l'economie des droits de l'homme - creden - Université Montpellier I
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Dans l’optique keynésienne, le π dont il est question ici représente le degré de probabilité de réalisation d’une utilité espérée : si l’utilité d’une quantité de monnaie est U(M0) en t = 0 et son utilité espérée en t = 1 est EU(M1), il existe alors la relation suivante : EU(M1) = π.U(M0) avec π tel que : 0≤ π ≤ 1 (1c) Autrement dit, π est la probabilité qu’un prêt consenti en t = 0, soit remboursé en t = 1 sans qu’il y ait dépréciation. Ou, plus simplement, qu’une valeur épargnée en t = 0, conserve le même pouvoir d’achat en t = 1. Si la certitude est parfaite, π = 1. S’il existe, au contraire, une incertitude, π baisse et l’équilibre est rompu. Pour rétablir ce dernier, il faut compenser cette baisse de π par un accroissement du taux d’intérêt, dans le but d’inciter les prêteurs à continuer leurs prêts, même si les risques de perte s’accroissent 55 . Or, un taux d’intérêt élevé décourage l’investissement et pénalise donc la croissance 56 . 55 Par la mise en avant de ce type de mécanismes, l’analyse de Collignon reste centrée sur l’économie de marché et n’inclut donc pas d’autres types de développement. De fait, la logique financière qui veut que les taux d’intérêt s’accroissent lorsque les risques augmentent provoque certes des problèmes bien connus d’aléa moral et de sélection adverse, mais surtout, elle est inadéquate pour le développement des pays pauvres. Augmenter la prime de risque signifie entraver les capacités d’accumulation et de développement des activités qui vont se financer par l’emprunt. Cela a pour conséquence logique d’accroître, en un cercle vicieux, la difficulté de remboursement des emprunteurs jugés « à risque ». Au contraire, les expériences réussies – elles ne le sont pas toutes – de micro-crédits, basées sur le célèbre modèle de la Grameen Bank (originaire du Bangladesh et de l’Inde), mériteraient d’être davantage étudiées et expérimentées. En Afrique, des expériences d’un type similaire sont celles des « tontines » et des Coopératives d’épargne et de crédit (COOPEC). Sur les expériences de micro-crédits en Asie, voir par exemple (Baccaro, 2001, p. 25s). 56 Il vaut mieux, en effet, parler de croissance plutôt que de développement dans le cadre macro-économique keynésien. Quoiqu’il en soit, Collignon formule à nouveau des précisions qui se contredisent pour partie. Comme il le précise à juste titre (p. 244), ce qui est important, c’est la comparaison entre le rendement des investissements (l’efficacité marginale espérée du capital) et le coût du financement (le niveau du taux d’intérêt). Si le premier est supérieur au second, alors l’investissement aura lieu. Mais il oublie de préciser que, quel que soit le niveau du taux d’intérêt, il se peut qu’il n’y ait pas d’investissements pour la simple raison que les opportunités d’investissements rentables en Afrique peuvent être rares ou inexistantes (selon les critères de l’économie de marché). Par contre, pour étayer sa thèse sur l’utilité des droits de l’homme – thèse que nous suivons partiellement – il cite (p. 247) l’exemple du Cameroun du début des années 1980, où les taux d’intérêt régulés par la Banque des Etats d’Afrique Centrale étaient inférieurs au taux de Paris, alors que, dit-il, « la logique de notre analyse suggère que le taux d’équilibre aurait du être supérieur ». Un gouvernement, supposé s’opposer ainsi aux droits de l’homme, s’est livré à une répression financière accrue qui a eu pour conséquences de faire fuir les capitaux vers l’étranger et de voir les banques commerciales accumuler les devises tout en refusant des prêts additionnels à l’économie domestique. On peut, dès lors, s’interroger : l’auteur nous dit d’abord que ce sont des taux élevés qui pénalisent la croissance africaine, puis il nous donne un exemple où, très clairement, ce sont des taux trop bas (par rapport aux taux extérieurs) qui pénalisent cette même croissance (ce qui peut signifier que le contrôle des mouvements de capitaux n’est pas trop sévère, mais trop faible). De ce fait, toutefois, le recours aux droits de l’homme nous semble pleinement justifié puisque c’est le manque de respect de ceux-ci qui, dans un cas comme dans l’autre, peut limiter les potentialités d’épargne et d’investissement. Il est regrettable que cet auteur n’approfondisse pas son analyse sous cet angle, puisqu’il se concentre essentiellement sur la « préférence pour la liquidité », ce qui tend à être une simple « attaque » contre les normes sociales traditionnelles africaines. 384
