. « C’est un vrai bonheur,<br />

raconte Gwenaël<strong>le</strong>. Vianney peut circu<strong>le</strong>r<br />

librement, il n’est pas confiné. Je me sens<br />

éga<strong>le</strong>ment beaucoup moins envahie par <strong>le</strong><br />

personnel qui peut être amené à intervenir<br />

à la maison. »<br />

Cette sensation de ne plus se sentir<br />

chez el<strong>le</strong> dès qu’une personne passe<br />

à son domici<strong>le</strong> a incité Gwenaël<strong>le</strong>, en<br />

accord avec son compagnon, à éviter<br />

au maximum de faire appel à une tierce<br />

personne pour gérer <strong>le</strong> quotidien de<br />

Vianney. Du coup, el<strong>le</strong> s’occupe des toi<strong>le</strong>ttes<br />

et des soins pour privilégier <strong>le</strong>ur<br />

intimité. « A Bayeux, dix-sept personnes<br />

différentes tournaient chez nous, se souvient-el<strong>le</strong>,<br />

<strong>le</strong> personnel changeait souvent.<br />

Je n’avais pas envie de cela. » Cette indépendance<br />

vis-à-vis des autres <strong>le</strong>ur offre<br />

une liberté incroyab<strong>le</strong>, malgré <strong>le</strong> handicap<br />

de Vianney. « Nous pouvons partir<br />

plus faci<strong>le</strong>ment en vacances, illustre<br />

Gwenaël<strong>le</strong>. Nous sommes allés plusieurs<br />

fois aux Etats-Unis et à Londres, nous<br />

prenons l’avion régulièrement. Nous faisons<br />

ce que nous voulons. Pour nous, rien<br />

n’est impossib<strong>le</strong>. Tout est plus compliqué,<br />

bien sûr, et demande beaucoup de temps,<br />

mais quand nous avons envie de quelque<br />

chose, nous nous donnons <strong>le</strong>s moyens d’y<br />

arriver. C’est notre moteur. »<br />

36 | idem


Ensemb<strong>le</strong> pour<br />

<strong>le</strong> meil<strong>le</strong>ur<br />

Gwenaël<strong>le</strong> gère donc seu<strong>le</strong> <strong>le</strong> quotidien,<br />

tout en travaillant à temps p<strong>le</strong>in. « Gwenaël<strong>le</strong><br />

est très présente, raconte timidement<br />

Vianney, el<strong>le</strong> m’aide à faire tout ce que je<br />

ne peux pas faire seul. El<strong>le</strong> m’accompagne<br />

et accepte pas mal de choses... » « Je l’aide,<br />

je l’assiste, confirme Gwenaël<strong>le</strong>, mais<br />

il essaie aussi de faire un maximum de<br />

choses. Parfois, je n’hésite pas à lui dire<br />

non si j’estime qu’il peut se débrouil<strong>le</strong>r... »<br />

Le caractère de Vianney <strong>le</strong>ur permet aussi<br />

d’avancer dans <strong>le</strong>ur vie. « Vianney est<br />

un battant, il ne se laisse pas al<strong>le</strong>r. Il était<br />

comme cela avant l’accident et l’est resté...<br />

On peut même <strong>le</strong> qualifier d’hyperactif. Il<br />

a toujours une personne à voir ou un ami<br />

à appe<strong>le</strong>r. Parfois, il me fatigue ! Ce trait de<br />

caractère nous porte tous. Si Vianney restait<br />

à la maison à ne rien faire, la situation<br />

deviendrait rapidement invivab<strong>le</strong>... Mais<br />

il est très dynamique, il est incroyab<strong>le</strong> ! »<br />

Pour tout gérer, Gwenaël<strong>le</strong> dit avoir<br />

fonctionné à l’instinct. « Juste après<br />

l’accident, se souvient-el<strong>le</strong>, j’étais extrêmement<br />

triste mais je devais être présente<br />

auprès de lui. » El<strong>le</strong> passera des journées<br />

entières à l’hôpital. « C’est l’amour qui<br />

m’a fait tenir, estime Gwenaël<strong>le</strong>. Quand<br />

on aime, on se bat. Je n’ai pas réfléchi. »<br />

jacqueline et serge<br />

Jacqueline et Serge Binet ont deux enfants.<br />

Un soir, Sophie a fait un AVC en<br />

rentrant du travail. El<strong>le</strong> avait à peine<br />

trente ans. C’était il y a presque dix ans.<br />

Depuis, el<strong>le</strong> souffre d’un syndrome d’enfermement<br />

(locked-in syndrome) et el<strong>le</strong><br />

est paralysée des quatre membres. El<strong>le</strong><br />

ne par<strong>le</strong> pas, ne bouge pas mais entend<br />

et comprend tout. Ce sont ses parents<br />

qui s’occupent d’el<strong>le</strong> à temps p<strong>le</strong>in, plus<br />

particulièrement sa mère qui a arrêté de<br />

travail<strong>le</strong>r en décembre 2005. Ils assument<br />

aussi, depuis cette époque, <strong>le</strong>ur petitefil<strong>le</strong><br />

