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Modulations & ornements ❚ 181<br />
(que l’on nomme parfois standard) est limité et les variations semblent<br />
infinies. « La stylistique ornementale, écrit Christine Buci-Glucksmann<br />
dans sa Philosophie de l’ornement, est bien un langage fait d’ambiguïtés,<br />
de variations et de connexions selon des modalités illimitées, même si<br />
les motifs ne le sont pas. 22) » Les motifs ici sont des chants ou séquences<br />
rythmiques traditionnels, souvent de transmission orale, sorte de motifs<br />
(patterns) sur lesquels ou à partir desquels les interprètes s’exécutent,<br />
viennent tisser des variations singulières. « Toute singularité est inventive<br />
et qualitative, insiste Christine Buci-Glucksmann en s’appuyant à la fois<br />
sur de nombreux exemples orientaux et sur la philosophie de la<br />
différence deleuzienne, et implique des agencements faits d’effets<br />
intensifs et d’affects. À l’instar des ornements, elles ne sont ni des choses<br />
ni des êtres, mais des modes d’individuation spécifiques du monde. 23) »<br />
Parce que sans centre 24) , autrement dit sans hiérarchisation<br />
verticale, une des caractéristiques de la musique modale est sa grande<br />
capacité à s’associer à d’autres traditions musicales ; capacité à<br />
l’hybridation, à s’adjoindre des instruments et des voix d’horizons<br />
multiples sur des monodies ou segments mélodiques de départ<br />
particuliers. Il y a donc une grande flexibilité, une capacité à opérer<br />
des branchements, des intégrations de l’intérieur. Cette hybridation<br />
libre n’est possible que parce que l’ornementation modale est pour<br />
l’essentiel faite de micro-discontinuités dont le déploiement opère le<br />
long d’une temporalité multilinéaire ; rhizomatique. Contrairement au<br />
22) Christine Buci-Glucksmann, Philosophie de l’ornement, Galilée, 2008, p. 165<br />
23) Idid., p. 177. (Je souligne)<br />
24) Il existe cependant en musique modale ce qui se nomme l’iso (ou bourdon) qui<br />
apparait davantage comme une ligne de tension autour de laquelle les modulations<br />
s’organisent plus qu’un point focal qu’est la tonique en musique tonale, tonique qui<br />
vient hiérarchiser la phrase musicale.
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