l'economie des droits de l'homme - creden - Université Montpellier I

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I. Des droits du citoyen contribuable aux droits de l’homme. Plusieurs thèmes se recoupent chez A. Smith et T. Paine, en particulier le rejet de l’étatisme et des impôts, ainsi que celui du corporatisme. Ces thèmes, de même que l’opposition au développement du militarisme, source de dépenses stériles, sont des éléments centraux à la fois d’une défense des droits de l’homme et d’une certaine promotion de l’économie de marché. Ainsi, une critique de l’Etat existe chez Adam Smith, qui se focalise sur deux aspects précis : l’inefficience de certains impôts et le rôle négatif de la guerre pour l’économie 1 . A. La question des impôts. Les impôts et leur contrôle occupent une place de choix dans la Déclaration de 1789 (articles 13-14-15), car il s’agit de contrôler la puissance de l’Etat qui doit être le serviteur du peuple et non son oppresseur. Adam Smith, avant cette déclaration, précisait déjà ce qui peut être payé sans injustice par la contribution générale, à savoir ce qui bénéficient à l’ensemble de la société : la défense de la société, la dignité du magistrat suprême, l’administration de la justice, l’entretien de bonnes routes, les institutions pour l’éducation ; cela en précisant que « tous les différents membres contribuent d’aussi près que possible en proportion de leurs capacités respectives » (Smith, 1776, p. 917-918). Adam Smith donne ainsi quatre règles fondamentales de tout impôt juste : « I. Les sujets de tout Etat devraient contribuer au soutien du gouvernement, autant que possible en proportion de leurs capacités respectives, c’est-à-dire, en proportion du revenu dont ils jouissent respectivement sous sa protection. (…) II. L’impôt que chaque individu est obligé de payer devrait être certain, et non pas arbitraire. (…) III. Tout impôt devrait être levé au moment, ou de façon qui rendent son payement le plus commode au contribuable. (…) IV. Tout impôt devrait être conçu de façon à prélever le moins possible sur le peuple et à le priver le moins possible au-dede ce qu’il fait entrer dans le trésor public de l’Etat. » (Smith, 1776, p. 929-930). Ce qui conduit à plusieurs remarques : 1 Nous pouvons aussi signaler une convergence notable entre Thomas Paine et Adam Smith en ce qui concerne la religion qui doit être vue comme un droit naturel, c’est-à-dire individuel. La religion ne doit pas être religion d’Etat ; il convient au contraire de respecter la liberté d’opinion religieuse de chacun. On peut se reporter sur ce point précis à (Paine, 1790, p. 99, 118) et (Smith, 1776, p. 890-902, 943-945). 58

Tout d’abord, il s’agit pour Adam Smith d’éviter la violation de la vie privée en limitant la nécessité d’« investigations parfaitement insupportables dans un pays libre » (Smith, 1776, p. 963). Ce thème récurrent chez Smith est celui qui justifie le point II ; il faut que l’impôt soit simple, légitime et non arbitraire, et qu’il empêche ainsi les abus de pouvoir (notamment des collecteurs). Il protège ainsi les individus de la même manière que souhaite le faire l’article 14 de la Déclaration de 1789. Ensuite, il veut éviter que les pauvres subissent les charges les plus lourdes (Smith, 1776, p. 984). Tout comme T. Paine après lui (1790, p. 278-279), Adam Smith défend un impôt qui soit fonction des capacités contributives, ainsi que ce qui est connu aujourd’hui sous le nom de principe « utilisateur-payeur ». Il défend ces principes pour deux raisons : la justice et l’efficacité ; la première étant prioritaire, elle sous-tend la seconde. La justice veut que les plus pauvres, qui sont les moins à même de payer de fortes taxes, payent de manière moindre que les plus riches qui, eux, ont les moyens de contribuer davantage aux fonds publics. Cette contribution supérieure des plus riches est d’ailleurs pleinement justifiée puisqu’ils sont ceux qui ont le plus à perdre et qui ont donc le plus besoin des infrastructures publiques (armée de défense, institutions de justice, etc.) A cet égard, l’exemple de l’impôt sur la « rente des maisons », c’est-à-dire l’impôt foncier, est une parfaite illustration de la pensée de Smith : « La proportion de la dépense de la rente de maison à la dépense totale pour vivre est différente suivant les degrés de fortune. La proportion est peut-être la plus haute au plus haut degré, et elle diminue peu à peu dans les degrés inférieurs, de façon à être en général la plus basse au degré le plus bas. Ce sont les nécessités de la vie qui font la grande dépense des pauvres. Ils trouvent difficile de se nourrir, et la plus grande partie de leur petit revenu est dépensée en subsistance. (…) Un impôt sur les rentes des maisons frapperait donc en général plus lourdement les riches ; et dans cette sorte d’inégalité, il n’y aurait peut-être rien de très déraisonnable. Il n’est pas très déraisonnable que les riches contribuent à la dépense publique, non seulement en proportion de leur revenu, mais aussi un peu au-dede cette proportion » (Smith, 1776, p. 949-950) (souligné par nous). De la même manière, il s’oppose aux impôts qui frappent les denrées de consommation courante, d’autant plus que ces impositions ne touchent pas toujours les riches. Ainsi, il dénonce le fait que les pauvres souffrent de l’augmentation artificielle, résultant des taxes, du prix des produits de base (sel, savon, cuir, chandelles, etc.) (Smith, 1776, p. 288). Il dénonce en particulier, et Thomas Paine à sa suite (1790, p. 256-258), l’impôt sur la bière 59

