l'economie des droits de l'homme - creden - Université Montpellier I

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encouragés à se spécialiser dans le secteur des matières premières, dont le secteur agricole, le seul fait qu’ils se concentrent tous sur la production de marchandises d’exportation identiques risque de provoquer un excès d’offre faisant baisser les prix 14 . Et alors ? dira-ton ; la baisse des prix n’était-elle pas l’objectif visé afin de garantir la sécurité alimentaire ? Peut-être. Cependant, les marchandises d’exportation n’étant pas des produits de consommation courante, la baisse des prix ne veut pas dire meilleure alimentation mais baisse de revenus et réduction des importations, y compris agricoles. En outre, si des prix bas étaient l’objectif ultime, alors pourquoi avoir, au point de départ, encouragé l’élimination des subventions à la consommation ? La réponse est tautologique : pour accroître l’offre puisque plus on a de marchandises et plus on peut consommer. La logique du modèle d’offre n’est donc pas incohérente, elle est seulement inefficace. Pourquoi ? Parce que les disettes et famines et les problèmes de sous-consommation ne sont pas fondamentalement liés à la quantité mais au pouvoir d’achat (cf. les analyses de Sen, par exemple). Par conséquent, en réduisant les cultures vivrières et en favorisant la concentration des terres, puis en causant des fluctuations et des baisses des prix, la logique du modèle d’offre et des avantages comparatifs génère une aggravation du problème alimentaire, et non sa solution. b. ... à la question des droits de l’homme. Pour le Comité des droits économiques, sociaux et culturels de l’ONU, le droit à une nourriture suffisante repose sur la disponibilité, l’accessibilité et la viabilité des approvisionnements alimentaires, cf. (Commission des droits de l’homme, 2002b). Ce triptyque, disponibilité, accessibilité, viabilité (ou qualité), vient à l’origine d’un rapport sur le droit à l’éducation rédigé par Katarina Tomasevski (Commission des droits de l’homme, 1999). Ce rapport construit un cadre d’analyse basé sur les quatre principes de dotation ou de disponibilité (« Availability »), d’accessibilité (« Accessibility »), d’acceptabilité (« Acceptability »), et d’adaptabilité (« Adaptability »). Ces principes ont été réduits et généralisés par la suite dans plusieurs travaux de, ou pour, la Commission. L’International Anti-Poverty Law Center a ainsi suggéré que chaque droit économique, 14 Du point de vue formel, faire acte de sophisme de composition signifie que l’on croit que, parce qu’une propriété est vraie d’une partie d’un tout, elle l’est aussi, pour cette seule raison, du tout. Ici, parce que l’on croit qu’un pays du Sud va gagner en se spécialisant dans les produits agricoles (ou les matières premières), on croit aussi que tous les pays du Sud vont gagner s’ils se spécialisent dans les produits agricoles (ou les matières premières, le cas du cuivre, par exemple, ayant été célèbre à cet égard). 364

social ou culturel fondamental puisse être envisagé à travers les trois principes suivants, cf. (Green, 2001, p. 1073, notre traduction) : « Disponibilité : les biens et services nécessaires à la réalisation du droit sont-ils disponibles au sein du pays ? Accessibilité : l’accès aux biens nécessaires à la réalisation du droit est-il garanti ? L’est-il pour tous les membres de la société, ce qui inclut les questions d’accessibilité géographique, de solvabilité et d’absence de discrimination ? Qualité : l’état actuel des biens et services requis pour la réalisation du droit est-il adéquat ? – Ce qui inclut les questions du contrôle de la nourriture et du logement par rapport à la santé et à la sécurité, le niveau d’approfondissement de l’instruction, et l’adéquation culturelle des biens et services. » Nous garderons, dans un souci de simplicité, le trio « disponibilité, accessibilité et qualité » ainsi défini. Il nous semble, en outre, qu’il peut être étendu sans grande difficulté et avec pertinence aux droits civils et politiques. Quoi qu’il en soit, il est intéressant de voir les implications d’une telle démarche en ce qui concerne l’approvisionnement alimentaire et l’impact de la libéralisation sur celui-ci. Du point de vue de la disponibilité, l’Accord sur l’agriculture de l’OMC peut être à la fois un facteur d’accroissement et une contrainte. Cet accord vise la réduction du soutien et de la protection de l’agriculture sous trois rubriques : l’accès au marché, les subventions à l’exportation et le soutien interne. Dans ce cadre, réduire les restrictions de l’accès au marché, par exemple les barrières douanières ou les quotas aux importations, peut accroître la disponibilité des denrées agricoles, mais aussi des intrants (engrais, semences, tracteurs, etc.) nécessaires à des cultures internes plus productives. La suppression des subventions aux exportations et du soutien interne à l’agriculture des pays du Nord, peut être « une étape importante vers l’instauration d’un ordre juste sur le plan social et sur le plan international, ainsi qu’il est envisagé à l’article 28 de la Déclaration universelle » (Commission des droits de l’homme, 2002b, p. 10). En effet, les subventions à l’exportation, mais aussi et surtout le soutien interne (subvention à l’agriculture, Politique Agricole Commune, etc.), lorsqu’il se concentre dans les pays du Nord 15 « et prend une telle ampleur qu’il fausse les échanges et fait obstacle à la concurrence aux dépens de producteurs et de négociants plus pauvres » peut être incompatible avec un ordre juste sur 15 Le soutien interne à la production, s’il se fait au détriment des consommateurs imposables, peut toutefois être, dans les pays du Sud, un moyen de promouvoir le développement agricole, c’est-à-dire le droit au développement des producteurs. 365

