l'economie des droits de l'homme - creden - Université Montpellier I
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Kowalski et Haberl (1998, p. 643s) considèrent qu’une politique de développement soutenable des sociétés industrielles doit passer par la réduction de la consommation de matières premières et d’énergie. Cela les conduit à proposer des mesures de régulation de la sphère sociale, susceptibles d’améliorer la régulation des interactions entre les sphères. Par exemple, et même s’il ne faut pas en surestimer les effets (cf. les auteurs), une réforme fiscale d’inspiration socio-écologique consisterait à baisser progressivement les charges sociales (impôt sur les salaires), pour taxer la consommation d’énergie et de matières premières. Une modification des prix relatifs, favorable à l’emploi et à l’économie d’énergie, en résulterait. Par ailleurs, la réduction parallèle du temps de travail, avec des salaires répartis moins inégalitairement, serait favorable à un changement culturel des modes de vie qui pourraient s’axer vers moins de consommation de biens matériels. Van Griethuysen (2002) met également en avant la nécessaire prise en compte du changement. La dialectique des relations homme-nature et de leurs effets de rétroaction, amène à considérer l’irréversibilité du temps et l’introduction de celui-ci dans les processus économiques. L’irréversibilité, nous dit cet auteur, relève de la permanence et du changement, de l’Ordre et du Chaos 41 . La recherche de la régulation systémique conduit donc à s’interroger sur les meilleures modalités du changement, afin de maîtriser le Chaos. Cela implique de partir de la compréhension de chaque sphère et de chaque élément de celle-ci. Cette constatation conduit l’auteur à l’idée que le meilleur moyen de trouver une voie de développement soutenable est de favoriser les échanges d’informations du haut vers le bas et du bas vers le haut, y compris au niveau international par le biais d’une institution centralisée démocratique et fédéraliste, appuyée par des organes décentralisés à multiples niveaux, jusqu’à l’échelon local. Le développement soutenable, on le voit, a donc des soubassements théoriques solides qui, par plusieurs aspects, rejoignent le droit au développement (participation, coopération, etc.). Mais le point essentiel reste, nous semble-t-il, l’ouverture sur une problématique du changement. 41 Nous reprenons les mots de l’auteur. L’Ordre signifie la permanence, le Chaos signifie le changement. Nous employons nous-mêmes ces deux termes en ce sens métaphysique, et non au sens mathématique de la théorie du chaos, c’est pourquoi nous leur donnons une majuscule. Toutefois, il n’est pas exclu que, à terme, les deux sens se rejoignent. 456
C. Une « nouvelle philosophie » pour le développement ? Si nous mettons un point d’interrogation au titre précédent, c’est que, si nous voulons indiquer l’importance du « changement », cela n’est certes pas nouveau. D’un autre côté, cela peut-il suffire pour parler de « développement » ? En effet, le « changement » se trouve aussi au cœur des théories standards, la croissance étant, en soi, un changement, au moins quantitatif, des données économiques d’une société. Mais l’économie du développement, si elle veut se refonder, doit être, comme à ses origines, hétérodoxe (Treillet, 1996) 42 . Pour ce faire, ce n’est pas seulement le changement que les travaux précédemment évoqués nous amènent à étudier. Il convient d’aller plus loin par l’inclusion de la logique du droit au développement à la théorie économique. Et c’est bien, par là, une véritable philosophie du développement qui est mise en jeu, peut-être pas si novatrice 43 , mais bien à contre-courant des principes aujourd’hui mis en œuvre par la mondialisation économique. Cette « philosophie » éclaire la cassure que les droits de l’homme représentent à l’égard de la mécanique économique (1), et elle insiste sur la nécessité de « faire des paris » contraires aux idéaux de l’homo-œconomicus (2). 