En effet, si π baisse, le taux d’intérêt augmente, ce qui pénalise les capacités de financement des investissements, donc la croissance et donc, le développement. Voilà la logique de base qui conduit à prendre en compte les droits de l’homme dans un cadre macro-économique keynésien. Le lien est fait par l’incertitude, facteur de baisse de π. Les droits de l’homme, en particulier les droits civils et politiques, sont susceptibles de réduire l’incertitude. Ils entrent donc pour partie dans la formation de π, par le fait qu’ils garantissent l’Etat de droit, lui-même garant du respect des contrats. Collignon teste ce lien entre droits de l’homme et incertitude pour plusieurs pays africains. Il obtient l’équation suivante, statistiquement significative sur un échantillon de 20 pays africains : π = 16, 87 + 0,06 DH + 0,01 PNB – 0,01 Dette – 0,13 Infl. + 0,04 Avoirs (2c) Ce test prend comme données de mesure de π le classement publié par Institutional Investor d’un indice qui va de 0 à 100 et note les pays en fonction de leur risque de solvabilité tel qu’il est apprécié par les banques internationales. La dette et le taux d’inflation ont une influence négative sur π, c’est-à-dire qu’ils accroissent le risque pays et l’incertitude. Par contre, le PNB/habitant, les avoirs nets sur l’extérieur et les droits de l’homme ont une influence positive sur π, puisqu’ils réduisent l’incertitude. Les droits de l’homme sont ici mesurés par l’indice d’Humana 57 . L’auteur étend ensuite son étude à 79 pays du monde entier, pour la seule corrélation entre π et les droits de l’homme. Le résultat est statistiquement significatif et tend donc à montrer que le respect des droits de l’homme – ou, du moins, de l’Etat de droit – peut aller de pair avec une réduction de l’incertitude, ce qui est favorable à l’économie. S’il convient de distinguer « Etat de droit » et « droits de l’homme », les deux n’allant pas nécessairement de pair, nous avons déjà indiqué que ces derniers peuvent aussi agir comme des correcteurs des imperfections du marché. C’est, notamment, un point de vue que l’on peut trouver au sein du courant des choix publics. Mais il convient d’aller plus loin. L’analyse keynésienne ici présentée connaît les même limites que les approches 57 Humana Charles, World human rights guide, Oxford University Press, 1992 (3 e et dernière édition en date, à notre connaissance). Le principal défaut de l’indice d’Humana est qu’il se centre presque exclusivement sur les droits civils et politiques. Il s’agit donc plus d’une mesure de la démocratie politique, voire instrumentale, que d’une mesure des droits de l’homme. 385
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En effet, si π baisse, le taux d’intérêt augmente, ce qui pénalise les capacités <strong>de</strong><br />
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S’il convient <strong>de</strong> distinguer « Etat <strong>de</strong> droit » et « <strong>droits</strong> <strong>de</strong> l’homme », les <strong>de</strong>ux n’allant pas<br />
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peut trouver au sein du courant <strong><strong>de</strong>s</strong> choix publics. Mais il convient d’aller plus loin.<br />
L’analyse keynésienne ici présentée connaît les même limites que les approches<br />
57 Humana Charles, World human rights gui<strong>de</strong>, Oxford University Press, 1992 (3 e et <strong>de</strong>rnière édition en date,<br />
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