10.10.2014 Views

De République à Bastille

De République à Bastille

De République à Bastille

SHOW MORE
SHOW LESS

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

<strong>De</strong> République à <strong>Bastille</strong><br />

<strong>De</strong>s quartiers populaires et bourgeois. <br />

Un mélange de Monarchie de Juillet de Louis Philippe et de Napoléon III, un peu de<br />

Hittorf, beaucoup de Haussmann, un zeste de faubourg du côté de Belleville, de Charonne<br />

ou de Saint-Antoine. A l'est des grands boulevards, le XIe arrondissement en aligne<br />

d'autres, tout aussi dignes est même plus enracinés dans l'histoire de la ville. <br />

<br />

Ainsi le boulevard du Temple, qui accueillit par décret révolutionnaire nombre de théâtres<br />

et lieux de spectacle libérés de la tutelle des rois (le fameux boulevard du Crime) et dont il<br />

reste de fameux rejetons (Bataclan, Le Temple, <strong>De</strong>jazet, côté IIIe arrondissement, Cirque<br />

d'Hiver...). Dans son prolongement, le boulevard Beaumarchais est un bel exemple d'unité<br />

architecturale datant de la Restauration, où les marchands de matériel photographique<br />

rendent un hommage permanent à Daguerre, qui installa son diorama place de la<br />

République. En patte d'oie depuis cette place, le boulevard Voltaire et l'avenue de la<br />

République furent tracés sous Napoléon III par Haussmann d'un coup de sabre dans le<br />

tissu urbain, pour donner plus efficacement du canon en cas d'insurrection... <br />

<br />

La <strong>Bastille</strong> a perdu l'âme de Gavroche pour laisser place aux fêtards et noctambules. Sur<br />

les tracés de la forteresse, croisent les amateurs d'opéra et les plaisanciers du port de<br />

l'Arsenal. Les vrais « branchés », sur qui le temps n'a pas prise à condition qu'ils soient plus<br />

rapides que lui, se sont déplacés, depuis dix ans au moins, de la rue de la Roquette à la rue<br />

Oberkamf... autant dire une éternité. <br />

<br />

Claude Vittiglio<br />

L'alpha et l'oméga de la<br />

contestation<br />

Urbanisme et projet social<br />

Artistes et artisans<br />

Catherine Gillet, l'esprit<br />

des planches<br />

Clocheman, bon génie<br />

de la <strong>Bastille</strong>


L'alpha et l'oméga de la contestation<br />

Il fait bon chanter sous la statue de bronze de la République. <strong>De</strong>puis 1883, le massif Commandeur au féminin en impose à tous ceux<br />

qui ont pris l'habitude de se mettre à ses pieds pour former le cortège des revendications, toutes tendances confondues, car c'est un<br />

peu l'esprit révolutionnaire de 1830, de 1848 et de la Commune qui perdure en ces lieux.<br />

Comme une institutrice au poing levé (la loi sur l'école obligatoire publique, laïque et gratuite date de 1881), elle encourage, ou<br />

admoneste, les jeunes et moins jeunes qui transforment, le temps d'une manifestation, le vaste quadrilatère en cour d'école<br />

chahutante, avant que les rangs ne se forment sous la férule des syndicats et associations venus en délégation.<br />

Au printemps 2006, on manifestait pour rejeter le projet gouvernemental de contrat première embauche (CPE) : une mobilisation sans<br />

précédent, en nombre comme en durée (et finalement victorieuse), de dizaines de milliers de scolaires et étudiants. <br />

<br />

Claude Vittiglio


Urbanisme et projet social<br />

Eric <strong>De</strong>soindre est architecte et militant. <strong>De</strong>puis plusieurs années il anime bénévolement un « atelier populaire » qui<br />

planche sur l’avenir de la Cour de l’Industrie et de ses habitants, en butte aux restructurations du paysage urbain. <br />

<br />

“Le 37 bis, rue de Montreuil est une suite foncière de trois parcelles regroupant des activités artisanales traditionnellement liées au<br />

bois et des ateliers d’artistes. Les parcelles appartenaient à un propriétaire privé qui voulait monter une opération immobilière :<br />

artisans et artistes se sont alors regroupés dans une association (ACI - Association Cours de l’Industrie). La Ville de Paris a ensuite<br />

fait valoir son droit de préemption, a racheté l’ensemble et décrété, dans le cadre du plan d’aménagement, que le site allait rester<br />

consacré aux mêmes activités. Mais la nouvelle gestion des espaces pourrait entraîner des transformations lourdes, comme la<br />