1. L’Ordre et le Chaos. A bien y regarder, aucune théorie économique ne prend vraiment en compte le changement. L’objectif ultime de l’économie semble être l’état stationnaire, qu’il prenne la forme d’une égalité parfaite entre offre et demande ou d’une régulation universelle autoentretenue. L’approche systémique que nous développons est, toutefois, susceptible d’aller plus loin. En plaçant l’être humain au centre du processus, elle introduit l’espace pour le changement non programmé, non prévu. Elle introduit la rupture, par la naissance et la mort du sujet, mais aussi par la création, l’innovation et la liberté. Les droits de l’homme, de ce point de vue, apparaissent comme des éléments centraux, puisqu’ils proclament l’être humain maître de sa destinée. Ainsi, pour reprendre les mots d’Anne-Marie Chartier (1996, p. 24), l’on peut dire que « les droits de l’homme contiennent de façon implicite l’émancipation totale de l’individu, autant le droit au savoir que le droit à l’irrationalité, c’est-à-dire le droit de ne pas être programmé ». 42 Sur des questions connexes, voir aussi (Partant, 1982). 43 Par l’expression « nouvelle philosophie du développement », nous plagions à dessein le titre de l’ouvrage de F. Perroux (1981) : Pour une philosophie du nouveau développement. 457
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C. Une « nouvelle philosophie » pour le développement ?<br />
Si nous mettons un point d’interrogation au titre précé<strong>de</strong>nt, c’est que, si nous<br />
voulons indiquer l’importance du « changement », cela n’est certes pas nouveau. D’un<br />
autre côté, cela peut-il suffire pour parler <strong>de</strong> « développement » ? En effet, le<br />
« changement » se trouve aussi au cœur <strong><strong>de</strong>s</strong> théories standards, la croissance étant, en soi,<br />
un changement, au moins quantitatif, <strong><strong>de</strong>s</strong> données économiques d’une société. Mais<br />
l’économie du développement, si elle veut se refon<strong>de</strong>r, doit être, comme à ses origines,<br />
hétérodoxe (Treillet, 1996) 42 . Pour ce faire, ce n’est pas seulement le changement que les<br />
travaux précé<strong>de</strong>mment évoqués nous amènent à étudier. Il convient d’aller plus loin par<br />
l’inclusion <strong>de</strong> la logique du droit au développement à la théorie économique. Et c’est bien,<br />
par là, une véritable philosophie du développement qui est mise en jeu, peut-être pas si<br />
novatrice 43 , mais bien à contre-courant <strong><strong>de</strong>s</strong> principes aujourd’hui mis en œuvre par la<br />
mondialisation économique. Cette « philosophie » éclaire la cassure que les <strong>droits</strong> <strong>de</strong><br />
l’homme représentent à l’égard <strong>de</strong> la mécanique économique (1), et elle insiste sur la<br />
nécessité <strong>de</strong> « faire <strong><strong>de</strong>s</strong> paris » contraires aux idéaux <strong>de</strong> l’homo-œconomicus (2).<br />
1. L’Ordre et le Chaos.<br />
A bien y regar<strong>de</strong>r, aucune théorie économique ne prend vraiment en compte le<br />
changement. L’objectif ultime <strong>de</strong> l’économie semble être l’état stationnaire, qu’il prenne la<br />
forme d’une égalité parfaite entre offre et <strong>de</strong>man<strong>de</strong> ou d’une régulation universelle autoentretenue.<br />
L’approche systémique que nous développons est, toutefois, susceptible d’aller<br />
plus loin. En plaçant l’être humain au centre du processus, elle introduit l’espace pour le<br />
changement non programmé, non prévu. Elle introduit la rupture, par la naissance et la<br />
mort du sujet, mais aussi par la création, l’innovation et la liberté. Les <strong>droits</strong> <strong>de</strong> l’homme,<br />
<strong>de</strong> ce point <strong>de</strong> vue, apparaissent comme <strong><strong>de</strong>s</strong> éléments centraux, puisqu’ils proclament l’être<br />
humain maître <strong>de</strong> sa <strong><strong>de</strong>s</strong>tinée. Ainsi, pour reprendre les mots d’Anne-Marie Chartier (1996,<br />
p. 24), l’on peut dire que « les <strong>droits</strong> <strong>de</strong> l’homme contiennent <strong>de</strong> façon implicite<br />
l’émancipation totale <strong>de</strong> l’individu, autant le droit au savoir que le droit à l’irrationalité,<br />
c’est-à-dire le droit <strong>de</strong> ne pas être programmé ».<br />
42 Sur <strong><strong>de</strong>s</strong> questions connexes, voir aussi (Partant, 1982).<br />
43 Par l’expression « nouvelle philosophie du développement », nous plagions à <strong><strong>de</strong>s</strong>sein le titre <strong>de</strong> l’ouvrage<br />
<strong>de</strong> F. Perroux (1981) : Pour une philosophie du nouveau développement.<br />
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