encouragés à se spécialiser dans le secteur <strong><strong>de</strong>s</strong> matières premières, dont le secteur agricole,<br />

le seul fait qu’ils se concentrent tous sur la production <strong>de</strong> marchandises d’exportation<br />

i<strong>de</strong>ntiques risque <strong>de</strong> provoquer un excès d’offre faisant baisser les prix 14 . Et alors ? dira-ton<br />

; la baisse <strong><strong>de</strong>s</strong> prix n’était-elle pas l’objectif visé afin <strong>de</strong> garantir la sécurité<br />

alimentaire ? Peut-être. Cependant, les marchandises d’exportation n’étant pas <strong><strong>de</strong>s</strong> produits<br />

<strong>de</strong> consommation courante, la baisse <strong><strong>de</strong>s</strong> prix ne veut pas dire meilleure alimentation mais<br />

baisse <strong>de</strong> revenus et réduction <strong><strong>de</strong>s</strong> importations, y compris agricoles. En outre, si <strong><strong>de</strong>s</strong> prix<br />

bas étaient l’objectif ultime, alors pourquoi avoir, au point <strong>de</strong> départ, encouragé<br />

l’élimination <strong><strong>de</strong>s</strong> subventions à la consommation ? La réponse est tautologique : pour<br />

accroître l’offre puisque plus on a <strong>de</strong> marchandises et plus on peut consommer. La logique<br />

du modèle d’offre n’est donc pas incohérente, elle est seulement inefficace. Pourquoi ?<br />

Parce que les disettes et famines et les problèmes <strong>de</strong> sous-consommation ne sont pas<br />

fondamentalement liés à la quantité mais au pouvoir d’achat (cf. les analyses <strong>de</strong> Sen, par<br />

exemple). Par conséquent, en réduisant les cultures vivrières et en favorisant la<br />

concentration <strong><strong>de</strong>s</strong> terres, puis en causant <strong><strong>de</strong>s</strong> fluctuations et <strong><strong>de</strong>s</strong> baisses <strong><strong>de</strong>s</strong> prix, la logique<br />

du modèle d’offre et <strong><strong>de</strong>s</strong> avantages comparatifs génère une aggravation du problème<br />

alimentaire, et non sa solution.<br />

b. ... à la question <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>droits</strong> <strong>de</strong> l’homme.<br />

Pour le Comité <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>droits</strong> économiques, sociaux et culturels <strong>de</strong> l’ONU, le droit à<br />

une nourriture suffisante repose sur la disponibilité, l’accessibilité et la viabilité <strong><strong>de</strong>s</strong><br />

approvisionnements alimentaires, cf. (Commission <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>droits</strong> <strong>de</strong> l’homme, 2002b). Ce<br />

triptyque, disponibilité, accessibilité, viabilité (ou qualité), vient à l’origine d’un rapport<br />

sur le droit à l’éducation rédigé par Katarina Tomasevski (Commission <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>droits</strong> <strong>de</strong><br />

l’homme, 1999). Ce rapport construit un cadre d’analyse basé sur les quatre principes <strong>de</strong><br />

dotation ou <strong>de</strong> disponibilité (« Availability »), d’accessibilité (« Accessibility »),<br />

d’acceptabilité (« Acceptability »), et d’adaptabilité (« Adaptability »). Ces principes ont<br />

été réduits et généralisés par la suite dans plusieurs travaux <strong>de</strong>, ou pour, la Commission.<br />

L’International Anti-Poverty Law Center a ainsi suggéré que chaque droit économique,<br />

14 Du point <strong>de</strong> vue formel, faire acte <strong>de</strong> sophisme <strong>de</strong> composition signifie que l’on croit que, parce qu’une<br />

propriété est vraie d’une partie d’un tout, elle l’est aussi, pour cette seule raison, du tout. Ici, parce que l’on<br />

croit qu’un pays du Sud va gagner en se spécialisant dans les produits agricoles (ou les matières premières),<br />

on croit aussi que tous les pays du Sud vont gagner s’ils se spécialisent dans les produits agricoles (ou les<br />

matières premières, le cas du cuivre, par exemple, ayant été célèbre à cet égard).<br />

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