démolition des bâtiments pour en construire de nouveaux, ce qui, dans un second temps, pourrait provoquer un changement de type<br />

de locataires qui occupent le site actuellement et bénéficient de grands espaces à loyers très modérés. Ces derniers ont donc<br />

cherché des appuis et des avis, notamment d’architectes, pour une analyse des lieux, afin d'établir un diagnostic lucide capable<br />

d’évaluer ce qui pouvait être conservé ou modifié...<br />

<br />

Propos recueillis par Claude Vittiglio


Artistes et artisans<br />

Philippe Meynard est un enfant du Xie qui ne s'est pas contenté de vouloir vivre et travailler dans cet arrondissement populaire. Il est<br />

président, depuis 1991, de l'A.C.I., l'association Cour de l'Industrie, pour que s'y maintienne l'activité professionnnelle d'artistes et<br />

d'artisans. Au 37 bis, rue de Montreuil, la garde ne baisse pas, afin que cette enclave plusieurs fois centenaire, et enfin rachetée par<br />

la Ville de Paris, résiste aux appétits immobiliers et à la dénaturation des métiers qui s'y exercent traditionnellement. Paris parviendrat-elle<br />

à garder une saveur de village ? <br />

Paix aux hommes et femmes de bonne volonté !<br />

<br />

http://www.37bis.com<br />

<br />

Claude Vittiglio


Catherine Gillet, l'esprit des planches<br />

Dans son dernier one woman show, "My name is blonde", elle incarne un kaléidoscope de types féminins, de la grande<br />

bourgeoise à la cagole marseillaise. A l'occasion d'une représentation au théâtre le Temple, à Paris, elle évoque sa vie d'artiste<br />

et de femme. <br />

<br />

<strong>De</strong>puis le début des années 90, on voit de plus en plus de femmes sur le devant de la scène comique. Y a-t-il un humour féminin ? <br />

<br />

Je ne crois pas qu'il y ait une vraie tendance dans ce sens, car nous ne sommes pas encore très nombreuses. Simplement, les<br />

femmes ont un accès plus diversifié aux professions traditionnellement masculines, y compris celles du spectacle. Le chemin reste<br />

quand même difficile, car souvent les hommes sont rebutés par l'humour au féminin, comme si les femmes ne pouvaient pas parler<br />

librement des problèmes quotidiens avec leurs enfants ou de leur sexualité, par exemple ; il faut toujours en parler de manière très<br />

détournée. Chacune d'entre nous a un mode de traitement particulier de sa vie : parfois plus intimiste ou introspectif. Quant à moi, je<br />

suis plutôt corrosive. Je crois cependant que nous avons toutes une dimension féministe plus ou moins revendiquée. <br />

<br />

La scène est donc toujours une tribune pour certaines revendications féministes ! <br />

<br />

Il y a des choses qui sont toujours bonnes à dire. L'histoire du porte-jarretelles, par exemple : je prends un grand plaisir à expliquer aux<br />

hommes comment il est incompatible avec la vie quotidienne - ce qui ne leur paraît pas du tout évident dans leur conception idéalisée<br />

de la femme. Cela dit, femmes et hommes, nous sommes tous un peu paumés dans cette société où les repères traditionnels<br />

s'effacent. J'aimerais, moi aussi, que mon mec soit à la fois un archétype de virilité et un as du biberon. Mais… un homme est un<br />

homme et une nana, une nana, avec chacun ses limites : c'est un constat que je vais d'ailleurs développer dans mon prochain<br />

spectacle. Dans ce sketch, je me plais à confronter un fantasme masculin et une fonction de mère de famille avec ses contraintes, mais<br />

je le dis avec beaucoup de tendresse pour les hommes, car je les aime bien et j'ai soif de réconciliation. La preuve, c'est que tout finit<br />

par un strip-tease ! <br />

Je pense que je suis néanmoins féministe : je parle de l'excision en Afrique ou du préservatif féminin, sans être une chienne de<br />

garde. Je crois que les hommes doivent entendre certaines choses, mais qu'on doit les leur dire sans agressivité, ce qui n'a pas<br />

toujours été le cas du temps du « féminisme triomphant », il y a vingt ou trente ans. Etre castratrice n'est pas une solution. <br />

<br />

Vous le dites parfois avec l'accent ! <br />

<br />

J'ai fait le Conservatoire et ai dû me forcer à abandonner mon accent marseillais. Mais lorsque les productions parisiennes viennent<br />

dans le sud, elle demandent aux comédiens de le retrouver ! Cela pose un vrai problème d'identité par rapport à une normalisation du<br />

parler que les médias - et notamment le cinéma - maintiennent largement… (A suivre). <br />

