l'economie des droits de l'homme - creden - Université Montpellier I

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Nous voyons ainsi déjà que cette analyse contredit les résultats traditionnels, puisque, d’une part, l’amélioration de la démocratie n’a pas d’impact sensible sur la croissance, donc pas d’impact négatif qui justifierait un arbitrage entre croissance et progrès démocratique. Et, d’autre part, le test va presque jusqu’à conclure qu’il existe un effet positif, quoique latent, de la démocratie sur la croissance, puisque a contrario il montre qu’une perte de démocratie conduit à une perte de croissance. Mais l’analyse va plus loin. Jenny Minier effectue une comparaison des évolutions de groupes de pays similaires, afin de voir l’impact relatif des fluctuations de la démocratie sur la croissance. Elle teste, pour ce faire, l’équation qui suit pour chaque pays j ayant connu un changement de son régime politique sur la période étudiée : ln( yi, t + T ) − ln( yi, t ) = µ + γδ i, t − 1 + ε i , ∀i⋅ ∋ ⋅ρ( X i , X j ) < θ (2e) Où ρ(., .) est une fonction qui mesure la distance entre les valeurs de X i (vecteur des variables de contrôle) et de X j (vecteur des variables de contrôle du pays j connaissant le changement politique). θ détermine la taille du groupe de pays de contrôle, en définissant la distance maximale pour laquelle le pays i est suffisamment proche du pays j. Les pays sont ainsi répartis dans des groupes de pays similaires en termes de taux initiaux de croissance et de degré de démocratie. On examine ensuite les pays qui, dans chaque groupe, ont connu des changements institutionnels, afin de voir s’ils ont connu une croissance plus ou moins forte que les autres membres du groupe qui, eux, n’ont pas connu de tels changements. Il s’agit, en quelque sorte, d’estimer ce qui se serait passé si le pays n’avait connu aucun changement, et de comparer cette estimation avec son état réel, c’està-dire après le changement. En effet, il est impossible de savoir comment aurait évolué la croissance d’un pays comme la France si la Révolution française n’avait pas eu lieu. Pour connaître cette évolution, il est possible d’émettre certaines hypothèses comme, par exemple, extrapoler les tendances pré-révolutionnaires. Une autre méthode, celle de Minier, consiste à chercher des pays qui ont des situations économiques et, si possible, institutionnelles, proches de celles du pays étudié et qui, eux, ne connaissent pas de changements politiques pendant la même période. Dans notre exemple, la France pourrait être comparée à l’Angleterre. Il suffit, dès lors, de supposer que la France aurait eu une évolution de son taux de croissance similaire à celle du taux de croissance de l’Angleterre. Cette dernière serait une sorte de France « fantôme » qui n’aurait pas connu la Révolution 404

et il suffirait donc de comparer l’évolution de son taux de croissance avec celle obtenue réellement par la France après la Révolution. On se rend compte que toute la difficulté réside dans la pertinence du choix des pays et des facteurs de similitudes ; sur la méthodologie de Minier, cf. l’appendice A de son article. Les résultats obtenus par Jenny Minier la conduisent à formuler la conclusion générale que, contrairement au point de vue habituel, les pays qui se sont démocratisés ont de meilleurs taux de croissance que les autres membres de leur groupe. De façon plus affinée, l’analyse reposant sur l’équation (2e) conduit à conclure que la démocratisation améliore la croissance par rapport au groupe de référence, bien qu’il existe un effet négatif (statistiquement non significatif) à court terme. Par ailleurs, ce test permet de confirmer qu’une perte de démocratie peut provoquer une croissance plus faible. Enfin, pour compléter les résultats des modèles précédents, nous pouvons également relever l’opinion de J. Minier sur l’éducation. Celle-ci aurait un impact positif au sein des démocraties, et un impact négatif dans les pays les moins démocratiques. L’explication de l’auteur est que les pays démocratiques seraient susceptibles d’offrir plus d’opportunités à leurs citoyens pour valoriser leur niveau éducatif, cf. (Minier, 1998, p. 260). Nous voyons donc qu’il est possible de ne pas suivre les positions traditionnelles les plus répandues qui défendent un arbitrage entre croissance (associée aux libertés économiques) et démocratie (associée à l’ensemble des droits de l’homme). La réponse à cette vision, qui résume le développement à la seule croissance économique, appelle toutefois des travaux plus approfondis. Nous allons à présent revenir sur la question des libertés économiques et détailler des approches qui inversent la logique économique cidessus présentée. II. Libertés économiques et droits de l’homme : inverser la logique économique. Les libertés économiques n’ont pas grand chose à voir avec les droits de l’homme et s’opposeraient même plutôt à l’ensemble de ces droits. Du reste, les défenseurs de ces libertés ne reconnaissent généralement pas les droits de l’homme dits économiques, ce qui peut sembler paradoxal. Ce paradoxe résulte du fait que ces libertés ont pour vocation, implicite ou non, de représenter le capitalisme. C’est dans cette optique qu’elles sont définies et mesurées par des organisations conservatrices ou néo-libérales, comme la Freedom House, le Fraser Institute ou l’Heritage Foundation (associée au Wall Street 405

