l'economie des droits de l'homme - creden - Université Montpellier I

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De ce fait, les droits de l’homme sont une cassure. Ils introduisent inéluctablement le changement contre les immobilismes et les conservatismes. Le droit au développement casse ainsi la logique de l’économie mondiale et celle des théories économiques sousjacentes. En mettant l’accent sur la vie plutôt que sur le « mécanisme », en établissant l’importance de la liberté, activité créatrice de la transformation du monde, par rapport aux « choses mortes » 44 , les droits de l’homme rompent inéluctablement avec la logique économique capitaliste. Ils rompent d’autant plus avec celle-ci que, pour qu’il y ait changement, il faut aussi qu’il y ait permanence. Là où les théories standards, ainsi que la logique néo-libérale de Hayek à nos jours, refusent toute valeur à l’histoire et aux acquis culturels, économiques et sociaux, la logique des droits de l’homme et du droit au développement implique, d’après nous, la détermination de l’immuable, de l’évolutif et du « réfragable ». L’immuable est ce qu’il convient de préserver et de garantir en tous temps et en tous lieux, sans quoi la vie elle-même est impossible. Difficile à définir avec précision et certitude, cet immuable possède en outre des formes concrètes variées en fonction des cultures et régions concernées. Cependant, il relève de la logique même des droits de l’homme qui marquent la limite entre l’humain et l’inhumain et qui déterminent le minimum indispensable à la vie humaine. L’immuable, ce sont les « biens de départ » (cf. notre chapitre II), ceux que chaque société doit garantir à chacun de ses membres pour lui permettre de se développer. Il s’agit des éléments de base nécessaires à la vie physique (apport nutritionnel, soins minima, respect de l’intégrité physique) et à la vie sociale (éducation/formation de base, respect des libertés). De cet immuable découle la mise en œuvre des « capabilités de base », moyens des caractéristiques essentielles de la vie humaine : être bien nourri, être en bonne santé, etc. Dès lors, l’immuable devient évolutif, puisqu’il s’insère dans son environnement écologique et social dont les caractéristiques vont influencer la réalisation de ces « capabilités ». L’évolutif est le domaine du changement dans la continuité. Il marque l’approfondissement des « capabilités » des personnes, mais aussi de l’ensemble social. C’est l’amélioration des capacités productives parallèle à celle des systèmes de solidarité. C’est la recherche d’une meilleure garantie des droits de l’homme, à partir des bases culturelles, sociales et économiques existantes. 44 Sur ces points, voir aussi (Boulgakov, 1912, p. 141, 162). 458

Le « réfragable », enfin, c’est le domaine propre de la cassure. C’est ce que les droits de l’homme déstructurent et abolissent afin de permettre à l’immuable et à l’évolutif de fonctionner ensemble de façon optimale. C’est, par exemple, la remise en cause des discriminations, notamment entre hommes et femmes, qui pénalisent l’ensemble de la société, autant sur le plan économique que sur les plans culturel et social. A notre avis, un tel découpage est indispensable pour assurer des programmes tels ceux du PNUD (1997, p. 32) qui considère que la réussite de la « bonne gouvernance dépend du développement de capacités permettant d’articuler les objectifs et de gérer le changement ». Par son centrage sur l’être humain, un tel découpage répond aussi aux préoccupations de ceux qui veulent « que les changements structurels liés au phénomène du développement se traduisent par une amélioration non seulement du niveau mais encore des conditions de vie » (Maréchal, 2000, p. 136). Cela n’est possible qu’à partir du moment où chacun des trois éléments est clairement identifié et pris en compte dans les programmes de développement, afin d’assurer l’équilibre entre l’Ordre et le Chaos, entre la permanence et le changement. Mais pour ce faire, il convient de sortir de la logique néo-libérale et des postulats théoriques qui lui servent, involontairement ou non, de justification. 2. Les droits de l’homme et la coopération. La logique économique s’est dressée, au cours de son histoire, contre les évidences historiques qui ne convenaient pas au postulat de l’homo-œconomicus. L’exemple de la « tragédie des communs » en est une illustration. D’après Hardin 45 , un champ en propriété commune (ou tout autre ressource naturelle) sera nécessairement surexploité, puisque chacun aura tendance à en tirer le maximum pour son propre compte, sans faire d’investissement en retour. Chacun se comporterait comme un « super » passager clandestin. Or, avant les vagues d’enclosures, les terres communales ont été utilisées équitablement et ont permis aux plus pauvres d’améliorer leur niveau de vie. De même, le dilemme du prisonnier, qui met d’abord l’accent sur les problèmes liés au manque d’information et pose donc la supériorité de la coopération, est aussi utilisé pour mettre en 45 Hardin Garret, « The Tragedy of the Commons », Science, n° 162, 1968, p. 1243-1248. 459