Laureen (la fil<strong>le</strong> de Sophie) qui passe<br />

son bac cette année.<br />

Jacqueline et Serge gèrent ensemb<strong>le</strong> <strong>le</strong><br />

quotidien de Sophie qui se déplace dans<br />

un fauteuil. « Il faut que je sois en permanence<br />

avec el<strong>le</strong>, décrit Jacqueline, <strong>le</strong> quotidien<br />

est très diffici<strong>le</strong>. Nous ne pouvons<br />

pas sortir, nous n’avons pas de week-end.<br />

Mon mari doit m’aider à la sortir de son<br />

lit, je dois lui faire la toi<strong>le</strong>tte et <strong>le</strong>s soins.<br />

Au début, nous avions une personne qui<br />

venait pour ces tâches mais ce système ne<br />

convenait ni à Sophie, ni à nous. Nous<br />

Jacqueline et sa fil<strong>le</strong> Sophie<br />

souhaitons fina<strong>le</strong>ment nous occuper de<br />

notre fil<strong>le</strong> <strong>le</strong> plus longtemps possib<strong>le</strong>. »<br />

Echanger et partager<br />

Jacqueline et Serge<br />

Binet ont cherché et<br />

trouvé du soutien<br />

auprès de l’association<br />

Alis. « Une réunion<br />

annuel<strong>le</strong> est organisée,<br />

raconte Serge,<br />

jeune retraité. Nous<br />

rencontrons des<br />

professionnels de<br />

santé et obtenons des<br />

informations sur <strong>le</strong><br />

locked-in syndrome. Et<br />

nous pouvons, ce qui<br />

est essentiel à nos yeux,<br />

échanger avec d’autres<br />

Des séjours en centre<br />

de temps en temps<br />

Les parents de Sophie font régulièrement<br />

des demandes pour qu’el<strong>le</strong> passe du<br />

temps dans des centres spécialisés. L’occasion<br />

pour el<strong>le</strong> de bénéficier de soins et<br />

d’activités adaptées. L’occasion pour eux<br />

de se reposer et d’avoir un peu de temps<br />

libre. Mais <strong>le</strong>s places sont rares. Son dernier<br />

séjour, récent, a été attendu pendant<br />

plus de deux ans. Une demande a d’ores<br />

et déjà été faite pour un nouveau séjour<br />

en centre en 2014.<br />

Quand el<strong>le</strong> est chez el<strong>le</strong>, Sophie lit<br />

beaucoup. Ses parents lui ont réaménagé<br />

<strong>le</strong> garage de la maison familia<strong>le</strong> qui est<br />

devenu son espace de vie et celui de sa<br />

fil<strong>le</strong>. El<strong>le</strong> passe du temps devant son ordinateur<br />

et échange de nombreux mails<br />

avec des amis. El<strong>le</strong> fait aussi du vélo é<strong>le</strong>ctrique.<br />

Le vélo tourne tout seul ; cela fait<br />

du bien à la jeune femme d’avoir <strong>le</strong>s articulations<br />

en mouvement.<br />

Sophie aime al<strong>le</strong>r en vil<strong>le</strong> et flâner dans<br />

<strong>le</strong>s magasins d’habil<strong>le</strong>ment ou de décoration.<br />

« Nous allons aussi faire <strong>le</strong>s courses<br />

ensemb<strong>le</strong>, ajoute Jacqueline. C’est une véritab<strong>le</strong><br />

expédition mais Sophie aime bien<br />

ce moment ! » Tous <strong>le</strong>s vendredis, mère et<br />

fil<strong>le</strong> vont au cinéma : c’est Sophie qui choisit<br />

<strong>le</strong> film. Et lorsque <strong>le</strong>ur fil<strong>le</strong> se trouve<br />

dans un centre assez éloigné de <strong>le</strong>ur domici<strong>le</strong>,<br />

Jacqueline et Serge ne rateraient pour<br />

rien au monde <strong>le</strong>ur visite du week-end.<br />

« Je lui prépare des crêpes au chocolat tous<br />

<strong>le</strong>s samedis que nous dégustons ensemb<strong>le</strong><br />

<strong>le</strong> dimanche : el<strong>le</strong> en raffo<strong>le</strong> », raconte Jacqueline,<br />

