l'economie des droits de l'homme - creden - Université Montpellier I

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souvent appuyées par des campagnes publicitaires agressives, aux produits locaux souvent plus nutritifs. Elle implique ensuite la concentration et l’uniformisation des cultures, c’està-dire, premièrement, la réduction de la diversité des produits offerts et, plus généralement, de la biodiversité 21 , deuxièmement, le risque de crise agricole en cas d’accident naturel 22 et, troisièmement, le manque d’adaptabilité culturelle des marchandises. En outre, l’uniformisation des monocultures intensives qui utilisent les méthodes de production du Nord, est un facteur potentiel d’aggravation de la pollution (par exemple, des nappes souterraines par les engrais chimiques) et de dégradation de la qualité sanitaire des produits 23 . Inclure la logique des droits de l’homme au sein des mécanismes et des règles de l’OMC pourrait apporter des solutions à ces problèmes. Comme le note Caroline Dommen (2002, p. 38), la prise en compte du Pacte sur les droits économiques, sociaux et culturels comme étalon de valeur pourrait aider à distinguer les problèmes commerciaux et non commerciaux des pays du Nord et des pays du Sud, susceptibles de donner lieu à des restrictions légitimes du libre commerce. Mais plus spécifiquement, la prise en considération des droits de l’homme doit viser, dans le cadre d’une libéralisation commerciale, la protection des personnes pauvres ou affectées négativement par cette libéralisation. Il devrait donc être possible, au sein de l’OMC, d’autoriser et d’encourager des mesures accordant un traitement particulier « aux personnes vulnérables, mais pas aux riches exploitants et aux sociétés agro-industrielles des pays pauvres. » (Commission des droits de l’homme, 2002b, p. 19). Et ce qui est vrai pour le Sud l’est aussi, selon nous, pour le Nord. D’ailleurs, à l’heure où nous écrivons, des propositions de réformes de la PAC (Politique agricole commune de l’Union européenne) vont dans ce sens : favoriser, dans la répartition des aides, les petits exploitants et le développement soutenable, la qualité plutôt que la quantité, notamment par le biais d’une « écoconditionnalité » (cf. Le Monde des 10 21 Les questions soulevées ici entrent également en interaction avec les Aspects des Droits de Propriété Intellectuelle qui touchent au Commerce (ADPIC ou TRIPs en anglais) et qui concernent notamment l’appropriation des nouvelles variétés de plantes. Nous revenons au point suivant, dans le contexte plus large de la santé, sur les ADPIC. Sur les problèmes agricoles liés aux ADPIC, voir (Dommen, 2002, p. 38s). 22 Le manque de diversification dans les produits cultivés est un danger à plusieurs égards : épuisement du sol par la monoculture, risque de destruction massive des récoltes en cas de maladie de la variété cultivée, etc. Par ailleurs, l’érosion des sols et les risques sous-jacents d’inondation, d’éboulement, etc. peuvent également être liés à l’extension des sols cultivés. 23 Il nous a été rapporté que, par exemple, les agriculteurs de certains pays d’Amérique latine avaient pour habitude de maintenir une parcelle de leurs arbres fruitiers hors de toute exposition à des insecticides et autres produits chimiques, cette parcelle étant réservée à leur consommation personnelle. Les autres parcelles exposées à de tels produits donnent des fruits (plus gros et plus sucrés) destinés à la vente. Une telle pratique est sans doute courante dans l’ensemble des pays du monde, au Nord comme au Sud, et laisse à réfléchir. 368

