l'economie des droits de l'homme - creden - Université Montpellier I

hommes (Marx et Engels, 1946, p. 285). Cette défense de la non-discrimination 14 , à travers
la reconnaissance de l’unité fondamentale de l’homme, va plus loin. Elle s’accompagne
d’une revendication de l’ensemble des droits de l’homme tels que nous les connaissons
aujourd’hui, à travers la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 de l’ONU.
C. L’indivisibilité des droits de l’homme chez Karl Marx.
En définissant l’homme, à la suite d’Aristote, comme un zôon politikon, un animal
politique, Karl Marx pose que celui-ci « n’est pas seulement un animal social, mais encore
un animal qui ne peut s’individualiser que dans la société » (Marx, 1857a, p. 33), « se
constituer comme individu singulier que dans la société » (1857), (Marx, 1859, p. 150).
C’est ce lien étroit entre l’individu et la société qui est essentiel à la problématique des
droits de l’homme. Bien que ce lien existe au moins depuis les écrits de Thomas Paine
(1790), pourtant auteur libéral, c’est surtout à partir de Karl Marx qu’il devient
véritablement ce qu’il est, à savoir à la fois l’affirmation de l’individualité de la personne
humaine et l’affirmation de son existence sociale comme fondement primordial de son
vécu, de sa réalité. Cette double affirmation implique nécessairement l’indivisibilité des
droits de l’homme qui relèvent simultanément des deux aspects.
Ainsi, l’homme en tant qu’être autonome a des besoins de nature, pour ainsi dire,
qui, s’ils ne sont pas satisfaits en tant que droits, interdisent l’usage des autres droits. Si la
force de travail d’un homme n’est rien d’autre que son individualité vivante, cet homme a
besoin de consommer une quantité déterminée de moyens de subsistance pour se
développer et entretenir sa vie (Marx, 1865, p. 46). Ainsi, pour exercer son droit au travail
ainsi que tous ses autres droits, l’homme doit voir reconnu son droit à la vie, garant de son
« individualité vivante ». Le droit à la vie peut ici correspondre au droit fondamental « à la
sécurité » qui implique le droit d’accès aux ressources nutritives. Ainsi Karl Marx montre,
à la suite d’Adam Smith et en précurseur/inspirateur d’Amartya Sen, que les famines ne
sont pas dues à un manque de nourriture, mais à un manque de droits d’accès à celle-ci
(Marx et Engels, 1846, p. 312nbp), (Marx, 1858, p. 173) 15 . L’indivisibilité des droits
sociaux et des droits civils et politiques est éclairée ici. En effet, c’est la reconnaissance
14 Egalement affirmée in (Marx et Engels, 1846, p. 430) et dans les considérants du programme ouvrier
français de 1880, écrits par Karl Marx : « (…) l’émancipation de la classe productive est celle de tous les
êtres humains sans distinction de sexe, ni de race (…) » (Marx et Engels, 1875, p. 87).
15 Droit d’accès qui se résume principalement chez Smith au pouvoir d’achat ; sur ce thème, cf. (Sen, 1993a,
p. 27-29), (Hugon,1999) , ainsi que (Perroux, 1961, p. 554-558).
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