l'economie des droits de l'homme - creden - Université Montpellier I

sérieusement à prévenir la propagation dans la grande masse du peuple de la lèpre
ou de toute autre maladie dégoûtante et répugnante, quoiqu’elle soit ni mortelle ni
dangereuse, même s’il ne pouvait en résulter d’autre bien public que la prévention
d’un mal public aussi grand. On peut dire la même chose de la grande ignorance et
de la grande stupidité qui, dans une société policée, semble si souvent engourdir
l’entendement de tous les rangs inférieurs du peuple. (…) L’Etat dût-il ne tirer
aucun avantage de l’instruction des rangs inférieurs du peuple qu’il devrait toujours
veiller à ce qu’ils ne fussent pas totalement incultes. [Or l’Etat en tire avantage car]
un peuple instruit et intelligent est toujours plus convenable et discipliné qu’un
peuple ignorant et stupide. [Et qui plus est], dans les pays libres, où la sécurité du
gouvernement dépend beaucoup du jugement favorable que peut former le peuple
de sa conduite, il doit être sûrement de la plus haute importance qu’il ne fût pas
enclin à la juger sans réfléchir ou par caprice » (Smith, 1776, p. 883-884).
Voilà qui peut donner à méditer, notamment sur le rôle des médias dans nos sociétés
contemporaines. Quoi qu’il en soit, l’importance de l’éducation ayant été soulignée, à la
fois pour l’économie (il vaut mieux que les travailleurs soient disciplinés et conscients de
leur rôle) et pour le système (capacité de jugement des citoyens), nous pouvons conclure
par la constatation qu’Adam Smith est pour la séparation des pouvoirs, ce qui confirme
qu’il soutient la démocratie « bien interprétée ».
C’est Rosenberg, à partir de l’analyse des Lectures on Rhetoric and Belles Lettres
de Smith, qui établit que celui-ci est pour la séparation des pouvoirs. Cette dernière peut
d’abord être vue comme une application de la division du travail : l’individu qui possède le
pouvoir est aussi le juge dans les sociétés archaïques. Mais cette dernière fonction ne lui
apporte que peu d’intérêt et, la société se complexifiant, il préfère l’abandonner
(Petkantchin, 1996, p. 130s). Cette séparation, toutefois, est aussi appelée par l’intérêt
supérieur qu’elle représente pour la collectivité. Effectivement, « quand le pouvoir
judiciaire est uni au pouvoir exécutif, il est presque impossible que la justice ne soit pas
souvent sacrifiée à ce que l’on appelle vulgairement la politique. » (Smith, 1776, p. 823).
Or, « la liberté de chaque individu, le sentiment qu’il a de sa propre sûreté dépend de
l’administration impartiale de la justice. » (Idem). Il convient donc que le pouvoir
judiciaire soit le plus indépendant qu’il est possible du pouvoir exécutif. La séparation des
pouvoirs est affirmée dès la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, et
l’indépendance de la justice est rigoureusement nécessaire à la reconnaissance et à
l’exercice de l’ensemble des droits judiciaires, civils et politiques.
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