l'economie des droits de l'homme - creden - Université Montpellier I

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le plan international et sur le plan social, susceptible de favoriser la promotion des droits de l’homme (Commission des droits de l’homme, 2002b, p. 10). Autrement dit, par la réduction de la compétitivité des autres productions non subventionnées, les soutiens internes des pays du Nord créent un risque de voir l’agriculture et les réseaux commerciaux des pays du Sud s’enfoncer dans un marasme ayant pour effet de réduire les potentiels de disponibilités alimentaires dans ces pays. Les mesures de l’OMC peuvent donc être source, à la fois, d’accroissement de la production globale et de réduction des productions vivrières. Du point de vue de l’accessibilité, les éléments précédents ont à être précisés. Ainsi, interdire toute forme de soutien, y compris les aides à la consommation dans les pays pauvres, est une erreur susceptible de réduire grandement l’accessibilité par le marché aux biens alimentaires. Or, dans le même temps, l’accessibilité tout court se trouve déjà réduite par le fait que l’ouverture commerciale, par le jeu de la concurrence qu’elle suscite, favorise la concentration des exploitations, ainsi que le licenciement et la marginalisation des salariés agricoles 16 . Par ailleurs, l’OMC a reconnu que les réformes commerciales pouvaient exacerber la pauvreté, y compris à long terme (Commission des droits de l’homme, 2002b, p. 14) 17 . Mais l’accessibilité n’est pas seulement une question de revenu pour acheter des marchandises sur le marché, pas plus que de possession de la terre. Il s’agit aussi du problème de la distribution, de la localisation géographique et du niveau de développement des infrastructures. Il est donc impossible de penser que seule l’ouverture au marché mondial peut régler les problèmes de couverture des besoins alimentaires. Une politique de développement des infrastructures et de promotion des petits agriculteurs vivriers est nécessaire pour ce faire. Cela implique, selon nous, le développement des 16 Des études de la FAO confirment ce fait, cf. (Commission des droits de l’homme, 2002b, p. 15). 17 Du point de vue théorique, l’OMC prend peut-être acte ici des travaux orthodoxes sur lesquels s’appuie sa logique. En effet, comme le note Bernard Gerbier (2002, p. 1), « depuis le lemme Stopler-Samuelson, il est impossible de soutenir qu’il y a des ouvertures sans souffrance ». Rappelons que ce lemme met en évidence que l’ouverture commerciale, affectant les prix des produits, a mécaniquement un effet sur le prix des facteurs de production. C’est-à-dire que, sous les hypothèses retenues, si le prix d’une marchandise baisse à la suite de l’ouverture, la rémunération de son facteur de production utilisé relativement le plus intensément, baisse également – on part généralement d’un modèle à deux biens, dont l’un voit son prix (relatif) s’accroître et l’autre son prix (relatif) baisser. Or, dans les pays du Sud, le bien le plus abondant, et que les théories orthodoxes des avantages comparatifs conseillent d’utiliser le plus intensément, est le travail ; si sa rémunération baisse cela signifie baisse des revenus des ménages et baisse de la consommation. En outre, il se peut que, dans les faits, tous les biens produits localement voient leur prix baisser suite à l’ouverture. 366

marchés locaux et des échanges entre pays du Sud 18 , bien plus que l’insertion dans le marché mondial qui passe souvent par la monopolisation publique ou privée de l’achat et de la vente de la production locale. Dans ce cadre, il faut aussi noter, comme le souligne Mary Robinson, qu’il convient de ne pas appliquer des règles identiques à des pays différents. Si les agriculteurs pauvres des pays du Sud ne sont pas des FTN, le droit commercial stipule néanmoins un principe de non-discrimination qui implique que les mêmes règles s’appliquent de manière identique à ces deux types d’acteurs. Or, « traiter comme égales des entités inégales est problématique du point de vue de la promotion et de la protection des droits de l’homme et pourrait entraîner l’institutionnalisation de la discrimination à l’encontre des pauvres et des groupes marginalisés. Dans la législation des droits de l’homme, le principe de non-discrimination n’est pas synonyme d’égalité de traitement pour tous dans tous les cas » (Commission des droits de l’homme, 2002b, p. 18). Nous pouvons interpréter ce fait de la façon qui suit : l’absence de discrimination signifie que les pauvres doivent avoir le même accès aux biens alimentaires que les autres, ce qui implique des mesures qui peuvent aller de la subvention à la consommation, à l’obligation pour les firmes de vendre leur produit à un prix uniforme sur tout le territoire. Cela peut aussi passer par des avantages concédés aux seuls producteurs locaux, contrairement à la clause du « traitement national ». En effet, cette clause stipule que « les produits importés et les produits de fabrication locale doivent être traités de manière égale, du moins une fois que le produit importé a été admis sur le marché. » 19 . Cette clause, second pilier de l’OMC 20 , implique donc qu’aucun avantage spécifique ne doit être accordé aux producteurs locaux, ce qui peut nuire à la mise en place de mesures favorables à l’accessibilité, mais aussi au droit au développement. Du point de vue de la qualité, le même type de questions se posent mais, selon nous, de manière plus problématique encore. La qualité des marchandises disponibles, ainsi que leur adéquation aux valeurs culturelles, sont ici mises en jeu. L’ouverture au commerce mondial signifie tout d’abord la substitution de marchandises importées et 18 A cet égard, certains auteurs vont même jusqu’à proposer la création d’une monnaie « interne » aux pays du Sud, afin de développer leurs échanges en évitant les intermédiaires occidentaux, cf. (de Bernis, 1998). Gunnar Myrdal (1960, p. 208-213) notait déjà que les échanges entre pays du Sud étaient faibles, et ce à l’avantage à court terme des pays du Nord. A contrario, pour l’intérêt à long terme de la stabilité mondiale, il préconisait le développement des infrastructures de transport et de commerce entre pays du Sud. 19 Cf. le site de l’OMC : http://www.wto.org/french/thewto_f/whatis_f/tif_f/fact2_f.htm, dernière visite : juillet 2002. 20 Le premier pilier est la clause de la nation la plus favorisée qui stipule que tout avantage donné à un pays doit être accordé également à tous les autres membres de l’OMC. 367

