l'economie des droits de l'homme - creden - Université Montpellier I

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intérêts propres de leurs électeurs spécifiques, mais bien qu’ils agissent perpétuellement en vue de l’intérêt commun, en rendant compte de leurs actes. Ce qui implique que l’esprit de la Commune reconnaît nécessairement le suffrage universel et rejette une quelconque investiture hiérarchique (Marx, 1871, p. 41-43). En outre, si l’éducation était nécessaire à l’exercice de ces droits civils et politiques, justifiant ainsi que les établissements d’instruction soient ouverts au peuple gratuitement (Marx, 1871, p. 42), elle l’est aussi pour assurer les autres droits de l’homme, fondements des objectifs de la Commune, l’enseignement, notamment technique, étant indispensable à l’épanouissement individuel 17 . Ce dernier est le seul en mesure de permettre la réalité de la propriété individuelle, « en transformant les moyens de production, la terre et le capital, aujourd’hui essentiellement moyens d’asservissement et d’exploitation du travail, en simples instruments d’un travail libre et associé » (Marx, 1871, p. 50). Ainsi, la propriété elle-même est un droit de l’homme incontournable qu’il convient de rendre réel pour tous en tant que tel. Dès lors, l’importance accordée par Karl Marx à chaque droit est clairement visible. Il dénonce, par exemple, « les infâmes lois de septembre contre la presse et le droit d’association » (Marx, 1871, p. 26) votées par les adversaires de la Commune, avant qu’ils ne bombardent Paris. Nous n’en dirons pas plus sur ce point 18 afin d’approfondir plus avant deux éléments de l’analyse de Marx qui peuvent être débattus dans une problématique des droits de l’homme. Le premier s’intéresse plus particulièrement à la vision du droit chez Karl Marx ; le second concerne davantage la défense des droits de l’homme que l’on peut trouver au travers de la critique du capitalisme mis en opposition avec la société idéale. II. Droit, puissance et droit de propriété chez Karl Marx. Le rejet des droits de l’homme par K. Marx repose sur le rejet du droit lui-même. En ce sens, K. Marx commet une erreur, selon nous, en assimilant droit et droits de l’homme. Après avoir discuté cette idée, nous soulignerons la définition du droit de propriété chez Marx. 17 Cf. la Critique du programme de Gotha, (Marx et Engels, 1875, p. 36-37). 18 Précisons seulement que Engels défend également l’ensemble des droits, reconnaissant dans une lettre à Kaustky que les droits reconnus à tous par la bourgeoisie de 1871 à 1878 sont importants et non réactionnaires, qu’il s’agisse de la liberté de la presse, d’association, de réunion ou de l’obligation scolaire généralisée (Marx et Engels, 1875, p. 82). 90

A. La confusion entre droits de l’homme et droit des hommes. L’assimilation des droits de l’homme et du droit chez Karl Marx entraîne le rejet de ceux-ci dès lors que l’on rejette celui-là. Le rejet du droit chez Karl Marx repose sur plusieurs éléments, tous liés à l’idée selon laquelle ce sont les conditions réelles, historiques, qui créent les idées et les normes juridiques qui leur sont associées ; le droit n’est plus alors qu’un aspect superficiel de la vie réelle, qu’un reflet de l’économie (Zenati, 1992). Le droit est donc historiquement déterminé et, dans ce cadre, les droits de l’homme eux-mêmes sont déterminés par leur contexte. En suivant Karl Marx, il convient même d’aller plus loin en indiquant que « toute forme de production engendre ses propres rapports juridiques, sa propre forme de gouvernement, etc. » (1857), (Marx, 1859, p. 154). Ce qui implique, par extension, que les droits de l’homme ne peuvent être que les droits du bourgeois, ce qui impose leur rejet : « nous avons, avec beaucoup d’autres, souligné l’opposition entre le communisme et le droit, aussi bien politique et privée que sous la forme la plus générale des droits de l’homme » (Marx et Engels, 1846, p. 202). En associant ainsi droit et droits de l’homme, une erreur est commise au sein même de l’analyse de K. Marx. Si le point de vue de ce dernier sur l’homme en tant qu’homme réel et donc universel, est gardé à l’esprit, il faut convenir que les droits de l’homme sont des droits spécifiques à ne pas confondre avec le droit ; même si de toute évidence, les droits de l’homme, pour être réels, ont besoin d’une reconnaissance juridique (Mourgeon, 1998), (Meyer-Bisch, 1992). Car cela n’implique d’abord pas qu’un droit de l’homme n’ait aucun rôle hors de cette reconnaissance. En effet, la simple déclaration des droits a un rôle fondamental, celui de la reconnaissance même des principes qui les fondent, c’est-à-dire de l’importance intrinsèque de la vie humaine. Plus encore, elle donne naissance à ces droits eux-mêmes qui permettent l’épanouissement de la personne humaine. Y compris chez K. Marx puisque, comme on l’a précédemment souligné, la revendication de ses droits par le prolétariat est l’un des éléments qui le constituent en « masse révolutionnaire » (Marx et Engels, 1846, p. 320). Ensuite, la reconnaissance juridique des droits de l’homme ne doit pas faire oublier que ceux-ci sont aussi des devoirs communs à tous 19 . Autrement dit, les débiteurs des 19 « Les devoirs égaux sont pour nous un complément particulièrement essentiel des droits égaux démocrates-bourgeois et leur enlèvent leur sens spécifiquement bourgeois » : Engels dans sa Critique du programme d’Erfurt, (Marx et Engels, 1875, p. 71) ; ainsi, ce que critique Marx, c’est essentiellement l’égoïsme et l’individualisme bourgeois, cf. (Joubert, 1988). 91

