l'economie des droits de l'homme - creden - Université Montpellier I

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dont sont exempts ceux qui la brassent eux-mêmes pour leur propre usage, c’est-à-dire généralement les membres de l’aristocratie. C’est une logique des besoins qui apparaît ici et qui crée un lien entre justice et efficacité. C’est une situation juste qui est efficace, et non l’inverse. Ainsi, le progrès des manufactures n’est justifié que parce qu’il permet la baisse des prix des biens dits de « nécessité », ce qui facilite la satisfaction des besoins des plus pauvres. En outre, l’efficacité du système en est renforcée, car la baisse des prix limite la nécessité d’augmenter les salaires. En évitant que le poids des impôts ne tombe démesurément sur les plus pauvres, Adam Smith veut donc permettre la meilleure situation économique possible pour le progrès. Dans cette optique, il propose des droits de péage supérieurs sur « les voitures de luxe, sur les carrosses (…) ; on fait contribuer d’une manière très facile l’indolence et la vanité des riches au secours des pauvres, en rendant meilleur marché le transport des marchandises pondéreuses dans toutes les différentes parties du pays. » (Smith, 1776, p. 826). Il défend l’idée selon laquelle ceux qui utilisent les infrastructures doivent être ceux qui payent 2 , mais également, les produits transportés doivent être taxés en fonction de leur degré de nécessité. L’impôt doit répondre à la fois au besoin de financement des dépenses publiques et à un certain objectif redistributif. Le but est de ne pas pénaliser les pauvres par une augmentation injustifiée du prix des denrées usuelles. Enfin, le point IV de Smith et l’article 15 de la Déclaration de 1789 définissent une problématique centrale, autant chez Adam Smith que chez Thomas Paine : la nécessité de ne pas laisser un gouvernement dépenser les ressources publiques inutilement. La place des souverains doit ainsi être définie. Ceux-ci ne doivent pas prendre leur « jugement pour l’arbitre suprême de ce qui est bien et de ce qui est mal » sinon ils « pensent que l’Etat est fait pour eux, et non pas eux pour l’Etat » (Smith, 1790, p. 273) 3 . Alors qu’au contraire, le gouvernement « est un dépôt confié par ceux qui en ont le droit, et qu’ils peuvent toujours reprendre. Il n’a par lui-même aucun droit, il n’a que des devoirs à remplir » (Paine, 1790, p. 219). C’est pourquoi l’argent prélevé par imposition doit se limiter au strict nécessaire. Il doit, en outre, être utilisé au mieux des intérêts de l’ensemble de la société, car « les diverses formes de gouvernement ne sont estimées qu’en proportion du bonheur qu’elles 2 Par exemple, le pavage et l’éclairage de Londres doivent être financés par un impôt sur les habitants de Londres, (Smith, 1776, p. 833-834). 3 La référence de la Théorie des sentiments moraux donnée ici est celle de la deuxième édition. La première édition ayant paru en 1756, nous préférons malgré tout indiquer la date 1790 pour bien souligner que Smith a une vision d’ensemble et ne dissocie pas l’économie politique de la philosophie morale ; Cf. (Petkantchin, 1996), (Wisman, 1990). 60

tendent à procurer à ceux qui y sont soumis : c’est tout leur but et leur unique fin » (Smith, 1790, p. 213). Il convient donc de surveiller l’emploi de l’argent alloué à des travailleurs improductifs (comme ceux d’une cour splendide, d’un grand établissement ecclésiastique, des grandes flottes et des grandes armées), car il provient du produit du travail d’autres hommes ; et il y a là le risque d’un gaspillage et d’une dégradation du produit, prélevé, à terme, de façon illégitime (Smith, 1776, p. 393). C’est pourquoi il convient de définir « la quotité, l’assiette, le recouvrement et la durée » (art. 14, 1789) de l’impôt et de pouvoir « demander compte à tout agent public de son administration. » (art. 15, 1789). Mais contrôler l’impôt ne suffit pas à garantir l’efficacité du gouvernement ; encore faut-il pouvoir limiter ses excès militaires, même s’ils peuvent paraître légitimes au demeurant. B. Du poids financier de la guerre à la thèse du « doux commerce ». Au dix-huitième siècle, l’armée est une noble institution dont la mission relève du service public : la défense du territoire national et de ses ressortissants. De fait, même si les militaires sont des travailleurs improductifs, ils ont une utilité certaine. Cependant, la guerre en elle-même coûte cher et viole le plus souvent les règles de la justice. De plus, les règlements du commerce ainsi que la politique de conquête coloniale nuisent à la fois au commerce lui-même et, bien sûr, à la paix de l’ensemble des nations. D’où l’idée que le commerce libre peut permettre la paix internationale. 1. La guerre coûte cher. La guerre se révèle être une charge injustifiée sur les contribuables, et nuit à l’économie tout entière par un gaspillage de l’argent par des dépenses improductives. Elle a pour conséquence l’accumulation de dettes de l’Etat et donc l’augmentation constante des impôts qui, une fois la paix revenue, se maintiennent par la nécessité de rembourser la dette et de payer l’intérêt (Smith, 1776, p. 1044s). De plus, entretenir une armée coûte cher, et ce d’autant plus que c’est une dépense improductive, car le service de l’armée ne produit rien de durable ; la protection et la sûreté qu’il procure à la collectivité doivent être sans cesse renouvelées, d’une année sur l’autre (Smith, 1776, p. 380). C’est pourquoi il serait utile d’engager un désarmement (Paine, 1790, p. 290-291) et si la France et l’Angleterre concevaient une alliance, « elles n’auraient plus besoin des mêmes flottes ni des mêmes armées et elles pourraient chacune de son côté faire une réduction, navire par 61

