l'economie des droits de l'homme - creden - Université Montpellier I

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gens industrieux de son voisinage, de même en est-il d’une nation riche » (Smith, 1776, p. 559). Autrement dit, la nation développée « ne peut pas vendre et acheter ses propres marchandises. La faculté d’acheter doit résider hors d’elle ; c’est pourquoi la prospérité de toute nation commerçante est réglée par la prospérité des autres. Si celles-ci sont pauvres, elle ne saurait être riche » (Paine, 1790, p. 244). Il convient toutefois de réguler ce commerce car l’on peut observer que : « le commerce, qui devrait naturellement être, entre les nations, comme entre les individus, un lien d’union et d’amitié, est devenu la plus fertile des sources de discorde et d’animosité. L’ambition capricieuse des rois et des ministres n’a pas été, dans notre siècle et dans le précédent, plus fatale au repos de l’Europe que la jalousie mal placée des marchands et des manufacturiers. La violence et l’injustice de ceux qui gouvernent l’humanité sont un mal ancien, contre lequel, j’en ai peur, la nature des affaires humaines ne peut pas grand chose. Mais, quoiqu’on ne puisse peut-être pas corriger la rapacité sordide, l’esprit de monopole, des marchands et des manufacturiers, qui ne sont, ni ne devraient être les dirigeants de l’humanité, on peut très facilement l’empêcher de nuire à la tranquillité de tout autre qu’euxmêmes » (Smith, 1776, p. 558) (souligné par nous). Nous suivons Daniel Diatkine (1996, p. 23) pour qui Adam Smith ne s’oppose pas spécialement à l’intervention de l’Etat, mais plutôt à « l’intervention des marchands dans la politique ». Les implications d’une telle observation sont multiples, la première étant l’importance des droits sociaux en opposition aux volontés mercantiles. II. Les débuts du droit au travail. Adam Smith et Thomas Paine sont deux opposants au corporatisme. Dans ce cadre, Adam Smith peut être vu, au-dede « l’économiste du travail » 6 , comme un véritable défenseur des droits sociaux avant l’heure. Il paraît intéressant de noter deux points : d’abord l’opposition aux corporations, puis la défense des intérêts des travailleurs. 6 Selon l’analyse de Jacques Fontanel, notamment dans Vigezzi (1995, p. 165s). 64

A. Le rejet du système des corporations : l’affirmation des libertés. Les corporations sont à bannir car elles empêchent le développement du commerce et fixent par là-même des salaires minima (c’est-à-dire réduits légalement à un minimum) (Paine, 1790, p. 253-254) et des prix maxima, ce qui est contraire à l’intérêt du consommateur et donc de la société tout entière. Quoi qu’il en soit, la préoccupation d’efficacité du système pousse à rejeter les corporations d’abord parce qu’elles entravent les libertés. Par la limitation de l’accès à leurs professions, elles réduisent la possibilité de choisir son travail librement (Smith, 1776, p. 139s). Qui plus est, en imposant un apprentissage long (sept ans), elles rendent les apprentis paresseux car elles les privent de leur liberté ; l’apprenti est fainéant car il n’a pas d’intérêt à être autrement : il travaille pour le seul profit de son employeur, auquel il peut même devoir un salaire pour payer cet apprentissage (Idem, p. 143). De plus, « la loi sur l’apprentissage obstrue la libre circulation du travail d’un emploi à un autre, même au même endroit. Les privilèges exclusifs des corporations l’obstruent d’un endroit à un autre, même dans le même emploi » (Idem, p. 158). Les corporations rendent donc l’économie inefficace en empêchant la libre circulation des individus, le libre choix et le libre exercice de son travail. Clairement ici, ces droits de l’homme – qui n’apparaissent explicitement qu’à partir de 1948 7 – sont considérés comme utiles à l’efficacité du système économique. Mais ils ont aussi une valeur en soi qui ressort à travers une certaine défense du monde ouvrier. B. La défense des intérêts des travailleurs. A la limitation de mouvement imposée par les corporations s’ajoute la loi sur les pauvres. Mais Adam Smith ne défend pas seulement cette liberté première, il entend aussi garantir le droit de propriété ainsi que les droits de coalition ouvrière – ou du moins empêcher toute ségrégation favorable aux employeurs. 7 Bien que des traces puissent en être trouvées auparavant, ce n’est qu’à partir de 1948 qu’ils ont réellement été déterminés et reconnus. Comme source proche d’Adam Smith, bien que postérieure à sa mort en 1790, l’article 17 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1793 peut être cité : « Nul genre de travail, de culture, de commerce, ne peut être interdit à l’industrie des citoyens. » 65

