43 |2013 봄호 - 프랑스문화예술학회

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184 ❚ 2013 프랑스문화예술연구 제43집 selon des variations d’intensités. Comme nous l’avons dit, la musique modale, profondément liée à la voix (monophonie) ou aux voix (polyphonie) joue sur des différences et des répétitions qui renvoient à des différences de degré d’intensité. « L’intensité est la forme de la différence comme raison du sensible. Toute intensité est différentielle, différence en elle-même 31) » écrit-il. Alors que les intensités semblent toutes renvoyer à un fond univoque préindividuel, l’instrumentalisation tonale, plus descriptive et linéaire dans, par exemple, son aboutissement ultime qu’est l’orchestre symphonique ou l’opéra, distribue davantage des différences sur une distinction de nature ou, plus précisément, la différence de nature y précède la différence d’intensité alors qu’au contraire, dans la logique modale, la différence d’intensité précède la différence de nature. Chaque intensité « étant elle-même une différence, se divise suivant un ordre ou chaque terme de la division se distingue en nature de l’autre. 32) » 3. Vers une esthétique modale Dès lors se démarquer du rapport classique matière/forme est une autre manière de penser les processus d’individuation. Penser une individuation hors du schéma classique de l’hylémorphisme continue d’être un des grands enjeux du questionnement philosophique et donc esthétique d’aujourd’hui 33) . En un mot, si l’art d’une manière 31) Gilles Deleuze, Différence et répétition, Op.cit., p. 287 (je souligne). 32) Gilles Deleuze, Félix Guattari, Mille plateaux, Op.cit., p. 603. 33) Voir Gilbert Simondon, L’individu et sa genèse physico-biologique, Jérôme Millon, 1995.

Modulations & ornements ❚ 185 générale n’a pas de substance, il n’a que des modes ; modalités d’élaboration et de réception qui ont en commun d’être des expériences sensibles du monde. Chaque mode pouvant se définir comme l’individuation expressive d’une expérience singulière puisqu’il ne faut pas comprendre ces modes particuliers comme étant des propriétés – conception qui sous-entend que l’être préexisterait à ses propriétés – mieux serait de les comprendre comme des facultés potentielles mais coextensives à l’individuation même. Une faculté n’est pas un acquis susceptible d’être gagné ou perdu mais une capacité virtuelle (ou possible) de répondre aux circonstances d’une situation donnée et en fonction d’une ligne spécifique, en un mot de l’élaboration d’un style. C’est ici faire appel à un régime spécifique qui ne serait plus celui de propriétés quantifiables et hiérarchisables entre des propriétés supposées soit provisoires soit permanentes, mais à un régime de facultés ou « d’énergies qualitatives » 34) . L’économie de ce régime est donc faite de répétitions différentielles et de modulations intensives, il peut s’entendre comme la recherche intentionnelle de variations d’intensité sensibles. Libérer une intensité équivaut à vouloir faire émerger une différence sensible ; mieux à vouloir créer les conditions d’une expérience sensible de la différence qui ne pourront donc pas être rapportées à des catégories formelles fixes et indépendantes ou à des catégories intellectuelles a priori. La musique atonale ou la musique dite minimaliste, par exemple, jouent sur des séries où les sons en tant que matériaux concrets se substituant à l’harmonique, favorisent une expérience corporelle (embodiment) des mêmes sons qui génère en nous une plus forte 34) L’expression est d’Alfred North Whitehead, Modes of Thought, The Free Press, 1968, p.165.

Modulations & ornements ❚ 185<br />

générale n’a pas de substance, il n’a que des modes ; modalités<br />

d’élaboration et de réception qui ont en commun d’être des<br />

expériences sensibles du monde. Chaque mode pouvant se définir<br />

comme l’individuation expressive d’une expérience singulière puisqu’il<br />

ne faut pas comprendre ces modes particuliers comme étant des<br />

propriétés – conception qui sous-entend que l’être préexisterait à<br />

ses propriétés – mieux serait de les comprendre comme des facultés<br />

potentielles mais coextensives à l’individuation même. Une faculté<br />

n’est pas un acquis susceptible d’être gagné ou perdu mais une<br />

capacité virtuelle (ou possible) de répondre aux circonstances d’une<br />

situation donnée et en fonction d’une ligne spécifique, en un mot de<br />

l’élaboration d’un style. C’est ici faire appel à un régime spécifique<br />

qui ne serait plus celui de propriétés quantifiables et hiérarchisables<br />

entre des propriétés supposées soit provisoires soit permanentes,<br />

mais à un régime de facultés ou « d’énergies qualitatives » 34) .<br />

L’économie de ce régime est donc faite de répétitions différentielles<br />

et de modulations intensives, il peut s’entendre comme la recherche<br />

intentionnelle de variations d’intensité sensibles. Libérer une intensité<br />

équivaut à vouloir faire émerger une différence sensible ; mieux à<br />

vouloir créer les conditions d’une expérience sensible de la différence<br />

qui ne pourront donc pas être rapportées à des catégories formelles<br />

fixes et indépendantes ou à des catégories intellectuelles a priori. La<br />

musique atonale ou la musique dite minimaliste, par exemple, jouent<br />

sur des séries où les sons en tant que matériaux concrets se<br />

substituant à l’harmonique, favorisent une expérience corporelle<br />

(embodiment) des mêmes sons qui génère en nous une plus forte<br />

34) L’expression est d’Alfred North Whitehead, Modes of Thought, The Free Press,<br />

1968, p.165.

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