l'economie des droits de l'homme - creden - Université Montpellier I
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acte politique qui vise à attaquer la démocratie au profit d’une logique néo-libérale capitaliste, servant la mondialisation économique. Nous allons voir, dans un premier temps, certains résultats des recherches économiques, en indiquant à la fois leurs limites évoquées ci-dessus et les richesses potentielles de certains de leurs développements 5 (I). Puis, nous verrons qu’il existe d’autres études, réalisées parfois par des économistes, souvent par des politologues, qui inversent, avec profit, la logique des modèles précédents (II). De telles études, toutefois, restent assez rares. I. A la recherche d’une corrélation entre croissance et démocratie. La plupart des travaux qui portent sur les relations entre la démocratie et la croissance mettent l’accent sur l’importance des « libertés économiques » face aux droits civiques et civils et, implicitement, face à l’ensemble des droits de l’homme. La croissance reposerait sur la reconnaissance de ces « libertés économiques », reconnaissance qui passe par le retrait de l’Etat de tous les domaines économiques, afin que le libre jeu du marché puisse fonctionner au maximum. Les libertés économiques, en effet, se résument le plus souvent à la propriété privée sans restriction, à la liberté des échanges et au maintien d’un système de marchés sans interférence, ce qui implique, certes, le règne de la loi, mais aussi une intervention et des dépenses étatiques minimales. Ainsi, pour Gwartney et alii 6 , il est possible de dire que lorsque le gouvernement taxe une personne pour transférer des ressources à une autre, la première voit son « droit » à profiter des fruits de son travail violé ; cf. (de Haan et Sturm, 2000). De même, pour Milton Friedman (1991), toute forme de tarif douanier est une grave entorse aux libertés. Tout naturellement, ce rejet de l’intervention de l’Etat pèse sur l’extension de la démocratie qui est jugée légèrement négative quant à son impact sur la croissance (Barro, 5 Nous discutons également ces démarches dans un autre travail en construisant un modèle utilitariste qui montre comment il est possible, sur des bases théoriques proches de celles des auteurs ici étudiés, de conduire une réflexion très éloignée de la vision néo-libérale du développement qu’ils proposent ou, du moins, qu’ils défendent implicitement, cf. (Kolacinski, 2002c). 6 James Gwartney, Charles Skipton et Robert Lawson, notamment, participent aux études des libertés économiques du Fraser Institute. Dans le cadre du rapport 2001, l’index de liberté économique qu’ils définissent prend en compte sept facteurs : la taille du gouvernement, la structure légale assurant la protection des droits de propriété, l’accès à une monnaie sûre, la liberté de commercer avec des étrangers, la régulation des marchés financiers, la régulation des marchés du travail [le pluriel est des auteurs], la liberté du commerce (liberté de la concurrence) ; cf. Gwartney et alii (2001). 394
1994), (Tavares et Wacziarg, 2001). En effet, puisque les droits civils et civiques (ou droits politiques) favorisent, par leur extension, l’expression des populations les plus pauvres 7 , l’Etat démocratique doit mener plus d’opérations de redistribution des revenus, ce qui pénalise la croissance, qui se nourrit – en théorie 8 – des inégalités. Ces droits politiques peuvent être résumés par les droits de l’homme liés au fonctionnement de la démocratie : droit de vote, droit d’expression et liberté de la presse, liberté de mouvement et de résidence, liberté de pensée, de réunion et d’association, droit d’accès dans des conditions d’égalité aux fonctions publiques ; auxquels nous pouvons ajouter, dans une acception plus large, les libertés et droits syndicaux. Il y aurait donc opposition entre ces droits politiques et les « libertés économiques », seules ces dernières étant favorables à la croissance économique. Cette caractérisation des libertés en deux groupes antagonistes est, nous semble-t-il, quelque peu réductrice et, à certains égards, relativement fausse. Par exemple, en octroyant des libertés, dites économiques, à des « choses » (les capitaux et les marchandises) plutôt qu’à des êtres humains, les économistes réduisent d’autant la valeur des droits de l’homme mis en jeu. En outre, cette classification fait l’impasse sur les droits sociaux qui sont, eux aussi, des libertés et des droits de l’homme, et que ces économistes considèrent plutôt comme des externalités négatives de la démocratie, comme des contraintes qui nuisent aux libertés économiques. Dans ce cadre, les modèles qui testent la corrélation entre croissance et démocratie, peuvent se présenter sous une forme générale du type suivant : G i,t = α t + β(E i,t ) + γ(D i,t ) + δ(E i,t · D i,t ) + ε i,t (0) 7 Cf. chapitre II, supra ; voir aussi Tavares et Wacziarg (2001, p. 1344) qui précisent que la démocratie se caractérise comme un système politique qui : 1. ajoute la voix du grand nombre des pauvres à celle des peu nombreux riches ; 2. réduit la nature discrétionnaire du pouvoir. 