A. La confusion entre <strong>droits</strong> <strong>de</strong> l’homme et droit <strong><strong>de</strong>s</strong> hommes.<br />

L’assimilation <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>droits</strong> <strong>de</strong> l’homme et du droit chez Karl Marx entraîne le rejet <strong>de</strong><br />

ceux-ci dès lors que l’on rejette celui-là. Le rejet du droit chez Karl Marx repose sur<br />

plusieurs éléments, tous liés à l’idée selon laquelle ce sont les conditions réelles,<br />

historiques, qui créent les idées et les normes juridiques qui leur sont associées ; le droit<br />

n’est plus alors qu’un aspect superficiel <strong>de</strong> la vie réelle, qu’un reflet <strong>de</strong> l’économie (Zenati,<br />

1992). Le droit est donc historiquement déterminé et, dans ce cadre, les <strong>droits</strong> <strong>de</strong> l’homme<br />

eux-mêmes sont déterminés par leur contexte.<br />

En suivant Karl Marx, il convient même d’aller plus loin en indiquant que « toute<br />

forme <strong>de</strong> production engendre ses propres rapports juridiques, sa propre forme <strong>de</strong><br />

gouvernement, etc. » (1857), (Marx, 1859, p. 154). Ce qui implique, par extension, que les<br />

<strong>droits</strong> <strong>de</strong> l’homme ne peuvent être que les <strong>droits</strong> du bourgeois, ce qui impose leur rejet :<br />

« nous avons, avec beaucoup d’autres, souligné l’opposition entre le communisme et le<br />

droit, aussi bien politique et privée que sous la forme la plus générale <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>droits</strong> <strong>de</strong><br />

l’homme » (Marx et Engels, 1846, p. 202).<br />

En associant ainsi droit et <strong>droits</strong> <strong>de</strong> l’homme, une erreur est commise au sein même<br />

<strong>de</strong> l’analyse <strong>de</strong> K. Marx. Si le point <strong>de</strong> vue <strong>de</strong> ce <strong>de</strong>rnier sur l’homme en tant qu’homme<br />

réel et donc universel, est gardé à l’esprit, il faut convenir que les <strong>droits</strong> <strong>de</strong> l’homme sont<br />

<strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>droits</strong> spécifiques à ne pas confondre avec le droit ; même si <strong>de</strong> toute évi<strong>de</strong>nce, les<br />

<strong>droits</strong> <strong>de</strong> l’homme, pour être réels, ont besoin d’une reconnaissance juridique (Mourgeon,<br />

1998), (Meyer-Bisch, 1992). Car cela n’implique d’abord pas qu’un droit <strong>de</strong> l’homme n’ait<br />

aucun rôle hors <strong>de</strong> cette reconnaissance. En effet, la simple déclaration <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>droits</strong> a un rôle<br />

fondamental, celui <strong>de</strong> la reconnaissance même <strong><strong>de</strong>s</strong> principes qui les fon<strong>de</strong>nt, c’est-à-dire <strong>de</strong><br />

l’importance intrinsèque <strong>de</strong> la vie humaine. Plus encore, elle donne naissance à ces <strong>droits</strong><br />

eux-mêmes qui permettent l’épanouissement <strong>de</strong> la personne humaine. Y compris chez K.<br />

Marx puisque, comme on l’a précé<strong>de</strong>mment souligné, la revendication <strong>de</strong> ses <strong>droits</strong> par le<br />

prolétariat est l’un <strong><strong>de</strong>s</strong> éléments qui le constituent en « masse révolutionnaire » (Marx et<br />

Engels, 1846, p. 320).<br />

Ensuite, la reconnaissance juridique <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>droits</strong> <strong>de</strong> l’homme ne doit pas faire oublier<br />

que ceux-ci sont aussi <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>de</strong>voirs communs à tous 19 . Autrement dit, les débiteurs <strong><strong>de</strong>s</strong><br />

19 « Les <strong>de</strong>voirs égaux sont pour nous un complément particulièrement essentiel <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>droits</strong> égaux<br />

démocrates-bourgeois et leur enlèvent leur sens spécifiquement bourgeois » : Engels dans sa Critique du<br />

programme d’Erfurt, (Marx et Engels, 1875, p. 71) ; ainsi, ce que critique Marx, c’est essentiellement<br />

l’égoïsme et l’individualisme bourgeois, cf. (Joubert, 1988).<br />

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