l'economie des droits de l'homme - creden - Université Montpellier I

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pourrait être considéré comme un bien public 6 , mais le risque est alors de voir les droits de l’homme réduits à ceux qui peuvent être des outils de promotion des valeurs marchandes. Ils sont alors assimilés aux libertés économiques (cf. section II, infra), qui bénéficient surtout aux grands groupes commerciaux et aux couches de la population les plus riches. Cela ne va pas sans soulever de graves problèmes, notamment dans les domaines de la sécurité alimentaire et de la santé. B. Le commerce contre les droits de l’homme ? L’ouverture commerciale internationale a pris place au sein des « rounds » du GATT (General Agreement on Tariffs and Trade) remplacé par l’OMC en 1998. Dans ces différents rounds de négociation, divers secteurs ont été abordés. L’agriculture et la question des droits de propriété intellectuelle en matière de santé sont les deux domaines qui posent les problèmes les plus délicats, notamment en matière de développement et de rapport Nord-Sud. Cependant, des mécanismes existent au sein de l’OMC, susceptibles d’inclure des préoccupations en termes de droits de l’homme pour régler ces problèmes. Nous allons traiter ces trois points successivement : le droit à l’alimentation face à l’ouverture commerciale, le droit à la santé face à la mondialisation, et les possibilités actuelles de prises en compte des droits de l’homme au sein de l’OMC. 6 Cf. (Birsdall et Lawrence, 1999). Cet article, paru dans une publication parrainée par le PNUD, ne laisse pas de surprendre par sa croyance affichée envers la perfectibilité du marché. Petersmann (2001) se réjouit quant à lui de voir que l’ancienne idéologie de revendication d’un Nouvel Ordre Economique International a été abandonnée au profit d’une approche plus consensuelle. Comme nous l’avons déjà souligné, nous n’entendons pas remettre en cause la pertinence, en soi, du marché et, au surplus, nous défendons dans ce cadre la vision néo-classique pure (ou « fondamentaliste ») de l’équilibre général à la Arrow-Debreu. Cependant, il est important de noter que, d’une part, le marché international fonctionne mal (par exemple, les FTN ne sont pas des agents sans pouvoir) et que, d’autre part, le marché et le capitalisme sont deux choses à distinguer. Le capitalisme est, lui, hautement condamnable par son extension démesurée à l’ensemble du globe et à l’ensemble des sphères. Par conséquent, nous sommes plutôt de ceux qui, tout en reconnaissant que la négociation pacifique et démocratique est la meilleure voie possible, regrettent la désuétude de la revendication « révolutionnaire » d’un Nouvel Ordre Economique International et restent convaincus de son actualité. Nous suivons, par ailleurs, Mary Robinson, Haute-Commissaire des Nations-Unies aux droits de l’homme, lorsqu’elle écrit qu’une « libéralisation juste et équitable du commerce découlant d’une prise en considération des droits de l’homme dans les règles de l’OMC ne peut que représenter une étape importante sur la voie de l’instauration d’un ordre international et social juste, à défaut duquel les inégalités existantes risquent de se perpétuer voire de s’accentuer. » (Commission des droits de l’homme, 2002b, p. 5). Cela peut signifier que la revendication d’un Nouvel Ordre Economique International doit impérativement passer par la revendication des droits de l’homme. 360

1. La question agricole. a. D’un point de vue théorique général... En 1943, à la conférence de Hot Springs, il a été souligné le rôle des Etats et de la coopération internationale dans la garantie de la sécurité alimentaire (Lehman, 1996). Ce rôle des Etats a été renforcé par le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels dont l’article 11, alinéa 2 proclame le droit fondamental d’être à l’abri de la faim et fixe différentes mesures pour réaliser ce droit, les Etats s’engageant à mettre en œuvre des programmes concrets, notamment : « b) pour assurer une répartition équitable des ressources alimentaires mondiales par rapport aux besoins, compte tenu des problèmes qui se posent tant aux pays importateurs qu’aux pays exportateurs de denrées alimentaires » (notre soulignement). Néanmoins, l’idée qui a prévalu depuis est celle de la perfection du marché et des vertus du libre-échange capables d’assurer la meilleure allocation possible des ressources, et donc de garantir la sécurité alimentaire planétaire. Mais cela implique l’abolition de toutes les interventions publiques sur les prix, afin de garantir un marché concurrentiel. Cet argument ne manque d’ailleurs pas de pertinence, un marché de concurrence pure et parfaite où les barrières douanières seraient inexistantes, conduirait sans doute à des prix des denrées alimentaires plus faibles et donc plus accessibles. Néanmoins, dans le monde réel, cela est un peu plus compliqué pour deux raisons. − En premier lieu, les FTN de l’alimentation « ne se préoccupent guère de l’indépendance alimentaire de populations entières exposées à la faim » (Draï, 1984, p. 28). Ce qui signifie aussi que le marché ne prend en compte que la demande solvable et que, outre les FTN, les simples marchands locaux peuvent faire monter les prix et créer artificiellement des famines comme, par exemple, au Bangladesh en 1974, cf. (Drèze et Sen, 1995, p. 17-18). Nous n’insisterons pas à nouveau sur ce défaut principal du marché qui est de ne pas tenir compte des besoins non solvables. Il est par contre remarquable de voir que même une simple poignée de « traders » peut influencer le prix ; les faits, une fois n’est peut-être pas coutume, sont donc bien loin de la théorie. − En second lieu, les négociations sur la libéralisation du commerce agricole ont notamment pour objet de réduire les subventions à l’exportation. Dans un premier temps, on peut penser qu’une telle mesure est a priori profitable aux pays du Sud. En effet, ce sont principalement les pays du Nord qui utilisent ce type d’instruments. Ils 361