Nous voyons ainsi déjà que cette analyse contredit les résultats traditionnels,<br />

puisque, d’une part, l’amélioration <strong>de</strong> la démocratie n’a pas d’impact sensible sur la<br />

croissance, donc pas d’impact négatif qui justifierait un arbitrage entre croissance et<br />

progrès démocratique. Et, d’autre part, le test va presque jusqu’à conclure qu’il existe un<br />

effet positif, quoique latent, <strong>de</strong> la démocratie sur la croissance, puisque a contrario il<br />

montre qu’une perte <strong>de</strong> démocratie conduit à une perte <strong>de</strong> croissance. Mais l’analyse va<br />

plus loin. Jenny Minier effectue une comparaison <strong><strong>de</strong>s</strong> évolutions <strong>de</strong> groupes <strong>de</strong> pays<br />

similaires, afin <strong>de</strong> voir l’impact relatif <strong><strong>de</strong>s</strong> fluctuations <strong>de</strong> la démocratie sur la croissance.<br />

Elle teste, pour ce faire, l’équation qui suit pour chaque pays j ayant connu un changement<br />

<strong>de</strong> son régime politique sur la pério<strong>de</strong> étudiée :<br />

ln( yi, t + T<br />

) − ln( yi,<br />

t<br />

) = µ + γδ<br />

i,<br />

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+ ε<br />

i<br />

, ∀i⋅<br />

∋ ⋅ρ(<br />

X<br />

i<br />

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j<br />

) < θ (2e)<br />

Où ρ(., .) est une fonction qui mesure la distance entre les valeurs <strong>de</strong> X i (vecteur <strong><strong>de</strong>s</strong><br />

variables <strong>de</strong> contrôle) et <strong>de</strong> X j (vecteur <strong><strong>de</strong>s</strong> variables <strong>de</strong> contrôle du pays j connaissant le<br />

changement politique). θ détermine la taille du groupe <strong>de</strong> pays <strong>de</strong> contrôle, en définissant<br />

la distance maximale pour laquelle le pays i est suffisamment proche du pays j. Les pays<br />

sont ainsi répartis dans <strong><strong>de</strong>s</strong> groupes <strong>de</strong> pays similaires en termes <strong>de</strong> taux initiaux <strong>de</strong><br />

croissance et <strong>de</strong> <strong>de</strong>gré <strong>de</strong> démocratie. On examine ensuite les pays qui, dans chaque<br />

groupe, ont connu <strong><strong>de</strong>s</strong> changements institutionnels, afin <strong>de</strong> voir s’ils ont connu une<br />

croissance plus ou moins forte que les autres membres du groupe qui, eux, n’ont pas connu<br />

<strong>de</strong> tels changements. Il s’agit, en quelque sorte, d’estimer ce qui se serait passé si le pays<br />

n’avait connu aucun changement, et <strong>de</strong> comparer cette estimation avec son état réel, c’està-dire<br />

après le changement. En effet, il est impossible <strong>de</strong> savoir comment aurait évolué la<br />

croissance d’un pays comme la France si la Révolution française n’avait pas eu lieu. Pour<br />

connaître cette évolution, il est possible d’émettre certaines hypothèses comme, par<br />

exemple, extrapoler les tendances pré-révolutionnaires. Une autre métho<strong>de</strong>, celle <strong>de</strong><br />

Minier, consiste à chercher <strong><strong>de</strong>s</strong> pays qui ont <strong><strong>de</strong>s</strong> situations économiques et, si possible,<br />

institutionnelles, proches <strong>de</strong> celles du pays étudié et qui, eux, ne connaissent pas <strong>de</strong><br />

changements politiques pendant la même pério<strong>de</strong>. Dans notre exemple, la France pourrait<br />

être comparée à l’Angleterre. Il suffit, dès lors, <strong>de</strong> supposer que la France aurait eu une<br />

évolution <strong>de</strong> son taux <strong>de</strong> croissance similaire à celle du taux <strong>de</strong> croissance <strong>de</strong> l’Angleterre.<br />

Cette <strong>de</strong>rnière serait une sorte <strong>de</strong> France « fantôme » qui n’aurait pas connu la Révolution<br />

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