De ce fait, les <strong>droits</strong> <strong>de</strong> l’homme sont une cassure. Ils introduisent inéluctablement<br />

le changement contre les immobilismes et les conservatismes. Le droit au développement<br />

casse ainsi la logique <strong>de</strong> l’économie mondiale et celle <strong><strong>de</strong>s</strong> théories économiques sousjacentes.<br />

En mettant l’accent sur la vie plutôt que sur le « mécanisme », en établissant<br />

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« choses mortes » 44 , les <strong>droits</strong> <strong>de</strong> l’homme rompent inéluctablement avec la logique<br />

économique capitaliste. Ils rompent d’autant plus avec celle-ci que, pour qu’il y ait<br />

changement, il faut aussi qu’il y ait permanence. Là où les théories standards, ainsi que la<br />

logique néo-libérale <strong>de</strong> Hayek à nos jours, refusent toute valeur à l’histoire et aux acquis<br />

culturels, économiques et sociaux, la logique <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>droits</strong> <strong>de</strong> l’homme et du droit au<br />

développement implique, d’après nous, la détermination <strong>de</strong> l’immuable, <strong>de</strong> l’évolutif et du<br />

« réfragable ».<br />

L’immuable est ce qu’il convient <strong>de</strong> préserver et <strong>de</strong> garantir en tous temps et en<br />

tous lieux, sans quoi la vie elle-même est impossible. Difficile à définir avec précision et<br />

certitu<strong>de</strong>, cet immuable possè<strong>de</strong> en outre <strong><strong>de</strong>s</strong> formes concrètes variées en fonction <strong><strong>de</strong>s</strong><br />

cultures et régions concernées. Cependant, il relève <strong>de</strong> la logique même <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>droits</strong> <strong>de</strong><br />

l’homme qui marquent la limite entre l’humain et l’inhumain et qui déterminent le<br />

minimum indispensable à la vie humaine. L’immuable, ce sont les « biens <strong>de</strong> départ » (cf.<br />

notre chapitre II), ceux que chaque société doit garantir à chacun <strong>de</strong> ses membres pour lui<br />

permettre <strong>de</strong> se développer. Il s’agit <strong><strong>de</strong>s</strong> éléments <strong>de</strong> base nécessaires à la vie physique<br />

(apport nutritionnel, soins minima, respect <strong>de</strong> l’intégrité physique) et à la vie sociale<br />

(éducation/formation <strong>de</strong> base, respect <strong><strong>de</strong>s</strong> libertés). De cet immuable découle la mise en<br />

œuvre <strong><strong>de</strong>s</strong> « capabilités <strong>de</strong> base », moyens <strong><strong>de</strong>s</strong> caractéristiques essentielles <strong>de</strong> la vie<br />

humaine : être bien nourri, être en bonne santé, etc. Dès lors, l’immuable <strong>de</strong>vient évolutif,<br />

puisqu’il s’insère dans son environnement écologique et social dont les caractéristiques<br />

vont influencer la réalisation <strong>de</strong> ces « capabilités ».<br />

L’évolutif est le domaine du changement dans la continuité. Il marque<br />

l’approfondissement <strong><strong>de</strong>s</strong> « capabilités » <strong><strong>de</strong>s</strong> personnes, mais aussi <strong>de</strong> l’ensemble social.<br />

C’est l’amélioration <strong><strong>de</strong>s</strong> capacités productives parallèle à celle <strong><strong>de</strong>s</strong> systèmes <strong>de</strong> solidarité.<br />

C’est la recherche d’une meilleure garantie <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>droits</strong> <strong>de</strong> l’homme, à partir <strong><strong>de</strong>s</strong> bases<br />

culturelles, sociales et économiques existantes.<br />

44 Sur ces points, voir aussi (Boulgakov, 1912, p. 141, 162).<br />

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