pourrait être considéré comme un bien public 6 , mais le risque est alors <strong>de</strong> voir les <strong>droits</strong> <strong>de</strong><br />

l’homme réduits à ceux qui peuvent être <strong><strong>de</strong>s</strong> outils <strong>de</strong> promotion <strong><strong>de</strong>s</strong> valeurs marchan<strong><strong>de</strong>s</strong>.<br />

Ils sont alors assimilés aux libertés économiques (cf. section II, infra), qui bénéficient<br />

surtout aux grands groupes commerciaux et aux couches <strong>de</strong> la population les plus riches.<br />

Cela ne va pas sans soulever <strong>de</strong> graves problèmes, notamment dans les domaines <strong>de</strong> la<br />

sécurité alimentaire et <strong>de</strong> la santé.<br />

B. Le commerce contre les <strong>droits</strong> <strong>de</strong> l’homme ?<br />

L’ouverture commerciale internationale a pris place au sein <strong><strong>de</strong>s</strong> « rounds » du<br />

GATT (General Agreement on Tariffs and Tra<strong>de</strong>) remplacé par l’OMC en 1998. Dans ces<br />

différents rounds <strong>de</strong> négociation, divers secteurs ont été abordés. L’agriculture et la<br />

question <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>droits</strong> <strong>de</strong> propriété intellectuelle en matière <strong>de</strong> santé sont les <strong>de</strong>ux domaines<br />

qui posent les problèmes les plus délicats, notamment en matière <strong>de</strong> développement et <strong>de</strong><br />

rapport Nord-Sud. Cependant, <strong><strong>de</strong>s</strong> mécanismes existent au sein <strong>de</strong> l’OMC, susceptibles<br />

d’inclure <strong><strong>de</strong>s</strong> préoccupations en termes <strong>de</strong> <strong>droits</strong> <strong>de</strong> l’homme pour régler ces problèmes.<br />

Nous allons traiter ces trois points successivement : le droit à l’alimentation face à<br />

l’ouverture commerciale, le droit à la santé face à la mondialisation, et les possibilités<br />

actuelles <strong>de</strong> prises en compte <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>droits</strong> <strong>de</strong> l’homme au sein <strong>de</strong> l’OMC.<br />

6 Cf. (Birsdall et Lawrence, 1999). Cet article, paru dans une publication parrainée par le PNUD, ne laisse<br />

pas <strong>de</strong> surprendre par sa croyance affichée envers la perfectibilité du marché. Petersmann (2001) se réjouit<br />

quant à lui <strong>de</strong> voir que l’ancienne idéologie <strong>de</strong> revendication d’un Nouvel Ordre Economique International a<br />

été abandonnée au profit d’une approche plus consensuelle. Comme nous l’avons déjà souligné, nous<br />

n’entendons pas remettre en cause la pertinence, en soi, du marché et, au surplus, nous défendons dans ce<br />

cadre la vision néo-classique pure (ou « fondamentaliste ») <strong>de</strong> l’équilibre général à la Arrow-Debreu.<br />

Cependant, il est important <strong>de</strong> noter que, d’une part, le marché international fonctionne mal (par exemple, les<br />

FTN ne sont pas <strong><strong>de</strong>s</strong> agents sans pouvoir) et que, d’autre part, le marché et le capitalisme sont <strong>de</strong>ux choses à<br />

distinguer. Le capitalisme est, lui, hautement condamnable par son extension démesurée à l’ensemble du<br />

globe et à l’ensemble <strong><strong>de</strong>s</strong> sphères. Par conséquent, nous sommes plutôt <strong>de</strong> ceux qui, tout en reconnaissant que<br />

la négociation pacifique et démocratique est la meilleure voie possible, regrettent la désuétu<strong>de</strong> <strong>de</strong> la<br />

revendication « révolutionnaire » d’un Nouvel Ordre Economique International et restent convaincus <strong>de</strong> son<br />

actualité. Nous suivons, par ailleurs, Mary Robinson, Haute-Commissaire <strong><strong>de</strong>s</strong> Nations-Unies aux <strong>droits</strong> <strong>de</strong><br />

l’homme, lorsqu’elle écrit qu’une « libéralisation juste et équitable du commerce découlant d’une prise en<br />

considération <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>droits</strong> <strong>de</strong> l’homme dans les règles <strong>de</strong> l’OMC ne peut que représenter une étape importante<br />

sur la voie <strong>de</strong> l’instauration d’un ordre international et social juste, à défaut duquel les inégalités existantes<br />

risquent <strong>de</strong> se perpétuer voire <strong>de</strong> s’accentuer. » (Commission <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>droits</strong> <strong>de</strong> l’homme, 2002b, p. 5). Cela peut<br />

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