<br />

http://www.catherinegillet.com <br />

<br />

Propos recueillis par Claude Vittiglio<br />

One woman show


One woman show<br />

Suite de l'interview de Catherine Gillet<br />

<br />

Paris est un passage obligé pour un artiste de la scène ?<br />

<br />

J’ai tourné beaucoup en Province. A Paris, il y a trop d’allégeances, trop de « mayonnaise ». Je tâche de faire mon métier<br />

honnêtement, de faire bouger les gens, mais je ne suis pas très à l’aise à Paris, avec le métro, les gens tristes. Le paradoxe, c’est que j’y<br />

fais le mieux mon boulot, puisque ma devise est : “il faut rire pour ne pas pleurer“. Ce soir, j’ai réussi mon pari / Paris, même si la ville<br />

me fait un peu peur au quotidien. La concurrence n’y est pour rien, puisque je viens du festival d’Avignon où il y a, comme à Paris<br />

d'ailleurs, plus de 700 spectacles quotidiens : le mien a été l’un de ceux qui y ont le mieux marché.<br />

Paris reste toutefois un tremplin pour une consécration, mais je pense qu’on n’est pas du tout obligé d’y venir pour bien gagner sa vie ;<br />

ça va très bien pour moi en province, il y a un effet boule de neige qui fonctionne mieux dans les petites villes que dans la capitale. Ici,<br />

c’est le risque du « crève-la-fin », car si l’on ne consacre pas beaucoup d’argent à la communication, personne ne vient. D’ailleurs, je ne<br />

ferai une nouvelle tournée à Paris que s’il y a un budget substantiel pour la promotion du spectacle. Mais je reconnais que j’ai un<br />

parcours atypique, car, en général, un comédien doit « monter à Paris » pour réussir.<br />

En revanche, Paris me paraît indispensable pour la diversification. Si un artiste, et c’est mon cas, ne veut pas se cantonner dans un<br />

genre de représentation, mais aller vers le théâtre ou la télévision, c’est là que sont les réalisateurs et les médias. J’ai aujourd’hui envie<br />

de travailler avec d’autres et dans d’autres directions... <br />

<br />

Propos recueillis par Claude Vittiglio


Clocheman, bon génie de la <strong>Bastille</strong><br />

Il avait la voix enrouée d’avoir trop parlé, trop crié son dégoût de ne pas être écouté par les pouvoirs publics, les passants, vous,<br />

moi, qui passent indifférents à la détresse des sans-abri. Jean-Paul Fantou, connu sous le pseudonyme de Clocheman », s’était<br />

installé dans un abribus de la place de la <strong>Bastille</strong> : beau symbole de la Révolution française. <br />

<br />

Il y était depuis quarante-trois jours lorsque je lui ai rendu visite. Au bout du rouleau, épuisé par une grève de la faim, désespéré de<br />

n’avoir obtenu aucun des moyens pour poursuivre son action contre la misère qui s’acharne sur les SDF (sans-domicile-fixe). Car<br />

Clocheman, 53 ans (dont trente de galère), ne roule pas que pour lui : il s’est engagé dans une lutte généralisée contre l’exclusion,<br />

soutenu par les médias qui ont vu en lui un porte-parole de choix après la publication, fin 2005, d’un livre où il déballe tout : sa propre<br />

déchéance, mais aussi celle de ses frères humains par delà les frontières (Clocheman, Presses de la Renaissance). <br />

Il voulait rencontrer les édiles de la Mairie de Paris, ceux du ministère de la Cohésion sociale, il demandait un local… un minimum pour<br />

se recentrer au moment où 12 000 de ses compatriotes errent dans les rues de la capitale et ses environs immédiats. Il allait jeter<br />

l’éponge, remballer ses cartons et son matelas d’infortune, malgré le soutien d’associations et un vent de sympathie pour son<br />

personnage de « clochard high tech » toujours pendu à son portable.<br />

<br />

Cinq jours plus tard, Clocheman a finalement obtenu gain de cause : la promesse d’un logement via le chef de cabinet du ministre de<br />

la Cohésion sociale, en attendant un bureau et une domiciliation à la Maison des associations du XIIIe arrondissement, pour son<br />

association “Bannissons l’exclusion ».<br />

Une promesse… pour les mois à venir. <br />

Il était temps.<br />

<br />

Association Droit au logement :<br />

http://www.globenet.org/dal/index<br />

<br />

Association Emmaüs :<br />

http://www.emmaus.asso.fr/<br />

<br />

Claude Vittiglio

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!