et 11 juillet 2002 ; notons que la France s’oppose à une telle réforme). Les mécanismes de l’OMC peuvent déjà, dans une certaine mesure, aller dans ce sens (cf. infra). Néanmoins, les problèmes à résoudre restent difficiles à gérer, comme l’illustrent également les considérations à propos de la notion de propriété intellectuelle et de ses impacts sur le droit à la santé. 2. La santé et la propriété intellectuelle. a. De la mondialisation de la santé... Un milliard de personnes sont privées d’eau potable et de nourriture de base, alors qu’une alimentation adéquate est la plus élémentaire des mesures de prévention médicale. C’est dire que la problématique du droit à la santé est le prolongement de celle du droit à l’alimentation précédemment envisagé 24 . Cela n’a d’ailleurs rien d’étonnant puisque si l’indivisibilité des droits est affirmée en théorie, elle est aussi, le plus souvent, vraie en pratique. D’ailleurs, si ces deux droits sont liés entre eux, ils le sont également aux autres droits, en particulier au droit à l’éducation : en règle générale, des familles plus éduquées se nourriront mieux (de façon plus adéquate des points de vue nutritionnel et sanitaire) et auront un meilleur accès aux services de santé (et seront aussi plus réceptives aux campagnes de prévention, etc.). De façon plus générale, par la reconnaissance de l’impact négatif de la pauvreté sur la santé 25 , on relève les lacunes d’une mondialisation néo-libérale qui met l’accent sur la privatisation des services de sécurité sociale dans les pays du Sud 26 et qui favorise les opérateurs privés. Cela a deux conséquences : la première est que les pauvres ont un accès plus difficile aux soins lorsque l’Etat n’intervient pas ; la seconde est que la priorité donnée aux firmes peut être contre-productive des points de vue de la qualité et de l’équité du système de santé. Cela a pour résultat, d’une part, de favoriser les 24 Cf. (Monshipouri, 2001, p. 54), qui fait notamment référence au recueil Dying for Growth : Global Inequality and the Health of the Poor [Mourir pour la croissance : les inégalités mondiales et la santé des pauvres], Jim Yong Kim et ali. (eds.), 2000. 25 Sur ces questions, voir aussi (Tarantola, 2000). 26 Cela est aussi vrai pour les pays du Nord mais, dans l’ensemble, les populations de ces pays ont plus de facilité pour résister à la remise en cause de ce qu’elles considèrent comme des acquis sociaux. Parmi ces pays, le cas bien connu de la réforme du système de soins de Grande-Bretagne illustre les lacunes de la privatisation. Dans une certaine mesure, on peut en dire autant des Etats-Unis, cf. (Reeve, 1999) et (Sen, 2000a). Sur le cas africain, cf. (Gadreau et Tizio, 2000). 369

souvent appuyées par <strong><strong>de</strong>s</strong> campagnes publicitaires agressives, aux produits locaux souvent<br />

plus nutritifs. Elle implique ensuite la concentration et l’uniformisation <strong><strong>de</strong>s</strong> cultures, c’està-dire,<br />

premièrement, la réduction <strong>de</strong> la diversité <strong><strong>de</strong>s</strong> produits offerts et, plus généralement,<br />

<strong>de</strong> la biodiversité 21 , <strong>de</strong>uxièmement, le risque <strong>de</strong> crise agricole en cas d’acci<strong>de</strong>nt naturel 22<br />

et, troisièmement, le manque d’adaptabilité culturelle <strong><strong>de</strong>s</strong> marchandises. En outre,<br />

l’uniformisation <strong><strong>de</strong>s</strong> monocultures intensives qui utilisent les métho<strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>de</strong> production du<br />

Nord, est un facteur potentiel d’aggravation <strong>de</strong> la pollution (par exemple, <strong><strong>de</strong>s</strong> nappes<br />

souterraines par les engrais chimiques) et <strong>de</strong> dégradation <strong>de</strong> la qualité sanitaire <strong><strong>de</strong>s</strong><br />

produits 23 .<br />

Inclure la logique <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>droits</strong> <strong>de</strong> l’homme au sein <strong><strong>de</strong>s</strong> mécanismes et <strong><strong>de</strong>s</strong> règles <strong>de</strong><br />

l’OMC pourrait apporter <strong><strong>de</strong>s</strong> solutions à ces problèmes. Comme le note Caroline Dommen<br />