<strong>le</strong> sourire aux lèvres.<br />

clémence lamirand<br />

personnes concernées<br />

par cette maladie.<br />

Sophie aime aussi<br />

al<strong>le</strong>r à ces réunions<br />

qui lui permettent de<br />

rencontrer des gens<br />

qui souffrent du même<br />

syndrome qu’el<strong>le</strong>. »<br />

idem | 37


Des structures<br />

ouvertes au handicap<br />

Nager<br />

ensemb<strong>le</strong> !<br />

Créé en 1985, l’Aqua Baby Club Ébroicien, dédié<br />

aux bébés nageurs et aux tout-petits ayant peur de l’eau,<br />

a progressivement élargi ses activités en s’ouvrant au<br />

handicap. Avec un seul objectif : faire partager <strong>le</strong>s plaisirs<br />

de l’eau pour effacer <strong>le</strong>s différences.<br />

«<br />

J’aime beaucoup la piscine. Je rou<strong>le</strong><br />

la frite pour nager… » Tristan<br />

Gezolme, 7 ans, a dit l’essentiel et<br />

passe très vite <strong>le</strong> relais à Sandra,<br />

sa maman. « Avant, il n’osait pas<br />

al<strong>le</strong>r dans l’eau. Tristan a une rétinite pigmentaire<br />

qui <strong>le</strong> prive de vision périphérique,<br />

et tout ce qui sort de son champ de vision lui<br />

fait peur. La première fois, en arrivant dans<br />

<strong>le</strong> grand bassin, il a eu une grande frayeur,<br />

mais tout de suite, Véronique et une autre<br />

accompagnatrice l’ont mis en confiance et<br />

maintenant, il adore y al<strong>le</strong>r. Il m’épate parce<br />

qu’il plonge, il va dans <strong>le</strong> grand bassin, et ça,<br />

je ne l’aurais jamais imaginé ! » Véronique<br />

Delaune, la responsab<strong>le</strong> pédagogique de<br />

l’ABCE, se souvient aussi très bien de ces<br />

instants qu’el<strong>le</strong> appel<strong>le</strong> « <strong>le</strong>s petites réussites<br />

». El<strong>le</strong> pourrait d’ail<strong>le</strong>urs en citer biens<br />

d’autres. « Bastien est un petit garçon autiste<br />

qui a toujours refusé <strong>le</strong> grand toboggan.<br />

Et mercredi dernier, il s’est lancé tout seul !<br />

Il ne faut pas brusquer et laisser du temps<br />

pour progresser. D’ail<strong>le</strong>urs, <strong>le</strong> plus diffici<strong>le</strong>,<br />

ce sont <strong>le</strong>s enfants qui ont peur de l’eau. Le<br />

handicap n’est donc pas nécessairement là<br />

38 | idem


À gauche : Bastien et sa maman. Ci-dessous : Tristan.<br />

« Le plus diffici<strong>le</strong>, ce sont <strong>le</strong>s enfants qui ont<br />

peur de l’eau. Le handicap n’est donc pas<br />

nécessairement là où on peut <strong>le</strong> penser »<br />

où on peut <strong>le</strong> penser ». Les douze membres<br />

de l’équipe de l’ABCE ont tous été formés<br />

au handicap, sans vouloir en faire une spécialisation.<br />

Pour Véronique Delaune, l’essentiel<br />

reste l’intégration. « Cela participe<br />

au changement de regard des autres enfants<br />

et c’est vraiment <strong>le</strong> sens de notre démarche.<br />

On fait pareil pour <strong>le</strong>s enfants qui ont peur<br />

de l’eau. On <strong>le</strong>s mélange avec des enfants<br />

qui sont plus à l’aise et qui <strong>le</strong>s aident. »<br />

C’est à la Made<strong>le</strong>ine, une piscine municipa<strong>le</strong><br />

mise à sa disposition, que l’ABCE<br />

accueil<strong>le</strong> <strong>le</strong>s enfants et <strong>le</strong>urs parents, dans<br />

une eau chauffée à plus de 30 degrés.<br />

Pour <strong>le</strong>s personnes qui ne peuvent accéder<br />

toutes seu<strong>le</strong>s au bassin, la piscine est<br />

équipée d’un fauteuil qui tourne et descend,<br />

facilitant ainsi la mise en eau. El<strong>le</strong><br />

dispose par ail<strong>le</strong>urs d’un fauteuil roulant<br />

permettant de faire <strong>le</strong> relais avec <strong>le</strong>s fauteuils<br />

des adhérents. Si ces aménagements<br />

facilitent l’accessibilité, à l’exception d’un<br />

pédiluve qui gêne toujours la circulation<br />

des fauteuils, <strong>le</strong> manque d’espace est plus<br />

problématique puisqu’il n’autorise qu’une<br />

seu<strong>le</strong> cabine adaptée pour <strong>le</strong>s personnes<br />

handicapées. L’ABCE envisage donc de<br />

changer de piscine même si ce déménagement<br />

ne résoudra pas tous <strong>le</strong>s problèmes.<br />

Car pour Véronique Delaune, <strong>le</strong>s freins<br />

à l’accessibilité sont aussi ail<strong>le</strong>urs : « Il ne<br />

faut pas que <strong>le</strong>s parents hésitent en pensant<br />

que ce n’est pas possib<strong>le</strong>. Ils doivent se sentir<br />

libres d’essayer. » Un constat partagé par la<br />

maman de Tristan. « Avant, je me mettais<br />

des obstac<strong>le</strong>s parce que je ne connaissais pas<br />

<strong>le</strong>s possibilités de mon fils par rapport à son<br />

handicap. Les Jeux paralympiques ont servi<br />

de déc<strong>le</strong>ncheur. Ils m’ont permis de voir que<br />

c’était possib<strong>le</strong> ! » Comme pour Emma,<br />

une autre « petite réussite » dont se souvient<br />

toute l’équipe de l’ABCE. « El<strong>le</strong> avait<br />

un retard intel<strong>le</strong>ctuel et a mis un an avant<br />

d’al<strong>le</strong>r dans l’eau. El<strong>le</strong> jouait au bord du<br />