gens industrieux <strong>de</strong> son voisinage, <strong>de</strong> même en est-il d’une nation riche » (Smith, 1776, p.<br />

559). Autrement dit, la nation développée « ne peut pas vendre et acheter ses propres<br />

marchandises. La faculté d’acheter doit rési<strong>de</strong>r hors d’elle ; c’est pourquoi la prospérité <strong>de</strong><br />

toute nation commerçante est réglée par la prospérité <strong><strong>de</strong>s</strong> autres. Si celles-ci sont pauvres,<br />

elle ne saurait être riche » (Paine, 1790, p. 244).<br />

Il convient toutefois <strong>de</strong> réguler ce commerce car l’on peut observer que :<br />

« le commerce, qui <strong>de</strong>vrait naturellement être, entre les nations, comme entre les<br />

individus, un lien d’union et d’amitié, est <strong>de</strong>venu la plus fertile <strong><strong>de</strong>s</strong> sources <strong>de</strong><br />

discor<strong>de</strong> et d’animosité. L’ambition capricieuse <strong><strong>de</strong>s</strong> rois et <strong><strong>de</strong>s</strong> ministres n’a pas été,<br />

dans notre siècle et dans le précé<strong>de</strong>nt, plus fatale au repos <strong>de</strong> l’Europe que la<br />

jalousie mal placée <strong><strong>de</strong>s</strong> marchands et <strong><strong>de</strong>s</strong> manufacturiers. La violence et l’injustice<br />

<strong>de</strong> ceux qui gouvernent l’humanité sont un mal ancien, contre lequel, j’en ai peur,<br />

la nature <strong><strong>de</strong>s</strong> affaires humaines ne peut pas grand chose. Mais, quoiqu’on ne puisse<br />

peut-être pas corriger la rapacité sordi<strong>de</strong>, l’esprit <strong>de</strong> monopole, <strong><strong>de</strong>s</strong> marchands et<br />

<strong><strong>de</strong>s</strong> manufacturiers, qui ne sont, ni ne <strong>de</strong>vraient être les dirigeants <strong>de</strong> l’humanité,<br />

on peut très facilement l’empêcher <strong>de</strong> nuire à la tranquillité <strong>de</strong> tout autre qu’euxmêmes<br />

» (Smith, 1776, p. 558) (souligné par nous).<br />

Nous suivons Daniel Diatkine (1996, p. 23) pour qui Adam Smith ne s’oppose pas<br />

spécialement à l’intervention <strong>de</strong> l’Etat, mais plutôt à « l’intervention <strong><strong>de</strong>s</strong> marchands dans<br />

la politique ». Les implications d’une telle observation sont multiples, la première étant<br />

l’importance <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>droits</strong> sociaux en opposition aux volontés mercantiles.<br />

II. Les débuts du droit au travail.<br />

Adam Smith et Thomas Paine sont <strong>de</strong>ux opposants au corporatisme. Dans ce cadre,<br />

Adam Smith peut être vu, au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong> « l’économiste du travail » 6 , comme un véritable<br />

défenseur <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>droits</strong> sociaux avant l’heure. Il paraît intéressant <strong>de</strong> noter <strong>de</strong>ux points :<br />

d’abord l’opposition aux corporations, puis la défense <strong><strong>de</strong>s</strong> intérêts <strong><strong>de</strong>s</strong> travailleurs.<br />

6 Selon l’analyse <strong>de</strong> Jacques Fontanel, notamment dans Vigezzi (1995, p. 165s).<br />

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