l'economie des droits de l'homme - creden - Université Montpellier I

francs CFA. Or, il y a fort à parier que les deux personnes en question ne sont que très
rarement les mêmes.
Transposer les schémas keynésiens ou néo-classiques – plus généralement
européens et américains – à des pays qui ont des économies très éloignées de celles des
pays capitalistes, est une démarche qui montre ici ses limites. Du coup, les conclusions
sont pernicieuses. D’après Collignon, « le problème de l’Afrique réside dans le fait que les
marchés des actifs sont insuffisamment développés » (p. 244). Mais qui, en Afrique, a
besoin d’actifs financiers pour investir ? 54 La pertinence d’un tel raisonnement méconnaît
la réalité du développement africain et, par ailleurs, ce raisonnement rejette toute la
responsabilité du « sous-développement » sur les locaux, incapables d’attirer les capitaux
étrangers – ce qui sous-entend par ailleurs une vision réductrice, occidentale et capitaliste,
du développement. Mais c’est d’abord l’utilisation faite des droits de l’homme qui nous
intéresse. Le passage qui suit est, nous semble-t-il, très pertinent, car il éclaire l’intérêt
économique des droits de l’homme, cf. (Collignon, 1995, p. 246).
« Si le pouvoir règne arbitrairement, si l’intégrité juridique des personnes n’est pas
garantie, ou si les droits de propriété ne sont pas clairement définis, l’instabilité
systémique suit tôt ou tard. Elle se traduit en incertitude (π baisse) qui fait monter
les taux d’intérêt d’équilibre de façon structurelle ; la préférence pour la liquidité
empêche alors la création de titres de propriété et de richesse, car le financement
nécessaire pour l’emploi productif du capital est limité.
Par contre, dans un contexte de respect des droits de l’homme, la
coopération communicationnelle permet l’émergence de nouveaux accords et
obligations sur la base d’une certitude ex-post renforcée. Les droits et choix des
minorités sont protégés. Le risque systémique que les plans et engagements ne
seront pas respectés est réduit (π monte). Le taux d’intérêt d’équilibre auquel
s’échangent liquidités contre titres de propriété, baisse ; l’offre de crédits augmente
les investissements et nourrit la croissance ».
54 Sur des questions connexes, voir par exemple (Latouche, 1998), qui montre notamment que les petites
entreprises informelles, comme les ferronneries traditionnelles, n’ont pas besoin d’investir. Au contraire, si
elles tentaient de se moderniser et de devenir de « vraies » entreprises, elles ferraient faillite et disparaîtraient.
Le fait est que ces entreprises informelles évoluent dans un contexte de demande solvable inexistante. Par
conséquent, si elles rationalisaient leur mode de production afin de répondre à la demande « normale » d’un
marché « normal », elles ne trouveraient pas ce marché et seraient englouties par les dettes. En maintenant
des structures apparemment irrationnelles, elles arrivent à répondre aux besoins locaux et à assurer ainsi les
moyens de leur propre survie.
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