bassin et un jour, quand el<strong>le</strong> avait environ<br />

5 ans, el<strong>le</strong> a dit : « Emma est grande aujourd’hui<br />

», et el<strong>le</strong> est rentrée dans l’eau ! »<br />

laurent tastet<br />

EN SAVOIR PLUS<br />

Aqua Baby Club ébroicien<br />

Tél. : 02 32 24 07 95 / www.abcÉvreux.com<br />

<strong>le</strong>s structures sportives accessib<strong>le</strong>s<br />

www.handiguide.sports.gouv.fr<br />

idem | 39


Des structures<br />

ouvertes au handicap<br />

Lecture pour tous<br />

Située au cœur d’Évreux, la médiathèque municipa<strong>le</strong> développe<br />

depuis plusieurs années des actions en faveur des personnes<br />

handicapées. El<strong>le</strong> propose ainsi des col<strong>le</strong>ctions spécifiques dédiées<br />

aux déficients visuels et aux personnes sourdes ou ma<strong>le</strong>ntendantes.<br />

Courant 2013, el<strong>le</strong> devrait éga<strong>le</strong>ment organiser un portage de livres<br />

à domici<strong>le</strong> pour <strong>le</strong>s personnes à mobilité réduite et âgées.<br />

Accès de plain-pied, ascenseurs,<br />

portes élargies… A<br />

l’occasion de son agrandissement<br />

et réaménagement<br />

il y a quelques années,<br />

la médiathèque d’Évreux a fait peau<br />

neuve afin d’offrir de meil<strong>le</strong>ures conditions<br />

d’accueil et d’accès au plus grand<br />

nombre, notamment aux personnes<br />

en situation de handicap. Cette prise<br />

en compte ne s’est pas arrêtée aux seuls<br />

aménagements puisque, il y a trois ans,<br />

une concertation avec plusieurs associations,<br />

dont l’association Va<strong>le</strong>ntin Haüy et<br />

la Bibliothèque sonore et <strong>le</strong>urs adhérents,<br />

a conduit à la création du « pô<strong>le</strong> basse<br />

vision ». « Nous souhaitions répondre au<br />

mieux à <strong>le</strong>urs attentes et à <strong>le</strong>urs besoins »,<br />

explique Hervé Grosdoit-Artur, responsab<strong>le</strong><br />

multimédia et référent accessibilité<br />

du réseau* des bibliothèques de la vil<strong>le</strong>.<br />

« Jusqu’alors, <strong>le</strong>s col<strong>le</strong>ctions dédiées à ces<br />

publics étaient disséminées dans <strong>le</strong> réseau<br />

des bibliothèques de quartiers ou pas toujours<br />

aisément accessib<strong>le</strong>s. Par exemp<strong>le</strong>, à<br />

la médiathèque, la col<strong>le</strong>ction basse vision<br />

était située au second étage. »<br />

Sensibiliser<br />

<strong>le</strong> grand public<br />

Créé en 2010 au rez-de-chaussée, <strong>le</strong> pô<strong>le</strong><br />

basse vision compte désormais plusieurs<br />

centaines d’ouvrages en gros caractères,<br />

des livres sonores ainsi qu’une centaine<br />

de DVD en audio description, <strong>le</strong>s bibliothèques<br />

de quartier continuant éga<strong>le</strong>ment<br />

à proposer des ouvrages pour <strong>le</strong>s déficients<br />

visuels. Côté technologie, une machine<br />

à lire et un télé-agrandisseur sont<br />

en libre service. « Mais à tout moment, <strong>le</strong>s<br />

usagers peuvent demander aide et conseil<br />

aux personnel. Sur la base du volontariat,<br />

une quinzaine d’agents et bibliothécaires<br />

ont été formés à l’accueil des usagers handicapés<br />

», développe <strong>le</strong> référent. En 2012,<br />

en s’appuyant sur la même démarche de<br />

concertation, c’est <strong>le</strong> « pô<strong>le</strong> sourds » qui<br />

a vu <strong>le</strong> jour. Il propose des ouvrages et<br />

* Le réseau<br />

compte, en plus<br />

du site central,<br />

trois bibliothèques<br />

de quartier et un<br />

bibliobus.<br />

<strong>document</strong>s ayant trait à la culture sourde<br />

ainsi qu’une dizaine de DVD en LSF<br />

(langue française des signes). Cet espace<br />

est aussi un centre de ressources pour <strong>le</strong>s<br />

professionnels et <strong>le</strong>s éducateurs travaillant<br />

dans <strong>le</strong> champ de la surdité. Par ail<strong>le</strong>urs,<br />