I. Des <strong>droits</strong> du citoyen contribuable aux <strong>droits</strong> <strong>de</strong> l’homme.<br />

Plusieurs thèmes se recoupent chez A. Smith et T. Paine, en particulier le rejet <strong>de</strong><br />

l’étatisme et <strong><strong>de</strong>s</strong> impôts, ainsi que celui du corporatisme. Ces thèmes, <strong>de</strong> même que<br />

l’opposition au développement du militarisme, source <strong>de</strong> dépenses stériles, sont <strong><strong>de</strong>s</strong><br />

éléments centraux à la fois d’une défense <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>droits</strong> <strong>de</strong> l’homme et d’une certaine<br />

promotion <strong>de</strong> l’économie <strong>de</strong> marché. Ainsi, une critique <strong>de</strong> l’Etat existe chez Adam Smith,<br />

qui se focalise sur <strong>de</strong>ux aspects précis : l’inefficience <strong>de</strong> certains impôts et le rôle négatif<br />

<strong>de</strong> la guerre pour l’économie 1 .<br />

A. La question <strong><strong>de</strong>s</strong> impôts.<br />

Les impôts et leur contrôle occupent une place <strong>de</strong> choix dans la Déclaration <strong>de</strong> 1789<br />

(articles 13-14-15), car il s’agit <strong>de</strong> contrôler la puissance <strong>de</strong> l’Etat qui doit être le serviteur<br />

du peuple et non son oppresseur. Adam Smith, avant cette déclaration, précisait déjà ce qui<br />

peut être payé sans injustice par la contribution générale, à savoir ce qui bénéficient à<br />

l’ensemble <strong>de</strong> la société : la défense <strong>de</strong> la société, la dignité du magistrat suprême,<br />

l’administration <strong>de</strong> la justice, l’entretien <strong>de</strong> bonnes routes, les institutions pour<br />

l’éducation ; cela en précisant que « tous les différents membres contribuent d’aussi près<br />

que possible en proportion <strong>de</strong> leurs capacités respectives » (Smith, 1776, p. 917-918).<br />

Adam Smith donne ainsi quatre règles fondamentales <strong>de</strong> tout impôt juste :<br />

« I. Les sujets <strong>de</strong> tout Etat <strong>de</strong>vraient contribuer au soutien du gouvernement, autant<br />

que possible en proportion <strong>de</strong> leurs capacités respectives, c’est-à-dire, en proportion<br />

du revenu dont ils jouissent respectivement sous sa protection. (…) II. L’impôt que<br />

chaque individu est obligé <strong>de</strong> payer <strong>de</strong>vrait être certain, et non pas arbitraire. (…)<br />

III. Tout impôt <strong>de</strong>vrait être levé au moment, ou <strong>de</strong> façon qui ren<strong>de</strong>nt son payement<br />

le plus commo<strong>de</strong> au contribuable. (…) IV. Tout impôt <strong>de</strong>vrait être conçu <strong>de</strong> façon à<br />

prélever le moins possible sur le peuple et à le priver le moins possible au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong><br />

ce qu’il fait entrer dans le trésor public <strong>de</strong> l’Etat. » (Smith, 1776, p. 929-930).<br />

Ce qui conduit à plusieurs remarques :<br />

1 Nous pouvons aussi signaler une convergence notable entre Thomas Paine et Adam Smith en ce qui<br />

concerne la religion qui doit être vue comme un droit naturel, c’est-à-dire individuel. La religion ne doit pas<br />

être religion d’Etat ; il convient au contraire <strong>de</strong> respecter la liberté d’opinion religieuse <strong>de</strong> chacun. On peut se<br />

reporter sur ce point précis à (Paine, 1790, p. 99, 118) et (Smith, 1776, p. 890-902, 943-945).<br />

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