marchés locaux et <strong><strong>de</strong>s</strong> échanges entre pays du Sud 18 , bien plus que l’insertion dans le<br />

marché mondial qui passe souvent par la monopolisation publique ou privée <strong>de</strong> l’achat et<br />

<strong>de</strong> la vente <strong>de</strong> la production locale. Dans ce cadre, il faut aussi noter, comme le souligne<br />

Mary Robinson, qu’il convient <strong>de</strong> ne pas appliquer <strong><strong>de</strong>s</strong> règles i<strong>de</strong>ntiques à <strong><strong>de</strong>s</strong> pays<br />

différents. Si les agriculteurs pauvres <strong><strong>de</strong>s</strong> pays du Sud ne sont pas <strong><strong>de</strong>s</strong> FTN, le droit<br />

commercial stipule néanmoins un principe <strong>de</strong> non-discrimination qui implique que les<br />

mêmes règles s’appliquent <strong>de</strong> manière i<strong>de</strong>ntique à ces <strong>de</strong>ux types d’acteurs. Or, « traiter<br />

comme égales <strong><strong>de</strong>s</strong> entités inégales est problématique du point <strong>de</strong> vue <strong>de</strong> la promotion et <strong>de</strong><br />

la protection <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>droits</strong> <strong>de</strong> l’homme et pourrait entraîner l’institutionnalisation <strong>de</strong> la<br />

discrimination à l’encontre <strong><strong>de</strong>s</strong> pauvres et <strong><strong>de</strong>s</strong> groupes marginalisés. Dans la législation<br />

<strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>droits</strong> <strong>de</strong> l’homme, le principe <strong>de</strong> non-discrimination n’est pas synonyme d’égalité <strong>de</strong><br />

traitement pour tous dans tous les cas » (Commission <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>droits</strong> <strong>de</strong> l’homme, 2002b, p.<br />

18). Nous pouvons interpréter ce fait <strong>de</strong> la façon qui suit : l’absence <strong>de</strong> discrimination<br />

signifie que les pauvres doivent avoir le même accès aux biens alimentaires que les autres,<br />

ce qui implique <strong><strong>de</strong>s</strong> mesures qui peuvent aller <strong>de</strong> la subvention à la consommation, à<br />

l’obligation pour les firmes <strong>de</strong> vendre leur produit à un prix uniforme sur tout le territoire.<br />

Cela peut aussi passer par <strong><strong>de</strong>s</strong> avantages concédés aux seuls producteurs locaux,<br />

contrairement à la clause du « traitement national ». En effet, cette clause stipule que « les<br />

produits importés et les produits <strong>de</strong> fabrication locale doivent être traités <strong>de</strong> manière égale,<br />

du moins une fois que le produit importé a été admis sur le marché. » 19 . Cette clause,<br />

second pilier <strong>de</strong> l’OMC 20 , implique donc qu’aucun avantage spécifique ne doit être<br />

accordé aux producteurs locaux, ce qui peut nuire à la mise en place <strong>de</strong> mesures favorables<br />

à l’accessibilité, mais aussi au droit au développement.<br />

Du point <strong>de</strong> vue <strong>de</strong> la qualité, le même type <strong>de</strong> questions se posent mais, selon<br />

nous, <strong>de</strong> manière plus problématique encore. La qualité <strong><strong>de</strong>s</strong> marchandises disponibles,<br />

ainsi que leur adéquation aux valeurs culturelles, sont ici mises en jeu. L’ouverture au<br />

commerce mondial signifie tout d’abord la substitution <strong>de</strong> marchandises importées et<br />

18 A cet égard, certains auteurs vont même jusqu’à proposer la création d’une monnaie « interne » aux pays<br />

du Sud, afin <strong>de</strong> développer leurs échanges en évitant les intermédiaires occi<strong>de</strong>ntaux, cf. (<strong>de</strong> Bernis, 1998).<br />

Gunnar Myrdal (1960, p. 208-213) notait déjà que les échanges entre pays du Sud étaient faibles, et ce à<br />

l’avantage à court terme <strong><strong>de</strong>s</strong> pays du Nord. A contrario, pour l’intérêt à long terme <strong>de</strong> la stabilité mondiale, il<br />

préconisait le développement <strong><strong>de</strong>s</strong> infrastructures <strong>de</strong> transport et <strong>de</strong> commerce entre pays du Sud.<br />

19 Cf. le site <strong>de</strong> l’OMC : http://www.wto.org/french/thewto_f/whatis_f/tif_f/fact2_f.htm, <strong>de</strong>rnière visite : juillet<br />

2002.<br />

20 Le premier pilier est la clause <strong>de</strong> la nation la plus favorisée qui stipule que tout avantage donné à un pays<br />

doit être accordé également à tous les autres membres <strong>de</strong> l’OMC.<br />

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