la médiathèque organise ponctuel<strong>le</strong>ment<br />

des événements : concert dans <strong>le</strong><br />

noir, projection de films en audiodescription,<br />

soirée conte en LSF… Récemment,<br />

el<strong>le</strong> a accueilli une exposition photographique<br />

réalisée par l’Association Eur’en<br />

Ciel à l’occasion de séances de parapente<br />

organisées pour <strong>le</strong>s personnes atteintes<br />

de handicap. « Mais l’un de nos axes de<br />

travail est désormais de créer des actions<br />

tout public afin qu’y prennent part, sans<br />

différenciation, <strong>le</strong>s personnes en situation<br />

de handicap et <strong>le</strong>s personnes valides. Par<br />

exemp<strong>le</strong>, proposer à tous un évènement<br />

en langue des signes permet de sensibiliser<br />

<strong>le</strong> grand public au handicap », argumente<br />

Hervé Grosdoit-Artur. Forte de<br />

cette dynamique, la médiathèque étudie<br />

actuel<strong>le</strong>ment un projet de portage gratuit<br />

de livres à domici<strong>le</strong> pour <strong>le</strong>s personnes<br />

à mobilité réduite, notamment nonvoyantes<br />

ou âgées. « Pour l’instant, <strong>le</strong> projet<br />

prévoit une tournée hebdomadaire sur<br />

quatre secteurs. A terme, il pourrait être<br />

étendu à d’autres handicaps et à toute la<br />

vil<strong>le</strong> », conclut Hervé Grosdoit-Artur.<br />

françoise vlaemÿnck<br />

40 | idem


nos partenaires<br />

associatifs<br />

Accompagner <strong>le</strong> handicap<br />

Cette année, <strong>le</strong>s Papillons Blancs de Pont-Audemer fêtent<br />

<strong>le</strong>ur cinquantenaire. Un anniversaire qui permet de mesurer<br />

<strong>le</strong> chemin parcouru depuis <strong>le</strong>ur création et de mettre en exergue<br />

<strong>le</strong>s nombreux projets qui verront <strong>le</strong> jour vers 2014.<br />

Lorsque cette association a été<br />

créée en 1963, à l’initiative d’un<br />

coup<strong>le</strong> de parents d’un enfant<br />

atteint d’un handicap mental,<br />

el<strong>le</strong> n’accueillait que 5 ou 6<br />

enfants et employait une dizaine de salariés.<br />

« C’était déjà considérab<strong>le</strong>, souligne<br />

Francis Perna, l’actuel directeur général,<br />

car à l’époque, ce type de handicap était<br />

<strong>le</strong> plus souvent confiné à l’hôpital psychiatrique.<br />

» Cinquante ans plus tard, avec un<br />

budget annuel avoisinant <strong>le</strong>s 9,5 millions<br />

d’euros, <strong>le</strong>s Papillons Blancs de Pont-Audemer<br />

regroupent 9 établissements, emploient<br />

près de 200 salariés et prennent en<br />

charge 365 personnes handicapées.<br />

Construire<br />

un projet de vie<br />

Autre temps, autres moyens, mais la philosophie<br />

reste la même : répondre aux<br />

besoins des famil<strong>le</strong>s et surtout des usagers,<br />

désormais au centre du dispositif.<br />

Trois services sont aujourd’hui dédiés<br />

aux enfants et aux ado<strong>le</strong>scents : un Centre<br />

d’accueil médico-social précoce qui permet<br />

de diagnostiquer <strong>le</strong> handicap dès la<br />

naissance ; un Service d’éducation spécia<strong>le</strong><br />

et de soins à domici<strong>le</strong> qui prend <strong>le</strong><br />

relais de l’éco<strong>le</strong> et favorise l’autonomie<br />

future des enfants ; enfin, un Institut<br />

médico-éducatif qui scolarise <strong>le</strong>s enfants<br />

ne pouvant être accueillis à l’éco<strong>le</strong> et propose<br />

l’apprentissage de différents métiers<br />

pour <strong>le</strong>s plus âgés. Des équipes pluridisciplinaires,<br />

médecins, psychiatres, psychomotriciens,<br />

ergothérapeutes, éducateurs…<br />

se relaient pour assurer <strong>le</strong>s soins<br />

et construire avec <strong>le</strong>s usagers <strong>le</strong>ur projet<br />