(2002, p. 38), la prise en compte du Pacte sur les <strong>droits</strong> économiques, sociaux et culturels<br />

comme étalon <strong>de</strong> valeur pourrait ai<strong>de</strong>r à distinguer les problèmes commerciaux et non<br />

commerciaux <strong><strong>de</strong>s</strong> pays du Nord et <strong><strong>de</strong>s</strong> pays du Sud, susceptibles <strong>de</strong> donner lieu à <strong><strong>de</strong>s</strong><br />

restrictions légitimes du libre commerce. Mais plus spécifiquement, la prise en<br />

considération <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>droits</strong> <strong>de</strong> l’homme doit viser, dans le cadre d’une libéralisation<br />

commerciale, la protection <strong><strong>de</strong>s</strong> personnes pauvres ou affectées négativement par cette<br />

libéralisation. Il <strong>de</strong>vrait donc être possible, au sein <strong>de</strong> l’OMC, d’autoriser et d’encourager<br />

<strong><strong>de</strong>s</strong> mesures accordant un traitement particulier « aux personnes vulnérables, mais pas aux<br />

riches exploitants et aux sociétés agro-industrielles <strong><strong>de</strong>s</strong> pays pauvres. » (Commission <strong><strong>de</strong>s</strong><br />

<strong>droits</strong> <strong>de</strong> l’homme, 2002b, p. 19). Et ce qui est vrai pour le Sud l’est aussi, selon nous, pour<br />

le Nord. D’ailleurs, à l’heure où nous écrivons, <strong><strong>de</strong>s</strong> propositions <strong>de</strong> réformes <strong>de</strong> la PAC<br />

(Politique agricole commune <strong>de</strong> l’Union européenne) vont dans ce sens : favoriser, dans la<br />

répartition <strong><strong>de</strong>s</strong> ai<strong><strong>de</strong>s</strong>, les petits exploitants et le développement soutenable, la qualité plutôt<br />

que la quantité, notamment par le biais d’une « écoconditionnalité » (cf. Le Mon<strong>de</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong> 10<br />

21 Les questions soulevées ici entrent également en interaction avec les Aspects <strong><strong>de</strong>s</strong> Droits <strong>de</strong> Propriété<br />

Intellectuelle qui touchent au Commerce (ADPIC ou TRIPs en anglais) et qui concernent notamment<br />

l’appropriation <strong><strong>de</strong>s</strong> nouvelles variétés <strong>de</strong> plantes. Nous revenons au point suivant, dans le contexte plus large<br />

<strong>de</strong> la santé, sur les ADPIC. Sur les problèmes agricoles liés aux ADPIC, voir (Dommen, 2002, p. 38s).<br />

22 Le manque <strong>de</strong> diversification dans les produits cultivés est un danger à plusieurs égards : épuisement du sol<br />

par la monoculture, risque <strong>de</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong>truction massive <strong><strong>de</strong>s</strong> récoltes en cas <strong>de</strong> maladie <strong>de</strong> la variété cultivée, etc.<br />

Par ailleurs, l’érosion <strong><strong>de</strong>s</strong> sols et les risques sous-jacents d’inondation, d’éboulement, etc. peuvent également<br />

être liés à l’extension <strong><strong>de</strong>s</strong> sols cultivés.<br />

23 Il nous a été rapporté que, par exemple, les agriculteurs <strong>de</strong> certains pays d’Amérique latine avaient pour<br />

habitu<strong>de</strong> <strong>de</strong> maintenir une parcelle <strong>de</strong> leurs arbres fruitiers hors <strong>de</strong> toute exposition à <strong><strong>de</strong>s</strong> insectici<strong><strong>de</strong>s</strong> et<br />

autres produits chimiques, cette parcelle étant réservée à leur consommation personnelle. Les autres parcelles<br />

exposées à <strong>de</strong> tels produits donnent <strong><strong>de</strong>s</strong> fruits (plus gros et plus sucrés) <strong><strong>de</strong>s</strong>tinés à la vente. Une telle pratique<br />

est sans doute courante dans l’ensemble <strong><strong>de</strong>s</strong> pays du mon<strong>de</strong>, au Nord comme au Sud, et laisse à réfléchir.<br />

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