8 Pensons, par exemple, à la célèbre courbe de Kuznets qui définit la relation inégalités/croissance sous la forme d’un U inversé qui signifie que les inégalités augmentent parallèlement à la croissance, jusqu’à ce qu’un niveau de développement suffisant soit atteint à partir duquel les inégalités vont baisser avec l’augmentation de la croissance. Notons toutefois que les arguments initiaux de Kuznets (1955) dépassent le réductionnisme que constitue la courbe en question. Deux points, en particulier, méritent d’être abordés ici. Tout d’abord, il adopte une position plutôt favorable à la démocratie, en montrant pourquoi et comment elle réduit les inégalités. Ce que l’on en a retenu par la suite, c’est que la démocratie pénalise la croissance, puisqu’en réduisant les inégalités, elle nuit à l’accumulation du capital. Ensuite, il constate que dans les pays du Sud, l’existence d’une forte inégalité ne permet pas pour autant le décollage de la croissance. Il en conclut notamment qu’il est dangereux de soutenir qu’un système de marchés libres, l’absence d’impôts progressifs (qui pénaliseraient les riches et l’accumulation du capital), et ainsi de suite, seraient indispensables à la croissance des pays du Sud. En réalité, la situation des pays du Sud lui paraît spécifique, les modèles des pays industrialisés ne pouvant donc s’y appliquer tels quels. Cette dernière position est également défendue par Hirschman (1984), et nous la suivons nous-mêmes. 395
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1994), (Tavares et Wacziarg, 2001). En effet, puisque les <strong>droits</strong> civils et civiques (ou <strong>droits</strong><br />
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d’égalité aux fonctions publiques ; auxquels nous pouvons ajouter, dans une acception plus<br />
large, les libertés et <strong>droits</strong> syndicaux. Il y aurait donc opposition entre ces <strong>droits</strong> politiques<br />
et les « libertés économiques », seules ces <strong>de</strong>rnières étant favorables à la croissance<br />
économique.<br />
Cette caractérisation <strong><strong>de</strong>s</strong> libertés en <strong>de</strong>ux groupes antagonistes est, nous semble-t-il,<br />
quelque peu réductrice et, à certains égards, relativement fausse. Par exemple, en octroyant<br />
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qu’à <strong><strong>de</strong>s</strong> êtres humains, les économistes réduisent d’autant la valeur <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>droits</strong> <strong>de</strong> l’homme<br />
mis en jeu. En outre, cette classification fait l’impasse sur les <strong>droits</strong> sociaux qui sont, eux<br />
aussi, <strong><strong>de</strong>s</strong> libertés et <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>droits</strong> <strong>de</strong> l’homme, et que ces économistes considèrent plutôt<br />
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libertés économiques. Dans ce cadre, les modèles qui testent la corrélation entre croissance<br />
et démocratie, peuvent se présenter sous une forme générale du type suivant :<br />
G i,t = α t + β(E i,t ) + γ(D i,t ) + δ(E i,t · D i,t ) + ε i,t (0)<br />
7 Cf. chapitre II, supra ; voir aussi Tavares et Wacziarg (2001, p. 1344) qui précisent que la démocratie se<br />
caractérise comme un système politique qui : 1. ajoute la voix du grand nombre <strong><strong>de</strong>s</strong> pauvres à celle <strong><strong>de</strong>s</strong> peu<br />
nombreux riches ; 2. réduit la nature discrétionnaire du pouvoir.<br />
8 Pensons, par exemple, à la célèbre courbe <strong>de</strong> Kuznets qui définit la relation inégalités/croissance sous la<br />
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qu’un niveau <strong>de</strong> développement suffisant soit atteint à partir duquel les inégalités vont baisser avec<br />
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réductionnisme que constitue la courbe en question. Deux points, en particulier, méritent d’être abordés ici.<br />
Tout d’abord, il adopte une position plutôt favorable à la démocratie, en montrant pourquoi et comment elle<br />
réduit les inégalités. Ce que l’on en a retenu par la suite, c’est que la démocratie pénalise la croissance,<br />
puisqu’en réduisant les inégalités, elle nuit à l’accumulation du capital. Ensuite, il constate que dans les pays<br />
du Sud, l’existence d’une forte inégalité ne permet pas pour autant le décollage <strong>de</strong> la croissance. Il en conclut<br />
notamment qu’il est dangereux <strong>de</strong> soutenir qu’un système <strong>de</strong> marchés libres, l’absence d’impôts progressifs<br />
(qui pénaliseraient les riches et l’accumulation du capital), et ainsi <strong>de</strong> suite, seraient indispensables à la<br />
croissance <strong><strong>de</strong>s</strong> pays du Sud. En réalité, la situation <strong><strong>de</strong>s</strong> pays du Sud lui paraît spécifique, les modèles <strong><strong>de</strong>s</strong> pays<br />
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