de vie. Les plus dépendants pourront<br />

séjourner dans la Maison d’accueil spécialisée<br />

ou être suivis à <strong>le</strong>ur domici<strong>le</strong> par<br />

<strong>le</strong> Service d’accompagnement médicosocial<br />

pour adultes handicapés. Les plus<br />

Les Papillons<br />

Blancs sont<br />

affiliés à<br />

l’UNAPEI,<br />

première<br />

fédération<br />

d’associations<br />

française de<br />

représentation<br />

et de défense<br />

des intérêts<br />

des personnes<br />

handicapées<br />

menta<strong>le</strong>s et de<br />

<strong>le</strong>urs famil<strong>le</strong>s.<br />

autonomes pourront travail<strong>le</strong>r en milieu<br />

ordinaire ou dans l’ESAT qui propose<br />

différents ateliers : menuiserie, espaces<br />

verts, conditionnement de parfum, ensachage,<br />

entretiens des locaux, blanchisserie<br />

et restauration. Un Foyer d’hébergement<br />

col<strong>le</strong>ctif, un Service d’accompagnement à<br />

la vie socia<strong>le</strong> et <strong>le</strong> Centre d’activité de jour<br />

pour travail<strong>le</strong>urs handicapés complètent<br />

pour l’instant ce dispositif, que trois projets<br />

d’envergure viendront bientôt étoffer.<br />

Accompagner<br />

la retraite<br />

Le premier, déjà finalisé, concerne l’ESAT<br />

qui ouvre, au printemps 2013, un restaurant<br />

dans la zone d’activités de Pont-Audemer.<br />

Le second, une résidence service,<br />

proposera des appartements individuels<br />

pour <strong>le</strong>s personnes ayant atteint l’âge de la<br />

retraite. « C’est un projet très important car<br />

il va permettre la prise en charge jusqu’à la<br />

fin de vie, confirme Francis Perna. Avant,<br />

<strong>le</strong> déplacement des usagers en maison de<br />

retraite classique était parfois douloureusement<br />

vécu. Et puis, cela répond aux inquiétudes<br />

des parents pour l’avenir de <strong>le</strong>urs<br />

enfants quand eux-mêmes ne seront plus<br />

là. » En cours de travaux, cette résidence,<br />

réalisée dans un ancien collège de la vil<strong>le</strong>,<br />

partagera <strong>le</strong> site avec <strong>le</strong> nouveau foyer<br />

d’hébergement col<strong>le</strong>ctif, sur l’emplacement<br />

duquel des appartements individuels<br />

pour <strong>le</strong>s personnes en activité seront<br />

construits. Ce troisième projet, éga<strong>le</strong>ment<br />

prévu pour 2014, contribuera, lui aussi, à<br />

l’amélioration de la qualité de vie.<br />

CONTACT<br />

<strong>le</strong>s papillons blancs<br />

Pont-Audemer 02 32 41 15 97<br />

www.<strong>le</strong>spapillonsblancs-pontaudemer.org<br />

Évreux 02 32 62 23 60<br />

laurent tastet<br />

idem | 41


nos partenaires<br />

associatifs<br />

De l’exclusion à l’inclusion<br />

CONTACT<br />

APF<br />

Délégation<br />

départementa<strong>le</strong><br />

de l’<strong>Eure</strong><br />

Lieu-dit Garenne<br />

de Mel<strong>le</strong>vil<strong>le</strong><br />

27930 Guichainvil<strong>le</strong><br />

Tél. : 02 32 28 16 66<br />

http://apf27.blogs.<br />

apf.asso.fr<br />

42 | idem<br />

Depuis 80 ans, l’association<br />

des paralysés de France<br />

(APF) défend et représente<br />

<strong>le</strong>s personnes en situation<br />

de handicap. Outre son<br />

combat quotidien pour faire respecter<br />

<strong>le</strong> droit des personnes handicapées et<br />

son soutien à <strong>le</strong>urs côtés, el<strong>le</strong> a été partie<br />

prenante de nombreux textes législatifs<br />

visant à faire reconnaître et progresser<br />

<strong>le</strong> droit de ces personnes. Grâce à ses<br />

28 000 adhérents, 25 000 bénévo<strong>le</strong>s et<br />

12 000 salariés, l’APF est présente sur<br />

tout <strong>le</strong> territoire à travers ses délégations<br />

départementa<strong>le</strong>s dont une à Évreux.<br />

Au-delà de ses missions traditionnel<strong>le</strong>s,<br />

tel<strong>le</strong>s l’aide à domici<strong>le</strong>, l’accès à l’emploi,<br />

l’accueil, l’information, l’organisation<br />

d’activités culturel<strong>le</strong>s, socia<strong>le</strong>s et de loi-<br />

Vol libre, course à pied, musique, randonnées en 4x4… Nombre<br />

d’associations, à l’origine éloignées du monde du handicap,<br />

s’engagent désormais aux côtés de l’Association des paralysés de<br />

France. El<strong>le</strong>s proposent aux adhérents de l’APF de participer à des<br />

activités dont ils étaient jusqu’alors écartés.<br />

F.Grimaud<br />

sirs, l’APF de l’<strong>Eure</strong> développe des partenariats<br />

avec des structures associatives<br />

qui ont la volonté d’inclure dans <strong>le</strong>urs<br />

activités des personnes atteintes de handicap.<br />

« C’est une démarche relativement<br />

nouvel<strong>le</strong> de la part des ces structures : cela<br />

fait environ cinq ans. J’y vois <strong>le</strong>s effets de la<br />

loi sur <strong>le</strong> handicap de 2005, conjugués au<br />

travail d’associations comme la nôtre qui<br />

œuvrent pour que <strong>le</strong> regard sur <strong>le</strong> handicap<br />

change et qui tentent de <strong>le</strong> rendre visib<strong>le</strong><br />

