Commerce électronique et normativités alternatives - uoltj
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362 university of ottawa law & technology journal www.<strong>uoltj</strong>.ca<br />
2.1.2.1. Les limites de la conception moderne du droit<br />
La modernité se caractérise « dans le droit par un processus de rationalisation,<br />
illustré par un double phénomène d’autonomisation <strong>et</strong> d’unification » 35 . La<br />
primauté du droit est un des concepts principaux du droit moderne. Ce dernier,<br />
étant basé sur les postulats que l’ordre juridique interne est l’expression pure de<br />
la force absolue du droit <strong>et</strong> la Constitution, la norme juridique supérieure d’où<br />
se déduit tout le système juridique. Le fondement de c<strong>et</strong> ordre juridique procède<br />
du modèle pyramidal de Kelsen, tenant sa juridicité de sa référence à une norme<br />
juridique plus élevée 36 . L’environnement réseau rend c<strong>et</strong>te uniformité, chère aux<br />
penseurs du droit moderne, difficilement applicable au commerce électronique.<br />
En eff<strong>et</strong> :<br />
[l]e droit[,] instrument de régulation sociale, fait face à un défi de taille<br />
lorsqu’il est confronté au commerce électronique. Les données propres aux<br />
communications par réseaux rendent moins efficaces les instruments<br />
traditionnels de régulation, obligeant dans bien des cas à une révision des<br />
concepts <strong>et</strong> du processus de création normative. En dépit de tout cela, on ne<br />
saurait parler d’un vide juridique. De toute façon, le commerce électronique<br />
se fera avec ou sans droit. 37<br />
Ainsi, sans entrer dans des débats théoriques <strong>et</strong> philosophiques sur la<br />
crise du droit moderne 38 , il faut constater la nécessaire remise en cause de ses<br />
concepts traditionnels (la souverain<strong>et</strong>é, la hiérarchie des normes, le caractère<br />
unilatéral de la régulation étatique, <strong>et</strong>c.) dans l’appréhension du phénomène du<br />
commerce électronique. En eff<strong>et</strong>, <strong>et</strong> de manière générale, « le modèle actuel, qui<br />
est l’expression de la modernité politique <strong>et</strong> juridique, <strong>et</strong> qui régit encore<br />
l’organisation <strong>et</strong> le fonctionnement de l’État, serait virtuellement épuisé dans ses<br />
possibilités d’intervention » 39 . Ceci est d’autant plus vrai pour l’environnement<br />
électronique qui confère au droit un environnement « moins tangible <strong>et</strong> moins<br />
fixé » 40 . La production normative étatique exclusive s’avère inadaptée, pour les<br />
environnements réseaux, dans ses modalités de définition <strong>et</strong> d’application du<br />
droit <strong>et</strong> limite les possibilités d’intervention étatique. André-Jean Arnaud<br />
constate que :<br />
35. Jacques Chevallier, « Vers un droit post-moderne? Les transformations de la régulation juridique » 1998:3<br />
Revue du droit public <strong>et</strong> de la science politique en France <strong>et</strong> à l’étranger 659 à la p. 664 [Chevallier, « Vers<br />
un droit post-moderne? »].<br />
36. Hans Kelsen, Allgemeine Theorie der Normen, extrait traduit dans Christophe Grzegorczyk, Françoise<br />
Michaut <strong>et</strong> Michel Troper (dir.), Le positivisme juridique (Bruxelles-Paris : L.G.D.J., 1992) à la p. 206.<br />
37. Vincent Gautrais, Guy Lefebvre <strong>et</strong> Karim Benyekhlef, « Droit du commerce électronique <strong>et</strong> normes<br />
applicables : la notion de lex electronica » 1997:5 Revue de droit des affaires internationales 547 [Gautrais,<br />
Lefebvre <strong>et</strong> Benyekhlef, « Droit du commerce électronique <strong>et</strong> normes applicables »].<br />
38. Maisani <strong>et</strong> Weiner, « Réflexions autour de la conception post-moderne du droit », supra note 2.<br />
39. Daniel Mockle, « Gouverner sans le droit? Mutation des normes <strong>et</strong> nouveaux modes de regulation, » (2002)<br />
43:2 Les Cahiers de droit 143 à la p. 147 [Mockle, Gouverner sans le droit? »]. L’auteur apporte, néanmoins,<br />
une série de nuances à c<strong>et</strong> état de fait.<br />
40. Pierre Trudel, « Les mutations du droit à l’age du numérique » dans Hervé Fischer (dir.), Les défis du<br />
cybermonde (Ste-Foy : Les presses de l’Université Laval, 2003) 51–54 à la p. 53.