ten<strong>de</strong>nt à procurer à ceux qui y sont soumis : c’est tout leur but et leur unique fin » (Smith,<br />

1790, p. 213). Il convient donc <strong>de</strong> surveiller l’emploi <strong>de</strong> l’argent alloué à <strong><strong>de</strong>s</strong> travailleurs<br />

improductifs (comme ceux d’une cour splendi<strong>de</strong>, d’un grand établissement ecclésiastique,<br />

<strong><strong>de</strong>s</strong> gran<strong><strong>de</strong>s</strong> flottes et <strong><strong>de</strong>s</strong> gran<strong><strong>de</strong>s</strong> armées), car il provient du produit du travail d’autres<br />

hommes ; et il y a là le risque d’un gaspillage et d’une dégradation du produit, prélevé, à<br />

terme, <strong>de</strong> façon illégitime (Smith, 1776, p. 393). C’est pourquoi il convient <strong>de</strong> définir « la<br />

quotité, l’assiette, le recouvrement et la durée » (art. 14, 1789) <strong>de</strong> l’impôt et <strong>de</strong> pouvoir<br />

« <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r compte à tout agent public <strong>de</strong> son administration. » (art. 15, 1789). Mais<br />

contrôler l’impôt ne suffit pas à garantir l’efficacité du gouvernement ; encore faut-il<br />

pouvoir limiter ses excès militaires, même s’ils peuvent paraître légitimes au <strong>de</strong>meurant.<br />

B. Du poids financier <strong>de</strong> la guerre à la thèse du « doux commerce ».<br />

Au dix-huitième siècle, l’armée est une noble institution dont la mission relève du<br />

service public : la défense du territoire national et <strong>de</strong> ses ressortissants. De fait, même si les<br />

militaires sont <strong><strong>de</strong>s</strong> travailleurs improductifs, ils ont une utilité certaine. Cependant, la<br />

guerre en elle-même coûte cher et viole le plus souvent les règles <strong>de</strong> la justice. De plus, les<br />

règlements du commerce ainsi que la politique <strong>de</strong> conquête coloniale nuisent à la fois au<br />

commerce lui-même et, bien sûr, à la paix <strong>de</strong> l’ensemble <strong><strong>de</strong>s</strong> nations. D’où l’idée que le<br />

commerce libre peut permettre la paix internationale.<br />

1. La guerre coûte cher.<br />

La guerre se révèle être une charge injustifiée sur les contribuables, et nuit à<br />

l’économie tout entière par un gaspillage <strong>de</strong> l’argent par <strong><strong>de</strong>s</strong> dépenses improductives. Elle<br />

a pour conséquence l’accumulation <strong>de</strong> <strong>de</strong>ttes <strong>de</strong> l’Etat et donc l’augmentation constante<br />

<strong><strong>de</strong>s</strong> impôts qui, une fois la paix revenue, se maintiennent par la nécessité <strong>de</strong> rembourser la<br />

<strong>de</strong>tte et <strong>de</strong> payer l’intérêt (Smith, 1776, p. 1044s). De plus, entretenir une armée coûte<br />

cher, et ce d’autant plus que c’est une dépense improductive, car le service <strong>de</strong> l’armée ne<br />

produit rien <strong>de</strong> durable ; la protection et la sûreté qu’il procure à la collectivité doivent être<br />

sans cesse renouvelées, d’une année sur l’autre (Smith, 1776, p. 380). C’est pourquoi il<br />

serait utile d’engager un désarmement (Paine, 1790, p. 290-291) et si la France et<br />

l’Angleterre concevaient une alliance, « elles n’auraient plus besoin <strong><strong>de</strong>s</strong> mêmes flottes ni<br />

<strong><strong>de</strong>s</strong> mêmes armées et elles pourraient chacune <strong>de</strong> son côté faire une réduction, navire par<br />

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