à l’ensemb<strong>le</strong> de la société. Le plus souvent,<br />

nous rencontrons ces associations à<br />

l’occasion de forums associatifs mais el<strong>le</strong>s<br />

nous contactent aussi directement pour<br />

proposer à nos adhérents de participer à<br />

<strong>le</strong>urs initiatives. Notre but est commun<br />

puisque, de notre côté, nous travaillons<br />

pour que <strong>le</strong>s personnes handicapées accèdent,<br />

si el<strong>le</strong>s <strong>le</strong> désirent, aux activités <strong>le</strong>s<br />

plus variées possib<strong>le</strong> », explique Thibault<br />

Lemagnant, directeur de la délégation de<br />

l’APF de l’<strong>Eure</strong>.<br />

Émotions partagées<br />

Ainsi, depuis plus de trois ans, l’APF a tissé<br />

des liens étroits avec l’association DEFI. Un<br />

partenariat qui permet à ses adhérents de<br />

prendre part régulièrement à des courses<br />

à pied. « Au départ, nous <strong>le</strong>ur avons prêté<br />

notre joë<strong>le</strong>tte (semblab<strong>le</strong> à une chaise à porteur),<br />

mais ensuite l’association a cherché<br />

el<strong>le</strong>-même des subventions pour acquérir<br />

son propre matériel », indique Thibault<br />

Lemagnant. Depuis, <strong>le</strong>s adhérents de l’APF<br />

s’associent à plusieurs courses par an, notamment<br />

<strong>le</strong>s 20 kilomètres de Paris. « Le<br />

fait que chaque participant ait son propre<br />

numéro d’engagement et son dossard nous<br />

a beaucoup séduits. Même si la personne<br />

en joë<strong>le</strong>tte ne court pas à proprement par<strong>le</strong>r,<br />

el<strong>le</strong> fait vraiment partie de l’équipe et<br />

ressent <strong>le</strong>s mêmes émotions que <strong>le</strong>s deux<br />

coureurs qui pilotent. » Dans <strong>le</strong> même esprit,<br />

l’association Les chemins normands<br />

propose depuis quatre ans des balades en<br />

4x4 dans toute la région, sur des chemins<br />

qu’el<strong>le</strong> entretient régulièrement. Une initiative<br />

qui a permis à beaucoup de personnes<br />

en fauteuil roulant ou à mobilité réduite de<br />

découvrir pour la première fois la forêt et<br />

des sites naturels inaccessib<strong>le</strong>s. Plus récemment,<br />

<strong>le</strong> club Eur’En Ciel, section de parapente<br />

animée par la Maison des Jeunes<br />

et de la Culture d’Évreux, dont l’un des<br />

pilotes est breveté pour accompagner des<br />

personnes handicapées, a éga<strong>le</strong>ment proposé<br />

aux adhérents de l’APF des sessions<br />

de vol libre. Certains ont d’ail<strong>le</strong>urs pris part<br />

à la Coupe Icare qui se dérou<strong>le</strong> chaque année<br />

à Saint-Hilaire-du-Touvet dans l’Isère.<br />

Désormais, Eur’En Ciel compte dans ses<br />

rangs une quinzaine de pilotes brevetés<br />

handicap. Plus récemment encore, l’association<br />

Wassa Kumba, qui promeut dans<br />

l’<strong>Eure</strong> <strong>le</strong>s musiques africaines, a organisé<br />

dans <strong>le</strong>s locaux de l’APF un concert de percussions.<br />

Des échanges sont en cours pour<br />

qu’el<strong>le</strong> puisse inclure prochainement des<br />

personnes handicapées dans ses cours. A<br />

suivre…<br />

françoise vlaemÿnck


À Évreux, <strong>le</strong> centre de rééducation auditive Joachim du Bellay, de l’association La Ronce,<br />

suit des enfants sourds ou ma<strong>le</strong>ntendants âgés de 3 à 18 ans. Au programme : un projet<br />

personnalisé mis en œuvre par une équipe pluridisciplinaire.<br />

À L’ECOUTE des<br />

besoins DE L’ENFANT<br />

«<br />

Depuis que Théo est pris en charge<br />

au centre de rééducation auditive<br />

[CRA], il a beaucoup évolué.<br />

Je ne remercierai jamais assez<br />

l’équipe », assure Nadia Tanney,<br />

dont <strong>le</strong> petit garçon est suivi depuis quatre<br />

ans dans cette structure médico-socia<strong>le</strong><br />

(voir p. 9). Accueillant, après notification<br />

de la MDPH, des enfants et ado<strong>le</strong>scents de<br />

l’<strong>Eure</strong> souffrant d’une déficience auditive<br />

avec ou sans troub<strong>le</strong>s associés, <strong>le</strong> CRA a<br />

en effet vocation à <strong>le</strong>s aider à acquérir des<br />

modes de communication, à accompagner<br />

<strong>le</strong>ur scolarité et <strong>le</strong>ur intégration socia<strong>le</strong> et<br />

à soutenir <strong>le</strong>urs parents tout en <strong>le</strong>s impliquant.<br />

À cette fin, <strong>le</strong> centre, dont la capacité<br />

d’accueil est de 26 places, dispose d’une<br />

solide équipe pluridisciplinaire. Médecins<br />

ORL, pédiatre, orthophonistes, audioprothésiste,<br />

psychologue, psychomotricienne,<br />

éducateurs… œuvrent ainsi de concert<br />

pour établir et faire avancer <strong>le</strong> projet de<br />

chaque enfant. « Les objectifs de travail sont<br />

déclinés par l’ensemb<strong>le</strong> des professionnels<br />

mais avec des approches singulières. Pour<br />

nous, <strong>le</strong>s compétences sont col<strong>le</strong>ctives. Par<br />

exemp<strong>le</strong>, l’acquisition du langage oral ne<br />

revient pas qu’à l’orthophoniste, el<strong>le</strong> peut<br />

aussi être du ressort de l’éducatrice spécialisée,<br />

qui emploiera d’autres techniques »,<br />

résume Magali Lehouel<strong>le</strong>ur, directrice.<br />

Une inscription<br />

dans la cité<br />

Chaque projet est discuté avec la famil<strong>le</strong><br />

et tient compte des besoins et potentialités<br />

du jeune. Celui-ci reçoit un planning<br />

hebdomadaire comportant des rendezvous<br />

avec un ou plusieurs professionnels,<br />

des activités en solo ou en groupe,<br />

d’éventuel<strong>le</strong>s séances d’apprentissage de<br />

la langue des signes française (LSF)…<br />

Les soins sont réalisés sur ou hors temps<br />

scolaire. « Nous essayons de ne pas mettre<br />

l’enfant en difficulté en <strong>le</strong> retirant trop<br />

Créée officiel<strong>le</strong>ment en 1955, l’association La Ronce compte divers établissements et services visant à<br />

aider <strong>le</strong>s personnes handicapées. Outre <strong>le</strong> CRA, son secteur « enfants » comprend un CAMSP (centre<br />

d’action médico-socia<strong>le</strong> précoce), un IMP (institut médico-pédagogique), un IMP Pro (institut médicoprofessionnel),<br />

un SASI (service d’accompagnement et soutien à l’intégration scolaire) et un Sessad<br />

(service d’éducation et de soins spécialisés à domici<strong>le</strong>).<br />

souvent de l’éco<strong>le</strong> mais nous voulons aussi<br />

préserver sa vie familia<strong>le</strong>, ses loisirs, son<br />

bien-être », explique la directrice.<br />

Le centre cherche éga<strong>le</strong>ment à faciliter<br />

<strong>le</strong> développement personnel du jeune en<br />

privilégiant son ouverture sur <strong>le</strong> monde.<br />

Des ateliers éducatifs de groupe sont ainsi<br />

organisés grâce à des partenariats avec<br />

des acteurs locaux (Beaux-Arts, Ferme<br />

pédagogique). « Il y a un riche va-etvient.<br />

Les professionnels du médico-social<br />

vont à l’extérieur pour aider <strong>le</strong>s enfants à<br />

s’approprier certaines ressources du territoire<br />

et, à l’inverse, des personnes viennent<br />

au centre, car c’est un lieu de vie », pointe<br />

Magali Lehouel<strong>le</strong>ur. Enfin, <strong>le</strong> CRA a<br />

monté un centre de formation à la LSF<br />

ouvert à tout public. Une autre manière<br />

de tisser un pont entre la société et <strong>le</strong> handicap<br />

auditif. florence raynal<br />

CONTACT<br />

CRA Joachim<br />

du Bellay<br />

13 rue Lavoisier,<br />

27000 Évreux<br />

Tél. : 02 32 28 77 05<br />

www.laronce.asso.fr<br />

cra@laronce.asso.fr<br />

idem | 43


MDPH<br />

Maison Départementa<strong>le</strong><br />

des Solidarités<br />

11 rue Jean de la Bruyère<br />

27000 Évreux<br />

Ligne de bus n o 1,<br />

arrêt Maison Départementa<strong>le</strong><br />

des Solidarités<br />

Accueil<br />

sans interruption<br />

et sans<br />

rendez-vous,<br />

du lundi<br />

au vendredi<br />

de 8h30 à 17h30<br />

Tél : 02 32 31 96 13<br />

No vert : 0800 881 605<br />

Fax : 02 32 60 45 40<br />

Mail : mdph.eure@cg27.fr<br />

Site internet : www.mdph27.fr

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!